La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2011 | FRANCE | N°10/07798

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 17 juin 2011, 10/07798


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 10/07798





CFA CIASEM



C/

[G]

AGS CGEA DE [Localité 8]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 11 Octobre 2010

RG : F 09/00659











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 17 JUIN 2011









APPELANTE :



CFA CIASEM

[Adresse 3]

[

Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Francis HENRY,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

substitué par Me Gilles-Robert LOPEZ,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉS :



[P] [G]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 11]

[Adresse 9]

[Localité 6]
...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 10/07798

CFA CIASEM

C/

[G]

AGS CGEA DE [Localité 8]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 11 Octobre 2010

RG : F 09/00659

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 17 JUIN 2011

APPELANTE :

CFA CIASEM

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Francis HENRY,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

substitué par Me Gilles-Robert LOPEZ,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉS :

[P] [G]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 11]

[Adresse 9]

[Localité 6]

comparant en personne,

assisté de Me Michel BEAL,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES INTERVENANTES :

AGS CGEA DE [Localité 8]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté par Me Yves CHEVALIER,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

substitué par Me Gilles- Robert LOPEZ,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

SELARL AJ PARTENAIRES

représentée par Me [Y] [N]

es qualités de commissaire à l'exécution du plan du CFA CIASEM

[Adresse 2]

[Localité 7]

Intervenant volontaire

représentée par Me Gilles-Robert LOPEZ,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUEES LE : 23 Mars 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Mai 2011

Présidée par Hélène HOMS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de Chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Juin 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de Chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSÉ DU LITIGE

[P] [G] a été embauché par l'association centre de formation d'apprentis du commerce, de l'industrie et de l'artisanat de [Localité 12] et [Localité 10] (CFA-CIASEM ci-après) en qualité d'aide cuisinier selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 janvier 1983.

Par avenant du 1er septembre 1988, il est devenu professeur de technologie pratique en cuisine.

Le 29 mai 2009, il a été convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

Par jugement du 9 juin 2009, le CFA-CIASEM a été placé en redressement judiciaire.

A compter de la même date, [P] [G] a été placé en arrêt maladie.

Le 17 juin 2009, le CFA-CIASEM a notifié à [P] [G] une mise à pied de deux jours.

Contestant cette sanction et se prétendant victime de harcèlement moral, [P] [G] a saisi, le 8 octobre 2009, le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne.

Par jugement en date du 11 octobre 2010, le conseil de prud'hommes a :

- annulé la mise à pied disciplinaire du 17 juin 2009 notifiée à [P] [G] par le CFA et le cas, échéant, ses conséquences financières,

- fixé les créances à la charge des mandataires du CFA aux sommes de :

- 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- 1.500 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement opposable au CGEA ès qualités et dit que cet organisme devra sa garantie pour les sommes sus fixées dans les conditions prévues par les articles L. 3253-8 et L. 3253-13 du code du travail,

- dit que les dépens de l'instance seront à la charge de la partie défenderesse.

Par jugement du 30 juillet 2010, le tribunal de grande instance a arrêté un plan de redressement par voie de continuation du CFA-CIASEM et a désigné Maître [Y] [N] de la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité de commissaire chargé de veiller à la bonne exécution du plan.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 octobre 2010, le CFA-CIASEM représentée par Maître [Y] [N] ès qualités d'administrateur du CFA-CIASEM et Maître [K] [H] ès qualités de mandataire judiciaire ont interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes.

