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21/04/2011 | FRANCE | N°10/00997

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 21 avril 2011, 10/00997


R. G : 10/ 00997

Décision du tribunal de grande instance de Lyon Au fond du 14 janvier 2010

1ère chambre-cabinet 2- section A-
RG : 08/ 09269

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A
ARRET DU 21 Avril 2011
APPELANT :
Laurent X... né le 05 Octobre 1969 à ROUSSILLON (ISERE) ...69720 SAINT-BONNET-DE-MURE

représenté par Maître André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assisté de la SCP THREARD LEGER BOURGEON MERESSE, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
SARL LADY FITNESS EUROPE 1 H Cours Lafayette 69003 LYON

représe

ntée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SCP PIOT-MOUNY JEANTET LOYE et ASSOCIES JURI EUROP, av...

R. G : 10/ 00997

Décision du tribunal de grande instance de Lyon Au fond du 14 janvier 2010

1ère chambre-cabinet 2- section A-
RG : 08/ 09269

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A
ARRET DU 21 Avril 2011
APPELANT :
Laurent X... né le 05 Octobre 1969 à ROUSSILLON (ISERE) ...69720 SAINT-BONNET-DE-MURE

représenté par Maître André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assisté de la SCP THREARD LEGER BOURGEON MERESSE, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
SARL LADY FITNESS EUROPE 1 H Cours Lafayette 69003 LYON

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SCP PIOT-MOUNY JEANTET LOYE et ASSOCIES JURI EUROP, avocats au barreau de LYON, substituée par Maître Fanny ROY, avocat au barreau de Lyon

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 04 Mars 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Mars 2011
Date de mise à disposition : 21 Avril 2011

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Michel GAGET, président-Christine DEVALETTE, conseiller-Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * EXPOSÉ DU LITIGE

M. X... a conclu un contrat de réservation aux termes duquel la société Lady Fitness Europe lui promettait, pour une durée de douze mois et moyennant une indemnité d'immobilisation, de lui consentir une licence de la marque " Lady Fitness " pour la ville de Villefranche-sur-Saône.

Cette option n'a pas été levée par M. X....
Selon compromis du 11 avril 2007, la société Lady Fitness Vendôme a par ailleurs cédé à la société Lady Fitness Lyon, en cours d'immatriculation et représentée par M. X..., un fonds de commerce de remise en forme exploité à Lyon, moyennant diverses conditions suspensives, notamment l'obtention d'un prêt.
Ce prêt n'a pas été obtenu et la vente n'a pas été réitérée.
*

M. X... a assigné la société Lady Fitness Europe aux fins d'annulation de la réservation et du compromis, et demandé la restitution de l'indemnité d'immobilisation, pour défaut d'information et dol, subsidiairement sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Le tribunal a rejeté ses demandes, aux motifs essentiels :
- que les deux contrats ont été passés avec des entités distinctes et que M. X... ne démontre pas que la régularisation du second aurait emporté extinction du premier,
- que M. X... est sans droit à réclamer, qui plus est à un tiers au contrat, le paiement d'une quelconque somme alors qu'aucun dépôt de garantie n'a été versé,
- que l'article 1er du décret du 4 avril 1991 n'exige pas que le franchiseur fournisse une étude de marché, mais seulement une présentation de l'état général et local du marché et des perspectives de développement,
- que la société Lady Fitness Europe a rempli ses obligations et n'était pas tenue d'aviser M. X... d'une procédure de redressement judiciaire d'une autre société, même animée par le même dirigeant, et qui a d'ailleurs fait l'objet d'un plan de continuation, ni de donner des renseignements sur un ancien associé cogérant, qui avait quitté la société en mars 2006, et que le dol n'est pas établi,

- qu'il ne démontre pas que la régularisation du compromis de vente portant sur le fonds de commerce aurait rendu le contrat de réservation caduc,

- qu'au regard de l'article 1382 du code civil, il ne démontre pas que la société Lady Fitness Europe aurait fait une présentation trompeuse du chiffre d'affaires prévisionnel et que, s'agissant de la non réitération de la vente, M. X... n'a subi aucun préjudice, dès lors qu'il n'a versé aucun dépôt de garantie.
*

M. X... soutient que la société Lady Fitness Europe a manqué aux obligations que lui fait l'article L. 330-3, applicable " préalablement à la signature de tout contrat " et donc avant qu'il soit officiellement convenu que la réservation portait sur la ville de Villefranche sur Saône, en se montrant défaillante dans l'étude du marché local et national et ses perspectives de développement, comme dans la fourniture de l'étude d'implantation à laquelle elle s'était engagée.

