La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2011 | FRANCE | N°09/05551

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 07 juin 2011, 09/05551


R.G : 09/05551

Décision du Tribunal de Commerce de LYONAu fonddu 28 juillet 2009

RG : 2008j408ch no

SAS AQUALAND - AQUARIUM DU GRAND LYONSAS VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE

C/
Compagnie ALLIANZ IARTCompagnie GAN EUROCOURTAGE IARD

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre
ARRET DU 07 Juin 2011
APPELANTES :
SAS AQUALAND représentée par ses dirigeants légauxCamp de l'Abbéavec établissement secondaire " AQUARIUM DU GRAND LYON "6 place du Général Leclerc69350 LA MULATIERE

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avoués à la Cour
assistÃ

©e de Me Marc BUFFARD, avocat au barreau de LYON

SAS VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE - VITreprésentée par ses dirigeants lé...

R.G : 09/05551

Décision du Tribunal de Commerce de LYONAu fonddu 28 juillet 2009

RG : 2008j408ch no

SAS AQUALAND - AQUARIUM DU GRAND LYONSAS VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE

C/
Compagnie ALLIANZ IARTCompagnie GAN EUROCOURTAGE IARD

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre
ARRET DU 07 Juin 2011
APPELANTES :
SAS AQUALAND représentée par ses dirigeants légauxCamp de l'Abbéavec établissement secondaire " AQUARIUM DU GRAND LYON "6 place du Général Leclerc69350 LA MULATIERE

représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Marc BUFFARD, avocat au barreau de LYON

SAS VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE - VITreprésentée par ses dirigeants légauxZone ArtisanaleHautefond71600 PARAY LE MONIAL

représentée par Me Jean-Louis VERRIERE, avoué à la Cour
assistée de Me BAUDOT, avocat au barreau de MACON

INTIMÉES :

Compagnie ALLIANZ IARD anciennement dénommée AGF IART représentée par ses dirigeants légaux1 cours Michelet Case Postale 7C6392076 PARIS LA DEFENSE CEDEX 43

représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe REFFAY, avocat au barreau de l'AINsubstitué par Me PRUGNAUD-SERVELLE, avocat

Compagnie GAN EUROCOURTAGE IARD représentée par ses dirigeants légaux8/10 rue d'Astorg75383 PARIS CEDEX 08

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Courassistée de Me NABA, avocat au barreau de PARISsubstitué par Me BOYVINEAU, avocat