Par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, la SELARL AJ PARTENAIRES représentée par Maître [Y] [N] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan du CFA-CIASEM demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- dire la sanction du 17 juin 2009 dûment justifiée,

- débouter [P] [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner [P] [G] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, [P] [G] demande à la cour de :

- constater la présence de Maître [Y] [N] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan du CFA-CIASEM et lui déclarer opposable l'arrêt à intervenir,

- mettre hors de cause le CGEA AGS de [Localité 8],

- annuler la mise à pied du 17 juin 2009 et, le cas échéant ses conséquences financières,

- condamner le CFA-CIASEM à lui payer la somme de 16.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait d'agissements de harcèlement moral de la part de la direction,

- condamner aussi le CFA-CIASEM à lui payer 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il est conforme à ce dispositif et le réformer pour le surplus,

- condamner enfin le CFA-CIASEM aux entiers dépens.

Par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, le CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES de [Localité 8] (CGEA) agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS demande à la cour de :

- juger que la décision à intervenir sera déclarée opposable au CGEA dans les limites de sa garantie telles qu'énoncées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail et plus particulièrement aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

- constater que du fait de l'adoption du plan de redressement le CFA-CIASEM est redevenu in bonis,

- partant, prononcer la mise hors de cause pure et simple du CGEA,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise à pied disciplinaire :

Cette sanction a été délivrée pour les motifs suivants :

- un manquement aux règles en vigueur au sein de l'établissement relatives aux commandes des aliments pour la cuisine,

- une initiative préjudiciable à la réputation de l'établissement,

- un comportement agressif à l'égard de ses collègues de travail.

Sur le premier grief, il est reproché au salarié d'avoir utilisé deux lobes de foie gras restants sur une commande pour cuisiner un repas à un jury d'examen alors que ces denrées, selon les procédures de gestion des stocks, auraient du être retournées au fournisseur.

Le CFA-CIASEM estime que ce comportement délibéré du salarié constitue une insubordination.

Le CFA-CIASEM produit une lettre en date du 8 juin 2009, adressée par [Z] [S] à la directrice expliquant que [P] [G] n'avait pas remis, à la fin de l'examen BP blanc deux blocs de foie gras et un bloc à 3/4 entamé ainsi qu'une cagette de jeunes pousses d'épinard et de mesclun en même temps qu'il avait remis les daurades restantes et ajoutant que les foies gras ont été servis au jury pâtisserie sur de la salade mesclun et des jeunes pousses d'épinard.

Elle produit également une attestation d'[Z] [S] qui précise qu'elle a été interpellée par la personne chargée de récupérer les denrées non utilisées par manque de candidats parce que [P] [G] refusait de lui restituer les foies gras non entamés car non utilisés.

[P] [G] réplique qu'il n'a pas agi de sa propre initiative mais sur ordre de son responsable de secteur [B] [D].

Il produit l'attestation de ce dernier qui déclare : 'avoir donné (à [P] [G]) un bon de commande, le 12 mai correspondant à la fourniture d'assiettes pour le repas entre 12 h et 12 h 30 du jury de professionnel en examen pâtissier. Il devait utiliser les restes de produits du BP cuisine (CCF) en l'occurrence des parties de foie gras y compris les parties semi-fines accompagnées de salade. L'ensemble devait être livré le jeudi 14 mai avec une facturation par le restaurant. Monsieur [G] a donc exécuté mon ordre et n'a fait que son travail.'

A son attestation, [B] [D] joint le bon de commande du repas à [P] [G] du 12 mai 2009 ainsi que la facture du restaurant.

Dans une seconde attestation, [B] [D] certifie que le foie gras restant de l'examen du BP cuisine session 2009 était totalement entamé et a été utilisé, à sa demande en tant que responsable pédagogique du secteur, par [P] [G].

[P] [G] produit également l'attestation de quatre de ses collègues qui attestent que c'est à la demande de [B] [D] que [P] [G] a préparé le repas du jury pâtisser le 14 mai 2009.

Le CFA-CIASEM fait valoir que [B] [D] comme les témoins parlent des restes de foie gras mais que [P] [G] n'a pas été autorisé à soustraire deux blocs de foie gras non entamés pour faire son travail.

Le bon de commande remis à [P] [G] mentionne : 'utiliser les restes du BP de ce jour' sans préciser que les restants non entamés ne doivent pas être utilisés.

