AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 10/04976
[E]
C/
SARL KN FINANCE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 24 Juin 2010
RG : F 08/02296
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 06 JUIN 2011
APPELANT :
[F] [E]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6] (75)
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Pierre LAMY, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SARL KN FINANCE
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Sébastien ARDILLIER, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Avril 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président
Hervé GUILBERT, Conseiller
Mireille SEMERIVA, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 06 Juin 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Par lettre du 31 août 2006, [O] [W], président directeur général de la S.A. DASA, filiale de la société KN FINANCE, a transmis à [F] [E], président de la société AD'HOC SERVICES MT, un projet de 'lettre d'intention'. Dans ce document, [O] [W] confirmait son intérêt pour l'acquisition du fonds de commerce de 'service et gestion de maintenance pour des clients de réseaux de magasin' de la société AD'HOC SERVICES et faisait part des termes et conditions de l'offre d'acquisition de la S.A. DASA.
Il était précisé notamment que :
Dans la mesure où :
l'Acquéreur examine actuellement un projet d'intéressement du management du groupe KORUS à son capital (lequel pourrait, le cas échéant, prendre la forme de l'attribution au management d'options ou de bons de souscription d'actions),
l'Acquéreur souhaite pleinement associer Monsieur [F] [E] à l'évolution future du groupe KORUS,
ce dernier serait - sous réserve de la réalisation de la cession du Fonds au profit de l'Acquéreur - pleinement intégré au projet d'intéressement susvisé.
Le courrier de transmission de la lettre d'intention reprenait ce projet en ces termes :
Je te confirme ma volonté de t'associer pleinement au projet d'intéressement du management du Groupe KORUS (article 7 du projet de la lettre d'intention), actuellement en cours d'étude.
Son montant sera donc à ajouter à ma proposition d'offre de prix d'acquisition du fonds de commerce AD HOC.
En retournant la lettre d'intention signée le 30 septembre 2006, [F] [E] a ajouté la précision suivante :
Je me permets également de vous préciser que l'intéressement au capital du groupe KN FINANCE, qui n'a pas été détaillé à ce stade, constitue un élément important de cette opération : aussi je souhaite que la période que nous nous sommes fixés pour faire aboutir le projet d'acquisition soit l'occasion de préciser les modalités d'intéressement au capital.
La cession du fonds de commerce est intervenue le 29 janvier 2007, mais aucune suite n'a été donnée au projet d'intéressement, même si dans une lettre du même jour, [O] [W] a informé [F] [E] de ce qu'il lui proposerait ainsi qu'aux autres managers du groupe KORUS de participer, courant 2007, à un plan d'intéressement au capital de la société.
Par contrat écrit à durée indéterminée du 29 janvier 2007 à effet du 2 janvier 2007, [F] [E] a été engagé par la S.A.R.L. KN FINANCE en qualité de directeur général (cadre, position 3.3, coefficient 270) de l'activité maintenance du groupe KORUS dont la S.A.R.L. KN FINANCE était la société-mère. En effet, les parties sont convenues de ce que le contrat de travail transféré de la société AD'HOC à la société DASA en application de l'article L 122-12 (alinéa 2) du code du travail était transféré d'un commun accord de la société DASA à la S.A.R.L. KN FINANCE.
L'ancienneté de [F] [E] a été reprise depuis le 1er janvier 1999.
La rémunération de [F] [E] était composée de :
une rémunération fixe brute annuelle arrêtée pour la période du 1er janvier 2007 au 31 janvier 2008 à la somme de 110 000 €, à renégocier pour les années suivantes,
un véhicule de fonction de marque Range Rover,
une rémunération variable sous la forme d'une prime brute annuelle sur objectifs, au titre des exercices clos les 31 décembre 2007 et 31 décembre 2008, dont les modalités étaient décrites dans l'annexe 2 du contrat de travail
Selon l'article 13 du contrat de travail, en cas de licenciement avant l'expiration d'une période de deux ans à compter du 1er janvier 2007 et sauf faute grave ou lourde, [F] [E] aurait droit, à compter de la cessation effective de ses fonctions, à titre d'indemnité contractuelle de licenciement, à une somme nette équivalente au cumul des salaires fixes nets qu'il aurait perçus jusqu'à l'expiration de la période de deux années. Cette indemnité s'ajouterait à l'indemnité conventionnelle de licenciement.