Il fait valoir que cette société lui a donné de faux renseignements en affirmant qu'il n'existait pas de concurrent sur le marché français, qu'elle a menti sur le passé judiciaire de son dirigeant, dissimulé qu'elle était en situation d'échec commercial, et que la motivation du tribunal est sur ce point directement contraire à l'article R. 330-1 du code de commerce, qui vise " toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants ".
Il ajoute que de nombreuses autres indications communiquées par la société Lady Fitness Europe sont erronées et, citant notamment une décision rendue dans une espèce très proche, il conclut que, s'il avait été loyalement informé, il ne se serait pas engagé dans une relation contractuelle, tant pour la réservation que pour la cession du fonds ; il demande donc l'annulation des deux contrats.
A titre subsidiaire, il demande de dire que le contrat de réservation est devenu sans objet, en tout état de cause, de dire que la société Lady Fitness Europe lui a porté préjudice, et de la condamner au paiement d'une somme de 11 960 euros à titre de dommages-intérêts, outre une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
*

La société Lady Fitness Europe objecte que la loi Doubin ne trouve pas à s'appliquer en la cause, faute d'engagement d'exclusivité résultant d'un contrat signé et appliqué.

A titre subsidiaire, elle soutient qu'elle a donné une information loyale et sincère sur tous les points évoqués par M. X... et, s'agissant de l'étude d'implantation régionale, qu'elle ne pouvait donner cette information avant que ce dernier lève l'option et fasse part de son intention de s'implanter à Villefranche.
Elle considère que M. X... ne démontre pas le vice de son consentement et soutient qu'à l'époque considéré, il n'existait pas en France de concept équivalent au sien.
Quant au parcours professionnel de son dirigeant, elle rappelle qu'aucun texte n'oblige une entreprise à informer son cocontractant du fait qu'elle fait l'objet d'un redressement judiciaire, que cela ne constitue pas une réticence dolosive, que les allégations relatives à la dissimulation ou aux faillites des dirigeants cités par M. X... sont diffamatoires et que de toute façon, la société Lady Fitness Europe n'est pas concernée.

Elle souligne que les deux contrats ont été conclus avec des personnes morales différentes, estime que M. X... est sans droit à agir contre elle à propos du compromis de cession, qu'il ne démontre pas de novation et considère que le contrat de réservation n'est pas devenu sans objet ; elle demande la confirmation du jugement et le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

* *

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L. 330-3, alinéa 3, du code de commerce, lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné au premier alinéa de ce texte, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

En l'espèce, le contrat de réservation s'inscrivait dans la perspective d'une négociation destinée à déboucher sur un contrat de franchise (à Villefranche-sur-Saône) impliquant une exclusivité ou une quasi-exclusivité.
Par ailleurs, le terme légal " exigé " vise le cas où le promettant perçoit une somme en contrepartie de son engagement, de sorte que la société Lady Fitness ne saurait soutenir que c'est en toute liberté, voire de sa propre initiative, que M. X... lui a remis celle-ci, de sorte que l'obligation d'information pré-contractuelle ne trouverait pas à s'appliquer.
Il en résulte que le document contenant cette information devait être remis à M. X... vingt jours au moins avant la conclusion du contrat de réservation, peu important que la convention définitive qu'envisageaient les parties, portant sur la mise à disposition d'un nom commercial, d'une marque ou d'une enseigne, contre l'exigence d'un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité, n'ait finalement pas été conclue.

Comme l'a relevé le tribunal, ce contrat de réservation n'a pas été passé par écrit, contrairement au texte précité, puisque le projet n'en a pas été signé, mais les parties n'en tirent aucune conséquence quant à la validité ou à la teneur de leur engagement et il n'y a pas lieu pour la Cour d'ouvrir une discussion sur cette question.

Il est notamment admis de part et d'autre que la somme de 10 000 euros HT versée à cette occasion par M. X... était stipulée, selon le cas, s'imputer sur le montant du droit d'entrée ou demeurer acquise au promettant.

Au regard de ces données, l'information a été fournie dans le délai légal, le 25 octobre 2006, comme l'indique la signature qui y figure, pour le 10 janvier 2007, date de conclusion du contrat de réservation selon la chronologie reconnue par les deux parties.

M. X... estime cependant que le contenu de cette information n'est ni sincère ni suffisant.

Faute de disposer d'une convention écrite formellement revêtue de l'acceptation des parties, le tribunal a considéré qu'il convenait d'examiner ces griefs au regard du projet de convention, présumé identique au contenu du contrat ; cette approche ne donnant pas lieu à critique, la Cour procédera de même.

