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22/04/2011 | FRANCE | N°10/02778

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 22 avril 2011, 10/02778


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/02778





[M]



C/

SAS BASF PERFORMANCE PRODUCTS FRANCE ANCIENNEMENT DENOMMEE CIBA SPECIALITES CHIMIQUE FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Avril 2010

RG : F 08/02225











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 22 AVRIL 2011













APPELANTE :
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[Y] [M]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 7] (68)

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par Me Ange BUJOLI, avocat au barreau de MULHOUSE substitué par Me AZOULEI, avocat au barreau de LYON









INTIMÉE :



SAS BASF PERFORMANCE PRODUCTS...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/02778

[M]

C/

SAS BASF PERFORMANCE PRODUCTS FRANCE ANCIENNEMENT DENOMMEE CIBA SPECIALITES CHIMIQUE FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Avril 2010

RG : F 08/02225

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 22 AVRIL 2011

APPELANTE :

[Y] [M]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 7] (68)

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Ange BUJOLI, avocat au barreau de MULHOUSE substitué par Me AZOULEI, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS BASF PERFORMANCE PRODUCTS FRANCE ANCIENNEMENT DENOMMEE CIBA SPECIALITES CHIMIQUE FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Christian BROCHARD, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Mars 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Hervé GUILBERT, Conseiller

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Avril 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Jusqu'en 2006, la S.A. CIBA Spécialités Chimiques développait son activité de fabrication de colorants et de pigments dans les quatre secteurs suivants :

'plastic additives', c'est-à-dire additifs pour l'industrie des matières plastiques et lubrifiants,

'coating effects', c'est-à-dire pigments et additifs dédiés aux encres, peintures et plastiques,

'textile effects', c'est-à-dire colorants et produits de traitement pour les textiles et fibres,

'water and paper treatment', c'est-à-dire traitement de l'eau et du papier.

Par lettre du 24 juillet 1998, la S.A. CIBA Spécialités Chimiques France a engagé [Y] [M] à compter du 27 juillet 1998 en qualité d'assistante commerciale (technicien, coefficient 250) au sein de la division 'textile dyes' à l'agence de [Localité 7].

Le salaire mensuel brut d'[Y] [M] a été fixé à 10 700 F sur treize mois. Il a été porté à 12 750 F le 1er avril 2001 et à 2 020,54 € le 1er avril 2003.

Le contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des industries chimiques.

Par lettre du 19 novembre 2003, la S.A. CIBA Spécialités Chimiques France a informé [Y] [M] de ce que sa fonction serait 'assistante marketing et communication' à dater du 1er décembre 2003, moyennant un salaire mensuel brut de base de 2 175 € et une prime d'ancienneté de 152,25 €.

Par lettre du même jour, l'employeur a fait savoir à [Y] [M] que dans le cadre de cette nouvelle fonction, elle serait amenée à se déplacer régulièrement avec son véhicule personnel de l'établissement de la société CIBA Spécialités Chimiques France d'[Localité 6] au site CIBA Spécialités Chimiques de [Localité 5], ses frais kilométriques étant pris en charge.

Le salaire mensuel brut de base d'[Y] [M] a été porté à 2 221,31 € le 1er avril 2004 et à 2 274,62 € le 1er avril 2005.

En février 2006, la S.A. CIBA Spécialités Chimiques a pris la décision de se séparer de sa division textile.

Un projet de cession de l'activité 'textile effects' au groupe américain HUNTSMAN, et plus précisément à une société HUNTSMAN Saint-Mihiel S.A.S., créée à cette fin, a été présenté au Comité central d'entreprise les 19 et 30 mai 2006 ainsi qu'au Comité d'établissement de [Localité 8].

Il impliquait le transfert de 210 salariés de production et de vente affectés à cette activité et celui de 54 salariés des activités 'supports' et chaîne logistique, avec l'intégralité des comptes clients et fournisseurs, des stocks et des actifs incorporels.

En revanche, en raison de contraintes environnementales, les biens immobiliers resteraient la propriété de la S.A. CIBA Spécialités Chimiques et feraient l'objet d'un contrat de location.

Le Comité central d'entreprise a émis un avis défavorable au projet.