En cas de licenciement, hors hypothèse de faute grave ou lourde, [F] [E] bénéficierait d'un préavis de quatre mois quelle que soit la date à laquelle la rupture interviendrait.
Le contrat de travail était soumis à la convention collective nationale applicable au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.
Dans un courriel du 13 septembre 2007, [F] [E] a rappelé à [O] [W] qu'il avait accepté, 'certes avec un peu de résistance et d'ironie', de prendre en charge les directions de la qualité et des systèmes d'information. Il avait compris que ces missions lui étaient confiées dans un objectif à terme de responsabilités plus étendues. Il a confirmé au président directeur général son accord sur sa proposition financière à 126K€, sachant qu'elle constituait elle aussi un pas important vers celle d'une responsabilité plus élargie. Il a dit se tenir à la disposition de son employeur pour signer son avenant dès qu'il serait établi.
Par courriel du même jour, le président directeur général a assuré [F] [E] de ce que ces deux activités lui permettraient de contrôler tous les rouages du groupe pour se préparer à les manager plus tard.
Dans un courriel du 12 octobre 2007, [N] [V], consultant, a demandé à [F] [E] d'accepter de recevoir, à compter du 1er janvier 2008, 16 000 € pour les deux missions supplémentaires.
Dans un courriel adressé le 16 octobre 2007 à [O] [W], [F] [E] a fait le constat d'un 'petit différent professionnel' portant sur l'évolution de ses fonctions dans le groupe. Il lui a donné son accord pour entrer immédiatement en fonction comme directeur qualité et système d'information aux conditions de rémunérations proposées, à savoir, à compter du 1er janvier 2008, une rémunération brute annuelle maintenance échangée de 110 000 € +
16 000 € soit au total 126 000 € pour les trois missions dont il avait la charge.
Par couriel du 19 octobre 2007, le président directeur général a validé la mission de directeur qualité et des systèmes d'information de [F] [E] sur ces bases.
Un avenant au contrat de travail de [F] [E], daté du 29 novembre 2007, a été établi, mais n'a pas été signé pour des raisons sur lesquelles les parties sont contraires. Il prévoyait pour [F] [E], du 1er janvier au 30 juin 2008, deux missions de responsable fonctionnel et de responsable opérationnel maintenance, éventuellement renouvelables, moyennant une prime de 8 000 € brute annuelle par mission.
Par courriel du 21 décembre 2007, faisant suite à un entretien passé, [F] [E] a confirmé au président directeur général qu'il avait pris les décisions de réorganisation suivantes, compte tenu du départ de [K] [H], directeur réseau petits travaux :
'acter' [A] [T], épouse de [F] [E], au poste de directeur des opérations et petits travaux ,
porter son salaire à 6 000 € brut à compter du 1er janvier 2008.
[F] [E] a souligné que :
- au niveau de la maîtrise des coûts, le fait de conjuguer deux fonctions jusqu'alors distinctes présentait un intérêt économique certain, même si une prise de responsabilité plus étendue justifiait une augmentation du salaire de [A] [T],
- la connaissance qu'avait celle-ci des clients et des réseaux de magasins, sa sensibilité commerciale et son approche marketing étaient les meilleurs garants d'un développement cohérent et partagé entre toutes les activités du groupe.
[O] [W] a répondu le jour même qu'il confirmait les compétences de [A] [T] pour le marketing commercial et souhaitait l'avoir auprès de lui pour développer la conquête du client sur les métiers du concept stratégique. La gestion des menus travaux devait, selon lui, être davantage l'oeuvre d'un homme commercial de méthode dans le domaine du bâtiment. Il a constaté que les résultats en maintenance étaient largement en dessous des objectifs et qu'il était temps d'avoir une réflexion commune.
[F] [E] a immédiatement fait part de sa surprise à la réception de ce courriel.