[P] [G] démontrant que c'est à la demande de son supérieur hiérarchique qu'il a agi, ce grief n'est pas justifié.

Sur le second grief, le CFA-CIASEM expose qu'en se permettant de cuisiner les deux lobes de foie gras et de les servir aux membres du jury d'examen, [P] [G] a agi en toute indépendance sans solliciter la moindre autorisation ni même sans information préalable de la direction générale et que de plus il ne s'est pas soucié du problème éthique et déontologique que son acte de servir du foie gras à un jury d'examen pouvait soulever.

Le CFA-CIASEM estime qu'au travers de cette initiative personnelle, [P] [G] a engagé la responsabilité de l'établissement, les membres du jury ayant pu croire qu'il agissait sur les directives de la direction dans le but de les mettre dans les meilleures dispositions possibles pour apprécier les compétences des apprentis.

[P] [G] ayant agi sur ordre de son supérieur hiérarchique, ce grief n'est pas fondé.

Sur le troisième grief, le CFA-CIASEM cite le comportement agressif de [P] [G] envers [Z] [S] notamment dans un mail du 11 mai 2009.

Il souligne qu'[Z] [S] accomplit son travail consciencieusement, manifestement trop consciencieusement pour [P] [G] et que de par son ton, ses insinuations et ses remarques déplacées récurrentes, [P] [G] fait preuve à l'encontre d'[Z] [S] d'une agressivité que l'employeur ne peut tolérer.

Enfin, le CFA-CIASEM rappelle à [P] [G] qu'il avait déjà été contraint, en raison d'excès d'agressivité à l'égard de la directrice, de collègues et d'apprentis, de lui demander de revoir son comportement et qu'il avait déjà un différend avec un collègue pour lequel il avait été recouru à une médiation.

Dans le mail du 11 mai 2009 répondant à la demande d'[Z] [S] d'utiliser des légumiers pour mettre les épluchures et non des barquettes en aluminium, [P] [G] explique qu'il ne disposait pas de légumiers pourtant commandés en septembre 2008 et se plaint d'un manque général de matériel obligeant lui et ses élèves à utiliser du matériel leur appartenant.

Il poursuit : 'Je ne comprends pas ce que vous cherchez par un tel courrier, que vous n'adressez encore une fois qu'à M. [G] ! Peut-être pour justifier le temps que vous passez à votre poste de responsable d'achats.'

Dans la suite du courrier, [P] [G] remet en cause l'action d'[Z] [S] en lui citant certaines commandes et conclut : 'Je vous demande de cesser ce jeu ridicule.'

[P] [G] fait valoir que ce courrier montre son agacement face aux tracasseries quotidiennes dont il était victime de la part d'[Z] [S], agacement qui s'est exprimé en des termes fermes mais courtois et non polémiques.

Les termes employés par [P] [G] dans le mail adressé à [Z] [S] sont déplacés et polémiques et le ton est agressif.

[Z] [S] avait pour mission de faire respecter des procédures de gestion et il résulte de son mail que [P] [G] remettait en cause ses décisions.

Aucun élément justifiant un prétendu agacement compréhensible à l'origine des propos adressés à [Z] [S] n'est produit.

Ce grief est établi.

En revanche, le CFA-CIASEM ne produit aucune pièce démontrant une agressivité de [P] [G] envers des collègues, des apprentis ou la directrice.

A ce sujet la seule lettre envoyée le 14 mai 2007 par la directrice à [P] [G] dont les propos ne sont corroborés par aucun élément et qui ont été contestés, en temps voulu, par [P] [G], ne peut établir la réalité des faits.

Enfin, la médiation invoquée par l'employeur en date du 21 juin 2007 a été initiée par lui à la suite d'insultes proférées par [O] [S], époux d'[Z] [S], à l'encontre de [P] [G] devant des collègues et des apprentis et dont l'employeur a estimé qu'elles avaient été provoquées par l'attitude de [P] [G] qui avait entraîné un apprenti de [O] [S] en vue de passer un concours.