Par lettre du 31 mai 2006, la S.A. CIBA Spécialités Chimiques France a notifié à [Y] [M] que le transfert de l'activité à laquelle elle était rattachée serait effectif à compter du 1er juillet 2006, date à laquelle elle deviendrait, par transfert automatique de son contrat de travail conformément à l'article L 122-12 (alinéa 2) du code du travail, salariée de la société HUNTSMAN Saint-Mihiel S.A.S.

Compte tenu de la fin de son détachement temporaire pour le compte de CIBA Spécialités Chimiques à [Localité 5] et de son transfert de CIBA Spécialités Chimiques chez HUNTSMAN Textile Effects France, dans le cadre de l'article L 122-12 du code du travail, la société HUNTSMAN Textile Effects France a confirmé à [Y] [M], par lettre recommandée du 7 juillet 2006, sa proposition de poste à [Localité 8], à compter du 17 juillet 2006, comme assistante commerciale trilingue au sein de l'équipe de ventes Europe de l'ouest.

[Y] [M] conserverait l'ensemble des conditions de rémunération qui étaient les siennes.

En cas de refus de sa proposition, la société HUNTSMAN Textile Effects France serait contrainte 'd'engager une procédure' à son égard. N'ayant plus de locaux dans la région de [Localité 7] à partir du 13 juillet 2006, la société HUNTSMAN dispenserait alors la salariée d'activité, avec maintien de sa rémunération, durant toute la durée de cette procédure.

Par lettre du 21 juillet 2006, le conseil d'[Y] [M] a demandé à la société HUNTSMAN Textile Effects France de lui faire parvenir une copie du contrat de détachement temporaire de sa cliente pour le compte de CIBA.

La société HUNTSMAN a renvoyé [Y] [M] vers le directeur des ressources humaines de CIBA S.C. en invitant la salariée à faire connaître sa réponse à la proposition du 7 juillet pour le 10 août 2006.

Le conseil d'[Y] [M] ayant réitéré sa demande du 21 juillet auprès de la société CIBA, celle-ci lui a répondu que l'ensemble des documents concernant la salariée avait été transmis à la société HUNTSMAN. Celle-ci a adressé divers documents au conseil d'[Y] [M] le 22 septembre 2006, mais non le contrat de détachement sollicité.

Par lettre recommandée du 26 août 2006, la société HUNTSMAN Textile Effects France a convoqué [Y] [M] le 28 août en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée du 7 septembre 2006, elle lui a notifié son licenciement pour le motif économique suivant :

Suite à la vente par Ciba S.C. de son activité Textile Effects à HUNTSMAN, nous avons dû fermer l'agence commerciale qui était installée dans les locaux Ciba S.C. de [Localité 6]. Ce motif nous a conduit à supprimer votre poste.

N'ayant aucune possibilité de reclassement à [Localité 5], nous vous avons proposé, dans un courrier du 7 juillet 2006, un poste d'Assistante Commerciale trilingue à [Localité 8], auquel vous n'avez pas donné suite.

Malgré nos recherches actives de reclassement au sein du Groupe, aucune autre solution de reclassement n'a pu être trouvée ; nous n'avons pas d'autre alternative que de prononcer votre licenciement.

[Y] [M] a été dispensée de l'exécution de son préavis de trois mois.

Le 3 novembre 2006, le conseil d'[Y] [M] a transmis copie de la lettre de licenciement au directeur des ressources humaines de la société CIBA Spécialités Chimiques qui lui a répondu qu'il ne voyait pas l'objet de cet envoi.

Le 6 novembre 2006, [Y] [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de 50 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dirigée contre la S.A.S. Huntsman Textile Effects.

Les 11 et 16 avril 2007, les conseils des parties ont sollicité le renvoi de l'affaire en raison de pourparlers en cours.

Par lettre du 26 juillet 2007, le conseil de la salariée a sollicité la radiation de l'affaire. .  .

Une décision de radiation est effectivement intervenue le 20 décembre 2007.

Le 25 juillet 2007, [Y] [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon de demandes dirigées contre la S.A. CIBA Spécialités Chimiques France.