Puis, par courriel du 12 janvier 2008, il a rappelé au président directeur général que l'opération de réorganisation en cours au sein de ADHOC avait été conçue conformément aux orientations discutées en début d'année, en comité stratégique, au niveau du groupe et qu'elle était menée depuis septembre 2007. L'ensemble du projet, qui entrait entièrement dans les compétences de directeur général de [F] [E], avait été validé en cours d'élaboration, notamment lors de la définition du budget 2008 avec le contrôle de gestion, avant présentation et accord.
Le 30 janvier 2008, [F] [E] a écrit à [A] [T] : On fait quoi avec ces chiffres de merde ! Je passe pour quoi auprès de [W] '
Par courriel du 5 février 2008 au président directeur général, [F] [E] a demandé à ce dernier pour quelle raison son salaire mensuel n'avait pas été augmenté de 1 333 € comme précisé dans leurs échanges.
Le 8 février, [O] [W] lui a répondu que la priorité absolue de [F] [E] étant l'atteinte de ses objectifs, il devenait urgent que celui-ci se concentre sur son développement commercial. Il était donc préférable que le salarié n'assure plus les deux missions complémentaires (qualité et DSI) que le comité stratégique avait souhaité le voir prendre en charge pour un temps. Le président directeur général a ajouté : Tu as signifié des augmentations de salaires pour ton équipe et notamment pour [C] [P] (1 500 € de plus par mois) avec quel argent comptes tu payer '
Par lettre recommandée adressée à [F] [E] 11 février 2008, le président directeur général a repris les termes de son message du 8 février.
[F] [E] a bénéficié d'un congé de maladie à compter du 11 février 2008.
Par lettre recommandée du 20 février 2008, [F] [E] a répondu au président directeur général que :
l'achat du fonds de commerce comme la signature de son contrat de travail n'étaient accompagnés d'aucun engagement de chiffre d'affaires ou de résultats,
le budget 2007, dont la non-réalisation était mise à sa charge, n'avait pas été effectué conjointement et les chiffres qu'il contenait ne reflétaient pas le véritable résultat de l'exercice,
[F] [E] devait maintenant expliquer aux membres de l'équipe, embauchés pour faire partie d'une équipe spécifique dépendant d'une hiérarchie clairement identifiée et fédérée autour d'un projet mobilisateur, qu'ils allaient être intégrés dans la cadre des régions KORUS,
le refus des évolutions salariales annoncées, validées par [O] [W] lors de leurs échanges sur le budget 2007, risquait d'atteindre la motivation de beaucoup,
les propres fonctions de [F] [E] avaient été remises en question à plusieurs reprises : assumant depuis octobre 2007 les directions des services qualité et systèmes d'information sans le complément de rémunération promis, il se voyait de façon totalement arbitraire destitué de ces attributions qui supposaient un investissement fort et devrait se contenter d'animer des chargés d'affaires sur lesquels il n'aurait pas d'autorité déterminée puisqu'ils seraient sous la responsabilité effective des directeurs de région.
Par lettre recommandée du 7 mars 2008, la S.A.R.L. KN FINANCE a convoqué [F] [E] le 18 mars en vue d'un entretien préalable à son licenciement et l'a mis à pied à titre conservatoire.
Elle lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée du 27 mars 2008, en raison des faits suivants :
En signant ce courrier [du 30 novembre 2007], vous avez volontairement outrepassé vos pouvoirs de directeur général maintenance afin d'attribuer, sans l'accord du Président Directeur Général une importante augmentation de salaire à Madame [T].
Cet abus de pouvoir de votre part est d'autant plus inadmissible que l'augmentation de salaire était destinée à une salariée qui est également votre épouse, situation qui aurait du nécessairement vous amener à demander l'accord du PDG.
Outre le fait d'avoir outrepassé vos pouvoirs, vos agissements révèlent également une attitude pour le moins déloyale dans l'exécution de votre contrat de travail.
En effet, plutôt que de m'informer de votre décision en novembre 2007, vous avez préféré dissimuler cette information à la direction pendant près de 3 mois et de nous en faire part que le 22 février dernier durant votre absence maladie, plaçant ainsi la direction devant le fait accompli, au préjudice de la société.
