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22/06/2011 | FRANCE | N°10/05586

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 22 juin 2011, 10/05586


AFFAIRE PRUD'HOMALE :



DOUBLE RAPPORTEUR









R.G : 10/05586



[P]

C/

SOCIÉTÉ ALMA CONSULTING GROUP





Appel d'une décision du :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 juin 2010



RG : 08/01989





















COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 22 Juin 2011







APPELANTE :



Mme [S] [P] épouse [CO]



née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 6]



comparante en personne, assistée de Maître Anne-Sophie BORDES, avocat au barreau de LYON substituée par Maître Kathia FAVOREAU, avocat au barreau de LYON









INTIMÉE :



SOCIÉTÉ ALMA CONSULTING GROUP

...

AFFAIRE PRUD'HOMALE :

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 10/05586

[P]

C/

SOCIÉTÉ ALMA CONSULTING GROUP

Appel d'une décision du :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 24 juin 2010

RG : 08/01989

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 22 Juin 2011

APPELANTE :

Mme [S] [P] épouse [CO]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 6]

comparante en personne, assistée de Maître Anne-Sophie BORDES, avocat au barreau de LYON substituée par Maître Kathia FAVOREAU, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SOCIÉTÉ ALMA CONSULTING GROUP

[Adresse 5]

[Localité 1]

représenté par Maître Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON substitué par Maître Jean-Baptiste TRAN-MINH, avocat au barreau de LYON

******

Date de mise à disposition : 22 juin 2011

Débats tenus en audience publique le 20 avril 2011, par Louis GAYAT DE WECKER, président et Françoise CARRIER, conseiller, qui ont ainsi siégé sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Chantal RIVOIRE, greffier

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Louis GAYAT DE WECKER, président

- Françoise CARRIER, conseiller

- Mireille SEMERIVA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, président, et par Anita RATION, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Mme [X] [CO] a été embauchée par la Société NOVEXEL suivant contrat à durée indéterminée à compter du 3 novembre 1997 en qualité de consultante avec le statut cadre au siège à [Localité 6].

La Société ALMA CONSULTING GROUP (ci-après ALMA) a racheté la Société NOVEXEL en 1998 avant de fusionner avec celle-ci à compter du 1er janvier 2001.

La Société ALMA est une entreprise de conseil en 'management' ayant pour activité la réalisation d'audits auprès d'entreprises clientes dans le but d'optimiser leur gestion et de les conseiller pour réaliser des économies dans les domaines fiscal, foncier, social, frais généraux, innovations, projets européens. Ses prestations sont rémunérées au pourcentage sur le résultat obtenu.

A compter du mois de janvier 2003, Mme [X] [CO] a été nommée 'manager' de montage de projets européens au sein du service 'innovation' de l'entreprise.

Suivant avenant du 22 juin 2005 à effet du 11 juillet 2005, la salariée a été mutée à sa demande en région parisienne dans l'établissement de [Localité 7]. Il a été adjoint à son service, une activité de crédit impôt recherche.

En février 2006, elle est passé à 4/5ème de temps de travail, ne travaillant pas le mercredi.

Au mois de juin 2006, elle a obtenu que son jour non travaillé passe au vendredi.

Le 30 août 2006, les parties ont signé un avenant au contrat de travail prévoyant notamment une clause de propriété intellectuelle et une clause de non concurrence assortie d'une clause pénale et d'une compensation financière.

Par lettre recommandée du 11 février 2007, Mme [X] [CO] a informé la Société ALMA de sa décision de démissionner, ce dont a pris acte l'employeur par courrier du 16 février. Les parties ont convenu de fixer la fin du préavis au 4 mai 2007.

La Société ALMA a versé mensuellement à compter de cette date la contrepartie financière de la clause de non concurrence à raison de 1 033,50 € par mois.

Par courrier du 30 septembre 2007, la salariée a informé la Société ALMA de ce qu'elle venait de débuter un emploi de 'manager du développement international' au sein de la Société CTR LEYTON.

