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21/04/2011 | FRANCE | N°10/00409

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 21 avril 2011, 10/00409


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/00409





SA COMAP

C/

[V]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 janvier 2010

RG : F 08/03077











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 21 AVRIL 2011













APPELANTE :



SA COMAP

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée

par Maître Anne DE RICHOUFFTZ, avocat au barreau de LYON









INTIMÉ :



[A] [V]

né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Maître Philippe CHAPUIS, avocat au barreau de PARIS













































DÉBATS EN AUD...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/00409

SA COMAP

C/

[V]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 janvier 2010

RG : F 08/03077

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 21 AVRIL 2011

APPELANTE :

SA COMAP

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Maître Anne DE RICHOUFFTZ, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[A] [V]

né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Maître Philippe CHAPUIS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 janvier 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Françoise CARRIER, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 avril 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Le 5 février 1998, la société COMAP spécialisée dans la maîtrise des fluides domestiques a embauché M. [A] [V] en qualité de directeur commercial du marché Europe lequel a alors intégré le Comité Exécutif (COMEX).

A l'occasion d'une modification courant 2003 de la composition du COMEX dont M. [V] a continué à faire partie, celui-ci s'est vu confier, en sus de ses fonctions de directeur commercial, celles de 'marketing produits'.

Le 20 juin 2005, le salarié a signé un avenant à son contrat de travail lui ouvrant droit, en cas de rupture de celui-ci (sauf faute lourde ou démission) et ce pendant une période limitée à cinq ans, au paiement d'une indemnité contractuelle égale à 24 mois de salaire.

Courant 2006, la société de droit hollandais AALBERTS INDUSTRIES s'est portée acquéreur du capital social de la société COMAP elle-même filiale de LEGRIS INDUSTRIES SA.

Au mois de septembre 2007, le PDG de la société COMAP admis à la retraite a été remplacé par M. [X], lui-même recruté en externe.

A compter du 1er janvier 2008, il a été procédé à la mise en place d'une nouvelle organisation à l'occasion de laquelle les attributions de 'marketing produits' antérieurement confiées à M. [V] ont été dévolues à M. [M].

Le 6 septembre 2008, M. [V] a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

M. [V] ayant saisi celui-ci par courriel du 9 juillet 2009, à l'issue de son arrêt de travail pour cause de maladie du18 septembre 2008 au 16 juillet 2009, d'une demande d'organisation de la visite de reprise, ladite visite a eu finalement lieu le 15 septembre 2009 laquelle a donné lieu à une déclaration d'inaptitude au visa de l'existence d'un 'danger immédiat'.

Entre-temps, par courrier du 15 juillet 2009, M. [V] a été informé à l'initiative du DRH de la société COMAP qu'au regard des tensions générées par la procédure prud'homale et à son opposition marquée à l'entreprise et à ses dirigeants, il était dispensé d'activité en attendant que le conseil des prud'hommes saisi à son initiative ne statue sur l'ensemble de ses demandes.

Par jugement rendu 7 janvier 2010, le conseil des prud'hommes de Lyon, a :

- dit que M. [V] avait bien été victime de harcèlement moral ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

- fixé le salaire moyen de M. [V] à la somme de 13 270,28 € ;

- condamné la SA COMAP à lui payer les sommes de :

* 79 621,78 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 7 962,17 € au titre des congés payés afférents,

* 80 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 80 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 34 834,40 € à titre d'indemnité de congés payés non pris,

* 240 000 € à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,

* 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise de tous documents légaux dans un délai d'un mois à compter de la signification de sa décision.

Le 19 janvier 2010, la société COMAP a interjeté appel général de ce jugement qui lui avait été notifié le 8 janvier 2010.

Le 23 décembre 2010, la société COMAP a procédé au licenciement de M. [V] pour inaptitude.

Vu les conclusions écrites déposées le 25 juin 2010 et le 22 décembre 2010 et soutenues oralement par la société COMAP laquelle demande à titre principal et ce sauf à confirmer les dispositions ayant rejeté les demandes au titre d'un rappel de salaire et de l'anatocisme, réformant pour le surplus, de débouter l'intimé de l'ensemble de ses réclamations, à titre subsidiaire de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité contractuelle de licenciement, de limiter à 75 576,18 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à 68 358,18 € l'indemnité compensatrice de préavis et à 6 835,81 € les congés payés afférents, à titre encore plus subsidiaire, de limiter l'indemnité contractuelle à de plus justes proportions, de débouter l'intimé de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis, en tout état de cause, de lui allouer une indemnité de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions écrites déposées le 9 septembre 2010 et 6 janvier 2011 et oralement soutenues par M. [A] [V] lequel demande, réformant sauf en ce qu'il a été déclaré bien fondé à réclamer le bénéfice de l'indemnité contractuelle de licenciement, dit qu'il avait été victime de harcèlement moral, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, fixé le salaire brut à 13 270,28 € bruts et alloué diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et de l'indemnité de compensatrice de congés payés :