Ce comportement de votre part s'inscrit dans un contexte d'opposition systématique à la politique de l'entreprise [...] Cette attitude d'opposition et d'hostilité se traduit d'ailleurs par un comportement irresponsable laissant entrevoir votre profond désintérêt pour l'entreprise (mails et courriers remettant en cause la stratégie et la cohérence des décisions de l'entreprise, attitude lors du dernier 'COSTRA', refus de fournir les fiches de paie 2006 des salariés transférés de la société AD'HOC vers DASA KORUS).
[F] [E] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 26 juin 2008.
[A] [T] a été licenciée pour faute lourde le 11 juillet 2008.
* * *
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 30 juin 2010 par [F] [E] du jugement rendu le 24 juin 2010 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a :
- jugé qu'il n'y a pas lieu à procéder à une régularisation de salaires relativement aux fonctions de [F] [E],
- jugé que les demandes de rappels de primes d'objectifs formulées par [F] [E] ne sont pas fondées,
- jugé le licenciement de [F] [E] fondé sur une faute grave,
- en conséquence, jugé qu'il n'y a pas lieu à attribuer des dommages-intérêts au titre du non-respect des engagements contractuels,
- débouté [F] [E] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la S.A.R.L. KN FINANCE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 18 avril 2011 par [F] [E] qui demande à la Cour de :
1°) réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions :
2°) constater la prescription de la sanction infligée à [F] [E],
3°) dire et juger que le licenciement de [F] [E] est sans cause réelle et sérieuse,
4°) condamner la S.A.R.L. KN FINANCE à payer à [F] [E] les sommes suivantes :
- rappel de salaire DSI et DQ3 999,00 €
- rappel de salaire sur la période de mise à pied5 674,63 €
- congés payés afférents567,46 €
- indemnité compensatrice de préavis44 368,00 €
- congés payés afférents4 436,00 €
- indemnité conventionnelle de licenciement 35 431,54 €
- rappel de salaire (article 13 de son contrat de travail)55 460,00 €
- congés payés afférents5 546,00 €
- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 199 656,00 €
- dommages-intérêts pour non-respect des engagements contractuels100 000,00 €
- prime sur objectifs 2007 et 2008183 171,00 €
- congés payés afférents18 317,00 €
- article 700 du code de procédure civile 5 000,00 €
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par la S.A.R.L. KN FINANCE qui demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à savoir :
- constater l'absence de prescription des faits reprochés à [F] [E] à l'appui de son licenciement,
- constater le bien fondé du licenciement pour faute grave de [F] [E],
- constater le caractère infondé de la demande de rappel de salaire au titre des missions DSI et DQ ainsi que de la demande de rappel de congés payés afférents,
- constater le caractère infondé de la demande de primes sur objectifs,
- débouter [F] [E] de l'intégralité de ses demandes,
- en outre, condamner [F] [E] à 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur la demande de rappel de salaire concernant les missions de directeur qualité (DQ) et des systèmes d'information (DSI) :
Attendu que sauf dispositions conventionnelles particulières, la modification d'un commun accord entre les parties des fonctions et de la rémunération du salarié n'est pas subordonnée à la signature d'un avenant au contrat de travail ; que si l'article 5 de la convention collective nationale applicable prévoit que l'engagement du salarié doit faire l'objet d'un contrat de travail écrit, et si selon l'article 8, toute modification apportée à une clause substantielle de ce contrat doit faire l'objet d'une notification écrite de la part de l'employeur, la convention collective n'exige pas que le consentement des parties à ladite modification soit constaté dans un avenant au contrat de travail écrit initial ;
