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20/05/2011 | FRANCE | N°10/06535

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 20 mai 2011, 10/06535


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/06535





[E]



C/

SARL ASTI







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 08 Septembre 2010

RG : F 09/00198











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 20 MAI 2011



















APPELANT :



[B] [E]

[Adresse 4]

[Localité

3]



comparant en personne,

assisté de Me Jean-Louis ROBERT,

avocat au barreau de ROANNE









INTIMÉE :



SARL ASTI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me René CHANTELOT,

avocat au barreau de ROANNE,



M. [B] [J] (Gérant de la Société)

en vertu d'un pouvoir...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/06535

[E]

C/

SARL ASTI

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 08 Septembre 2010

RG : F 09/00198

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 20 MAI 2011

APPELANT :

[B] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant en personne,

assisté de Me Jean-Louis ROBERT,

avocat au barreau de ROANNE

INTIMÉE :

SARL ASTI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me René CHANTELOT,

avocat au barreau de ROANNE,

M. [B] [J] (Gérant de la Société)

en vertu d'un pouvoir général

PARTIES CONVOQUÉES LE : 28 Septembre 2010

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Mars 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Mai 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 juin 1995, [B] [E] a été embauché par la S.A.R.L. ASTI en qualité d'ingénieur commercial ; le 10 juin 2008, l'employeur lui a adressé une lettre d'observation.

Le 30 décembre 2009, [B] [E] a saisi le conseil des prud'hommes de ROANNE ; il a réclamé sa reclassification, le paiement de rappels de salaire, d'heures supplémentaires, de frais professionnels, de prime de vacances et de commissions.

Le 12 février 2010, [B] [E] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement et mis à pied à titre conservatoire ; le 1er mars 2010, il a été licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant des actes d'insubordination.

[B] [E] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de ROANNE et a réclamé des indemnités.

Par jugement du 8 septembre 2010, le conseil des prud'hommes a débouté [B] [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance.

Le jugement a été notifié le 10 septembre 2010 à [B] [E] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 10 septembre 2010.

Par conclusions visées au greffe le 24 mars 2010 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [B] [E] :

- affirme que les fonctions qu'il exerçait et son autonomie justifient sa classification au niveau 3-1, coefficient 170 de la convention collective et réclame un rappel de salaire de 74.547,98 €, outre 7.454,80 € de congés payés afférents,

- réclame une prime de vacances conventionnelle de 745,47 €,

- expose qu'il a uniquement perçu des acomptes sur ses commissions et réclame un rappel de commissions de 71.990,36 €,

- indique qu'il a dû utiliser son véhicule personnel pour l'exercice de sa profession et réclame le remboursement des indemnités kilométriques d'un montant de 4.243 €,

- soutient qu'il a accompli des heures supplémentaires et réclame, dans l'hypothèse d'une reclassification, la somme de 30.209 €, et dans l'hypothèse d'un refus de reclassification la somme de 18.196,43 €,

- conteste les griefs allégués par l'employeur au soutien du licenciement, prétend donc que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et réclame la somme de 1.200,97 € au titre des salaires correspondant à la période de mise à pied, outre 120,10 € de congés payés afférents, la somme de 16.301,52 € à titre d'indemnité de licenciement, la somme de 8.150,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 815,07 € de congés payés afférents et la somme de 50.338 € à titre de dommages et intérêts,

- argue du caractère vexatoire du licenciement et réclame la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

- souhaite la remise de l'attestation POLE EMPLOI, du certificat de travail et des bulletins de salaire conformes, et, ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de trois jours suivant la notification du présent arrêt,

- sollicite la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens de l'instance,

- demande les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes sur le rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis et demande les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause, les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et les frais irrépétibles.

Par conclusions visées au greffe le 24 mars 2010 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.R.L. ASTI :

- fait valoir que l'insubordination du salarié qui n'a tenu aucun compte de la lettre d'observation caractérise la faute grave légitimant le licenciement,

- objecte à la demande de reclassification qu'il a été attribué au salarié la classification conventionnelle en adéquation avec ses fonctions et sa qualification,

- observe que le salarié a été rempli de ses droits s'agissant de la prime de vacances qui a été payée par l'octroi d'autres primes,

- explique que, faute de contractualisation des commissions, le salarié a perçu, au titre des affaires conclues, une rémunération fixe,

- oppose à la demande de remboursement des frais kilométriques que le salarié n'avait pas l'autorisation d'utiliser son véhicule personnel,

- oppose à la demande d'heures supplémentaires que le salarié disposait d'une complète autonomie et qu'il ne lui a jamais été demandé d'accomplir des heures supplémentaires,

- demande la confirmation du jugement entrepris,

- sollicite la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié aux dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la classification :

La convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinet d'ingénieurs conseil, société de conseil applicable à la cause classe à la position 3-1, coefficient 170, 'les ingénieurs ou cadres placés sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en oeuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef'.

