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08/06/2011 | FRANCE | N°10/00464

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 08 juin 2011, 10/00464


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/00464





SAS KALISTERRA



C/

[Adresse 6]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Janvier 2010

RG : F 08/01647











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 08 JUIN 2011













APPELANTE :



SAS KALISTERRA

[Adresse 1]

[Localité 5]>


comparant en personne, assistée de Me Florence BACHELET, avocat au barreau de BORDEAUX









INTIMÉE :



[Y] [P] épouse [A]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 8] ([Localité 8])

[Adresse 3]

[F] [B]

[Localité 4]



comparant en personne, assistée de Me Sophie GIRA...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/00464

SAS KALISTERRA

C/

[Adresse 6]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Janvier 2010

RG : F 08/01647

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 08 JUIN 2011

APPELANTE :

SAS KALISTERRA

[Adresse 1]

[Localité 5]

comparant en personne, assistée de Me Florence BACHELET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

[Y] [P] épouse [A]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 8] ([Localité 8])

[Adresse 3]

[F] [B]

[Localité 4]

comparant en personne, assistée de Me Sophie GIRAUD, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

PARTIES CONVOQUÉES LE : 8 décembre 2010

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Avril 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Françoise CARRIER, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Juin 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Mme [Y] [A] a été embauchée initialement par la société LABORATOIRE KALISTERRA ayant pour objet la distribution de produits biologiques, dans le cadre de contrats à durée déterminée une première fois du 4 janvier au 3 novembre 2006 (remplacement de Mme [U] en congé maternité et pour surcroît d'activité lié au projet HFS Europe) et une deuxième fois du 6 novembre au 29 décembre 2006 (surcroît d'activité et remplacement partiel de Mme [U] ) ;

Le 22 janvier 2007, Mme [A] a été embauchée par le même employeur en qualité de chef de produits senior statut cadre ;

A l'issue de la période d'essai d'une durée de trois mois ayant donné elle-même lieu à renouvellement, Mme [A] a successivement bénéficié de congés payés du 22 juillet au 26 juillet 2007, de journées de récupération jusqu'au 1er août 2007, d'un congé sans solde jusqu'au 3 août 2007 avant de se retrouver en arrêt de travail ininterrompu du 9 août 2007 au 24 février 2008 ;

Convoquée le 4 octobre 2007 à un entretien préalable à son licenciement fixé au 29 octobre suivant , Mme [A] a été licenciée par courrier du 23 novembre 2007 pour absences répétées en suite de quoi elle a bénéficié d'un préavis de trois mois ;

Saisi le 29 avril 2008 de demandes en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d'une demande de nullité de son licenciement ainsi que d'une demande d'indemnisation d'un préjudice moral lié à une sanction pécuniaire, le conseil des prud'hommes de [Localité 7], au terme d'un jugement rendu le 7 janvier 2010, a :

- dit que Mme [A] n'avait pas été victime de harcèlement moral mais que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS KALISTERRA à lui payer les sommes de :

* 32 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 18, 08 € à titre de complément d'indemnité de licenciement ;

* 1 193,64 € à titre de complément de congés payés ;

* 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [A] du surplus de ses demandes ;

Le 19 janvier 2010, la société KALISTERRA SAS a interjeté appel général de ce jugement qui lui avait été notifié le 8 janvier précédent ;

Vu les conclusions écrites déposées le 28 septembre 2010 et oralement soutenues par la société KALISTERRA SAS laquelle sollicite, réformant, de débouter Mme [A] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions écrites déposées le 27 septembre 2010 et oralement soutenues par Mme [A] laquelle demande de confirmer les dispositions relatives aux sommes allouées au titre d'un complément d'indemnité de licenciement d'une part, de congés payés d'autre part, de dire que son licenciement est frappé de nullité et en tout cas dépourvu de cause réelle et sérieuse, de porter en cause d'appel le montant des dommages et intérêts alloués à 60 000 € et de lui verser une indemnité de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR QUOI LA COUR

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel principal, interjeté dans le délai d'un mois prévu par les articles 538 du Code de procédure civile et R 1464-1 du Code du travail, est régulier en la forme ce qui rend régulier l'appel incident qui s'y est greffé ;

Sur le fond

Sur la demande en paiement d'un complément de congés payés d'un montant de 1193 ,64 €

En l'absence de toute contestation dûment argumentée de la société KALISTERRA SAS, le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a fait droit a cette première demande ;

Sur la demande en paiement d'une complément d'indemnité de licenciement d'un montant de 18,08€

Sur la base d'un constat identique à celui fait précédemment, le jugement attaqué sera confirmé ;

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse

Fixant les limites du litige, la lettre de licenciement est motivée comme suit :

'Vous êtes absente de votre poste de travail depuis le 9 août 2007 et l'arrêt en cours va jusqu'au 31 décembre 2007 ;

Vos absences prolongées et répétées perturbent durablement l'organisation et le bon fonctionnement du service marketing auquel vous appartenez ainsi que la gestion des dossiers et des marques dont vous avez la charge.