Par lettre RAR du 22 octobre 2007, la Société ALMA lui a fait valoir que la Société CTR du groupe LEYTON avait une activité directement concurrente de la sienne et entrant dans le champ des activités prohibées par la clause de non concurrence souscrite par la salariée et l'a mise en demeure de se mettre en conformité avec son obligation de non concurrence et d'en justifier sous peine de poursuites en restitution des sommes versées et de l'application de la clause pénale de 20 000 €. Elle a cessé le versement de la contrepartie financière à compter du mois de mars 2008.

Le 4 juin 2008, Mme [X] [CO] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON à l'effet de se voir allouer des dommages et intérêts pour traitement discriminatoire et non paiement de ses heures supplémentaires, de voir dire qu'elle n'avait pas manqué à la clause de non concurrence et d'obtenir le versement de la contrepartie financière correspondante soit la somme de 12 539,93 € outre des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.

La Société ALMA a conclu au débouté de ces demandes et sollicité reconventionnellement la restitution des sommes versées à la salariée au titre de la clause de non concurrence.

Par jugement du 24 juin 2010, le conseil de prud'hommes a :

- dit que la Société ALMA CONSULTING GROUP n'avait pas eu de comportement déloyal pendant l'exécution du contrat de travail de Mme [X] [CO],

- dit que celle-ci n'avait pas violé la clause de non concurrence figurant dans son contrat de travail,

- condamné la Société ALMA CONSULTING GROUP à lui payer la somme de 12 539,93 € outre intérêts légaux à compter du 6 juin 2008 et celle de 1 400 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Mme [X] [CO] a interjeté appel de ce jugement.

Au terme de ses écritures reçues au greffe le 31 décembre 2010 et soutenues oralement à l'audience, elle demande à voir condamner la Société ALMA à lui payer les sommes suivantes :

- 93 500 € à titre de rappel de salaires et de congés payés pour les heures supplémentaires effectuées entre 2003 et 2007,

- 28 400 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 39 000 € pour le préjudice moral et financier résultant de la discrimination et du harcèlement dont elle avait été victime,

- 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses écritures reçues au greffe le 8 avril 2011 et soutenues oralement à l'audience, la Société ALMA CONSULTING GROUP conclut au débouté de l'ensemble des demandes et demande à voir condamner Mme [X] [CO] à lui payer les sommes suivantes :

- 25 611,51 € en restitution des sommes versées en contrepartie de la clause de non concurrence,

- 20 000 € à titre de pénalité pour violation de la clause de non concurrence,

- 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires

Selon l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié. Il appartient toutefois au salarié d'étayer préalablement sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Il convient en conséquence d'analyser, conformément aux dispositions susvisées, les éléments fournis par les parties quant aux horaires réellement effectués par la salariée.

En l'espèce, [X] [CO] réclame le paiement d'heures supplémentaires sur la base des horaires suivants par année pendant 4 ans :

- 3 semaines à 70 heures par semaine,

- 12 semaines à 60 heures par semaine,

- 33,75 semaines à 40 heures par semaine.

Elle expose que la nécessité de boucler les projets dont elle avait la responsabilité dans des délais serrés l'avait régulièrement amenée à travailler tard le soir ou les fins de semaines à certaines périodes.

L'employeur invoque la disposition de l'accord d'entreprise du 1er décembre 2004 prévoyant que la durée du temps de travail est fixée à 35h30 par semaine et que le salarié ne peut effectuer d'heures supplémentaires qu'à la demande écrite de son 'manager'. Toutefois, cette clause peut n'être que de pure forme et l'absence d'autorisation écrite du responsable ne saurait valoir preuve du non accomplissement d'heures supplémentaires.

La salariée produit au soutien de ses allégations les attestations suivantes :

- [G] [Y], assistante de Mme [X] [CO], atteste que de mars à juin 2003, sa responsable et elle avaient supporté une charge de travail bien supérieure à celle mentionnée à leur contrat de travail en raison du nombre d'appels d'offres pour lesquels ALMA avait été sollicitée, qu'elles terminaient leur journée très régulièrement après 19h30 et, dans certains cas, notamment les jours de clôture de mission, au petit matin le lendemain ; qu'à son retour de congé maternité, Mme [CO] avait à nouveau enchaîné les 'deadlines' (dates de clôture), 'c'est à dire des soirées et nuitées à accompagner les consultants jusqu'à la clôture de leurs missions'.