- à titre principal de :

* lui allouer le bénéfice de la somme de 31 275 € à titre de rappel de salaire ;

* porter le montant de l'indemnité contractuelle de licenciement à 318 286, 72 € ;

* porter les dommages et intérêts pour harcèlement moral à 159 243, 36 € ;

* porter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 238 860 €;

- à titre subsidiaire et ce en cas de rejet de ses demandes tant au titre du harcèlement moral que de la résiliation judiciaire du contrat de travail, de dire qu'il a fait l'objet le 23 décembre 2010 d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et :

* d'ordonner le paiement des salaires depuis le 7 janvier 2010 avec en tant que de besoin compensation des salaires dus avec les sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire;

* de lui allouer le bénéfice de la somme de 238 860 € a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* de lui allouer des dommages et intérêts à hauteur de 477 730,08 € en réparation du licenciement volontairement tardif et du préjudice moral découlant de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

ainsi que de lui allouer en tout état de cause une indemnité de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI LA COUR

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel principal, interjeté dans le délai d'un mois prévu par les articles 538 du Code de procédure civile et R 1464-1 du Code du travail, est régulier en la forme ce qui rend régulier l'appel incident qui s'y est greffé.

Sur le fond

Sur la demande de rappel de salaire à hauteur d'une somme de 31 275 € au titre de la quote-part de bonus lié à la fusion des sociétés AQUATIS et COMAP :

M. [V] demande à la Cour, en exécution du plan prévoyant une cible individuelle visant la fusion commerciale des sociétés AQUATIS et COMAP effectivement réalisée dans le courant de l'année 2008, de lui allouer la part de bonus (20 %) garantie en cas de fusion et de faire droit en conséquence à sa demande en paiement de la somme de 31 275 € avec les intérêts de retard et ce dès lors que ledit paiement ayant été subordonné au fait qu'il faisait toujours partie des effectifs en avril 2009, tel a bien été le cas.

La seule pièce visée par M. [V] ne permettant pas de vérifier le bien fondé de sa demande tant dans son principe que ses modalités de calcul, le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses prétentions à ce titre.

Sur la demande au titre du harcèlement moral :

S'il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits invoqués, les juges doivent, quant à eux, appréhender ces faits dans leur ensemble et rechercher s'ils permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué. En ce cas, il revient alors à l'employeur d'établir qu'ils ne caractérisent pas une situation de harcèlement.

Il résulte de l'article L 1152-1 du code du travail que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Déniant toute pertinence à l'argumentation retenue par le premier juge, la société COMAP SA fait valoir que non seulement celle-ci manque tant en fait pour la raison que le salarié ayant été amené à occuper en tant que l'un des ' numéros 2" (directeur commercial et marketing opérationnel) un poste stratégique au sein de l'entreprise, il n'était pas possible, du fait du litige prud'homal opposant les parties, de prendre le risque de mettre en péril la bonne marche de celle-ci en permettant au salarié, à l'issue de son arrêt de travail, de reprendre son poste qu'en droit dans la mesure où, en l'absence de tout examen des autres faits articulés par le demandeur, le prétendu manquement ainsi retenu ne pouvait à lui seul caractériser l'existence d'un harcèlement moral.

La société appelante, contestant toute pertinence aux griefs articulés contre elle, fait valoir en réponse que :

- la présence aux réunions du COMEX de ses membres dépendant de leur disponibilité respective, le fait que M. [V] n'ait pu être présent à l'une d'elles n'est nullement démonstratif d'une prétendue volonté de l'en évincer ;

- le 'rajeunissement' du COMEX, étranger à toute prétendue volonté de se débarrasser de l'ancienne direction, n'a été que la conséquence de mesures de réorganisation commandées par la prise en considération des besoins de l'entreprise et le refus de trois de ses membres qui s'en est suivi ;

- M. [V] a bien été associé au projet BETA comme le confirme sa rencontre avec M. [K] ;

- non seulement M. [V] ne justifie pas de l'attribution à son profit tant du projet PLASTIC que des opérations d'intégration des sociétés HENCO et ALPHACAN et du retrait prétendument ultérieurement intervenu ;

- M. [V] ne saurait s'offusquer que la décision d'absorption des filiales COMAP BENELUX et NORDIC par la société HENCO ait été prise au plus haut niveau, que les questions relatives à leur application ayant été abordées lors du COMEX du 30 juillet 2008, M. [V] n'a pas souhaité s'y investir, que M. [F] n'a pas davantage été associé à ce projet ;