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 25 Février 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Mars 2011
Date de mise à disposition : le 10 Mai 2011, prorogé au 07 Juin 2011Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président- Dominique DEFRASNE, conseiller- Françoise CLEMENT, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Courant 2001, la société AQUARIUM DU GRAND LYON a fait construire à la MULATIERE un bâtiment accueillant 26 aquariums d'eau douce et d'eau de mer.
Dans le cadre de cette construction elle a souscrit une police unique de chantier auprès de la compagnie AGF, devenue la compagnie ALLIANZ IARD.
Pour la fourniture et l'assemblage des vitrages des aquariums, elle a contracté avec la société VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE (VIT), elle-même assurée auprès de la compagnie GAN EUROCOURTAGE IARD.
Le bâtiment a été réceptionné le 19 février 2002 puis ouvert au public en novembre 2002.
En décembre 2002 le vitrage d'un aquarium dénommé "Lac Tanganyika" s'est étoilé et a été remplacé par l'équipe d'entretien de la société AQUARIUM DU GRAND LYON.
En 2004, deux autres bris de glace ont été constatés, sur le bac "Esturgeons" et sur l'aquarium "Carpes japonaises", puis en 2005 un nouveau bris de glace s'est produit sur l'aquarium "Brochets". Parallèlement, il a été constaté que le bassin des requins présentait des bulles évolutives au sein du feuillage de sa plus grande vitre.
Dans ce contexte, la société AQUARIUM DU GRAND LYON a sollicité et obtenu auprès du juge des référés du tribunal de grande instance de LYON la désignation d'un expert en la personne de monsieur D....
L'expert a déposé son rapport le 31 octobre 2007.
Entre temps, le 29 septembre 2005, la société AQUARIUM DU GRAND LYON a été placée en liquidation judiciaire et le 20 juillet 2006, en exécution de la décision du juge commissaire est intervenue la cession de son fonds de commerce et des droits immobiliers et en dépendant au profit de la SAS AQUALAND.
Le 31 janvier 2008, la société AQUALAND a fait assigner devant le tribunal de commerce de LYON la société VIT et la compagnie AGF en sa qualité d'assureur dommages d'ouvrage pour avoir réparation du préjudice résultant des désordres. La compagnie AGF de son côté a appelé en cause la compagnie GAN EUROCOURTAGE IARD.
Par jugement du 28 juillet 2009, le tribunal de commerce a :- déclaré recevable et partiellement fondée l'action introduite par la société AQUALAND - AQUARIUM DU GRAND LYON,- mis hors de cause la compagnie d'assurance AGF IARD,- dit que la responsabilité des désordres ayant affecté différents bassins de L'AQUARIUM DU GRAND LYON - AQUALAND était imputable à hauteur de 60% à la société VIT et de 40% à la société AQUARIUM DU GRAND LYON,- condamné en conséquence la société VIT à payer à la société AQUALAND la somme de 709.245 euros, outre intérêts, au taux légal à compter du 31 janvier 2008,- ordonné la capitalisation des intérêts,- dit que la compagnie GAN EUROCOURTAGE devait relever et garantir la société VIT à hauteur de 150.000 euros, déduction faite de la franchise contractuelle de 3.000 euros,- ordonné l'exécution provisoire,- condamné in solidum la société VIT et la compagnie GAN EUROCOURTAGE à payer à la société AQUALAND la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné la société AQUALAND à payer à la société AGF IARD la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné in solidum la société VIT et la société GAN EUROCOURTAGE aux entiers dépens, y compris les frais de l'expertise.

La société VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE (VIT) a interjeté appel de cette décision le 26 août 2009. La société AQUALAND et la compagnie GAN ont, de leur côté, formé appel incident.

La société VIT demande à la cour :A titre principal :- de déclarer la SAS AQUALAND irrecevable en son action pour défaut de qualité à agir,A titre subsidiaire :- de dire qu'aucune part de responsabilité ne peut être laissée à sa charge en qualité de fournisseur des produits litigieux,A titre plus subsidiaire :- de condamner la société GAN EUROCOURTAGE à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,- de statuer ce que de droit sur le recours de la société AQUALAND au titre de sa police dommages d'ouvrage,En tout état de cause :- de condamner la société AQUALAND aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante indique tout d'abord que la société AQUALAND ne justifie pas d'une qualité à agir car l'acte de cession du fonds de commerce en date du 20 juillet 2006 ne prévoit pas la cession de l'indemnité à laquelle pourrait prétendre le maître de l'ouvrage en raison du sinistre.