- [Z] [L] consultant chez ALMA en 2003 et 2004 au sein de l'équipe de montage de projets européens, atteste qu'il était habituel que l'équipe soit mobilisée en soirée et le week end afin de terminer des dossiers dans les délais impartis par la commission européenne, que les horaires minimum imposés par la direction étaient de 8 heures par jour mais que leurs heures de travail dépassaient régulièrement 40 heures par semaine et n'étaient pas prises en compte dans les décomptes des heures supplémentaires, que Mme [CO] était très souvent présente le soir et les week end pour encadrer et soutenir ses collaborateurs. Il précise que, pour répondre à temps à deux appels d'offres d'avril 2003 et de septembre 2004, ils avaient travaillé quotidiennement jusqu'à 22 h et le week end.

- [M] [B], employée comme consultante chez ALMA entre 2002 et 2007 et collaboratrice de Mme [X] [CO] à compter d'octobre 2006, atteste que celle-ci, entourée de consultants novices en matière de montage crédit d'impôt recherche et de montage de projets européens, n'avait pas compté ses heures, travaillant souvent le mercredi alors qu'elle était à 4/5ème et tard le soir, restant certains samedis pour épauler les consultants de son équipe. [M] [B] précise qu'elle travaillait elle-même entre 40 et 50 heures par semaine outre quelques samedis et que c'était également le cas de Mme [CO].

- [KR] [F], dirigeant d'une entreprise cliente d'ALMA, atteste que pendant la durée de la collaboration d'ALMA entre février et fin avril 2006, compte tenu des très courts délais pour répondre à l'appel à projet de l'union européenne, il avait sollicité Mme [CO] quotidiennement jusque tard le soir, week end et jours fériés inclus y compris le week end de Pâques, celle-ci ayant fait preuve d'une totale disponibilité et qu'elle avait effectué des horaires de travail largement supérieurs à 40 heures par semaine pendant toute leur collaboration.

- [H] [N], personne lui ayant procuré un hébergement à [Localité 7] à son retour de congé maternité fin février 2006 et jusqu'à ce qu'elle prenne un logement en août 2006, atteste que Mme [CO], au lieu de rester deux nuits par semaine comme initialement prévu, s'est mise à rester les mercredis et les samedis en mars et avril 2006 pour pouvoir travailler dans les locaux de son employeur.

- [C] [I], avec laquelle elle a partagé une garde d'enfant à compter de novembre 2006, atteste que Mme [CO] avait été souvent amenée à faire appel à la gardienne le mercredi alors que c'était son jour non travaillé et que les horaires de garde de son enfant dépassaient largement et systématiquement les horaires convenus.

- [T] [HO] consultant chez ALMA entre janvier 2005 et janvier 2007, atteste que les consultants employés par le marché 'Innovation' étaient amenés à effectuer de nombreuses heures supplémentaires et occasionnellement à travailler le samedi, que sur le site de [Localité 6], les consultants du département montage de projets dirigé par Mme [CO] devaient régulièrement travailler après 19h et le samedi et que Mme [CO] était systématiquement présente lors de ces pics de travail.

L'employeur produit pour sa part une attestation de Mme [R] qui affirme qu'elle est en mesure d'accomplir ses fonctions dans le cadre d'un temps partiel de 80 % alors qu'elle est mère de deux enfants et qu'elle occupe un poste de manager.