En définitive, l'agressivité manifestée par [P] [G] envers [Z] [S] dans son courrier du 11 mai 2009 est le seul grief justifié. Si ce fait est fautif, sa gravité ne justifiait pas une mise à pied disciplinaire de deux jours.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'annulation de la sanction prononcée par le conseil de prud'hommes avec les éventuelles conséquences de droit sur le remboursement du salaire, aucune retenue n'ayant été effectuée à ce jour.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

D'autre part, selon les dispositions de l'article L.1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

[P] [G] fait valoir :

-que dans le courant de l'année 2007, il a subi l'agressivité de l'un de ses collègues qui l'insultait devant les autres enseignants et certains apprentis sans qu'il soit envisagé de sanction à l'égard de ce collègue,

- qu'il a subi des pratiques persécutrices et punitives de la part de la direction constitutives de harcèlement moral.

Sur les pratiques persécutrices, il expose que de façon répétée, aux mois de septembre et octobre 2008, [Z] [S] responsable des achats et épouse du collègue qui l'avait insulté en public en 2007, a systématiquement modifié ou annulé, en partie, des commandes de marchandises qu'il avait effectuées perturbant gravement le bon déroulement de ses cours, qu'il s'agissait de mesquineries le visant uniquement et qui, à la longue, ont dégradé ses conditions de travail et sont dénoncées par ses collègues de travail.

[P] [G] produit différentes attestations de ses collègues corroborant l'existence de problèmes de commandes.

Sur les pratiques punitives, [P] [G] expose qu'alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune remarque de 1983 à 2007 soit pendant 24 ans, il a été destinataire, en un peu plus de deux ans, de six courriers dont cinq recommandés avec accusé de réception contenant des termes blessants, humiliants et polémiques.

[P] [G] fait valoir les éléments suivants :

- par lettre du 30 mars 2007, pour justifier les insultes proférées par [O] [S] à son encontre, la direction du CFA parle de ses 'agissements critiquables' alors qu'il n'avait fait que substituer son collègue de travail qui refusait d'entraîner un apprenti à un concours où ce dernier a été reçu par la suite 1er ou 2ème,

- le 15 mai 2007, la direction lui demande 'de prendre conscience de l'impérieuse nécessité de revoir son comportement et de cesser ses absences réitérées qui n'ont d'autres causes que ses colères liées à un stress qu'il se crée lui-même',

- le 27 avril 2009, il lui est reproché de ne pas utiliser de légumiers pour les épluchures de ses élèves alors que la direction sait pertinemment qu'il y a un manque de matériel et notamment de légumiers,

- le 29 mai et le 17 juin 2009, la direction lui notifie une mise à pied disciplinaire illégitime,

- le 24 septembre 2009, alors qu'il a contesté la sanction injuste dont il a fait l'objet en des termes courtois, la direction lui répliquait par une lettre polémique en des termes indignes et violents où il est parlé de sa manifeste mauvaise foi, de son courrier sans originalité qu'il a stratégiquement choisi d'adresser à l'inspecteur du travail, aux délégués du personnel, au CHSCT, au médecin du travail, à des syndicats et à un cabinet d'avocat dans l'unique but de se poser en victime à la fois de discrimination syndicale et de harcèlement moral, de son intention conflictuelle et de son attitude provocatrice envers la directrice qui n'avait, néanmoins, pas l'intention de se laisser intimider par ces méthodes,

- que dès le 26 juin 2009, le CFA n'a pas hésité à faire contrôler les arrêts maladie prescrits par son médecin traitant.

La réalité des faits invoqués est établie par les lettres citées et produites au débat.