Au dernier état de sa collaboration, [B] [E] était au niveau 2-1 coefficient 115.

[B] [E] a été embauché en qualité d'ingénieur commercial en 1995 par la S.A.R.L. ASTI ; auparavant, il travaillait dans une autre société comme ingénieur commercial dans le même domaine.

[B] [E] avait acquis une expérience importante dans ses fonctions du fait de sa grande ancienneté.

[B] [E] produit plusieurs attestations de clients qui louent son professionnalisme et sa compétence ; l'employeur reconnaît qu'il était autonome ; le 5 juin 1996, le gérant a établi une note de service qui subordonnait les remboursements de frais à l'accord préalable donné par lui ou par [B] [E].

Il résulte de ces éléments que [B] [E] occupait les fonctions telles que définies à la convention collective pour se voir attribuer le niveau 3-1 coefficient 170.

En conséquence, [B] [E] doit être reclassé au niveau 3-1, coefficient 170, de la convention collective.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

[B] [E] a droit à un rappel de salaire dans la limite de la prescription quinquennale, soit à compter de l'année 2005.

En 2005, [B] [E] percevait un salaire mensuel de 1.642,59 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 2.941€ ; il s'ensuit un rappel de salaire de 15.580,92 €.

En 2006, [B] [E] percevait un salaire mensuel de 1.642,59 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 3.000,50 € ; il s'ensuit un rappel de salaire de 16.294,92 €.

De janvier à juin 2007, [B] [E] a perçu un salaire mensuel de 1.642,59 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 3.000,50 € ; de juillet à octobre 2007, [B] [E] a perçu un salaire mensuel de 1.820,04 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 3.000,50 € ; en novembre et décembre 2007, [B] [E] a perçu un salaire mensuel de 1.820,04 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 3.133,10 € ; il s'ensuit un rappel de salaire de 15.495,42 €.

De janvier à juin 2008, [B] [E] a perçu un salaire mensuel de 1.820,04 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 3.133,10 € ; de juillet à novembre 2008, [B] [E] a perçu un salaire mensuel de 2.027,37 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 3.133,10 € ; en décembre 2008, [B] [E] a perçu un salaire mensuel de 2.027,37 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 3.236,80 € ; il s'ensuit un rappel de salaire de 14.616,44 €.

En 2009, [B] [E] percevait un salaire mensuel de 2.190,11 € alors que le salaire minimum conventionnel de la catégorie ingénieur niveau 3-1, coefficient 170, était fixé à 3.236,80 € ; il s'ensuit un rappel de salaire de 12.560,28 €.

Le total des rappels de salaire s'établit à la somme de 74.547,98 € à laquelle s'ajoutent les congés payés.

En conséquence, la S.A.R.L. ASTI doit être condamnée à verser à [B] [E] la somme de 74.547,98 € à titre de rappel de salaire, outre 7.454,80 € de congés payés afférents.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur la prime de vacances :

L'article 31 de la convention collective applicable à la cause stipule une prime de vacances de 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés et précise que toutes primes ou gratifications versées à des titres divers entre le 1er mai et le 31 octobre peuvent être considérées comme primes de vacances si elles atteignent les 10 % précités.

[B] [E] n'a jamais touché la prime de vacances ; il chiffre, sans être contredit par l'employeur, la prime de vacances 2005 à la somme de 155,81 €, la prime de vacances 2006 à la somme de 162,95 €, la prime de vacances 2007 à la somme de 154,95 €, la prime de vacances 2008 à la somme de 146,16 € et la prime de vacances 2009 à la somme de 125,60 € ; [B] [E] a perçu en juin 2007 une prime exceptionnelle de 1.000 €, en juin 2008 une prime exceptionnelle de 1.000 € et en octobre 2009 une prime exceptionnelle de 350 € ; il lui est donc dû uniquement les primes de vacances des années 2005 et 2006, soit la somme de 318,76 €.

En conséquence, la S.A.R.L. ASTI doit être condamnée à verser à [B] [E] la somme de 318,76 € à titre de primes de vacances.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les commissions :

Aucun contrat de travail écrit n'a été établi ; cependant, l'employeur a versé à [B] [E] des acomptes sur commissions qui figurent sur les bulletins de paie ces acomptes démontrent, d'une part, que l'employeur s'est engagé à verser une rémunération variable à [B] [E] et, d'autre part, que les sommes réglées ne constituaient qu'une partie des commissions ; l'employeur n'a jamais établi un état des commissions dues ; il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le salarié a été rempli de ses droits en matière de commission.