Qu'en l'espèce, [F] [E] a accepté à la demande du président directeur général d'assumer en plus de ses fonctions de directeur général maintenance celles de directeur qualité et directeur des systèmes d'information ; que l'accord des parties sur la mission supplémentaire du salarié et sur la rémunération correspondante a été constaté par un échange de courriers électroniques des 16 et 19 octobre 2007 ; que [F] [E] communique des pièces qui démontrent qu'il a réalisé sa mission dont rien ne démontre qu'elle lui avait été initialement confiée pour une durée déterminée ; que l'avenant du 29 novembre 2007 au contrat de travail, non signé par [F] [E], qui limitait à six mois renouvelables les nouvelles missions du salarié n'est pas conforme aux échanges antérieurs des parties ; que par courriel du 8 février 2008 et par lettre du 11 février 2008, le président directeur général de la S.A.R.L. KN FINANCE a mis fin aux missions supplémentaires de directeur qualité et systèmes d'information ; que la société intimée n'est pas fondée à opposer à [F] [E] le fait que l'octroi des primes était subordonné à la réalisation des missions avec succès, alors qu'en modifiant le contrat de travail du salarié, les 8 et 11 février 2008, elle ne lui a pas permis de poursuivre sa mission et d'atteindre les bénéfices qu'elle en escomptait ;
Qu'en conséquence, [F] [E] est en droit de prétendre au versement du rappel de salaire de 3 999 € qu'il sollicite ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;
Sur les motifs du licenciement :
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ;
Attendu, sur le grief pris d'une opposition systématique à la politique de l'entreprise, qu'il ressort d'un courriel d'[N] [V] du 12 octobre 2007 que le président directeur général attendait que [F] [E] adoptât définitivement les 'codes de valeur' du groupe ; que le 16 octobre 2007, l'appelant a proposé à [O] [W] d'organiser une réunion sur le thème 'les codes de valeur de KORUS le Groupe' afin de trouver la bonne harmonie, la figer dans le marbre et la diffuser à tous ; qu'en réponse, le président directeur général a rappelé au salarié que ces codes de valeur étaient inscrits dans le plan stratégique édité en juin 2006 et s'est dit prêt néanmoins à tenir une réunion de travail pour le confirmer ou le faire évoluer ; que cette réunion ne semble pas avoir eu lieu ; qu'en tout cas, les 'codes de valeur' auxquels [F] [E] n'aurait pas adhéré n'ont jamais été définis avec précision pendant la procédure et aucun manquement caractérisé ne peut donc être reproché au salarié ; que dans une attestation du 9 mars 2009, [N] [V] reprend le grief d'opposition systématique à la stratégie fixée par la direction générale dans des termes généraux qui ne permettent pas d'apprécier le caractère fautif de l'opposition de [F] [E] ; que l'attestation de [J] [S], ancienne salariée du groupe KORUS, qui qualifie le départ de ce dernier de 'fuite finale' démontrant 'son manque de respect pour autrui' (comme si [F] [E] avait démissionné), n'éclaire pas les motifs du licenciement ; qu'elle est d'ailleurs trop dépourvue de sens des nuances pour être retenue ;
Qu'il ressort des pièces et des débats que les résultats de l'activité maintenance ont été considérés comme décevants par [O] [W] ; que ce denier a opéré un virage début février 2008 :
- en mettant fin à la mission de directeur qualité et de directeur des systèmes d'information confiée à [F] [E],
- en recherchant une intégration plus poussée de l'entreprise, ce qui l'a conduit à confier le contrôle décisionnel des chargés d'affaires régionaux maintenance (CARms) aux directeurs régionaux de la société KN FINANCE, [F] [E] ne conservant plus qu'une responsabilité fonctionnelle et opérationnelle ;
Que les obligations des chargés d'affaires se trouvaient ainsi modifiées, raison pour laquelle le président directeur général a demandé à [F] [E] le 11 février 2008 de leur faire signer un avenant à leur contrat de travail ; que l'appelant se trouvait dessaisi non seulement des missions supplémentaires DSI et DQ qui lui avaient été confiées, mais voyait aussi sa fonction de directeur général maintenance substantiellement altérée ; qu'en effet, il aurait dû désormais assurer le suivi et l'animation d'une équipe (atteinte des objectifs, reporting aux directeurs régionaux, et accompagnement commercial) dont l'encadrement ne lui aurait plus incombé ; que dans ce contexte, [F] [E] était fondé à dénoncer, dans sa lettre du 20 février 2008, sans excès de langage, le retrait de ses responsabilités hiérarchiques, la remise en cause de ses fonctions contractuelles et le non-paiement de l'intégralité de sa rémunération ; que le déroulement du comité stratégique du 1er février 2008 s'inscrit dans ce contexte ; que le comportement reproché à [F] [E] lors de cette réunion relèverait de l'anecdote s'il ne traduisait une démotivation compréhensible ; que le refus de [F] [E] de fournir les fiches de paie 2006 des salariés transférés de la société AD'HOC vers DASA KORUS, à le supposer établi, caractériserait un manquement de [F] [E] aux obligations résultant de la convention de cession du fonds de commerce et non à une quelconque obligation de son contrat de travail ; que le grief tiré d'une opposition systématique de l'appelant à la politique de l'entreprise sera par conséquent écarté ;