- la nomination de M. [C] aux fonctions de Directeur Commercial Europe de l'Est, Moyen Orient et Afrique de la société COMAP a répondu à la volonté de pallier provisoirement l'absence de M. [V] et non de le mettre à l'écart ;

- M. [X], loin d'avoir cherché à s'ingérer dans les attributions confiées à M. [V], n'a fait que s'impliquer dans les attributions qui étaient les siennes en réclamant à la société COMAP UK, à la demande de Groupe AALBERTS, une étude sur l'évolution du marché en Afrique du Sud et en supervisant la stratégie à long terme de COMAP en Afrique du Sud ;

- l'intimé n'a pas davantage été tenu à l'écart de la gestion de ses équipes, qu'en proposant à M. [Y] un poste différent, Mme [Z] n'a fait que son travail, que la décision de licencier M. [Y] n'a été prise qu'à la suite du refus par celui-ci du poste proposé, qu'il a reçu une copie de la lettre de licenciement de M. [Y], que M. [V] était parfaitement informé de la nomination de M. [W] aux fonctions de directeur général de la société SOVEG en remplacement de M. [Y] licencié ;

- il n'y a pas eu davantage de mise à l'écart à l'occasion de l'établissement d'un catalogue sur les O.E.M. (Original Equipment Manufacture), que s'agissant de produits fabriqués sur commandes, ceux-ci n'avaient pas vocation à être commercialisés par des grossistes et donc à faire l'objet d'une opération de marketing opérationnel, qu'en conséquence, M. [M] es qualité de directeur du Marketing Stratégique, en prenant l'initiative de faire établir la plaquette litigieuse, n'a pas empiété sur les fonctions du salarié ;

- l'intimé ayant cessé tout travail, il était légitime qu'il lui soit retiré tant son téléphone que sa liaison Internet et ce d'autant qu'il était le seul destinataire d'un certain nombre de messages émanant de clients justifiant leur traitement dès réception ;

- loin d'avoir cherché à le déstabiliser, M. [X], dans le courriel adressé le 24 juillet 2008 au salarié, n'a fait, à la suite d'une demande en paiement d'honoraires de management formalisée le 16 juillet 2008 par M. [H] de la société SEPPELFRICKE, que rappeler à l'intimé les règles présidant à la procédure d'engagement de dépenses et la nécessité de s'abstenir de toute critique systématique des mesures mises en place ;

- l'intimé ne saurait utilement lui faire grief de ce qu'il aurait été fait état dans le modèle de démission de ses mandats au sein des différentes filiales de la société COMAP à lui transmis après trois mois d'absence d'une renonciation à toute action en justice au motif que non seulement l'imprimé litigieux n'émanait pas de la société COMAP mais de ce qu'en tout état de cause celui-ci n'était pas de nature à faire obstacle à l'instance pendante devant le premier juge ;

- M. [X] ayant reçu de façon quasi concomitante une convocation devant le conseil des prud'hommes et un courrier du salarié fournissant ses explications quant aux faits de harcèlement moral reproché, il était normal qu'une réponse soit fournie et qu'en conformité avec les dispositions du code du travail il soit proposé une médiation sans qu'il puisse en être déduit l'existence d'une quelconque perfidie ;

ajoutant qu'en tout état de cause M. [V] n'a jamais établi en quoi la prétendue dégradation de ses conditions de travail ait été à l'origine de l'altération de son état de santé.

A l'appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, M. [V] maintient que :

- il a été volontairement évincé du processus de décision conformément à la volonté de M. [X] d'écarter les membres de l'ancienne direction pour la remplacer par une nouvelle direction;

- il a été évincé des contacts pris avec la société BETA en vue de l'intégration de celle-ci au sein du groupe COMAP ;

- M. [X] l'a écarté de la mise en oeuvre du projet de rapprochement des filiales COMAP avec la société HENCO de même que de l'acquisition de l'activité sanitaire et chauffage de la société ALPHACAN ;

- il a été tenu à l'écart des opérations d'absorption des filiales COMAP BENELUX et NORDIC avec la société HENCO au profit de M. [F] lui-même directeur général de la société COMAP BENELUX ;

- la nomination de M. [T] [C] aux fonctions de directeur commercial Europe de l'Est, Moyen Orient et Afrique a bien eu pour finalité de le remplacer de façon définitive et non temporaire, l'expiration des fonctions confiées à M. [C] ayant fait suite à la remise en cause courant juin 2009 des sociétés HENCO et COMAP BENELUX ;

