AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 10/01610
SA GAME TRAVAUX
anciennement
GAME SUD EST
SAS SECAUTO
C/
[S]
SYNDICAT CFDT SYMETAL DU RHONE (69)
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 23 Février 2010
RG : 08/00388
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 07 JUIN 2011
APPELANTES :
SA GAME TRAVAUX anciennement GAME SUD EST
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Jean Marie CHANON, avocat au barreau de LYON substitué par Me BILLON Nicolas, avocat au barreau de PARIS
SAS SECAUTO
MR [Y], responsable des ressources humaines
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Jean Marie CHANON, avocat au barreau de LYON substitué par Me BILLON Nicolas, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
[H] [S]
né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 11]
[Adresse 6]
[Localité 7]
comparant en personne, assisté de Me Cécile RITOUET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nora TAOULI, avocat au barreau de LYON
SYNDICAT CFDT SYMETAL DU RHONE (69)
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté par Me Cécile RITOUET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nora TAOULI, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 avril 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président
Hervé GUILBERT, Conseiller
Mireille SEMERIVA, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Juin 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE :
[H] [S] a été engagé par la SAS SECAUTO Rhônes-Alpes le 9 janvier 1984 en qualité de technicien analyste dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, la relation de travail étant régie par la convention collective des mensuels des industries métallurgiques du Rhône.
Son contrat a été transféré à la SA GAME SUD EST à compter du 1er juillet 1999.
Contestant le montant de l'indemnité de petit déplacement qui lui était versé, [H] [S], titulaire d'un mandat de délégué syndical, a saisi la formation des référés du Conseil de Prud'hommes qui, par ordonnance du 20 septembre 2004, a rejeté ses demandes ainsi que celle du syndicat CFDT SYMETAL du Rhône.
Le contrat de travail ayant été à nouveau transféré à la SAS SECAUTO à compter du 1er mars 2005, [H] [S], dans le cadre du recours exercé contre cette décision, a demandé une condamnation solidaire à l'encontre des deux sociétés, la SA GAME SUD EST et la SAS SECAUTO.
Par arrêt du 31 juillet 2007, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance disant n'y avoir lieu à référé.
Arguant du non respect par les sociétés GAME TRAVAUX (nouvelle dénomination de GAME SUD EST) et la SAS SECAUTO des dispositions conventionnelles relatives à la prime différentielle de panier, [H] [S] et le syndicat CFDT SYMETAL 69 (ci-après le syndicat), le 29 janvier 2008, ont saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon, section industrie, qui, par jugement du 23 février 2010 a :
- dit que la SA GAME TRAVAUX et la SAS SECAUTO ne respectaient pas les dispositions conventionnelles,
en conséquence,
- condamné solidairement la SA GAME TRAVAUX et la SAS SECAUTO à verser à [H] [S] les sommes de
* 2533,60 euros à titre de rappel de prime de panier,
* 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles,
- ordonné à la SAS SECAUTO de procéder au paiement à compter du jugement d'une indemnité forfaitaire englobant la prime de panier égale à 2,5 fois le minimum garanti,
- condamné solidairement la SA GAME TRAVAUX et la SAS SECAUTO à payer au syndicat la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession,
- condamné solidairement la SA GAME TRAVAUX et la SAS SECAUTO à payer à [H] [S] et au syndicat la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de droit.
Appelantes de cette décision par déclaration du 8 mars 2010, la SA GAME TRAVAUX et la SAS SECAUTO forment les demandes suivantes :
- réformer le jugement entrepris,
- dire que les demandes sont partiellement prescrites,
- débouter [H] [S] et le syndicat de leurs demandes,
- les condamner solidairement à leur payer une indemnité de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elles exposent que compte tenu de la date de saisine du Conseil de Prud'hommes, les demandes antérieures au 29 janvier 2003 sont prescrites et que l'interruption de la prescription du fait de la procédure de référé ne peut jouer au delà du 10 avril 2002 à l'égard de la SAS SECAUTO et du 24 décembre 1999 à l'égard de la SA GAME TRAVAUX , l'effet interruptif ayant cessé à la date de l'arrêt du 31 juillet 2007.