Sur le fond, elle conteste toute responsabilité de même que les conclusions de l'expert judiciaire.
Elle fait valoir :
- qu'elle doit être considérée comme un simple fournisseur des vitrages sans aucune intervention de sa part dans la conception ou la mise en oeuvre des produits fabriqués et livrés, de sorte que les dispositions de l'article 1792 alinéa 2 du code civil ne sont pas applicables,
- qu'elle n'a fait qu'assembler et livrer les éléments verriers fabriqués par GLAVERBEL et trempés par VERTAL, de sorte que sa responsabilité ne pouvait être recherchée ni sur le fondement des vices cachés de l'article 1641 du code civil, ni sur le fondement de la responsabilité du fabriquant des articles 1386-1 à 1386-18 du code civil.
Elle explique que les délaminations et bris de glace constatés lors de l'expertise ont pour seule cause l'incompétence avérée de monsieur Jean E..., salarié de la société AQUARIUM DU GRAND LYON et chargé du montage des aquariums.
Elle indique qu'elle n'a pas davantage manqué à son obligation de conseil, ayant proposé des tests HST consistant à placer les verres sous contrainte, tests qui ont été refusés par monsieur E... à l'occasion des commandes et qu'en réalité, le maître de l'ouvrage, par l'intermédiaire de monsieur E..., maître d'oeuvre et homme de l'art, a fait le choix de l'économie en acceptant délibérément un risque statistique de casse.
Elle conteste par ailleurs le préjudice invoqué par la société AQUALAND tant sur le plan matériel que sur le plan économique, notamment au regard de l'immobilisation du site.
Elle sollicite la garantie de son assureur la compagnie GAN EUROCOURTAGE en application de la police "responsabilité professionnelle des fabricants et assimilés ou négociants de matériaux de construction" en faisant valoir que la clause d'exclusion de l'article 5.7 ne saurait s'appliquer au vitrage des aquariums, intégrés dans le gros oeuvre au sens de l'article 525 du code civil.

La compagnie GAN EUROCOURTAGE IARD demande de son côté à la cour :- de la mettre hors de cause tant en raison des conditions générales des polices d'assurance responsabilité des fabricants et responsabilité civile qu'en raison de l'absence d'aléa,- de dire qu'aucune responsabilité ne saurait être retenue à l'encontre de la société VIT et subsidiairement d'ordonner une expertise pour évaluer le préjudice financier allégué par la société appelante,- à titre subsidiaire, de constater que les polices d'assurance ne sont mobilisables que dans les limites des contrats,- de condamner la société AQUARIUM DU GRAND LYON ou tout autre succombant à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La compagnie GAN fait valoir les dispositions de l'article 5.7 des conditions générales de la police responsabilité professionnelle des fabricants en indiquant que cet article exclut les équipements installés pour permettre exclusivement l'exercice d'une quelconque activité professionnelle dans le bâtiment et que tel est bien le cas en l'espèce des vitrages fournis par la société VIT qui ont pour fonction exclusive d'équiper l'aquarium, peu important que l'élément d'équipement soit ancré ou non dans les éléments de gros oeuvre du bâtiment car la qualification de l'élément s'apprécie uniquement au regard de la fonction poursuivie.

Elle fait valoir également les dispositions de l'article 3.1 des dispositions générales de la police en expliquant que n'est garantie que la responsabilité pouvant incomber à l'assuré et résultant d'un vice caché, d'un produit incorporé à des constructions ou existant, alors qu'en l'espèce, l'expert D... n'a nullement caractérisé un vice caché des vitrages mais une infiltration d'eau dûe au montage.
Elle indique par ailleurs que la proportion de verre fissuré observé à L'AQUARIUM DU GRAND LYON correspond à la proportion moyenne des rebuts constatés dans les essais HST et que dans ces conditions, la présence de verre fissuré étant inéluctable ne constitue pas un événement aléatoire au sens de l'article 1964 du code civil.
En ce qui concerne la police responsabilité civile, elle fait valoir la clause 2.2.3.3 des conditions particulières en indiquant qu'est exclu de la garantie le remplacement des vitrages litigieux et que les autres frais sont soumis au plafond de garantie.

Sur les responsabilités et sur les préjudices du maître de l'ouvrage, ses explications formulées à titre subsidiaire sont similaires à celles de la société VIT.

La société AQUALAND demande à la cour :- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu sa qualité et son intérêt à agir,- de dire que la société VIT est seule responsable du sinistre,- de réformer le jugement sur ce point et de condamner la société VIT à l'indemniser de l'intégralité de son préjudice pour un montant de 1.927.286 euros HT,- de constater que son action à l'encontre de la compagnie AGF n'est pas forclose,- de condamner la compagnie AGF solidairement avec la société VIT à lui payer la somme de 525.866 euros HT correspondant au préjudice matériel,- de condamner la compagnie GAN EUROCOURTAGE à garantir la société VIT à hauteur de 770.000 euros, montant de son plafond de garantie pour les dommages immatériels en vertu de la police numéro 084.192.649,- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société VIT et son assureur la compagnie GAN EUROCOURTAGE à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article l'article 700 du code de procédure civile,- de condamner la société VIT aux dépens.