Faisant valoir que la S.A. Ciba avait méconnu les dispositions de l'article L 122-14-8 du code du travail, elle a sollicité notamment contre celle-ci, dans des conclusions du 10 janvier 2008 :

la communication par la société CIBA Spécialités Chimiques France des factures qu'elle établissait à la S.A. CIBA Speciality Chemicals Suisse pour les fonctions d'[Y] [M] dans la société suisse et la fiche de salaire de [P] [T] qu'[Y] [M] avait remplacée,

le salaire suisse (perte de 2 359,05 € x 37 mois) qu'elle n'avait pas perçu en raison du marchandage pratiqué par son employeur,

des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (100 000 €).

Une décision de radiation est intervenue le 12 juin 2008.

Après rétablissement de l'affaire, la société CIBA Spécialités Chimiques France a conclu au rejet de la demande avant dire droit d'[Y] [M] sur le fondement de l'article R 1454-14 du code du travail et au rejet de ses demandes au fond, aux motifs que :

- [Y] [M] ne demandait pas la communication de pièces que l'employeur est tenu légalement de délivrer,

- les factures dont la communication était sollicitée n'avaient jamais existé et les bulletins de paie de Madame [T] avaient été délivrés par une société qui n'était pas appelée dans la cause,

- [Y] [M] n'avait jamais été placée sous la subordination juridique de la société suisse et n'avait pas été détachée auprès de celle-ci : elle n'avait effectué que des déplacements occasionnels de [Localité 6] à [Localité 5] (9 kilomètres),

- les dispositions de l'article L 122-14-8 du code du travail, devenu L 1231-5, ne sont pas applicables.

Dans des conclusions du 5 novembre 2008, [Y] [M] a ajouté à ses demandes initiales une demande de communication par la société CIBA Spécialités Chimiques France du compte de résultat détaillé se rapportant au bilan de la société pour les années 2003 à 2006, permettant de démontrer que celle-ci refacturait à CIBA [Localité 5] le salaire qu'elle versait à [Y] [M].

Que pour établir qu'elle avait quitté son employeur en France, et l'organisation des ventes T.E. France, pour assurer de nouvelles fonctions au sein de l'organisation 'sales & marketing' de [Localité 5], elle a communiqué une note établie le 28 novembre 2003 à [Localité 8] par [I] [D] et ainsi libellée :

[Y] [M] quitte l'organisation de Ventes T.E. France pour assurer de nouvelles fonctions au sein de l'organisation Sales & Marketing de [Localité 5].

Son sens de la clientèle et son aisance dans les échanges avec ses collègues laisseront un très bon souvenir à tous.

Elle succédera à [S] [Z] à compter du lundi 1er décembre 2003 et prendra en charge depuis [Localité 6] l'Administration des Visiteurs pour les Régions Americas, Asia, Direct Sales & South Asia. [...]

Selon [Y] [M], il ressortait clairement de cette note, de l'organigramme de la société suisse en novembre 2004 et d'un courrier de son supérieur hiérarchique [O] [J] en date du 14 février 2006 :

- qu'elle ne faisait plus partie du service 'textile effects' transféré à la société HUNTSMAN ; en conséquence, son transfert, intervenu au mépris des dispositions légales s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- qu'elle n'a pas été détachée auprès de l'entreprise suisse, mais qu'elle a fait l'objet d'un prêt de main d'oeuvre illicite.

Par jugement du 1er avril 2010, le Conseil de prud'hommes de Lyon (section encadrement) a :

- dit et jugé qu'[Y] [M] est recevable en ses demandes engagées successivement contre la société HUNTSMAN, cessionnaire, puis contre la société CIBA, cédante,

- débouté [Y] [M] de l'ensemble de ses demandes.

[Y] [M] a interjeté appel de cette décision le 14 avril 2010.

Dans des conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience du 7 mars 2011, [Y] [M] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé qu'[Y] [M] est recevable en ses demandes engagées successivement contre la société HUNTSMAN, cessionnaire, puis contre la société CIBA, cédante,

- l'infirmer pour le surplus,

Principalement :

1°) enjoindre à la S.A.S. BASF Performance Products France, anciennement dénommée CIBA Spécialités Chimiques France, de produire aux débats les six fiches de salaire de Madame [S] [Z] et de Madame [P] [T] détenues par la société mère, la société CIBA Spécialités Chimiques de [Localité 5],

2°) dire et juger que la rupture du contrat de travail d'[Y] [M] doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3°) condamner la S.A.S. BASF Performance Products France, anciennement dénommée CIBA Spécialités Chimiques France, à lui payer les sommes suivantes :

- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé46 842,00 €

- dommages-intérêts pour l'avoir fait travailler en Suisse

pendant près de trois ans sans autorisation de travail10 000,00 €

- indemnisation pour le salaire qu'elle n'a pas perçu

en raison du marchandage pratiqué par son employeur191 143,85 €

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 100 000,00 €

- indemnité conventionnelle de licenciement 24 960,00 €

- préavis23 421,00 €

- article 700 du code de procédure civile 3 000,00 €

cette somme étant majorée à défaut de règlement dans les quinze jours suivant la signification de l'arrêt, du droit de recouvrement ou d'encaissement par huissier supporté par le créancier en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 ;

Subsidiairement :

- condamner la S.A.S. BASF Performance Products France, anciennement dénommée CIBA Spécialités Chimiques France, à verser à [Y] [M] la somme de 15 845,70 € (2 640,95 € dernier salaire perçu par [Y] [M] x 6) au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- ordonner que la totalité des sommes sus énoncées devra être augmentée des intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir.

Au soutien de ses demandes, [Y] [M] fait valoir que :

- son contrat de travail en Suisse ne pouvant être qualifié de détachement (en raison du non-respect du droit de la sécurité sociale, du droit communautaire et du droit international sur le détachement, et de la durée de sa présence en Suisse), il n'y avait pas de possibilité de rapatriement sans son consentement (d'ailleurs, la 'société utilisatrice' n'a pas rompu le contrat) ;

- c'est le statut de travailleur frontalier en Suisse qui aurait dû s'appliquer, ce qui impliquait que le contrat de travail initial soit rompu d'un commun accord et qu'un nouveau contrat de travail soumis au droit local soit conclu ;

- la société CIBA l'a fait travailler en Suisse pendant près de 3 ans sans autorisation de travail, ce qui justifie la demande de 10 000 € de dommages-intérêts ;

- en remplaçant [S] [Z], [Y] [M] a repris le lien de subordination de celle-ci avec la société suisse et n'avait plus de lien de subordination avec l'employeur français ;

- la société CIBA ignore la réalité des fonctions qu'occupait [Y] [M] à [Localité 5] puisqu'elle n'était plus à son service ;

- au moment du transfert de l'activité 'textiles effects' à la société Huntsman, soit le 1.07.2006, [Y] [M] ne travaillait plus pour l'agence commerciale en France transférée, mais travaillait à 100% à [Localité 5] en Suisse ;

- la société étrangère n'a pas procédé au licenciement d'[Y] [M], donc la société CIBA n'avait pas à la rapatrier et encore moins à transférer son contrat à la société HUNTSMAN ;

- subsidiairement, même si le contrat de travail d'[Y] [M] était resté rattaché à la société CIBA, [Y] [M] n'était plus rattachée à l'activité transférée depuis le 1er décembre 2003,

- son rapatriement et son transfert s'analysent comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans des conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience, la S.A.S. BASF Performance Products France, anciennement dénommée CIBA Spécialités Chimiques France, demande à la Cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris,

- rejeter l'intégralité des demandes d'[Y] [M],

Subsidiairement :

- avant dire droit, enjoindre [Y] [M] de produire l'exemplaire original de l'accord transactionnel conclu avec la société HUNTSMAN,

- renvoyer l'affaire au fond,

Encore plus subsidiairement :

- mettre hors de cause la S.A. CIBA Spécialités Chimiques France,

- renvoyer l'appelante à mieux se pourvoir,

A titre infiniment subsidiaire :

- débouter [Y] [M] de ses demandes fondées sur un prétendu salaire minimum suisse,

En tout état de cause :

- la condamner à 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. BASF Performance Products France fait observer à la Cour qu'[Y] [M], qui se prévalait en première instance des dispositions de l'article L 122-14-8 du code du travail, devenu L 1231-5, a intégralement modifié son argumentation au point de se contredire.

Selon l'intimée, le statut de travailleur frontalier, propre au droit de la sécurité sociale et au droit fiscal, est inconnu en droit du travail.

Si [Y] [M] était salariée de la société CIBA Spezialitätenchemie Suisse depuis le 1er décembre 2003, la société CIBA Spécialités Chimiques France, qui n'était plus son employeur, ne pourrait qu'être mise hors de cause s'agissant de la contestation de son transfert postérieur.