Dans le cadre d'un projet de rachat de la société ASTI qui ne s'est pas réalisé il a été proposé en 2006 à [B] [E] un contrat de travail ; le contrat prévoyait des taux de commission variables selon le chiffre procuré par les affaires conclues ; il n'instituait pas une exclusion si les objectifs n'étaient pas atteints ; [B] [E] demande l'application de ce barème ; en l'absence d'éléments contraires, ce barème doit être retenu.

Le barème fixe le taux de commission à 3 % en dessous de 40.000 €, à 8 % entre 40.000 et 80.000 € et à 15 % entre 80.000 € et 120.000 €.

La S.A.R.L. ASTI ne peut pas opposer un critère d'attribution des commissions tiré des objectifs puisque les objectifs n'ont pas été contractualisés et que l'employeur a toujours versé des acomptes sur commission sans rechercher si des objectifs avaient été atteints.

Les parties s'accordent sur le chiffre d'affaire réalisés par [B] [E] au cours de quatre exercices comptables à la seule différence que la société ASTI a arrondi les chiffres à la baisse ; 195.000 € contre 195.381,62 €au cours de l'exercice 2004/2005, 336.000 € contre 336.967,15 €au cours de l'exercice 2005/2006, 339.000 € contre 339.237,64 €au cours de l'exercice 2006/2007, 311.000 € contre 311.249,19 €au cours de l'exercice 2007/2008 ; il doit être retenu les chiffres précis avancés par le salarié ; en effet, l'employeur ne peut pas arrondir les chiffres de manière défavorable au salarié.

Il existe des divergences sur les exercices 2008/2009 et 2009/2010 ; [B] [E] fait une estimation de son chiffre sur l'exercice 2008/2009 plus élevée que l'estimation de l'employeur ; par contre, il fait une estimation de son chiffre sur l'exercice 2009/2010 moins élevée que l'estimation de l'employeur ; l'addition de ces deux exercices montrent que le total de l'employeur est plus important que celui du salarié ; la Cour, dans la limite de sa saisine, doit tenir compte des chiffres donnés par [B] [E], soit 215.045,10 € pour l'exercice 2008/2009 et 70.545 € pour l'exercice 2009/2010.

[B] [E] retient pour le premier exercice une marge de 30 % puis pour les années suivantes une marge de 60 % ; l'employeur apporte des chiffres qui conduisent à retenir pour l'ensemble des exercices une marge bénéficiaire de 30 %.

Il s'ensuit que [B] [E] pouvait prétendre au cours de l'exercice 2004/2005 à des commissions assises sur un chiffre net de 58.614,49 €, au cours de l'exercice 2005/2006 à des commissions assises sur un chiffre net de 101.090,14 €, au cours de l'exercice 2006/2007 à des commissions assises sur un chiffre net de 101.771,29 €, au cours de l'exercice 2007/2008 à des commissions assises sur un chiffre net de 93.374,75 €, au cours de l'exercice 2008/2009 à des commissions assises sur un chiffre net de 64.513,53 € et au cours de l'exercice 2009/2010 à des commissions assises sur un chiffre net de 21.163,50 €.

Dès lors, les commissions dues se montent aux sommes respectives de 2.689,16 €, 7.563,52 €, 7.665,69 €, 6.406,21 €, 3.161,08 € et 634,90 €.

Eu égard au montant des acomptes reçus, il n'est rien dû à [B] [E] au titre de l'année 2005 ; il lui est du la somme de 2.075,32 € au titre de l'année 2006, la somme de 2.521,59 € au titre de l'année 2007, la somme de 1.606,21 € au titre de l'année 2008, la somme de 593,08 € au titre de l'année 2009 et la somme de 451,28 € au titre de l'année 2010, soit la somme totale de 7.247,48 €.

En conséquence, la S.A.R.L. ASTI doit être condamnée à verser à [B] [E] la somme de 7.247,48 € au titre des commissions.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les frais professionnels :

[B] [E] produit des tableaux récapitulant ses frais kilométriques ; il admet que tous les kilomètres qu'il a parcouru avec son véhicule personnel dans le cadre de l'exercice de sa profession lui ont été remboursés ; le litige porte uniquement sur le tarif du remboursement ; [B] [E] demande un remboursement sur la base d'un véhicule de 6 chevaux fiscaux pour les années 2005, 2006 et 2007 et sur la base d'un véhicule de 9 chevaux fiscaux pour les années 2008 et 2009.

