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23/06/2011 | FRANCE | N°10/06829

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 23 juin 2011, 10/06829


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/06829





SA SEROBA

C/

[T]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 09 septembre 2010

RG : F 07/00276











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 23 JUIN 2011













APPELANTE :



SA SEROBA

[Adresse 5]

[Localité 1]



représentée par Maître Eric DEZ, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE substitué par Maître Eric DEHAN, avocat au barreau de LYON









INTIMÉ :



[U] [T]

né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par M. [P] [N] (Délégué syndical ouvrier...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/06829

SA SEROBA

C/

[T]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 09 septembre 2010

RG : F 07/00276

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 23 JUIN 2011

APPELANTE :

SA SEROBA

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Maître Eric DEZ, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE substitué par Maître Eric DEHAN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[U] [T]

né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par M. [P] [N] (Délégué syndical ouvrier)

PARTIES CONVOQUÉES LE : 19 octobre 2010

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 avril 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Françoise CARRIER, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Annick PELLETIER, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 juin 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

La Société SEROBA est spécialisée dans la conception et la construction d'équipements en acier inoxydable pour l'industrie principalement agroalimentaire.

Elle relève de la convention collective étendue de la métallurgie de l'Ain.

[U] [T] a été engagé par la Société SEROBA suivant contrat à durée indéterminée du 22 septembre 1988 en qualité de monteur-metteur au point.

Il a été titulaire d'un mandat de délégué du personnel à compter du 15 juin 1998.

Au début de l'année 2000, la Société SEROBA a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de [U] [T] pour motif économique. Cette demande a été rejetée par décision du 30 mars 2000.

Le 7 décembre 2000, la Société SEROBA, reprochant au salarié d'avoir fabriqué pendant son temps de travail avec des matériels et matériaux de l'entreprise des pièces métalliques destinées à son usage personnel, a engagé une nouvelle procédure de licenciement de [U] [T] pour faute grave avec mise à pied conservatoire.

L'inspection du travail a refusé d'autoriser ce licenciement par décision du 25 janvier 2001. Cette décision a été annulée par jugement du tribunal administratif du 27 mars 2002 qui a été frappé d'appel par [U] [T].

Le 5 juin 2002, la Société SEROBA a à nouveau saisi l'inspection du travail d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement qui a été accordée le 21 juin 2002 et confirmée par le ministre le 31 octobre 2002.

[U] [T] a été licencié le 2 juillet 2002. Il a saisi le tribunal administratif de LYON d'un recours en annulation des décisions de l'inspection du travail et du ministre dont il a été débouté par jugement du 26 octobre 2002.

La cour administrative d'appel saisie des appels contre ce jugement et contre celui du 27 mars 2002, a, par un unique arrêt du 12 décembre 2006, débouté [U] [T] de sa demande d'annulation du jugement du 27 mars 2002 mais a annulé les décisions de l'inspection et du ministre du travail en date des 21 juin et 31 octobre 2002 en raison d'un vice de forme lié à une erreur de l'inspecteur du travail dans la procédure d'enquête.

Le 12 février 2007, [U] [T] a demandé sa réintégration dans l'entreprise en vertu de cet arrêt. Ayant été victime d'un accident du travail en novembre 2001, il a passé une visite de reprise et suivant avis du 16 février 2007, le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise.

Le 7 février 2007, la Société SEROBA a formulé une nouvelle demande d'autorisation de licenciement pour le même motif disciplinaire, autorisation qui a été accordée par l'inspection du travail le 8 mars 2007 et [U] [T] a été licencié le 15 mars 2007. Les faits invoqués à l'appui de la demande étant amnistiés, l'inspection du travail a retiré son autorisation le 6 juillet 2007.

Le 12 juillet 2007, [U] [T] a demandé une nouvelle fois sa réintégration et été à nouveau déclaré inapte à tout poste lors de la visite de reprise.

La Société SEROBA a alors engagé les consultations réglementaires pour procéder au licenciement pour inaptitude de [U] [T]. Par décision du 31 août 2007, l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent au motif que [U] [T] ne bénéficiait plus du statut de salarié protégé.