La société AQUALAND fait d'abord valoir qu'il résulte de l'acte de cession du fond de commerce de la société AQUARIUM DU GRAND LYON qu'elle est subrogée dans les droits actions de cette société et qu'elle a bien qualité à agir en réparation du préjudice subit.

Elle soutient que la responsabilité des désordres affectant les vitrages des aquariums incombe à 100% à la société VIT ainsi qu'il ressort des constatations de l'expert D... qui a retenu comme cause première la fabrication des éléments verriers par cette société en excluant l'entretien et l'exploitation des ouvrages.
Elle ajoute que le manquement de la société VIT à son obligation de conseil est stigmatisé par l'expert judiciaire qui souligne dans son rapport qu'elle ne devait pas exécuter servilement les commandes passées par le maître de l'ouvrage et devait au contraire, comme maître des techniques propres à son corps d'état, émettre toutes réserves et remarques quant aux prescriptions contenues dans la demande de devis qui lui semblaient incompatibles avec l'art et la bonne construction, d'autant plus qu'elle n'ignorait pas le danger potentiel de s'affranchir des tests de fiabilité et de solidité pour un bâtiment devant recevoir du public, notamment des enfants badauds.
Elle évalue son préjudice à la somme de 1.927.286 euros HT se décomposant comme suit:- poste eau (eau de mer et eau douce) : 22.880 euros,- main d'oeuvre : 22.200 euros,- remplacement des vitrages : 575.786 euros,- poissons (estimation de la mortalité et perte de la mise en eau des nouveaux poissons) : 195.000 euros,- maturité des nouveaux bassins (perte de l'équilibre biologique de chaque module, de l'équilibre acquis depuis plus de 5 ans avec un impact sur l'aspect esthétique des bacs et sur la satisfaction des visiteurs) : 1.110.420 euros, ce, déduction faite des postes retenues pour le bassin des requins qui fait l'objet d'une procédure judiciaire distincte.

Elle sollicite la garantie de la compagnie ALLIANZ venant aux droits de la compagnie AGF en sa qualité d'assureur dommages d'ouvrage en contestant la forclusion qui lui est opposée par l'assureur, dans la mesure où le sinistre n'était pas révélé dans toute son ampleur au jour de la déclaration, si bien que le point de départ du délai de prescription devait être repoussé au jour du dépôt du rapport de monsieur D..., soit le 31 octobre 2007.

Elle fait valoir également que la compagnie GAN EUROCOURTAGE doit sa garantie à la société VIT en formulant les mêmes arguments que la société assurée.

La compagnie ALLIANZ IARD, venant aux droits de la compagnie AGF demande de son côté à la cour :- de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause,- de juger inopposable à son égard le rapport d'expertise judiciaire de monsieur D... sur lesquelles les demandes de condamnation sont fondées,- de rejeter comme étant injustifiées, tant dans leur principe que dans leur quantum les demandes présentées par la société AQUALAND,- subsidiairement, de dire que les dommages matériels subis par la société AQUALAND sont exclusivement constitués par le remplacement des vitres endommagées et que toute condamnation prononcée à son encontre doit s'entendre dans les limites du contrat et notamment dans les limites du plafond au titre de la garantie complémentaire accordée pour les dommages immatériels,- de condamner in solidum la société AQUALAND, la société VIT et la compagnie GAN EUROCOURTAGE à la relever de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,- en tout état de cause de condamner la société AQUALAND ou qui mieux le devra lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La compagnie GAN soulève d'abord la prescription biennale de l'article L114-1 du code des assurances en expliquant que la société AQUALAND, par l'intermédiaire de son courtier, lui a adressé une déclaration de sinistre le 22 mars 2005, qu'elle a missionné le cabinet HIGHTECH qui a établit son rapport préliminaire le 17 mai 2005, notifié ensuite à l'assuré le 19 mai 2005 une position de non garantie au motif que les travaux de pose des vitrages avaient été réalisés par le maître de l'ouvrage lui-même, que la société AQUALAND n'a effectué aucune démarche procédurale à son encontre avant le 4 février 2008, sa demande d'expertise judiciaire n'ayant pu interrompre la prescription puisqu'elle n'a jamais été appelée aux opérations d'expertise.