- M. [X] n'a cessé d'intervenir dans ses fonctions en s'ingérant en particulier dans le marketing COMAP Afrique et COMAP UK ;

- il a été mis à l'écart dans la gestion de ses propres équipes en particulier lorsque, profitant de son absence, il a été proposé à M. [Y] un poste n'ayant jamais existé dans l'organigramme dans le seul but de faire échec au paiement de l'indemnité contractuelle ;

- il a été mis à l'écart de l'établissement d'un projet de catalogue touchant au chapitre 'gros diamètre et spéciaux' et comme tel relevant de sa compétence ;

- il lui a été retiré à tort le 24 décembre 2008 les moyens de communication mis à sa disposition.

Faisant grief au premier juge d'avoir sous-estimé l'importance de son préjudice, il demande de faire droit au plein de ses réclamations.

En ce qui concerne les projets de rapprochement des filiales COMAP avec la société HENCO et d'acquisition de l'activité sanitaire et chauffage de la société ALPHACAN, M. [V] explique avoir été nommé dans un premier temps afin d'en assurer leur mise en oeuvre et avoir appris par la suite, à la lecture du compte rendu du COMEX, que ledit projet avait été finalement attribué à M. [M] sans même qu'il soit avisé des raisons de son éviction, ajoutant ne pas être en mesure, du fait de l'éviction des anciens membres du COMEX, de pouvoir exciper du témoignage de ses autres membres considérés par lui comme étant entièrement acquis à la cause de M. [X].

La société appelante pour qui à aucun moment la mise en oeuvre de ces deux projets n'a été confiée à M. [V] observe que ce dernier échoue dans la preuve lui incombant qu'il en aurait sollicité l'attribution mais aussi que ce serait la prise en considération de son refus qui aurait conduit M. [X] à les confier à M. [M].

Du propre aveu de M. [V], celui-ci reconnaît, à défaut de produire tout courrier de protestation émanant de lui de même que tout témoignage, ne pas être en mesure de prouver que la mise en oeuvre des projets litigieux lui aurait été retirée après lui avoir été confiée dans un premier temps.

Au demeurant, M. [V] ne justifie pas de ce que la mise en oeuvre de l'un et/ou l'autre de ces projets aurait dû lui revenir de droit.

En conséquence, il échoue dans la preuve lui incombant de l'établissement de la matérialité de la mise en l'écart ainsi alléguée.

M. [V] excipe également de ce qu'à la suite de son arrêt de travail pour cause de maladie il a été remplacé dans ses fonctions commerciales non de façon temporaire mais bien de façon définitive par M. [C] à effet du 1er janvier 2009 pour le secteur Europe de l'Est, Russie, Moyen Orient et Afrique et par M. [O] à effet du 1er septembre 2009 pour le secteur Europe du Sud et de l'Est, Moyen Orient et Afrique.

La nomination de M. [C] au poste de responsable commercial pour le secteur Europe de l'Est, Russie, Moyen Orient et Afrique ayant pris fin avant que M. [V] ne soit en mesure de reprendre son travail, celle-ci n'a pu de ce fait avoir pour objet ou effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs si la nomination de M. [O] à effet du 24 août 2009 comme directeur commercial pour le secteur Europe du Sud, Europe de l'Est, Moyen Orient et Afrique, doit être considérée comme ayant présenté un caractère définitif comme il résulte de ce que dans la note d'information (cote 104) celui-ci est bien présenté comme rejoignant COMAP et le COMEX à cette date et en cette qualité avec pour conséquence d'interdire à M. [V] de pouvoir recouvrer l'ensemble de ses attributions lorsque, une fois le litige prud'homal purgé, il aurait été en mesure de pouvoir revenir travailler comme annoncé dans le courrier de l'employeur du 15 juillet 2009, il reste qu'à défaut d'avoir été mis dans la possibilité de pouvoir reprendre son travail antérieurement à l'expiration de son contrat de travail les conditions d'application de l'article L 1152-1 du code du travail ne sont pas réunies.

M. [V] n'est pas davantage fondé à exciper de ce qu'il aurait été tenu à l'écart de la procédure de licenciement engagée à l'encontre du directeur général de la société SOVEG en la personne de M. [Y] dès lors qu'il s'est agi de faits survenus postérieurement à l'apparition des difficultés de santé rencontrées par lui à l'origine de son arrêt de travail et que d'autre part s'il a été envisagé lors d'un entretien le 12 septembre 2008 de l'intimé avec M. [Y] la fin de la relation contractuelle pour ce dernier, ladite procédure de licenciement n'a été engagée que par courrier du 23 septembre 2008 alors même que M. [V] était lui-même en arrêt de travail depuis le 18 septembre 2008.