En effet, vous avez la responsabilité de la marque EVENAT qui représente plus de 3 millions d'euros de chiffre d'affaires, et de la marque TARTEIX pour 1,2 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Ces deux marques propres a l'entreprise assurent une marge essentielle à la rentabilité de l'entreprise, votre absence prolongée fragilise donc très fortement une partie significative de l'activité de l'entreprise.

Le service marketing de dix personnes est composé essentiellement de juniors récemment embauchés comme c'est le cas de l'assistante que vous ménagez;

Si votre responsable hiérarchique Mme [U] a pallié votre absence en reprenant une partie de vos dossiers, elle n'a pu assumer l'intégralité de votre charge de travail ni la répartir sur vos collègue et votre subordonné .

Votre manager est tombée malade et a été arrêtée trois semaines pour cause de surmenage .

Il nous faut donc procéder à votre remplacement définitif (...)'

Mme [Y] [A] soutient en premier lieu qu' il n'est justifié d'aucune désorganisation découlant de ses absences répétées pour la raison qu'aucune organisation sérieuse n'a été mise en place, qu'il était parfaitement possible d'assurer son remplacement et qu'enfin il n'est pas justifié d'une quelconque baisse du chiffre d'affaires ;

La société KALISTERRA SAS réplique que l'envoi à répétition par l'intimée avec des retards de plusieurs jours d'arrêts maladie de très courte durée a eu pour conséquence de faire obstacle à tout remplacement durable de celle-ci en charge dans le cas d'espèce d'un rôle stratégique au sein de l'entreprise ;

Comme il a été vu ci-dessus, Mme [A] a contesté lors des explications orales fournies par elle la réalité de la désorganisation résultant de ses absences répétées ;

Il résulte des pièces versées aux débats qu'en sa qualité de chef de produits senior statut cadre, Mme [A], effectivement placée sous l'autorité de Mme [U], s'étant vue confier le développement de marques stratégiques pour l'entreprise (marques EVERNAT et TARTEIX) comme générant le plus fort taux de marge (plus de 30 %), il était primordial pour l'entreprise que ladite activité ne connaisse pas de perturbation sensible ;

Il n'est pas contesté que le service marketing en cause était composé pour l'essentiel de 'juniors' récemment embauchés dont l'activité exigeait un strict encadrement ;

L'envoi successif à effet pour le premier du 9 août 2007 d'arrêts de courte durée, avec au demeurant du retard pour partie d'entre eux, a fait obstacle à toute lisibilité quant à la durée prévisible de l'arrêt de travail et rendu d'autant plus difficile le recours à une embauche dans le cadre d'un remplacement temporaire ;

Pas davantage, la solution retenue dans un premier temps ayant consisté à demander à la supérieure hiérarchique de la salariée absente d'assurer son remplacement ne s'est avérée tenable, la première en la personne de Mme [U] ayant elle-même rencontré très vite des difficultés de santé dû à une situation de surmenage ;

Il n'est par ailleurs pas contesté que Mme [A] a été effectivement remplacée par Mme [C] [D] à compter du 13 décembre 2007 et ce après que cette dernière ait elle- même remplacé un chef de produits en congé maternité ;

C'est en conséquence à tort que Mme [A] a cru devoir contester le licenciement querellé au motif de l'absence de toute désorganisation ;

Mme [A] soutient encore que son absence prolongée n'ayant été que la conséquence d'un harcèlement moral, elle est fondée à demander la nullité de son licenciement ;

Concluant à l'inverse à la confirmation de la décision attaquée en ce qu'il a été dit que Mme [A] n'avait fait l'objet d'aucun harcèlement moral, la société appelante fait valoir que l'intimée s'étant retrouvée confrontée à des difficultés d'ordre méthodologique dûment pointées à l'occasion d'un 'examen d'orientation à 360°', elle a pu alors bénéficier de l'aide de sa supérieure hiérarchique sans qu'aucune des observations faites ne puissent être critiquées tant dans la forme que dans le fond ;

En conformité avec les dispositions de l'article L 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui s'estime victime d'un harcèlement moral d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement avec comme incidence que dès lors qu'un salarié produit des pièces qui font présumer un harcèlement moral, il appartient alors à l'employeur de prouver que le harcèlement n'est pas constitué ;

En cause d'appel, Mme [A] n'a pas estimé devoir maintenir sa demande initiale tendant au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral dont elle avait été précisément déboutée par le premier juge ;