Sur le fond, elles indiquent que la convention collective laisse le choix du versement d'une indemnité différentielle de repas et de frais de transport ou d'une indemnité forfaitaire regroupant les deux, et que le salarié ne rapporte pas la preuve que l'indemnité forfaitaire versée est inférieure à la somme des deux calculées sur les bases conventionnelles ni qu'il a effectué les déplacements ouvrant droit au paiement de cette indemnité.
Elles font valoir que l'exemple chiffre donné en exemple par le salarié pour l'année 2006 n'est pas probant, la dissociation de l'indemnité kilométrique et de la prime de repas provenant d'une erreur qui ne s'est produite qu'une seule fois.
Elles ajoutent que les primes de transport, de trajet et de repas ne sont dues que lorsque le salarié accomplit une mission extérieure à son lieu d'attachement qui, pour [H] [S], est [Localité 9], que l'indemnité de déplacement lui est versée pour le trajet effectué entre son domicile et [Localité 9] mais ne saurait lui être due que si des déplacements sur des chantiers sont effectués et justifiés.
Elle en déduit, la demande étant mal fondée, que celle formée par le syndicat doit également être rejetée.
[H] [S] et le syndicat concluent à la confirmation du jugement critiqué et, y ajoutant, à la condamnation solidaire de la SA GAME TRAVAUX et de la SAS SECAUTO à payer
à [H] [S]
* 778,90 euros à titre de rappel de prime de panier de septembre 2009 à janvier 2011,
au syndicat,
* 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,
à [H] [S] et au syndicat, chacun,
* 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, [H] [S] demande la condamnation de la seule société SECAUTO pour l'ensemble de la période.
En toute hypothèse, il s'oppose au moyen tiré de la prescription partielle de l'action, celle-ci ayant été interrompue par la saisine de la formation de référé du 20 septembre 2004.
Avec le syndicat, il réplique que l'indemnité de panier versée par la SA GAME TRAVAUX puis la SAS SECAUTO dans le cadre de l'indemnité forfaitaire de petit déplacement n'est égale qu'à 2 fois le minimum garanti au lieu de 2,5 fois et que le rappel est dû peu important qu'il effectue des chantiers ou exerce son mandat, le versement chaque mois d'une indemnité de petit déplacement en attestant.
Le syndicat indique que le litige concerne non seulement [H] [S] mais l'ensemble des salariés qui sont privés d'un droit né de la convention collective à raison de la résistance abusive de la SAS SECAUTO, ce qui justifie l'allocation de dommages-intérêts pour le préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession.
MOTIFS DE LA DECISION :
1- Sur la prescription :
La prescription quinquennale s'applique à l'action en paiement de la prime de panier, les parties s'accordent sur ce point.
[H] [S], forme une demande à compter de juillet 1999.
L'action en référé intentée le 24 juin 2004 a interrompu la prescription mais la demande a été rejetée tant par l'ordonnance du 20 septembre 2004 que par l'arrêt confirmatif du 31 juillet 2007.
Cependant, nonobstant l'article 2243 du code civil, la SA GAME TRAVAUX et la SAS SECAUTO ne se prévalent pas de la prescription au delà du 24 décembre 1999 pour la première et du 10 avril 2002 pour la seconde, dates qui seront donc retenues.
2- Sur la prime de panier :
L'article 2.3 de l'accord national du 26 février 1976 auquel renvoie l'annexe IV de la convention collective qui traite des conditions de déplacement des mensuels énonce que 'dans le cas où le repas n'est pas assuré sur place par l'employeur ou le client, le salarié en petit déplacement qui sera dans l'obligation de prendre un repas au lieu du déplacement percevra une indemnité différentielle de repas calculée sur la base de 2,5 fois le minimum garanti légal.'
L'article 2.4 indique que 'il pourra être convenu que les différents frais exposés aux articles 2.2 [relatif au transport et trajet] et 2.3 seront couverts par une indemnité forfaitaire. Celle-ci ne pourra être moins avantageuse pour le salarié que le décompte fait en appliquant les articles ci-dessus.'