L'ensemble des faits dénoncés par [P] [G], leur commission dans un délai de deux ans après 24 années de service et l'arrêt maladie de [P] [G], à compter du 9 juin 2009, pour 'une tendance dépressive et de l'anxiété' laissent présumer l'existence d'un harcèlement.

Dès lors, il incombe au CFA -CIASEM de prouver que les agissements précités ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

1. Les pratiques persécutrices

Il ressort de la procédure de gestion des achats et des stocks établie le 1er septembre 2008 par [Z] [S], à la demande de la direction et validée par celle-ci, du rapport des résultats de la mise en 'uvre des procédures que ces dernières, destinées à maîtriser les coûts et faire des économies, ont eu des résultats probants mais que leur mise en place s'est heurtée à une forte opposition dans certains secteurs.

Les échanges de courriers entre [P] [G] et [Z] [S] et les lettres adressées par cette dernière à l'employeur au sujet des exigences de [P] [G] font apparaître que les demandes adressées par [Z] [S] à [P] [G] avait pour but de faire respecter ces procédures et que [P] [G] remettait en cause le bien fondé des demandes et des décisions d'[Z] [S].

Les attestations produites par [P] [G] ne démontrent pas qu'[Z] [S] a systématiquement modifié ou annulé, en partie, des commandes de marchandises qu'il avait effectuées et qu'il était seul le concernait par des problèmes de commandes.

D'autre part, il résulte des explications données par [Z] [S] à [P] [G] ou à la direction que les commandes qu'elle faisait, même si parfois elles ne répondaient aux exigences de [P] [G], ne préjudiciaient pas au bon déroulement des cours. Ainsi à propos de l'exigence de [P] [G] d'avoir des poulets fermiers, [Z] [S] a rendu compte à la direction qu'aux termes de ses vérifications auprès de professionnels, il lui a été affirmé que le geste pédagogique sur un poulet était le même qu'il soit haut de gamme ou bas de gamme.

Il résulte de ces éléments que les agissements d'[Z] [S] étaient conformes à ses missions et étaient étrangers à tout harcèlement moral.

2. Les pratiques punitives de l'employeur

Par lettre du 30 mars 2007, pour excuser les insultes proférées par [O] [S] à l'encontre de [P] [G], que [O] [S] avait reconnues, qui étaient graves et qui avaient été proférées devant des collègues et des apprentis, la direction du CFA invoque les agissements de [P] [G] qu'elle qualifie de critiquables. Ces agissements ont consisté à entraîner, à un concours, un apprenti de [O] [S] que ce dernier refusait d'entraîner aux dires, non contestés, du CFA-CIASEM.

Le CFA-CIASEM en a conclu qu'il existait un problème relationnel entre les deux salariés et a proposé une médiation qui s'est soldée par un protocole d'accord scellé, selon les termes du protocole d'accord, par 'une poignée de mains ferme et sincère entre les parties.'

A supposer une erreur de l'employeur dans le traitement de l'incident voire une impartialité, comme le lui a reproché [P] [G] qui s'estimait et s'estime victime, et qui n'admettait pas et n'admet pas l'excuse retenue par l'employeur au profit de [O] [S], la décision de recourir à une médiation qui a été acceptée par les deux salariés et qui a été conclue par un protocole d'accord est étrangère à tout harcèlement moral.

Les termes des lettres du 15 mai 2007 et 24 septembre 2009 adressées par la direction à [P] [G] et cités dans l'exposé de ses allégations sont excessifs, polémiques et s'opposent à tout dialogue constructif avec un salarié qui conteste une sanction reçue pendant un congé maladie et qui fait valoir que son état de santé ne lui permet pas de rédiger une contestation circonstanciée.

Le CFA-CIASEM n'avance aucun élément pour expliquer cette attitude de l'employeur.

Dans le cadre de l'instance, l'employeur fait des insinuations sur l'honnêteté de son salarié.