Il résulte néanmoins des attestations précises et concordantes produites par la salariée que l'exécution des heures supplémentaires était générale dans les services successifs dont celle-ci a eu la charge. Eu égard à leurs conditions d'exécution impliquant le montage de dossiers avant une date de clôture et donc de faire face à une urgence croissante ne permettant aucune échappatoire compte tenu de l'enjeu financier qui s'y attachait puisque l'entreprise n'était rémunérée que sur le résultat obtenu, il est exclu que les missions confiées à ces services aient pu être accomplies sans exécution d'heures supplémentaires et que l'employeur ait pu l'ignorer. La teneur du courriel de [A] [SO] en date du 5 juillet 2002 relatif au recrutement d'une jeune femme est révélateur de l'esprit de l'entreprise concernant les heures supplémentaires. En effet, celui-ci s'étonne que la candidate ait posé une question sur 'les modalités d'application des 35 heures chez ALMA', question qu'il met sur le compte de la 'maladresse' mais qu'il y a lieu, selon lui, de 'creuser un peu' et estime que le 2ème entretien doit être 'costaud' afin de tester un peu plus en profondeur les motivations de la candidate. En effet, il n'aurait pas considéré incongrue ou naïve la question de l'application des 35 heures dans l'entreprise si l'entreprise avait eu une politique claire en matière de temps de travail et cette réponse démontre que l'entreprise attendait de ses salariés l'exécution de leurs missions sans considération de leur temps de travail.

La salariée produit divers courriels qui démontrent encore, si besoin était, que l'exécution d'heures supplémentaires était notoire et sans limite à l'approche des dates de clôture :

- un courriel du 22 juin 2004 interrogeant la direction sur la mise en place d'un dispositif de sécurité la nuit en cas d'urgence, ce suite à un incident survenu le matin même vers 1 heure et ayant inquiété les 4 salariés encore présents dans l'entreprise ;

- un échange de courriels du 21 mars 2005, le premier dans lequel Mme [CO] expose à son supérieur les difficultés rencontrées dans le traitement d'un dossier et précise qu'après 3 week end au bureau et à 24 heures de la 'deadline' (date de clôture du dépôt), elle 'pète un plomb', et le second dans lequel celui-ci lui répond sur ce point 'on en reparlera après le dépôt pour éviter ce type de stress dans la dernière ligne droite à l'avenir' ;

- un échange de courriels des 5 et 6 septembre 2006 à propos du maintien d'une réunion fixée au mercredi 4 octobre, jour non travaillé de la salariée alors à 4/5ème, à laquelle celle-ci doit néanmoins participer.

L'employeur ne discute pas les attestations précises et concordantes produites par la salariée et démontrant l'exécution régulière d'heures supplémentaires au-delà des 152 heures prévues au contrat de travail pour la période de 2003 à 2007, avec des pics importants dans les semaines précédant les dates de clôture.

L'employeur fait valoir que, contrairement à ce qui résulte de son tableau, la salariée n'a pas travaillé 49 semaines par an puisqu'elle avait été absente 22,5 semaines en 2004, 24 semaines en 2005 et 24 semaines en 2006, ce que la salariée ne conteste pas.

Sous cette seule réserve, le chiffrage de ses heures supplémentaires établi par la salariée est en cohérence avec la réalité démontrée par les attestations et la nature de son emploi et ne saurait donc être considéré comme un chiffrage arbitraire.

Il sera en conséquence fait droit à sa demande de rappel d'heures supplémentaires à hauteur des sommes suivantes :

- semaines de 70 heures (3 semaines par an pendant 4 ans)16 481,98 €

- semaine de 60 heures (12 semaines par an pendant 4 ans)46 345,38 €

- semaines de 40 heures :

' 2003 : 27 € x 5 x 32 x 125 % = 5 400 €

' 2004 : 27 € x 5 x 14,5 x 125 % = 2 446,88 €

' 2005 : 27 € x 5 x 13 x 125 % = 2 193,75 €

' 2006 : 27 € x 5 x 13 x 125 % = 2 193,75 €

Total 12 234,38 € 12 234,38 €

Total 75 061,74 €

outre la somme de 7 506,17 € au titre des congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé

Selon l'article L.8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Selon l'article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il résulte des éléments ci-dessus analysés que c'est délibérément que l'employeur a omis de rémunérer les heures supplémentaires de la salariée et de mentionner le nombre d'heures effectuées sur les bulletins de salaire l'intéressée.