1- Défaillances dans l'obligation de présentation du marché :

A : Absence d'étude de marché :
Selon l'article 1er du décret no 91-337 du 4 avril 1991, applicable en la cause et devenu par la suite l'article R. 330-1 du code de commerce, le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient diverses informations " complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ".
Ce texte ne met pas à la charge de l'animateur d'un réseau une étude du marché local et national et il appartient au candidat à l'adhésion de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise.
Certes, il oblige ce dernier, s'il choisit de donner une telle information, d'opérer une présentation sincère du marché.
Mais M. X... se réfère à " la communication " de la partie adverse ; mais celle-ci ne se retrouve pas dans le projet de contrat et, de toute façon, elle indique seulement que " Lady Fitness c'est... la recherche de locaux et l'étude d'implantation de votre centre ", se bornant ainsi à proposer aux candidats adhérents une aide sur point, mais sans fournir aucune information dont la fausseté ou l'insuffisance pourrait engager la responsabilité de l'animateur du réseau.
En conséquence, ce grief n'est pas fondé.

B : Absence ou insuffisance de présentation du marché :

L'annexe 4 au projet de contrat décrit le marché mondial du fitness, en citant notamment les réseaux Curves, Slender Lady et Slim et Tone.
Mais elle ne dit rien de l'état du marché français, puisqu'elle se borne à mettre en exergue les caractéristiques du concept décrit comme unique par sa simplicité, son efficacité et sa rentabilité, sans présentation d'aucune donnée objective.
Il y est par ailleurs affirmé " qu'il n'y a pas l'équivalent aujourd'hui de ce concept en France ", alors qu'existaient déjà sur le marché français des concurrents visant le même public, et notamment la société Curves ; celle-ci est citée au document, comme leader au plan mondial, mais sans que la mesure de son implantation nationale soit précisée, si peu que ce soit, alors même que la société Lady Fitness Europe ne dénie pas qu'elle a adapté son concept.
La présentation de l'état général et local du marché des services devant faire l'objet du contrat est en conséquence tout à la fois insuffisante et inexacte.
Par ailleurs, la présentation des perspectives de développement du marché local se borne à déduire de quelques estimations, qui ne concernent pas la France, cette conclusion que " nous prévoyons un développement très rapide de l'enseigne, 100 clubs fin 2007 et 300 à terme en 2010 ".
Une telle affirmation ne communique aucune information utile.
M. X... est donc fondé à dire que sur ces deux points, l'information pré-contractuelle ne répond pas aux exigences légales.
2 : Historique du réseau :
L'article 1er du décret du 4 avril 1991 fait encore obligation à l'animateur du réseau d'indiquer la date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Par ailleurs, le principe de collaboration présidant à une relation de franchise exige la communication loyale d'éléments propres à éclairer le futur franchisé sur la réalité du réseau dans lequel il entre.
Si, comme l'a retenu le tribunal, la société Lady Fitness Europe n'avait pas l'obligation, même dans un tel cadre, d'informer M. X... d'une procédure de redressement judiciaire d'une autre société, fût-elle même animée par le même dirigeant et dont il est établi par ailleurs qu'elle a fait l'objet d'un plan de continuation, et qu'elle n'avait pas plus l'obligation de donner des renseignements sur un ancien associé cogérant qui avait quitté la société en mars 2006, il reste que l'historique du réseau était marqué par les difficultés à présent connues de M. X..., qui sont nombreuses et étaient au moins en germe à la fin de l'année 2006 et ne lui ont été signalées d'aucune façon, ce qui caractérise un manquement, sinon aux obligations de la loi, du moins à la loyauté entre cocontractants.

A supposer même que ce silence ne soit pas fautif, le fait d'avoir fait croire à M. X... qu'il pourrait exploiter un concept original et sans concurrent, alors que le réseau Curves appliquait le même concept depuis 2004 en France et que la franchise Lady Moving oeuvrait également selon une méthode très proche, caractérise une manoeuvre dolosive.

Il est évident que sans ce travestissement d'informations essentielles, M. X... n'aurait pas conclu le contrat de réservation qui, vicié par dol, est nul.
Il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Lady Fitness Europe à rembourser l'indemnité d'immobilisation perçue sur le fondement de ce contrat.

Il n'y a pas lieu en revanche d'annuler le compromis portant sur la cession du fonds de commerce situé à Lyon, ce contrat n'ayant pas de lien avec la réservation consentie pour la seule ville de Villefranche-sur-Saône, d'autant que le cocontractant concerné n'est pas aux débats et qu'en toute hypothèse, il n'est pas prétendu qu'il existerait une contestation quant à la caducité de ce compromis pour absence de réunion des conditions suspensives qui y étaient stipulées.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,
- Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du compromis de vente du 11 avril 2007,
- Statuant à nouveau, annule le contrat de réservation conclu le 10 janvier 2007 et condamne la société Lady Fitness Europe à payer à M. X... une somme de 11 960 euros TTC,
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... une somme de 2 000 euros,

- Condamne la société Lady Fitness Europe aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Barriquand, avoué.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Joëlle POITOUX Michel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 10/00997
Date de la décision : 21/04/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-04-21;10.00997 ?
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