En réalité, [Y] [M], restée attachée au site de [Localité 6], mais amenée à se déplacer régulièrement, mais non quotidiennement, sur le site de la maison mère en Suisse, n'a pas été détachée dans celle-ci.

En saisissant le Conseil de prud'hommes à l'encontre de la société HUNTSMAN, la salariée a reconnu la réalité de son transfert. Selon l'analyse que fait l'intimée de conclusions communiquées par [Y] [M] le 10 janvier 2008, celle-ci soutenait alors que l'activité à laquelle elle était rattachée à [Localité 5] avait été transféré à la société HUNTSMAN.

Mais c'est dans le cadre de la cession de l'activité 'textile effects' de CIBA S.A. qu'[Y] [M] s'est vue transférée à compter du 1er juillet 2006 à cette société.

SUR CE :

Attendu qu'[Y] [M] ne se prévaut plus en cause d'appel des dispositions de l'article L 122-14-8 du code du travail, devenu L 1231-5, étant d'ailleurs observé que la société mère est la société CIBA Spezialitätenchemie Suisse, et la société CIBA Spécialités Chimiques France sa filiale étrangère ; que la salariée soutient qu'elle était liée à la société suisse par un contrat de travail ; qu'elle fait désormais grief à la société CIBA Spécialités Chimiques France de l'avoir fait travailler en Suisse en dehors de tout détachement puis de l'avoir rapatriée en France pour la transférer à la société HUNTSMAN ;

Attendu que la preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe, en l'absence d'écrit, à celui qui s'en prévaut ; qu'en l'espèce, [Y] [M] ne démontre pas qu'elle a exécuté une prestation de travail à [Localité 5] sous la subordination juridique de la société CIBA Spezialitätenchemie Suisse ; qu'il ressort en effet des pièces et des débats qu'[Y] [M] est restée rattachée au site de la société CIBA Spécialités Chimiques France à [Localité 6], à partir duquel elle a effectué régulièrement différentes missions sur le site de la société mère à [Localité 5] ; que l'appelante a toujours été rémunérée par la société française qui a établi ses bulletins de paie, lui a notifié les augmentations successives de sa rémunération, a tenu le compte de ses jours de congés payés et de réduction du temps de travail ; qu'elle ne communique aucun élément (sanction disciplinaire, instructions individuelles, attestations...) de nature à démontrer que la société CIBA Spezialitätenchemie Suisse exerçait sur elle un pouvoir de direction et de contrôle propre à caractériser l'existence d'un contrat de travail ; que la proximité des deux sites a permis à [Y] [M] d'effectuer ses diverses tâches dans le cadre de son contrat de travail originaire et sous une seule autorité, exercée par la société CIBA Spécialités Chimiques France ; que l'appelante n'a donc pas été 'rapatriée' par cette société, dont elle n'avait jamais cessé d'être la salariée ; qu'aucune rupture de contrat de travail n'est intervenue sinon le licenciement pour motif économique notifié le 7 septembre 2006 par le cessionnaire de l'activité 'textile effects', la société HUNTSMAN Saint-Mihiel S.A.S. ; qu'[Y] [M] a déjà été indemnisée des conséquences de cette rupture ;

Attendu qu'[Y] [M] ne démontre pas que la part de sa rémunération qui était la contrepartie de ses missions en Suisse était refacturée à la société CIBA Spezialitätenchemie par la société CIBA Spécialités Chimiques France ; qu'elle ne caractérise en outre aucun préjudice susceptible de trouver sa cause dans l'opération de fourniture de main d'oeuvre à but lucratif dont elle impute à tort la réalisation à la filiale française ;

Attendu que dans la perspective qui est celle d'[Y] [M], la réparation du préjudice consécutif à l'absence d'autorisation de travail en Suisse doit être poursuivie contre la CIBA Spezialitätenchemie Suisse qui était, selon elle, son unique employeur ;

Attendu qu'il est équitable de laisser chacune des parties supporter les frais qu'elle a exposés, tant en première instance que devant la Cour, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant :

Déboute [Y] [M] de ses demandes nouvelles en cause d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [Y] [M] aux dépens d'appel.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 10/02778
Date de la décision : 22/04/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°10/02778 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-22;10.02778 ?
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