En tout état de cause, l'intimée ne satisfait pas à l'obligation pesant sur elle d'établir des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Les mails échangés entre les différents salariés produits aux débats, s'ils confirment l'existence d'un mode de fonctionnement consistant à travailler de façon récurrente dans l'urgence (ce que le chef du groupe QRD a lui-même déploré dans son mail du 26 avril 2007), ne permettent pas d'en déduire que leur existence aurait répondu à la définition 'd'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale'au sens des dispositions sus-rappelées ;

A aucun moment il n'a été usé dans ces mails de formulation de nature à porter atteinte à la dignité de Mme [A], la demande tendant à obtenir la 'remise à jour des budgets dès ce matin' (cf mail du 9 mai 2007) ne pouvant caractériser une telle atteinte qui, même si elle avait existé, aurait été isolée alors même que le harcèlement moral doit pour être caractérisé procéder d'agissements répétés ;

Si Mme [A] est le rédacteur du courriel portant comme objet 'AU SECOURS!!!' (cf mail daté du 9 octobre 2006), il y a lieu de constater que celui-ci a été rédigé alors qu'elle était embauchée dans le cadre d'un contrat de travail distinct du contrat litigieux et que les difficultés pointées par elle à cette occasion ne l'ont pas dissuadée de conclure le contrat à durée indéterminée litigieux ;

La contestation élevée est d'autant moins fondée que la relation salariale en cause n'a en définitive duré que quelques mois, Mme [A] ayant comme il a été vu ci-dessus quasiment cessé de venir travailler à l'expiration de la reconduction de sa période d'essai ;

A défaut pour l'intimée de pouvoir exciper de l'existence d'un harcèlement moral, sa demande tendant à obtenir la constatation de la nullité de son licenciement pour absences répétées sera en conséquence rejetée ;

Mme [A] soutient enfin, en conformité avec la motivation retenue par le premier juge, qu'en l'exposant à un 'stress permanent et prolongé', la société intimée a méconnu ses obligations touchant à la protection de la santé des salariés figurant sous les articles L 4111-1 et 2 du code du travail à raison de l'existence d'une situation de surcharge de travail découlant d'un manque de stabilité du personnel, de la priorité donnée à l'embauche de stagiaires, de la fixation dans le cadre du document intitulé 'engagement pour la performance des collaborateurs soumis à un suivi et à un contrôle hiérarchique' d'un nombre d'objectifs (14) supérieur au maximum prévu (6), de la pression mise sur elle au travers de mails 'accusateurs' ce qui a conduit au constat de l'existence d'un épuisement professionnel.

A l'appui de son appel , la société KALISTERRA fait valoir qu'à supposer même qu' une situation de stress ait existé au sein de l'entreprise il n'est nullement établi que celle'ci ait excédé la capacité normale de tout salarié à y faire face, qu'au demeurant il a fallu que l'intimée saisisse le premier juge pour s'en faire pour la première fois l'écho dans ses écritures de première instance ce qui fait qu'en tout état de cause elle s'est trouvée dans l'impossibilité de s'enquérir des difficultés prétendument rencontrées et de prendre les dispositions adéquates ;

Il découle des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail que l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger les travailleurs ; que de même il lui est interdit , dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés ;

Au cas d'espèce, Mme [A], laquelle a quasiment cessé de venir travailler à l'issue de l'expiration de sa période d'essai, n'a à aucun moment alerté son employeur quant à l'existence d'une situation de stress anormal ni davantage pris attache avec la médecine du travail ;

Alors même que l'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, Mme [A] reste taisante quant aux mesures limitativement énumérées par la loi (actions de prévention de risques professionnels, action d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) que celui-ci aurait du prendre et les éléments qui auraient dû l'alerter quant à l'existence de la situation dénoncée ;

A défaut de tout manquement de l'employeur à ses obligations en matière de santé des travailleurs susceptible de pouvoir être retenu contre lui, c'est en vain que Mme [A] a cru devoir exciper de l'existence d'un manquement de la société KALISTERRA à son obligation de sécurité de résultat : elle sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts, le jugement attaqué étant réformé en conséquence ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il ne sera pas fait droit aux demandes de l'une quelconque des parties ;

Par ces motifs

Déclare les appels recevables ;

Dit l'appel principal de la société KALISTERRA SAS seul partiellement bien fondé;

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société KALISTERRA SAS a payer à Mme [Y] [A] les sommes suivantes :

- 18, 08 € à titre de complément d'indemnité de licenciement ;

- 1 193, 64 € à titre de complément de congés payés ;

- 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Réformant pour le reste et statuant à nouveau,

Déboute Mme [Y] [A] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/00464
Date de la décision : 08/06/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/00464 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-08;10.00464 ?
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