En ce qui concerne les circonstances ayant présidé à la décision de remplacer M. [Y] par M. [W] et à l'initiative qui s'en est suivie de demander à M. [V] de remplir les pouvoirs bancaires sans, à s'en tenir à ses dires, avoir recueilli au préalable son accord quant à l'identité du nouveau Directeur général, de tels faits sont sans incidence sur le présent litige en ce qu'ils se rapportent à l'exercice par l'intéressé d'un mandat social au sein de l'une des filiales (SOVEG) du groupe, M. [V] agissant alors en qualité de PDG et non dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ce pourquoi celui-ci, lui-même conscient de cette distinction, dans un courrier du 18 décembre 2008 adressé à M. [X], a indiqué ne pas entendre 'aller à l'encontre du bon fonctionnement du groupe et des filiales de COMAP' et joindre en annexe 'une lettre par laquelle il démissionne de ses mandats'.

M. [V] excipe encore de ce qu'à l'occasion de l'initiative prise le 12 septembre 2008 par M. [M] de lancer une première ébauche d'un catalogue 'OEM, Spécial & Gros DN cuivre', il y aurait eu empiétement sur ses fonctions de marketing opérationnel.

Les parties étant opposées sur le point de savoir si ledit projet n'a concerné que l'activité O.E.M. (Original Equipment Manufacture correspondant à des produits fabriqués sur commandes spécifiques en vue de leur intégration au sein d'équipements plus complets) échappant au marketing opérationnel ou au contraire a concerné l'activité 'gros diamètre', M. [V] a rappelé que dans son rapport d'activité pour les mois de juillet/août 2008, le même M. [M] avait fait état, pour les 'gros diamètre et spéciaux', de la 'création à court terme (2 mois prochain) d'une nouvelle brochure commerciale pour pousser ce business'.

La SA COMAP ne fournissant aucun élément permettant de vérifier que l'initiative ainsi prise aurait été cantonnée à la réalisation d'une ébauche de catalogue cantonné aux seuls OEM la matérialité de l'empiétement ainsi dénoncé est du même coup bien établie.

M. [V] reproche encore à son employeur, alors même qu'il se trouvait toujours en arrêt de travail, de lui avoir coupé à compter du 24 décembre 2008 sa ligne téléphonique de même que son accès à Internet, tous faits non contestés dans leur matérialité.

Dans un courrier daté du 15 décembre 2008 adressé à M. [X], M [V] dont il sera rappelé la double qualité de salarié et de mandataire social, a dénoncé le fait que bien que déposant de tout le matériel informatique, il n'avait été destinataire d'aucun e-mail de sa part, d'aucun compte rendu de réunion du COMEX. et précisé à cette occasion être 'atterré par la mauvaise foi de son interlocuteur et les efforts déployés par lui pour le déstabiliser' (cote 56).

Le 17 décembre 2008, M. [X] lui a de son côté fait connaître que 'depuis (son) absence (celui-ci) av(ait) fait preuve d'un déni total de (ses) responsabilités de cadre supérieur en s'abstenant de tout suivi ou de tout contact avec un membre quelconque du COMEX et de l'entreprise (bien qu'encore) doté de tous les outils, bureautiques mis à sa disposition par l'entreprise pour communiquer à distance'.

Avisé par courrier du 24 décembre 2008 de ce qu'à raison de son absence prolongée et pour assurer la continuité du service, il avait été procédé à l''installation sur sa messagerie professionnelle d'une réponse automatique d'absence invitant les correspondants à rediriger leurs messages vers d'autres boîtes e-mails, que parallèlement, afin que cette messagerie e-mail ne soit pas utilisée sous son nom en son absence, celle-ci sera désactivée en émission, que pour les mêmes raisons et afin que les appels téléphoniques ne soient pas perdus, le numéro professionnel de portable à lui attribué est provisoirement suspendu', M. [V] a répondu le15 janvier 2009 que pour lui il s'agissait d'une nouvelle tentative pour l'évincer de l'organisation de l'entreprise et le mettre à l'écart.