La SAS SECAUTO a fait le choix d'une indemnité forfaitaire.
Celle-ci doit être au moins égale à l'indemnité différentielle de repas (2,5 fois le minimum garanti) augmentée de l'indemnisation du trajet qui est calculé de façon conventionnelle selon un forfait par tranche de dix kilomètres.
La SAS SECAUTO soutient avoir respecté ces montants et produit deux tableaux pour en rapporter la preuve.
Dans le premier, elle fait un comparatif entre le montant de l'indemnité par kilomètre ajouté à l'indemnité différentielle de panier et le forfait pratiqué.
Ainsi sur la base d'une indemnité kilométrique de 0,1768, elle calcule l'indemnité de déplacement pour 1, 2, 3 ....kilomètres et ajoute l'indemnité différentielle de repas et met en parallèle à cette addition le forfait alloué.
Ce tableau ne fait pas la démonstration souhaitée.
En effet, le montant de la prime différentielle de repas ne fait pas difficulté entre les parties qui donnent chacune le montant du minimum garanti, son actualisation annuelle et le montant de la prime différentielle à 2,5 fois ce montant.
Si, ajoutée à l'indemnisation d'un trajet d'1, 2 ou 3 kilomètres, l'indemnité est préférable au salarié, elle lui est par contre défavorable dès le 4ème kilomètre (frais de déplacement : 1,41 + indemnité panier 7,5 = 8,91 pour une indemnité forfaitaire de 8,81).
Si on fait une moyenne de la première tranche (1à 10 kilomètres) pour vérifier le caractère ou non favorable de l'indemnité forfaitaire allouée, le résultat est encore négatif.
Cette moyenne est de 1,945 euros qui, ajoutée à celle de 7,5 euros d'indemnité différentielle de repas donne un montant de 9,45 euros alors que l'indemnité forfaitaire versée est de 8,81 euros.
Par ailleurs, alors que les calculs sont faits pour les années 2003 à 2010, seule l'évolution du montant de l'indemnité différentielle de repas est prise en compte, l'indemnité kilométrique restant invariable alors qu'il résulte des pièces produites et notamment d'un procès-verbal d'accord sur les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du travail pour l'année 2006 que le barème de l'indemnité kilométrique est réévalué de 3% à compter du 1er mai 2006.
Le deuxième tableau détaille, année après année, le montant de l'indemnité de petit déplacement (repas + trajet) et ses composantes, le montant de l'indemnité différentielle dite prime de panier et le transport.
Le montant figurant sur ce tableau au titre de la prime de panier n'est pas discuté et correspond bien à 2,5 fois le minimum garanti.
Le solde de l'indemnité forfaitaire - panier représente l'indemnisation du transport.
On relève des anomalies.
Ainsi en 2006, on constate une régression du montant de cette indemnité de transport de 1,45 à 1,42 à compter de juillet alors même que le procès-verbal d'accord sur les salaires précité
a prévu une augmentation de 3% du barème applicable à cette date.
Pour illustrer le glissement opéré par la SAS SECAUTO, [H] [S] présente un exemple chiffré montrant que l'indemnité de transport a en réalité bien été augmentée selon les prévisions de l'accord et que le solde négatif correspond au calcul de l'indemnité différentielle inexact sur la base de 2 fois le minimum garanti au lieu de 2,5.
La somme versée au titre du petit déplacement au mois d'avril 2006 est une indemnité forfaitaire de 9,14 euros, ce point ne fait pas litige.
Si l'on déduit de ce montant une indemnité différentielle calculée sur 2 fois le minimum garanti (3,11 x 2) on obtient une somme au titre du transport de 2,92 euros.
En lui appliquant le taux d'augmentation visé par l'accord précité de 2006, 3%, on obtient une indemnité de transport de 3,01 euros qui, ajoutée à l'indemnité différentielle de 2 fois le minimum garanti (3,11x2=6,22) donne le montant de l'indemnité forfaitaire versée à compter de juin 2006, soit 9,23 euros.