Le 12 septembre 2007, [U] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de BOURG EN BRESSE à l'effet d'obtenir le paiement de l'indemnité prévue à l'article 2422-4 du code du travail ainsi que des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 9 septembre 2010, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de [U] [T] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la Société SEROBA à lui payer les sommes suivantes :

- 62 714 € au titre des salaires de la période de juillet 2002 à septembre 2007,

- 14 195 € au titre des congés payés afférents,

- 9 206 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 13 520 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 506 € à titre d'indemnité de préavis et 451 € au titre des congés payés afférents,

- 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société SEROBA a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Au terme de ses écritures reçues au greffe le 19 avril 2011 et soutenues oralement à l'audience, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à voir dire bien fondés les licenciements pour faute grave dont [U] [T] a fait l'objet les 2 juillet 2002 et 15 mars 2007 et à voir dire que son indemnisation liée à l'annulation des autorisations de licenciement doit être limitée à la somme de 28 450,11 €.

Au terme de ses écritures reçues au greffe le 7 avril 2011, [U] [T] demande à voir :

- dire qu'en l'absence d'autorisation administrative son licenciement est nul,

- fixer son salaire brut mensuel à la moyenne de 2 360,76 €, base de calcul des indemnisations,

- condamner la Société SEROBA à lui payer les sommes suivantes :

' 4 721 € à titre d'indemnité de préavis et 472 € au titre des congés payés afférents,

' 9 794,79 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ce outre intérêts légaux à compter du 13 décembre 2007,

' 56 658 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 82 104 € à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier compensant les pertes directes de rémunération de juillet 2002 à septembre 2007, ce outre intérêts légaux à compter du 13 décembre 2007,

' 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'indemnité sur le fondement de l'article L 2422-4 du code du travail

Selon l'article L 2422-4 du code du travail, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L 2422-1 du code du travail a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

Le salarié fait valoir que son indemnisation doit couvrir la période de juillet 2002 à septembre 2007 ; qu'au cours de la période considérée, il aurait dû percevoir une somme de 161 344 € sur la base d'un salaire mensuel de 2 360,76 € et que le montant des allocations maladie et chômage perçues ne s'est élevé qu'à 79 240 € soit une perte de 82 104 €.

L'employeur soutient que cette indemnité doit être calculée sur le salaire net que percevait le salarié et déduction faite de tous les revenus qu'il a perçus au cours de la période ; que le salaire de référence est un salaire brut de 2 253,24 € et non de 2 365,76 € comme prétendu par le salarié, soit un salaire net de 1 755,55 € ; qu'il y a lieu d'appliquer sur les allocations de chômage un taux de CSG de 6,2 % après abattement de 3 % et un taux de CRDS de 0,5 % après abattement de 3 % ; qu'en conséquence, le solde à revenir au salarié est de 28 450,11 €.

L'article L 2422-4 du code du travail précise que l'indemnité qu'il instaure constitue un complément de salaire et que son paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes. Son calcul doit s'effectuer en brut comme c'est le cas pour un salaire, à charge pour l'employeur de verser les charges sociales afférentes.

C'est par conséquent à bon droit que le conseil de prud'hommes a effectué le calcul de l'indemnité sur la base du salaire brut.

Le salaire de référence à retenir est le dernier salaire perçu par le salarié. Le conseil de prud'hommes a justement retenu que les bulletins de paie faisaient apparaître un salaire moyen mensuel de 2 253,24 € pour les six premiers mois de 2002. La base de calcul de l'indemnité s'établit donc à 62 x 2 253,24 € = 139 700,88 €.

Doivent être déduites de cette base, les indemnités maladie et de chômage perçues au cours de la même période ainsi que les pensions de retraite pour leur montant avant précompte des contributions sociales et impositions de toute nature que la loi met à la charge du salarié.

Cette indemnité étant destinée à compenser un préjudice, elle n'ouvre pas droit à l'indemnité pour congés payés.