Alors même que la société COMAP ne justifie pas de ce qu'à raison de la carence qui lui est prêtée, M. [V] aurait, du fait de l'utilisation des outils bureautiques mis à sa disposition, mis en péril ses intérêts, il y a lieu de constater l'existence d'une corrélation entre la volonté exprimée par le salarié de défendre ses droits et l'initiative de l'employeur conduisant à considérer les faits litigieux comme laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Mis en cause par M. [X] dans le cadre d'un e-mail daté du 24 juillet 2008 libellé comme suit :

'Au travers de [P], je comprends qu'un meeting a eu lieu il y a quelques semaines entre toi et [T] [B] dans lequel tu as donné ton accord pour payer 175 000 € aux Allemands, ceci étant consigné dans un mémo que je n'ai jamais vu. Si c'est le cas, (je considère incroyable que tu aies de tels meetings avec de telles conclusions avec [T], sans tenir ni moi ni [P] au courant) comment peux-tu me demander maintenant de signer de telles factures alors que tu en es à l'origine ''' Merci de tes clarifications'.

pour avoir donné son autorisation à l'engagement d'une somme de 175 000 € sans avoir tenu informé ni l'auteur du e-mail ni M. [R] ([P]), M. [V] estime avoir fait l'objet à cette occasion de l'imputation d'une faute professionnelle de nature à caractériser l'un des agissements reprochés.

Alors même que la société COMAP ne peut utilement s'en tenir au seul fait que M. [V] n'aurait jamais prétendu ne pas avoir engagé la société COMAP au bénéfice de la société SEPPELFRICKE pour en déduire, en l'absence de production de toute autre pièce justificative et eu égard à l'absence de tout aveu, que l'implication de son salarié serait établie dans l'engagement litigieux et que dès lors il ne serait fait état dans la correspondance électronique que de faits constants non susceptibles de porter atteinte à la dignité du salarié, il y a lieu de constater que dans le dit courriel, même si son rédacteur n'a pas exclu le fait que le salarié ait pu rester étranger aux faits litigieux comme il ressort du recours à la formule 'Si c'est le cas', il est usé d'un ton suffisamment violent (je considère incroyable que tu aies de tels meetings avec de telles conclusions avec [T], sans tenir ni [P] (lire M. [R]) ni moi au courant. Comment peux-tu me demander maintenant de signer de telles factures alors que tu en es à l'origine ''' ) pour que son destinataire ait considéré à juste titre que le minimum de prudence devant présider à l'énonciation de faits aussi lourds de conséquence n'avait pas été respecté.

Dans le même e-mail du 24 juillet 2008, il est énoncé que :

'Plusieurs personnes sont venues me voir pour me dire que tu critiquais ouvertement le service marketing, tel qu'il se mettait en place, en déclarant que leur chef était complètement incompétent, ce qui indirectement me classe dans la même catégorie, et pire en suggérant à certains que le mieux serait pour eux de quitter la société car ils n'y trouveront rien d'intéressant

(... ) j'ai avalé beaucoup de couleuvres de ce type de ta part et j'ai été d'une patience infinie, car je souhaite te donner le temps de t'adapter à la nouvelle organisation qui se mettait en place. Maintenant, c'est terminé.

Tu fais partie du Comex et tu dois faire corps avec les décisions collégiales qui y sont prises et qui d'ailleurs dans l'immense majorité sont appréciées par les cadres et le personnel.

Dorénavant, je n'accepterai plus le moindre fait de cette espèce que je considérerai comme une faute professionnelle, car décrédibilisant tes collègues et l'ensemble de l'organisation.

J'attends de ta part des explications et des justifications à ton comportement, Comap doit faire une révolution pour relever les défis de demain. Le Comex doit être un exemple de droiture (...)'

M. [V] soutient que s'il a bien fait état de son désaccord quant à la mise en place de la nouvelle organisation et à la modification de ses fonctions dans le seul but de récupérer l'ensemble de ses attributions contractuelles, il ne s'est en revanche jamais hasardé sur le terrain du dénigrement ce pourquoi il demande de constater que les accusations portées contre lui ne procèdent en réalité que d'une volonté de le déstabiliser, l'intimée exposant à l'inverse qu'après avoir tout fait pour que l'intimé conserve sa place de 'numéro 2", il a bien fallu à la fin du mois de juillet 2008, vu son comportement parfaitement déloyal, le rappeler à l'ordre.

Alors même que l'imputation tirée de ce que, pour avoir critiqué ouvertement le service marketing, l'intimé aurait dénigré son employeur au travers de l'organisation mise en place par lui a été effectivement de nature, à raison de la mise en cause de son devoir de loyauté, à avoir un effet déstabilisateur et par voie de conséquence à impacter les conditions de travail, le seul élément un tant soit peu circonstancié produit par la société COMAP repose sur l'attestation de M. [M] laquelle, à défaut de tout autre élément produit dans le même sens, ne peut être considérée à elle seule, eu égard à la rivalité ayant opposé les deux salariés, comme constitutive de la preuve du dénigrement reproché, M. [V] étant en conséquence bien fondé à exciper d'une mise en cause injustifiée de son devoir de loyauté.