L'indemnité de 24 800 € réclamée de ce chef n'est pas discutée dans son montant et il sera en conséquence fait droit à la demande purement et simplement.

Sur la clause de non concurrence

L'avenant au contrat de travail en date du 30 août 2006 prévoyait une clause de non concurrence dans les termes suivants :

'Il vous sera interdit pendant la durée de votre contrat de travail et pendant une durée de deux ans après la rupture de celui-ci et sur le territoire français, DOM TOM inclus, à l'exception de la Corse, pour quelque motif que ce soit de :

- Participer directement ou indirectement ou exercer toutes fonctions ou prendre une participation dans une société ayant une activité de conseil en management faisant concurrence directement ou indirectement à l'activité d'Alma Consulting Group.

- Exercer dans toute société ayant une activité d'audit semblable au département au sein duquel vous aurez évolué chez Alma Consulting Group, rémunérée selon les résultats dégagés,

- Entrer au service d'un client de la société avec laquelle vous auriez été en contact durant les 24 derniers mois de votre activité professionnelle au sein d'Alma Consulting Group.

Par client, il convient d'entendre toute personne physique ou morale ayant eu recours à nos services ainsi qu'aux firmes alliées aux clients placés sous leur dépendance et ce tant en France métropolitaine qu'aux DOM-TOM (à l'exception de la Corse).'

Une compensation financière était convenue pendant toute la durée de l'engagement de non concurrence. La salariée s'engageait à justifier mensuellement qu'elle respectait son engagement de non concurrence à défaut de quoi l'employeur se réservait de suspendre le paiement de l'indemnité.

En cas de non respect de la clause, il était convenu d'une pénalité de 20 000 € par infraction constatée.

Il est acquis que Mme [CO] a été engagée par la Société CTR LEYTON à compter du 10 septembre 2007 en qualité de 'manager' de projets internationaux. Son contrat de travail avec ce nouvel employeur précise que, compte tenu des fonctions exercées par la salariée et en respect de ses engagements antérieurs, son secteur d'activité est limité aux activités internationales et qu'elle exercera son activité de façon itinérante à l'international. Il comporte une clause de non concurrence lui interdisant pendant les douze mois suivant la rupture du contrat de travail toute activité pouvant concurrencer directement celle exercée par l'entreprise dans le domaine du conseil en cotisations sociales, ce sur le secteur de l'Irlande et de la Grande Bretagne. La salariée produit un planning de son activité depuis son entrée dans l'entreprise jusqu'au mois de février 2008, date à laquelle elle a été détachée auprès de la Société LEYTON UK & IRELAND LTD à DUBLIN, duquel il résulte qu'elle a été en déplacement au Canada, en Irlande, en Belgique, en Hollande, en Grande Bretagne, au Maroc.

L'employeur soutient que la salariée a violé la clause de non concurrence en se faisant embaucher par une société directement concurrente ; qu'en effet, l'objet social de la Société CTR LEYTON est identique au sien à savoir le conseil aux entreprises aux fins d'optimisation des charges sociales, des concours financiers de l'état, de la fiscalité locale et des achats.

La salariée fait valoir que la clause de non concurrence est édictée en termes imprécis tant en ce qui concerne la nature des activités nécessitant d'être préservées de la concurrence qu'en ce qui concerne la nature et l'importance de l'activité de conseil exercée par les sociétés lui faisant directement ou indirectement concurrence et qu'elle lui interdit de fait l'exercice de sa profession sur le territoire français et l'oblige donc à s'expatrier, ce en contravention avec le principe de la liberté du travail.

Le juge, en présence d'une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail, même indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, peut, lorsque cette clause ne permet pas au salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, en restreindre l'application en en limitant l'effet dans le temps, l'espace ou ses autres modalités.

En l'espèce, il est acquis qu'au sein de la Société ALMA, l'activité de Mme [CO] a été limitée au montage de projets européens destinés à permettre aux clients d'obtenir une subvention européenne et au 'crédit impôt recherche' ; qu'il s'agissait alors de l'unique expérience professionnelle de l'intéressée.