Elle fait valoir également que les polices responsabilité civile décennale souscrites par les adhérents à la TRC ne sauraient être mobilisées dès lors que les seules responsabilités caractérisées par l'expert judiciaire sont celles du maître de l'ouvrage et de la société VIT, fournisseur des vitrages qui n'est pas un constructeur.
A titre subsidiaire elle fait valoir l'inopposabilité du rapport d'expertise à son égard, et plus subsidiairement, le plafond de la garantie complémentaire portant sur les dommages immatériels consécutifs aux dommages matériels.
Sur sa demande à l'encontre de la compagnie GAN, elle soutient comme la société VIT et comme la société AQUALAND que le contrat d'assurance responsabilité professionnelle des fabricants a bien vocation à s'appliquer aux circonstances du sinistre.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- I - Sur la recevabilité des prétentions de la société AQUALAND
Attendu qu'il résulte clairement de l'acte de cession du fonds de commerce et du bail à construction associé de la société AQUARIUM DU GRAND LYON, en date du 20 juillet 2006, que la société AQUALAND, cessionnaire, est subrogée dans les droits de la société cédante au titre de la procédure judiciaire consécutive aux bris de glace des aquariums et dans laquelle l'expert D... avait été désigné par le tribunal de grande instance de LYON;
Que l'intérêt à agir de la société AQUALAND pour réclamer réparation du préjudice résultant de ce sinistre n'est pas contestable et que le tribunal de commerce a rejeté à juste titre le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société VIT ;

- II - Sur les responsabilités

Attendu que l'expert a relevé deux types de désordres apparus spontanément au cours de l'exploitation de l'ouvrage : des bris de vitres affectant indifféremment les faces internes et externes des vitrages et des délaminations des éléments verriers consécutives à des infiltrations d'eau ;
Qu'en l'absence de choc accidentel constaté ou rapporté, le bris des verres ne peut selon lui qu'être attribué à des inadéquations entre les montages effectués et la résistance des éléments verriers utilisés, soit avec des points durs, soit avec des mises sous contrainte lors de ces montages ; que les délaminations sont la conséquence d'une tranche insuffisamment protégée par le joint en silicone appliqué et d'un contre collage présentant des faiblesses à l'eau ;
Que l'expert judiciaire relève que la société VIT n'a pas réalisé les tests de fiabilité et de solidité alors qu'elle avait une parfaite connaissance de la destination des éléments verriers commandés pour la réalisation d'aquariums de très grande capacité ;
Qu'il relève par ailleurs que les travaux ont été pilotés sous l'autorité de monsieur Jean E..., alors salarié de la société AQUARIUM DU GRAND LYON qui avait commandé les éléments verriers et assuré le suivi et la coordination de leur montage in situ ;
Qu'il considère néanmoins que la société VIT devait être particulièrement vigilance au contre collage exécuté, s'assurer d'une parfaite résistance à l'eau de ce contre collage ou imposer un montage protégeant cette faiblesse potentielle ;
Qu'il précise qu'en dépit des erreurs possibles de montage des éléments verriers, certains résistaient parfaitement tandis que d'autres défaillaient au niveau du contre collage ou se brisaient du fait d'une fiabilité ou d'une solidité inférieure aux contraintes subies, quelque soit leur valeur intrinsèque ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que la société VIT a fourni à la société AQUARIUM DU GRAND LYON des éléments vitrés insuffisamment résistants et qui rendaient impropre à l'usage les aquariums auxquels ils étaient destinés ;