L'employeur ne pouvait pas appliquer un barème inférieur à celui correspondant au véhicule personnel de [B] [E] dans la mesure où, d'une part, il a admis devoir rembourser les frais kilométriques engagés par [B] [E], et, ou, d'autre part, aucune convention ne limitait le taux du remboursement.

Les calculs conduisent à un solde d'indemnités kilométriques de 3.864,57 € pour les années 2005 à 2009.

En conséquence, la S.A.R.L. ASTI doit être condamnée à verser à [B] [E] la somme de 3.864,57 € à titre de solde d'indemnités kilométriques.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les heures supplémentaires :

En cas de litige relatif aux heures supplémentaires, l'article L.3171-4 du code du travail oblige le salarié à apporter des éléments à l'appui de sa demande et impose à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

[B] [E] ne fournit aucun document sur les heures supplémentaires qu'il prétend avoir accompli ; il ne verse ni agenda sur lequel figureraient les rendez-vous et les heures travaillées, ni attestation de client, ni attestation de collègue de travail, ni tickets de péage ; il se limite à procéder par voie d'affirmation, en revendiquant en cours d'instance la réalisation d'heures supplémentaires globalisées journellement, sans identification de tâches accomplies ni d'horaire;

cette méthode ne permet pas à l'employeur de pouvoir y répondre utilement, et ce d'autant moins que le salarié travaillait essentiellement en déplacement.

Ainsi, [B] [E] n'apporte pas d'élément à l'appui de sa demande.

En conséquence, [B] [E] doit être débouté de sa demande fondée sur les heures supplémentaires.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur le licenciement :

L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige mentionne les actes d'insubordination suivants :

* le 1er février 2010, s'être rendu à un salon à [Localité 5] pour effectuer une démonstration à un client potentiel sans aviser l'employeur, avoir consacré à cette visite plus de temps qu'il était nécessaire, avoir émis une proposition commerciale dont la forme était de mauvaise qualité, dont le fond ne facilitait pas la stratégie de l'entreprise et qui n'était pas cosignée par le gérant,

* le 5 janvier 2010, s'être rendu à ISSOIRES pour faire signer un contrat malgré un ordre écrit interdisant le déplacement,

* un refus de ne pas respecter les ordres et consignes donnés,

* une attitude négative et préjudiciable à l'entreprise,

* une volonté de cacher ou masquer certaines actions,

* un refus de renseigner correctement les fiches des clients potentiels rencontrés,

* l'absence de tout rendez-vous dans les mois à venir,

* l'établissement de documents de prévision des ventes épisodique et de mauvaise qualité,

* une insuffisance de qualification des clients potentiels.

En juin 2008, l'employeur a fait observer à [B] [E] qu'il devait fournir un état de prévision des ventes à venir et le détail des prestations à fournir et que les propositions commerciales devaient comporter la signature du gérant.

Il est patent que [B] [E] n'a pas suivi ces observations ce qu'il ne conteste pas.

[B] [E] verse des attestations de plusieurs clients très satisfaits de ses prestations ; aucun élément au dossier ne démontre une attitude négative et préjudiciable à l'entreprise, une volonté de dissimulation et l'absence de travail.

Le licenciement est intervenu après que [B] [E] ait saisi le conseil des prud'hommes pour présenter des revendications salariales ; l'employeur a formulé pour la première fois des observations à [B] [E] en juin 2008, soit après 13 années d'une collaboration qui s'était déroulées sans remarque de l'employeur et alors que [B] [E] n'a pas modifié ses méthodes de travail.

Dans ces conditions, le licenciement constitue une sanction disproportionnée.

En conséquence, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris doit être infirmé;

Le salaire mensuel brut auquel [B] [E] avait droit a été précédemment chiffré à la somme de 3.236,80 € ; compte tenu des heures supplémentaires liées à une durée de travail hebdomadaire de 39 heures et des acomptes sur commission, la rémunération mensuelle moyenne pour les douze derniers mois comme pour les trois derniers mois se monte à la somme de 3.763,61 €.

[B] [E] a droit à une indemnité compensant un préavis de trois mois.

Dans la limite de la saisine, il doit être alloué au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme réclamée de 8.150,76 € à laquelle s'ajoute les congés payés.

En conséquence, la S.A.R.L. ASTI doit être condamnée à verser à [B] [E] la somme de 8150,76 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 815,07 € de congés payés afférents.