La clause de non concurrence invoquée par l'employeur est excessive en ce qu'elle interdit à la salariée d'exercer sur tout le territoire français (sauf la Corse) de quelconques fonctions dans une société faisant concurrence directement ou indirectement à l'activité d'Alma Consulting Group sans prendre en considération l'emploi effectivement occupé par la salariée au sein de la Société ALMA et qu'elle aboutit à interdire à celle-ci d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle.

Il convient en conséquence d'en limiter le champ d'application à l'exercice sur le territoire français au sein d'une entreprise concurrente d'une activité d'audit semblable à celle exercée dans le département au sein duquel elle a évolué chez Alma Consulting Group, rémunérée selon les résultats dégagés.

L'employeur, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas que Mme [CO] a exercé, dans le cadre de son embauche chez CTR LEYTON à compter du mois de septembre 2007 et dans les deux ans suivant la rupture de son contrat de travail, des fonctions d'audit semblables à celles exercées au sein de la Société Alma Consulting Group.

Il en résulte qu'il n'est pas fondé à réclamer la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence et que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes l'a condamné à payer à la salariée le solde de la compensation financière convenue.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier

Mme [CO] demande à voir condamner la Société ALMA à lui payer la somme de 39 000 € à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement subi :

- 'pendant toute la durée de son contrat de travail, au travers du traitement discriminatoire dont elle a été victime, des pressions inadmissibles qu'elle a dû supporter à savoir le licenciement de son mari pendant son congé maternité, pressions exercées sur lui à la même époque, absence d'augmentation de salaire à partir de son premier congé maternité, mépris total de sa charge de travail et de la proportionnalité de sa durée de travail telle que rémunérée etc...(sic)'

- 'mais encore après son terme par les pressions exorbitantes subies de son ancien employeur aux seules fins de lui faire perdre son nouvel emploi et qui l'ont contrainte en dernier lieu à s'expatrier et enfin, après que ses tentatives de conciliation aient échoué, à saisir le conseil pour obtenir la juste contrepartie du préjudice lié au strict respect d'une clause de non concurrence exorbitante, ultimes démonstrations de la réalité d'un traitement grossier qui lui a été infligé pendant de nombreuses années'.

Il en résulte que la salariée reproche à l'employeur des faits de harcèlement moral, un traitement discriminatoire en raison de sa situation familiale et une résistance abusive au paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence.

1) sur les faits de harcèlement moral

L'article L.1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer son état de santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

Le salarié doit apporter les éléments de faits qui peuvent laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral. L'employeur, au vu de tels éléments, doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

1La salariée invoque le licenciement de son mari pendant son congé maternité et les pressions exercées sur celui-ci à la même époque. Elle produit au soutien de ces allégations une attestation de sa nièce, [ZM] [P], laquelle a effectué un stage dans l'entreprise pendant le premier semestre 2004 et de son avocate, [K] [W].

Il est constant que [U] [CO] travaillait comme consultant chez Alma sous la direction de [A] [SO] et qu'il a été licencié dans le courant de l'année 2004. Ce licenciement a été suivi d'une transaction.

[K] [W] déclare que sa cliente et son mari, reçus en consultation sur le licenciement de [U] [CO], ont fait état de menaces de l'employeur contre Mme [CO] et la mère de celle-ci en cas de saisine du conseil de prud'hommes.

Cette attestation qui se contente de rapporter les propos des clients est dépourvue de valeur probante de la réalité du comportement reproché à l'employeur. Il en va de même de l'attestation de [ZM] [P] qui ne rapporte aucun fait précis et objectif, se contentant de faire état d'une 'pression permanente de [A] [SO] sur [U] [CO]' en décrivant [A] [SO] comme 'irrespectueux, arrogant, brutal dans ses manières et des propos, lâche, machiste, envieux et ambitieux' et en lui prêtant le dessein de 'déstabiliser Mme [X] [CO] en poussant son mari à démissionner'. Un tel témoignage, qui émane d'un membre de la famille de la salariée, ne saurait être considéré comme impartial.