Qu'il apparaît également que la société VIT a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de réaliser des tests de solidité et de fiabilité qui auraient permis d'exclure de la livraison des produits défectueux ;
Que la société VIT fait valoir qu'elle a proposé à la société AQUARIUM DU GRAND LYON deux devis, l'un sans test HST et l'autre avec test et que le maître de l'ouvrage pour des raisons d'économie a choisi le premier ;
Que l'expert judiciaire fait justement remarquer dans son rapport que la société VIT, comme maître des techniques propres à son corps d'état et en parfaite connaissance de la destination des éléments verriers commandés ne pouvait exécuter servilement les commandes passées par le maître de l'ouvrage sans l'aviser du danger potentiel à s'affranchir des tests pour un bâtiment devant recevoir du public et n'aurait jamais dû proposer cette alternative ;
Que rien n'indique que monsieur E... qui a piloté le montage de l'aquarium avait une compétence particulière en matière de fabrication d'éléments vitrés et qu'il a été dûment informé du risque statistique de casse ;

Attendu que la société VIT qui a fourni après assemblage les éléments verriers ne peut être considérée ni comme un locateur d'ouvrage, ni comme un fabricant ; que sa responsabilité ne saurait donc être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des article 1792 et suivants du code civil ni sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du même code;

Qu'en revanche, cette responsabilité est engagée en l'espèce sur le fondement de l'article 1641 du code civil en raison des vices cachés affectant la chose vendue et sur le fondement de l'article 1147 du même code en raison de son manquement à l'obligation de conseil incombant au vendeur professionnel ;

Attendu par ailleurs que si le maître de l'ouvrage n'est pas responsable de l'absence des tests de fiabilité comme il l'a été précédemment indiqué, l'expert judiciaire impute le phénomène de délamination partiellement à l'insuffisance du joint en silicone appliqué lors du montage par le maître de l'ouvrage ;

Que de ce fait, le maître de l'ouvrage a contribué, pour partie, à la réalisation de son propre préjudice ;

Attendu en conséquence que la société VIT devra réparer le préjudice consécutif aux désordres affectant les aquariums à hauteur de 80%, 20% devant rester à la charge du maître de l'ouvrage ;

- III - Sur le préjudice

Attendu que monsieur D... préconise le remplacement de l'ensemble des vitrages initialement fournis par la société VIT en raison de l'impasse faite sur les tests de fiabilité et de solidité de ces éléments ; que la proposition apparaît raisonnable compte tenu du caractère évolutif des bris et délaminations observées au cours de l'expertise ;
Que la société AQUALAND justifie par un devis de la société PROVIVIER d'un coût de 463.930 euros pour le changement des vitres en fournitures et poses y compris les frais d'évacuation des déchets, la livraison et la manutention sur place ; qu'à cette somme il convient d'ajouter celle de 30.786 euros correspondant au coût des vitres déjà changées en 1986 et justifiée par une facture de la même entreprise, le coût de prestations connexes comme la réparation du décors des quatre bassins en cause, soit 8.000 euros et des frais de découpe du toit pour faire entrer les grands panneaux, soit 20.000 euros ;
Que la société AQUALAND justifie également du coût de remplacement de l'eau de mer et de l'eau douce par un devis de la société HORTECH pour un montant évalué à 23.880 euros s'agissant des quatre bassins ;
Qu'elle évalue à 22.200 euros le coût de main d'oeuvre de ses salariés pour le réapprovisionnement de l'ensemble des bassins vides et manipulations et la vidange et que cette somme peut-être retenue ;
Que la société AQUALAND réclame par ailleurs une indemnisation au titre de la mortalité des poissons à l'occasion des travaux de remise en état ; que si le préjudice invoqué apparaît certain compte tenu de la fragilité d'un grand nombre d'espèces élevées dans les aquariums, la somme de 195.000 euros réclamée à ce titre sur la base d'une estimation de 20% à 60% de perte n'est pas suffisamment expliquée ;
Qu'au vu des éléments portés à sa connaissance, la cour estime devoir limiter ce poste de préjudice à la somme de 50.000 euros, étant rappelé que les mesures d'instruction ne peuvent être ordonnées pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;
Que la société AQUALAND réclame également, sous l'intitulé "maturité des nouveaux bassins", l'indemnisation d'un préjudice commercial" lié à une baisse de fréquentation de la clientèle pendant les deux années à venir, nécessaire pour la reconstruction totale de l'équilibre biologique que chaque module avait acquis au fil des années, avec l'impact négatif sur l'aspect esthétique des bacs ;
Qu'aucune pièce ne démontre la réalité d'un tel préjudice alors que la preuve lui en incombe;