La convention collective applicable à la cause calcule l'indemnité de licenciement des cadres et ingénieurs à un tiers de mois par année de présence sans pouvoir excéder douze mois ; [B] [E] a été embauché le 19 juin 1995 par la S.A.R.L. ASTI ; auparavant, il travaillait pour la société A.S.I. qui l'avait embauché le 21 octobre 1991 ; [B] [E] n'allègue ni ne démontre un transfert de son contrat de travail de la société A.S.I. à la S.A.R.L. ASTI ; l'ancienneté est donc de 14 ans et 8 mois, soit 14,67 années.

Dans la limite de la saisine, il doit être alloué au titre de l'indemnité de licenciement la somme réclamée de 16.301,52 €.

En conséquence, la S.A.R.L. ASTI doit être condamnée à verser à [B] [E] la somme de 16.301,52 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

La S.A.R.L. ASTI employait moins de onze salariés.

En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, [B] [E] peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ; en octobre 2010, [B] [E] a créé une société ; il ne verse pas de pièce sur son préjudice ; il bénéficiait d'une ancienneté importante ; ces éléments conduisent à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 18.000 €.

En conséquence, la S.A.R.L. ASTI doit être condamnée à verser à [B] [E] la somme de 18.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause.

Le 12 février 2010, un huissier de justice requis par la S.A.R.L. ASTI a, en présence constante de [B] [E], sauvegardé et copié sur CD les fichiers contenus dans l'ordinateur de [B] [E] et a pris l'ordinateur portable professionnel de [B] [E] ; cette mesure effectuée en présence du salarié par un auxiliaire de justice n'est nullement vexatoire.

En conséquence, [B] [E] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Sur la mise à pied :

En l'absence de faute suffisamment grave, la mise à pied qui a duré du 12 février 2010 au 1er mars 2010 doit être rémunérée.

La feuille de paie du mois de février 2010 révèle que [B] [E] a perçu un salaire de base de 989,14 € alors qu'il touchait les mois précédents un salaire de base de 2.190,11 € hors rappel de salaire conventionnel et hors heures supplémentaires liées à la durée du travail hebdomadaire de 39 heures.

Dans la limite de la saisine, il doit être alloué à [B] [E] la somme réclamée.

En conséquence, la S.A.R.L. ASTI doit être condamnée à verser à [B] [E] la somme de 1.200,97 € au titre des salaires correspondant à la période de mise à pied, outre 120,10 € de congés payés afférents.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur la remise de documents :

Il doit être enjoint à la S.A.R.L. ASTI de remettre à [B] [E] l'attestation POLE EMPLOI, le certificat de travail et les bulletins de salaire conformes au présent arrêt.

Aucun élément ne laissant supposer une résistance de la S.A.R.L. ASTI à satisfaire à cette injonction, [B] [E] doit être débouté de sa demande d'astreinte.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] en cause d'appel la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.R.L. ASTI qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les intérêts :

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les intérêts courent au taux légal jusqu'à parfait paiement sur le rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement à compter du 4 janvier 2010, date de réception par l'employeur de la convocation à l'audience de conciliation valant mise en demeure de payer, sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause, les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et les frais irrépétibles à compter du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [B] [E] de sa demande fondée sur les heures supplémentaires et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Juge que [B] [E] doit être reclassé au niveau 3-1, coefficient 170 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinet d'ingénieurs conseil, société de conseil,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] la somme de 74.547,98 € à titre de rappel de salaire, outre 7.454,80 € de congés payés afférents,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] la somme de 318,76 € à titre de primes de vacances,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] la somme de 7.247,48 € au titre des commissions,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] la somme de 3.864,57 € à titre de solde d'indemnités kilométriques,

Juge que le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] la somme de 8150,76 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 815,07 € de congés payés afférents,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] la somme de 16.301,52 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] la somme de 18.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,

Déboute [B] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] la somme de 1.200,97 € au titre des salaires correspondant à la période de mise à pied, outre 120,10 € de congés payés afférents,

Enjoint à la S.A.R.L. ASTI de remettre à [B] [E] l'attestation POLE EMPLOI, le certificat de travail et les bulletins de salaire conformes au présent arrêt,

Déboute [B] [E] de sa demande d'astreinte,

Condamne la S.A.R.L. ASTI aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Condamne la S.A.R.L. ASTI à verser à [B] [E] en cause d'appel la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Juge que les intérêts courent au taux légal à compter du 4 janvier 2010 jusqu'à parfait paiement sur le rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement,

Juge que les intérêts courent au taux légal à compter du présent arrêt jusqu'à parfait paiement sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause, les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et les frais irrépétibles,

Condamne la S.A.R.L. ASTI aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 10/06535
Date de la décision : 20/05/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°10/06535 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-20;10.06535 ?
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