Le seul fait que son mari ait été licencié alors qu'elle-même était en congé maternité ne saurait caractériser un agissement de l'employeur dirigé contre la salariée.

2Mme [CO] invoque également l'absence d'augmentation de son salaire pendant ses congés maternité mais ce fait relève de la discrimination et non du harcèlement.

3Mme [CO] reproche encore à l'employeur un mépris total de sa charge de travail et de la proportionnalité de sa durée de travail telle que rémunérée.

Il est acquis que la salariée a dû dans le courant de l'été 2005 mener de front trois projets pour des dates différentes dont l'un avec une clôture au 1er septembre, ce alors qu'elle ne disposait sur le site de [Localité 7], où elle venait d'obtenir sa mutation, d'aucune équipe formée au travail de montage de projets européens et qu'il lui fallait former les salariés chargés de l'assister.

Néanmoins, cette surcharge de travail, qui fait suite à l'acceptation par l'employeur d'un troisième dossier au cours de la période concernée, ne lui a pas été imposée à elle seule mais à toute l'équipe du service 'Innovation'. Dictée par un impératif de gestion inhérent à la vie de toute entreprise développant son activité dans un contexte concurrentiel, la décision de l'employeur d'accepter une nouvelle commande ne saurait être considérée comme résultant comme un agissement dirigé contre la salariée et n'est donc pas révélatrice d'un harcèlement moral. Il convient de relever à cet égard qu'il résulte de l'attestation qu'elle verse aux débats que, lors d'une consultation du 2 septembre 2005, Mme [CO] ne s'est plainte au médecin qui suivait sa grossesse que d'une 'très grosse charge de travail avec des trajets longs 1h le matin 1h le soir en région parisienne' sans inscrire cette surcharge dans un contexte d'animosité de l'employeur à son encontre.

2) sur la discrimination

Selon l'article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte en raison notamment de son sexe, de sa situation de famille ou de sa grossesse. La discrimination se traduit par une disparité de traitement au désavantage d'un salarié.

Selon l'article L 1142-1, nul ne peut prendre en considération du sexe ou de la grossesse toute mesure, notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation.

Il appartient au salarié de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement. Il appartient à l'employeur de prouver que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il est acquis que Mme [X] [CO] a été en congé maternité du 27 novembre 2003 au 28 avril 2004 puis congé maladie et maternité du 2 septembre 2005 au 9 février 2006.

Elle soutient que son statut de mère et de femme a été un frein à la progression de sa carrière et de sa rémunération et en veut pour preuve la disparité entre l'évolution de sa rémunération et de celle de la rémunération de son collègue [A] [SO], embauché au même niveau de responsabilité mais avec une équipe moindre ses primes et la baisse de ses primes de fin d'année 2005 et 2006.

Mme [CO] a accédé au poste de 'manager' à compter du mois de janvier 2003. Elle percevait alors un salaire mensuel de 3 350 €. [A] [SO], quant à lui, a été embauché en décembre 2002 à un poste de même niveau moyennant un salaire mensuel de 3 200 €. Ils ont perçu tous deux 4500 € de prime en janvier 2003. Il ne résulte pas des bulletins de paie de [A] [SO] qu'il ait bénéficié d'un avantage en nature voiture ainsi que le prétend la salariée. En mars 2003, celle-ci a bénéficié d'une augmentation de salaire de 12,8 %, ce qui a fait passer son salaire à 3 780 € et d'une prime de 860 €. En septembre 2003, [A] [SO] a bénéficié d'une prime de 1 102,24 €. Les deux salariés ont bénéficié de la même prime soit 6 000 € en décembre 2003.