L'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et a sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel étant en conséquence établie, le jugement attaqué mérite confirmation en ce qu'il a accueilli en son principe la demande de M. [V] tendant au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Eu égard aux éléments dont la Cour dispose, il sera fait droit à sa réclamation à hauteur d'une somme de 30 000 €, le jugement étant réformé en conséquence.

Sur les demandes au titre de la rupture des relations contractuelles :

- la demande principale de résiliation aux torts de l'employeur :

Il sera rappelé que l'inexécution de certaines des obligations résultant du contrat de travail par l'employeur doit présenter une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.

La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au titre des manquements articulés à l'encontre de l'appelante, M. [V] lui reproche pour l'essentiel de lui avoir retiré une partie de ses attributions de responsable marketing sans avoir sollicité et du même coup obtenu son accord préalable, de l'avoir privé de même d'une partie de ses attributions commerciales sans qu'il s'en soit suivi de compensations en retour et de s'être abstenu de lui fournir du travail à l'issue de son arrêt de travail du 18 septembre 2008 au 16 juillet 2009.

M. [V] expose que du remplacement par lui en 2003 de M. [G] jusqu'à l'arrivée de M. [X] fin 2007, c'est lui qui, avec l'aide de six salariés affectés au marketing produits, a eu en charge la dimension non seulement opérationnelle mais stratégique du marketing, qu'en particulier le 'virage plastique' de 2008 n'a été rendu possible que parce que celui-ci avait été préparé en amont, que pour lui retirer le marketing à l'effet de le confier à M. [M] dans le cadre de la nouvelle organisation voulue par M. [X], il aurait fallu obtenir au préalable son accord ce qui n'a pas été le cas.

Il est répliqué que si M. [V] a eu effectivement en charge le marketing opérationnel, il en est allé différemment du marketing stratégique seul en cause dans le présent litige.

Pour la société appelante, il y a lieu de distinguer entre le marketing opérationnel et le marketing stratégique auquel, s'agissant de ce dernier, le salarié est resté étranger pour la raison que jusqu'à l'arrivée de M. [X] il ne s'était pas agi de l'une des priorités de l'entreprise.

Il résulte des pièces versées aux débats que faisant suite au changement de direction et à l'arrivée fin 2007 de M. [X] à la tête de la SA COMAP, il a été procédé dans la foulée au recrutement début 2008, en même temps que d'un 'directeur de la Supply Chain et du Sourcing', de M. [M] comme 'directeur marketing stratégique et de l'offre COMAP' à l'effet (cf la note d'information relative à ce poste produite aux débats) d'aider au 'lancement d'un plan stratégique triennal' axé autour d'un 'doublement de la rentabilité, d'une croissance organique à deux chiffres et de la préparation de l'entreprise à l'intégration des acquisitions des activités envisagées à court et moyen terme par le groupe AALBERTS' exigeant, entre autres 'éléments clés de la réussite', une 'stratégie marketing claire, structurée qui développe des solutions, des systèmes plutôt que des produits'.

En précisant dans le même document que l'objectif poursuivi au travers de la 'stratégie marketing' était d''optimiser la politique produits actuels et positionner COMAP en tant que développeur de solutions et systèmes', la nouvelle direction a reconnu qu'elle entendait au moins pour partie reprendre et accentuer les efforts entrepris par l'ancienne direction ce qui ruine l'argumentation défendue par elle selon laquelle le travail demandé à M. [M] aurait été radicalement différent ('deux métiers différents') de celui effectué par M. [V].

De même, en énonçant dans le courrier du 23 septembre 2008 adressé à M. [V] que jusqu'à la création du poste litigieux 'cette fonction était largement délaissée', que 'la direction commerciale ne pouvait prendre en charge de manière efficace un marketing stratégique produit en amont', M. [X] a lui-même reconnu que le marketing stratégique, à supposer qu'il puisse être distingué du marketing opérationnel, entrait bien dans les attributions dévolues à l'intimé.

M. [V] a justement fait valoir que si l'intitulé de fonction 'Directeur Marketing Stratégique' n'existait pas en tant que tel antérieurement à l'arrivée de M. [M], il avait bien fallu qu'à raison de l'importance du groupe COMAP un minimum de marketing stratégique soit mis en oeuvre et ce d'autant que les fonctions confiées au salarié se sont étalées sur plusieurs années, sa participation au Comex confirmant s'il en était besoin son implication dans la mise en oeuvre d'un tel marketing.