Que la seule certitude d'une perte d'exploitation se déduit de la fermeture de l'aquarium pendant les deux mois nécessaires aux travaux ;

Que pour cette durée et en se référant pour partie aux explications fournies par le directeur de la société sur les chiffres d'affaires et marges brutes pour la période 2006 à 2008, il convient de fixer le préjudice commercial à la somme de 250.000 euros ;

Attendu en conséquence que le préjudice subi par la société AQUALAND en raison des désordres affectant les quatre bassins, hormis le bassin des requins, s'établit à la somme totale 868.256 euros HT ;

Que la société VIT dont la responsabilité a été retenue à hauteur de 80% sera donc condamnée à payer à la société AQUALAND la somme de 694.605 euros HT ;

- IV - Sur la garantie des assureurs

1°) Sur la garantie de la compagnie ALLIANZ IARD
Attendu qu'il est constant que la société AQUARIUM DU GRAND LYON avait souscrit auprès de la compagnie AGF aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la compagnie ALLIANZ une police unique de chantier comportant un volet dommages d'ouvrage et un volet responsabilité décennale des constructeurs ;
Attendu qu'il résulte de la correspondance versée au débat que la société AQUALAND par l'intermédiaire de son courtier a adressé à la société ALLIANZ IARD le 22 mars 2005 une déclaration de sinistre concernant des bris de vitres d'aquarium sur les bassins des esturgeons, des carpes japonaises et des brochets, que l'assureur, après avoir missionné un expert lui a notifié le 19 mai 2005 une position de non garantie motivée dans le respect des délais prescrits par l'article L242-1 du code des assurances et que la société AQUALAND a contesté la position de l'assureur dommages d'ouvrage seulement le 4 février 2008 en l'assignant devant le tribunal de grande instance ;
Que la compagnie ALLIANZ fait valoir à bon droit l'article L141-1 du code des assurances aux termes duquel "toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui lui donne naissance." ;
Qu'en effet, plus de deux années se sont écoulées entre la déclaration de sinistre et l'assignation de l'assureur devant la juridiction civile ;
Que le contenu de cette déclaration révèle que les désordres objets du litige étaient connus de l'assuré à la date du 22 mars 2005 ;
Que la procédure de référé et l'expertise auxquelles la compagnie d'assurance n'a jamais été appelée ne peuvent opérer la suspension du délai de prescription ;
Qu'en conséquence, l'action formée par la société AQUALAND à l'encontre de l'assureur dommages d'ouvrage est irrecevable en raison de la prescription ;

Attendu que l'assurance responsabilité décennale des constructeurs n'est pas davantage mobilisable en l'espèce dès lors que la garantie décennale ne peut recevoir application à l'égard de la société VIT qui n'est pas locateur d'ouvrage ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie ALLIANZ ;