C'est ainsi :

- qu'il cite une précédente mise à pied du 13 avril 2005 en indiquant que [P] [G] s'était approprié des marchandises sans autorisation mais en omettant de préciser que [P] [G] contestait les faits, avait saisi le conseil de prud'hommes et que le différend s'est achevé par une transaction aux termes de laquelle, l'employeur a annulé la sanction et a versé des dommages et intérêts au salarié,

- qu'en expliquant que [P] [G] faisait partie des salariés qui se sont opposés avec véhémence aux procédures et instructions d'[Z] [S], le CFA-CIASEM ajoute que [P] [G] cumule son activité au CFA avec une activité artisanale de fabrication de plats préparés à emporter depuis le 17 février 2006 et assure, comme traiteur tout au long de l'année, des réceptions, mariages, anniversaires et il produit un extrait du répertoire des métiers mais sans préciser le but de cette information,

- qu'il s'interroge sur le bien fondé de l'arrêt maladie de [P] [G] à compter du 9 juin 2009 au seul motif que lors d'une contre visite le 26 juin 2009, il était absent de son domicile,

- qu'il s'attarde sur le revirement de position de [P] [G] qui après avoir demandé, lors de la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi en juillet 2009, à quitter l'entreprise dans le cadre d'un départ volontaire et a confirmé son accord, a ensuite prétendu que son départ était forcé ce qui a conduit l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation sollicitée (s'agissant d'un salarié protégé) sans expliquer en quoi ce fait peut avoir un lien sur le bien fondé d'une sanction ou la réalité du harcèlement moral invoqué,

- qu'il produit un article de presse relatant des faits dramatiques survenus le 29 octobre 2010 et imputés au fils de [P] [G] sans préciser les motifs de cette communication étrangère au litige et en indiquant à l'audience que [P] [G] avait des motifs, autres que professionnels, d'être malade alors qu'à cette date, [P] [G] avait repris son travail depuis près d'un an.

En définitive, les termes des lettres de l'employeur ne sont pas expliqués par des motifs étrangers à du harcèlement moral et la réalité de celui-ci est établi par les insinuations déloyales de l'employeur, dans le cadre de sa défense, sur la malhonnêteté de son salarié, l'ensemble de ces propos portant atteinte à la dignité de ce dernier.

Il résulte des attestations et des certificats médicaux produits, que les agissements de harcèlement moral de l'employeur envers [P] [G] ont provoqué une dégradation de ses conditions de travail et ont porté atteint à sa santé.

Compte tenu des éléments d'appréciation dont dispose la cour, l'évaluation faite par le conseil de prud'hommes du préjudice de [P] [G] lié au harcèlement moral commis par l'employeur, et seulement à ce fait constitue, une juste évaluation de ce préjudice.

La décision doit être confirmée.

Sur les dépens et les frais non répétibles :

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, le CFA -CIASEM partie perdante, doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais non répétibles qu'il a exposés et verser à [P] [G] une indemnité pour les frais non répétibles qu'elle l'a contraint à exposer.

L'indemnité allouée par les premiers juges doit être confirmée et une indemnité de 2.000 euros doit être ajoutée pour les frais exposés en cause d'appel.

Sur la garantie de l'AGS :

L'AGS-CGEA doit être mise hors de cause , le CFA-CIASEM est redevenu in bonis.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement entrepris,

Constate que du fait de l'adoption du plan de redressement le CFA-CIASEM est redevenu in bonis,

Prononce la mise hors de cause du Centre de gestion et d'études de [Localité 8],

Ajoutant,

Condamne le centre de formation d'apprentis du commerce, de l'industrie et de l'artisanat de [Localité 12] et [Localité 10] à verser à [P] [G], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire de 2.000 euros pour les frais non répétibles exposés en cause d'appel,

Condamne le même aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président

Evelyne DOUSSOT- FERRIER Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 10/07798
Date de la décision : 17/06/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°10/07798 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-17;10.07798 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award