Attendu, sur les grief pris de l'octroi d'une importante augmentation de salaire à son épouse sans l'accord du président directeur général, et en dissimulant même sa décision à ce dernier, que les courriels communiqués font apparaître que cette augmentation était connue de [O] [W] depuis le 23 novembre 2007, date de transmission de la version définitive du budget 2008, comportant les modifications que le président directeur général y avait lui-même apportées et précisant le salaire de base annuel de [A] [T] pour 2008 ; que [O] [W] a eu confirmation de l'augmentation de salaire accordée à celle-ci par un courriel de [F] [E] en date du 21 décembre 2007 ; que la communication au président directeur général, le 22 février 2008, d'un courrier remis par [F] [E] à [A] [T] le 30 novembre 2007 pour l'informer de ses nouvelles responsabilités et de son nouveau salaire, n'a rien ajouté à la connaissance qu'avait le président directeur général, depuis novembre 2007, d'un comportement considéré par lui comme fautif, pour la première fois le 7 mars 2008 ; que le délai de prescription de deux mois prévu par l'article L 1332-4 du code du travail a couru au plus tard à compter du 21 décembre 2007, date à laquelle la S.A.R.L. KN FINANCE avait une connaissance pleine et entière du fait considérée par elle comme fautif ; que la maladie de [F] [E] n'entraînait ni l'interruption ni la suspension de ce délai ; que la prescription est donc acquise pour ce qui concerne le grief relatif à l'augmentation du salaire de [A] [T], qui n'a fait l'objet d'aucune dissimulation à la direction de l'entreprise ;
Qu'en conséquence, le licenciement de [F] [E] par la S.A.R.L. KN FINANCE est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera par conséquent infirmé ;
Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Attendu que [F] [E] qui a été licencié sans cause réelle et sérieuse, alors qu'il avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que le salarié produit une attestation de Pôle Emploi dont il ressort qu'il a été indemnisé pour un total de 700 jours sur la période du 8 juin 2008 au 8 mai 2010 ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 80 000 € le montant des dommages-intérêts dus à [F] [E] en réparation de son préjudice ;
Attendu en outre qu'en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la S.A.R.L. KN FINANCE à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [F] [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Sur la demande de rappel de salaire pendant la période de mise à pied :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 1332-3 du code du travail que seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire ;
qu'en conséquence, la S.A.R.L. KN FINANCE sera condamnée à payer à [F] [E] un rappel de salaire de 5 674,63 € sur la période du 8 au 27 mars 2008, outre 567,46 € de congés payés incidents ;
Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis :
Attendu qu'aux termes de l'article L 1234-5 du code du travail, l'inobservation du délai-congé ouvre droit, sauf faute grave, à une indemnité compensatrice égale aux salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail ; que le préavis contractuel étant en l'espèce de quatre mois, la S.A.R.L. KN FINANCE sera condamnée à payer à [F] [E] une indemnité compensatrice de 44 368 € outre
4 436,80 € au titre des congés payés afférents ;
Sur la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement :
Attendu que selon les articles 18 et 19 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, il est attribué à tout salarié licencié justifiant d'au moins deux années d'ancienneté une indemnité de licenciement qui, pour les ingénieurs et cadres, se calcule en mois de rémunération sur la base d'un tiers de mois par année de présence dans la limite de douze mois, le mois de rémunération étant égal au douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail ; que l'ancienneté de [F] [E] étant de neuf ans et six mois à l'expiration du préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement due à l'appelant s'élève à 35 124,67 € ;
Sur la demande d'indemnité contractuelle de licenciement :
Attendu que la clause de l'article 13 du contrat de travail aux termes de laquelle en cas de licenciement avant l'expiration d'une période de deux ans à compter du 1er janvier 2007 et sauf faute grave ou lourde, [F] [E] aura droit, à compter de la cessation effective de ses fonctions, à une somme nette équivalente au cumul des salaires fixes nets qu'il aurait perçus jusqu'à l'expiration de la période de deux années constitue une clause de garantie d'emploi ;
Attendu que les sommes allouées à un salarié en cas de violation par l'employeur d'une clause de garantie d'emploi, qui sont équivalentes aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme de cette période de garantie, ont un caractère indemnitaire et n'entrent pas dans l'assiette de calcul des congés payés ;
Attendu que si les dommages-intérêts dus en cas de violation de la clause de garantie d'emploi ne se cumulent pas avec les indemnités de chômage servies par Pôle Emploi au titre de cette période, ce principe n'a vocation à s'appliquer que dans les rapports entre le salarié et l'organisme d'assurance chômage ;
Qu'en l'espèce, les dommages-intérêts dus à [F] [E] correspondent aux salaires nets (et non bruts) que celui-ci aurait perçus du 1er août au 31 décembre 2008 ; que la Cour ne disposant pas d'éléments lui permettant de calculer des salaires nets, en l'absence de tout bulletin de paie antérieur à mars 2008, il sera alloué à l'appelant une somme nette correspondant à la valeur en net de la somme brute de 55 460 € dont seront déduites les cotisations sociales aux taux applicables pendant la période ci-dessus spécifiée ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des engagements contractuels :
Attendu qu'il résulte des pièces et des débats que l'intéressement de [F] [E] au capital du groupe KN Finance était pour ce dernier une condition de la cession du fonds de commerce de la société AD'HOC SERVICES MT et par conséquent de la conclusion du contrat de travail le liant à la S.A.R.L. KN FINANCE ; que la lettre que [O] [W] lui a adressée le 29 janvier 2007, jour de la signature de l'acte de cession et du contrat de travail, constituait de la part du président directeur général un engagement de faire entrer l'appelant dans le capital de la société à l'occasion de la transformation de celle-ci en société par actions, en lui proposant soit d'acquérir des actions lors d'une augmentation de capital en numéraire, soit de bénéficier d'un plan d'attribution d'options ou de bons de souscription d'actions ; que contrairement à ce que soutient désormais la S.A.R.L. KN FINANCE, il s'agissait là d'un engagement inconditionnel dont la réalisation dans le futur était certaine dans l'esprit des parties, même si la forme que prendrait l'entrée de [F] [E] dans le capital de la S.A.R.L. KN FINANCE restait à préciser ; que cet engagement n'a pas été tenu pour des raisons sur lesquelles la société intimée ne s'explique pas ; que le préjudice résultant pour [F] [E] du manquement de celle-ci à son engagement, que l'appelant avait nécessairement pris en compte dans l'évaluation du fonds de commerce cédé, sera réparé par l'octroi d'une indemnité de 100 000 € ;
Sur la demande de prime sur objectifs 2007 et 2008 :
Attendu, sur la demande de prime sur objectifs 2008, que le droit au paiement "prorata temporis" d'une prime dite d'objectifs à un salarié ayant quitté l'entreprise quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve ; que [F] [E] ne rapportant pas une telle preuve, sa demande de prime sur objectifs sera écartée pour l'année 2008 ;
Attendu, sur la demande de prime sur objectifs 2007, que [F] [E] ne conteste pas que le résultat brut d'exploitation analytique auquel l'annexe 2 de son contrat de travail subordonnait le versement de la prime brute annuelle sur objectifs pour l'exercice clos le 31 décembre 2007 n'a pas été atteint ; qu'il fait cependant valoir que :