2°) Sur la garantie de la compagnie GAN EUROCOURTAGE

Attendu que la société VIT a souscrit à compter du 1er janvier 2004 auprès de la compagnie GAN une police d'assurance responsabilité professionnelle des fabricants et assimilés ou négociants de matériaux de construction, numéro 084.192.649 qui garantit notamment après incorporation et pendant dix ans maximum les conséquences pécuniaires de la responsabilité pouvant incomber à l'assuré résultant d'un vice caché d'un produit incorporé à des constructions ou existants que ce vice provienne d'une erreur dans sa conception, sa fabrication, sa présentation, ses instructions d'emploi ou ses préconisations ;
Que la compagnie GAN fait toutefois valoir les dispositions de l'article 5.7 des conditions générales du contrat d'assurance, lequel exclut les dommages affectant :- les appareils et équipements ménagers ou domestiques même s'ils sont fournis au titre du contrat de construction ou de vente de bâtiment,- les équipements (matériels, machines, organes de transformation de l'énergie) installés pour permettre exclusivement l'exercice d'une quelconque activité professionnelle dans le bâtiment;

Qu'il y a lieu de constater, au vu des explications de l'expert D... que les aquariums exploitant des éléments structuraux du bâtiment (dalle béton notamment), les vitrages des aquariums comme les aquariums font indissociablement corps avec les ouvrages d'ossature de clos et de couvert au sens des dispositions de l'article 525 du code civil,
Que ces vitrages sont donc incorporés au bâtiment et ne peuvent être considérés comme les équipements tels que matériels, machines, organes de transformation de l'énergie visés dans la clause d'exclusion de garantie ;
Que la police d'assurance responsabilité professionnelle des fabricants et assimilés ou négociants de matériaux de construction est donc mobilisable au profit de la société VIT et que l'argumentation développée par l'assureur sur la notion de "fonction purement bâtiment" procède d'une dénaturation des dispositions contractuelles ;

Attendu que la compagnie GAN fait valoir l'absence d'aléa en invoquant le très faible pourcentage de verre susceptible de se fissurer et par conséquence l'incidence pratiquement nulle de l'absence des essais HST ;

Que l'assureur se prévaut de l'avis d'un expert de l'institut du verre qui n'a pas été soumis à l'expert judiciaire et dont les conclusions ne sont pas confirmées par ce dernier dans son rapport ;
Que l'absence d'aléa pouvant priver de cause le contrat d'assurance ne peut être retenu en l'espèce ;

Attendu en conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre contrat d'assurance souscrit par la société VIT, que la compagnie GAN sera condamnée à garantir cette société, étant relevé que les sommes mises à sa charge sont inférieures au plafond de garantie de 770.000 euros stipulés dans le contrat ;

- V - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la société VIT et la compagnie GAN EUROCOURTAGE supporteront les dépens d'appel ;
Que le jugement sera confirmé sur l'indemnité de l'article l'article 700 du code de procédure civile allouée tant à la société AQUALAND qu'a la compagnie AGF aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la compagnie ALLIANZ IARD ;
Qu'il convient d'allouer en cause d'appel à la compagnie ALLIANZ IARD ; la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable,
Confirme le jugement entrepris sauf sur la quote part de responsabilité mis à la charge de la SAS VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE (VIT) sur le montant des dommages et intérêts alloués à la SAS AQUALAND et sur la limite de garantie de la compagnie GAN EUROCOURTAGE IARD,
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum la SAS VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE et la compagnie GAN EUROCOURTAGE IARD à payer à la SAS AQUALAND la somme de 694.605 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices,
Y ajoutant,
Condamne la SAS AQUALAND à payer à la compagnie ALLIANZ IARD la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la SAS VITRAGE ISOLANT TECHNIQUE (VIT) et la compagnie GAN EUROCOURTAGE IARD aux dépens d'appel distraits au profit des avoués de leurs adversaires conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président

N. MONTAGNE, P. VENCENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09/05551
Date de la décision : 07/06/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-06-07;09.05551 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award