Il résulte des relevés versés aux débats par le salarié que celui-ci a perçu les indemnités journalières (IJ) et allocations de chômage (AC) suivantes (en brut) :

- IJ du 2 juillet au 31 décembre 2002 : 183 jours x 59,3410 859,22 €

- IJ du 1er janvier au 15 septembre 2003 : 258 jours x 59,3415 309,72 €

- AC du 24 septembre au 31 décembre 2003 : 99 jours x 43,85 4 341,15 €

- AC du 1er janvier au 30 avril 2004 : 121 jours x 43,85 5 305,85 €

- IJ du 3 mai au 29 octobre 2004 : 180 jours x 37,52 6 753,60 €

- IJ du 30 octobre au 23 décembre 2004 : 55 jours x 38,64 2 125,20 €

- AC du 24 novembre au 31 décembre 2004 : 38 jours x 44,29 1 683,02 €

- AC du 1er janvier au 31 décembre 2005 : 365 jours x 44,2916 165,85 €

- AC du 1er janvier 2006 au 30 juin 2006 : 181 jours à 44,29 8 016,49 €

- AC du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 : 365 jours x 45,17 16 487,05 €

- AC du 1er juillet au 31 août 2007 : 62 x 46,05 2 855,10 €

TOTAL 89 902,25 €

L'indemnité à revenir à [U] [T] s'établit en conséquence à : 139 700,88 € -

89 902,25 € = 49 798,63 €.

Sur le licenciement

Par lettre recommandée du 15 mars 2007, le salarié a été licencié dans les termes suivants :

'Vous avez le 7 décembre 2000, usiné sur des machines de l'entreprise, durant vos heures de travail et sans notre autorisation, des pièces destinées à votre usage personnel, déposées par la suite dans votre casier.

Eu égard à la gravité de votre comportement, la rupture du contrat prendra effet à réception de la présente'.

L'employeur fait valoir que la seule annulation de l'autorisation de licenciement du salarié ne préjuge en rien du caractère réel et sérieux du licenciement ; que la cour administrative d'appel a retenu dans son arrêt du 12 décembre 2006 que la matérialité des faits reprochés était établie et qu'il n'était pas démontré que la procédure de licenciement était en rapport avec les fonctions représentatives de [U] [T] ; que la sanction prise à l'égard du salarié est proportionnée.

Le salarié soutient d'une part que l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement a pour conséquence que le licenciement prononcé est nul et irrégulier pour violation du statut protecteur et d'autre part que les faits invoqués pour justifier le licenciement sont amnistiés en application de la loi d'amnistie du 6 août 2002.

Le salarié protégé licencié dont l'autorisation de licenciement a été annulée et qui ne demande pas sa réintégration a droit, le cas échéant, aux indemnités dues selon le droit commun en cas de licenciement s'il remplit les conditions pour en bénéficier.

En l'espèce, par décision du 6 juillet 2007, l'inspecteur du travail a retiré l'autorisation de licenciement donnée le 8 mars 2007 au motif que les faits reprochés au salarié n'étaient pas d'une gravité suffisante pour être exclus du champ de l'amnistie comme étant contraires à la probité et aux bonnes moeurs.

La décision administrative qui, se prononçant sur les faits fautifs invoqués par l'employeur, a retenu, qu'à la lumière de la loi d'amnistie, ces faits n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, s'impose au juge judiciaire et lui interdit de retenir l'existence d'une juste cause de licenciement. C'est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et qu'ils ont fait droit aux demandes d'indemnités de rupture.

Le montant des indemnités ainsi allouées n'étant pas critiqué, elles seront purement et simplement confirmées.

Eu égard à l'âge du salarié à la date du licenciement, des circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et des difficultés de réinsertion professionnelle rencontrées, le conseil de prud'hommes a également fait une juste appréciation du préjudice subi par le salarié du fait du licenciement et le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.

L'équité commande d'allouer à [U] [T] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré,

REFORME le jugement déféré sur la condamnation prononcée au titre des salaires de période de juillet 2002 à septembre 2007 et des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la Société SEROBA à payer à [U] [T] la somme de 49 798,63 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 2422-4 du code du travail ;

DIT que cette indemnité constitue un complément de salaire soumis à cotisations sociales ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions :

Y ajoutant :

DIT que les intérêts légaux courent à compter du 13 décembre 2007 sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, sur l'indemnité conventionnelle de licenciement et sur l'indemnité compensatrice de l'article L 2422-4 du code du travail ;

CONDAMNE la Société SEROBA à payer à [U] [T] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/06829
Date de la décision : 23/06/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/06829 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-23;10.06829 ?
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