- d'une part, les chiffres retenus ne reflètent pas le véritable résultat de l'exercice 2007, des régularisations de charges 2006, non imputées sur l'exercice concerné au titre des charges constatées d'avance, ayant été imputées sur le résultat de l'exercice 2007 ;
- d'autre part, que tout changement de politique commerciale aurait dû entraîner une renégociation des conditions de versement de sa rémunération variable ;
Que dans son courrier du 20 février 2008 à la S.A.R.L. KN FINANCE, [F] [E] avait déjà demandé la régularisation du résultat de l'exercice 2007 ; qu'il reprend les mêmes explications devant la Cour sans préciser davantage quelles charges de l'exercice précédent auraient été indûment comptabilisées en 2007 ni communiquer aucune pièce comptable permettant de le vérifier comme de s'assurer qu'une contribution siège de 5,4% a été créée en 2007 ; que si [F] [E] était en droit d'exiger le respect de son contrat de travail, il ne pouvait imposer au président directeur général de la S.A.R.L. KN FINANCE le maintien d'une politique commerciale constante ; qu'il ne pouvait interdire à son employeur de s'adapter à l'évolution de la situation économique et de tirer les conséquences du chiffre d'affaires réalisé en cours d'exercice ; que le versement d'une prime assise sur un résultat brut d'exploitation analytique, fut-il celui de la seule activité maintenance, ne peut dépendre seulement de l'action du salarié, un tel résultat subissant aussi l'aléa inhérent à toute entreprise ;
Qu'en conséquence, [F] [E] doit être débouté de ce chef de demande, le jugement entrepris étant confirmé ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser [F] [E] supporter les frais qu'il a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 5 000 € lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [F] [E] de sa demande de prime sur objectifs 2007 et 2008,
Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,
Statuant à nouveau :
Condamne la S.A.R.L. KN FINANCE à payer à [F] [E] la somme de trois mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf euros (3 999 €) à titre de rappel de salaire en contrepartie de l'exécution des missions de directeur qualité (DQ) et des systèmes d'information (DSI),
Dit que le licenciement de [F] [E] par la S.A.R.L. KN FINANCE est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence, condamne la S.A.R.L. KN FINANCE à payer à [F] [E] la somme de quatre-vingt mille euros (80 000 €) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne le remboursement par la S.A.R.L. KN FINANCE à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage payées à [F] [E] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
Condamne la S.A.R.L. KN FINANCE à payer à [F] [E] :
1.La somme de cinq mille six cent soixante-quatorze euros et soixante-trois centimes
(5 674,63 €) sur la période de mise à pied conservatoire du 8 au 27 mars 2008,
2.La somme de cinq cent soixante-sept euros et quarante-six centimes (567,46 €) au titre des congés payés afférents,
3.La somme de quarante-quatre mille trois cent soixante-huit euros (44 368 €) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
4.La somme de quatre mille quatre cent trente-six euros et quatre-vingts centimes (4 436,80 €) au titre des congés payés afférents,
5.La somme de trente-cinq mille cent vingt-quatre euros et soixante-sept centimes
(35 124,67 €) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
6.Une somme nette correspondant à la valeur en net de la somme brute de cinquante-cinq mille quatre cent soixante euros (55 460 €), dont seront déduites les cotisations sociales aux taux applicables pendant la période 1er août au 31 décembre 2008, et ce à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la violation par la S.A.R.L. KN FINANCE de la clause de garantie d'emploi insérée à l'article 13 du contrat de travail ;
Condamne la S.A.R.L. KN FINANCE à payer à [F] [E] la somme de cent mille euros (100 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au manquement de la S.A.R.L. KN FINANCE à son engagement de faire entrer [F] [E] dans le capital de la société,
Déboute [F] [E] du surplus de ses demandes,
Condamne la S.A.R.L. KN FINANCE à payer à [F] [E] la somme de cinq mille euros (5 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.R.L. KN FINANCE aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLe Président
S. MASCRIERD. JOLY