Le tableau résume ces données :
IPD 2006 (panier + trajet)
9,14
panier = MG x 2
= 3,11 x 2= 6,22
trajet = 2,92
IPD à compter de juin 2006
9,23
panier = 6,22
trajet = 2,92 x 3% = 3,01
La SA GAME TRAVAUX et [H] [S] indiquent que ce calcul résulte d'une erreur commise à titre exceptionnel et unique, non réitérée ultérieurement.
Outre qu'elles reconnaissent ainsi que le prime de panier est bien calculée sur 2 fois le minimum garanti au lieu de 2,5 fois, elles ne rapportent pas la preuve d'une modification ultérieure des données prises en compte, les montants non contestés figurant sur les tableaux ne mettant pas en évidence une rupture cette année là.
Ce calcul sur la base de 2 fois le minimum garanti est encore conforté par
- divers documents soit anciens (note de service 1997, 1998, extrait de procès-verbal du comité d'entreprise de la SA GAME SUD EST du 28 mars 2001) soit plus récents comme le tableau de synthèse établi en janvier 2002 pour les diverses sociétés du groupe récapitulant, société par société, les forfaits pratiqués et le montant du panier, fixé à 2 MG ( minimum garanti) pour la SA GAME SUD EST et la SAS SECAUTO ou encore l'accord sur salaire de 2006 qui se réfère également à ce montant de 2 MG,
- par la déduction en 2004 d'un montant de 5,98 euros (le minimum garanti x2 = 6 euros) sur le montant de la prime de déplacement allouée à l'occasion de la présentation d'une note de frais.
Le calcul de la prime de panier incluse dans l'indemnité de petit déplacement sur la base de 2 fois le minimum garanti au lieu de 2,5 fois est établi.
La SA GAME SUD EST et la SAS SECAUTO ne peuvent contester la demande en arguant du défaut de preuve de la réalisation de trajets par [H] [S], le principe de l'effectivité du déplacement n'étant pas en cause, le paiement mensuel de l'indemnité de petit déplacement à [H] [S] en attestant. Seul le montant de cette indemnité est contesté.
Il convient donc de faire droit à la demande du salarié dans la limite de la prescription.
[H] [S] ne pouvant demander une condamnation solidaire des deux sociétés, le cédant n'étant pas tenu pour la période postérieure à la cession, il convient de rejeter cette demande de condamnation solidaire et de faire droit à celle formée à titre subsidiaire à l'encontre du cessionnaire tenu pour le tout à compter du 24 décembre 1999, la prescription opposée par la SAS SECAUTO à son encontre, ne privant pas le salarié de lui demander les sommes dues par le cédant du 24 décembre 1999 au 1er mars 2005 date du transfert.
La SAS SECAUTO sera condamnée à payer à [H] [S] la somme de 3168,30 euros à titre de rappel de prime de panier du 24 décembre 1999 au mois de janvier 2011inclus.
3- Sur la demande en dommages-intérêts :
[H] [S] ne démontrant pas un préjudice différent et complémentaire non réparé par l'allocation de cette somme sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles.
5- Sur la demande en dommages-intérêts présentée par le syndicat :
Etant fait droit à la demande de [H] [S] tendant à une application précise des dispositions de la convention collective, le syndicat est recevable en son action de défense de l'intérêt collectif de la profession et fondé en sa demande de dommages-intérêts à concurrence de 1000 euros, le jugement étant confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la SA GAME TRAVAUX et la SAS SECAUTO à payer au syndicat CFDT SYMETAL 69 la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts, à [H] [S] et au syndicat une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnées aux dépens,
Le réforme pour le surplus,
Dit la prescription acquise pour la période antérieure au 24 décembre 1999,
Condamne la SAS SECAUTO à payer à [H] [S] la somme de 3168,30 euros à titre de rappel de prime de panier du 24 décembre 1999 à janvier 2011 inclus,
Déboute [H] [S] de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne la SAS SECAUTO à payer à [H] [S] et au syndicat CFDT SYMETAL 69 la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la SA GAME TRAVAUX et la SAS SECAUTO aux dépens.
Le greffierLe Président
S. MASCRIERD. JOLY