Le salaire de [X] [CO] n'a pas augmenté en janvier 2004 alors que son congé maternité avait commencé en décembre 2003. Le salaire de [A] [SO] a augmenté de 9 %, passant à 3 350 €. En décembre 2004, [X] [CO] a perçu une prime de 5 600 € et [A] [SO] de 6 500 €. L'employeur, auquel il appartient de prouver que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, ne fournit aucune explication à l'absence d'augmentation de salaire de [X] [CO] en janvier 2004, période correspondant au début de son congé maternité ni à la disparité dans le montant des primes versées à chacun des salariés en décembre 2004, ces différences de traitement faisant présumer une discrimination fondée sur la maternité.

Pour 2005 et jusqu'à la démission de la salariée, l'employeur n'a fourni aucun élément de comparaison malgré la demande de communication des bulletins de paie de [A] [SO], de [O] [R], d'[V] [NF], de [BY] [D] et de [E] [J]. Le salaire de [X] [CO] a augmenté de 5,5 % en janvier 2005, passant à 3 980 €. La salariée a perçu en fin d'année une prime de 2 900 €. Elle n'a pas perçu d'augmentation de salaire en janvier 2006 alors qu'elle était en congé maternité depuis octobre 2005. Elle est passée à temps partiel (4/5ème) en février 2006 et n'a perçu qu'une augmentation de 2 %, son salaire passant à 3 250 € pour 28h30. Elle a perçu une prime de 380 € en octobre 2006. En janvier 2007, son salaire a également augmenté de 2 % et elle a perçu une prime de 3 500 €. Postérieurement à sa démission, l'employeur lui a versé une prime de 1 015 € en février et de 6 500 € à la fin de son préavis.

La salariée produit les bulletins de paie des années 2006 et 2007 de sa plus proche collaboratrice, [M] [B], desquels il résulte que celle-ci a perçu des primes de 1 800 € au mois de juillet 2006, de 8 500 € au mois de septembre 2006 et de 400 € au mois de décembre 2006 et qu'elle a bénéficié d'une augmentation de salaire de 5 % au mois de janvier 2007.

L'employeur ne fournit aucune explication à l'absence d'augmentation de salaire de [X] [CO] au mois de janvier 2006, période pendant laquelle elle était en congé maternité. De même, il ne fournit aucune explication à l'extrême modicité de la prime versée en octobre 2006 ni à la très faible augmentation de salaire de janvier 2007 alors que la salariée était passée à temps partiel depuis le mois de février 2006. Tous ces éléments laissent présumer une discrimination fondée sur la maternité. Faute pour l'employeur de justifier que la disparité de situation constatée est fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, il y a lieu de tenir le comportement de l'employeur comme discriminatoire. L'employeur ne saurait se prévaloir des primes versées en février et mai postérieurement à la démission de la salariée et donc dans le contexte de la rupture du contrat de travail.

3) sur la résistance abusive de l'employeur au paiement de la contrepartie de la clause de non concurrence

L'abus de droit imputé de ce chef à l'employeur n'est pas caractérisé dès lors que l'embauche de Mme [X] [CO] par un concurrent sur le sol national autorisait la Société ALMA à se prévaloir de la clause contractuellement convenue et qu'aucun des éléments versés au dossier ne démontre qu'elle ait agi avec une légèreté blâmable ou avec l'intention de nuire.

Le préjudice moral et financier subi par la salariée du chef de la discrimination dont elle a été victime sera justement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 €.

L'équité commande d'allouer à Mme [X] [CO] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir en délibéré,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société ALMA CONSULTING GROUP à payer à Mme [X] [CO] la somme de 12 539,93 € outre intérêts légaux à compter du 6 juin 2008 au titre du solde de la contrepartie de la clause de non concurrence et la somme de 1 400 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté la Société ALMA CONSULTING GROUP de sa demande reconventionnelle ;

LE REFORME en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la Société ALMA CONSULTING GROUP à payer à Mme [X] [CO] les sommes suivantes :

- 75 061,74 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 7 506,17 € au titre des congés payés afférents,

- 24 800 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour traitement discriminatoire,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE Mme [X] [CO] du surplus de ses demandes.

CONDAMNE la Société ALMA CONSULTING GROUP aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/05586
Date de la décision : 22/06/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/05586 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-22;10.05586 ?
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