L'implication de M. [V] dans la mise en oeuvre d'un marketing pris dans son ensemble étant ainsi suffisamment établie, il y a lieu de constater que celui-ci a été effectivement privé, du fait de la création du poste confié à M [M] dans les circonstances sus-rappelées, d'une partie essentielle de ses attributions sans que son employeur n'ait au préalable sollicité et en tout cas obtenu son accord ce qui constitue un premier manquement justifiant la demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par ailleurs, M. [V] a justement fait valoir que ce n'était pas parce que depuis le 6 septembre 2008 il avait saisi le juge prud'homal que son employeur devait, à l'issue de son arrêt de travail, le priver de la possibilité de retrouver son travail ce qui a été le cas avec la dispense d'activité qui lui a été notifiée par courrier du 15 juillet 2009, ledit manquement devant en conséquence s'analyser en un défaut de fourniture de travail constitutif d'un autre manquement.

Le jugement attaqué étant ainsi confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, il n'y a pas lieu de statuer sur le mérite des contestations soulevées à titre subsidiaire touchant au licenciement.

M.[V] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix travailleurs et le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il y a lieu de condamner d'office la société COMAP, en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, à rembourser à PÔLE EMPLOI le montant, plafonné à six mois de telles indemnités, des prestations de base de l'allocation chômage susceptibles d'avoir été versées au salarié à la suite de son licenciement.

- les conséquences de la résiliation judiciaire :

1: l'indemnité contractuelle de licenciement :

L'avenant n° 1 au contrat de travail est libellé en ces termes :

'Notre société a décidé de vous octroyer une garantie, destinée à couvrir les cas où, notamment en raison d'un changement de politique survenu au sein de la société, vous devriez faire l'objet d'une mesure de licenciement excepté le cas d'une rupture de votre contrat de travail du fait d'une faute lourde.

A ce titre, vous bénéficierez en cas de licenciement d'une indemnité brute d'un montant équivalent à 24 mois de salaire si la notification de votre licenciement, hors rupture de votre contrat de travail du fait d'une faute lourde de votre part, survient dans les 5 ans à compter de la signature de la présente. (...)

Au sens des présentes, le salaire brut désigne la moyenne du salaire brut mensuel majoré de la part de la rémunération variable perçus au titre de l'année civile précédant la date de la rupture de votre contrat de travail, y compris les avantages en nature versés en complément de votre rémunération mensuelle.

Cette indemnité inclut toutes sommes de quelque nature qu'elles soient qui devront vous être versées au titre des indemnités de licenciement en vertu de la loi, de la convention collective et des accords d'entreprise applicables (...)'

La société COMAP fait valoir que si ledit avenant a eu pour objectif de garantir les membres du COMEX d'un changement de politique, la demande de résiliation ne s'est nullement inscrite dans un tel changement de politique ce à quoi l'intimé s'oppose en soulignant que la réduction de son périmètre de fonctions a été précisément la conséquence d'un tel changement de politique.

La contestation élevée par l'appelante ne saurait prospérer en ce sens qu'à la suite de la cession de la société COMAP au profit de la société AALBERTS et de l'arrivée d'un nouveau PDG, il s'en est suivi dès l'année 2007 et de l'aveu même de M. [X] une 'profonde mutation en raison de multiples paramètres' ayant débouché sur un 'bouleversement considérable' de la COMAP à l'origine d'une 'redéfinition en profondeur de son plan de route' (cote 25).

La clause litigieuse dite de 'golden parachute'devant s'analyser en une clause pénale, la société COMAP demande encore de la réduire au visa de l'article 1152 du code civil eu regard au caractère manifestement excessif de celle-ci ce que conteste l'intimé pour qui l'employeur a seulement entendu vu le au niveau de responsabilité exercé, accorder une indemnité supérieure à l'indemnité conventionnelle de licenciement (18 mois).

La décision querellée mérite confirmation en ce qu'elle a retenu que la clause litigieuse présentait un caractère manifestement excessif du fait de la disproportion entre le montant de la peine conventionnellement retenue et la réalité du préjudice subi telle qu'elle découle ce que le salarié a bénéficié du maintien de sa rémunération jusqu'au jour de son licenciement, la réduction opérée méritant de même confirmation.

2 : les autres demandes :

En ce qui concerne la détermination du salaire moyen, le jugement déféré sera réformé en ce qu'il en a fixé le montant à la somme de 13 270,28 € par mois, l'examen des bulletins de paie produits aux débats permettant de vérifier que le montant du salaire moyen effectivement versé calculé sur une période de 12 mois n'a pas dépassé la somme retenue par la société COMAP dans ses écritures.

En conséquence, le montant du salaire moyen sera fixé à la somme de 12 596,03 € brute.

* l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

A l'appui de sa contestation, la SA COMAP soutient que les parties ayant prévu dans l'avenant du 20 juin 2005, que 'l'indemnité (contractuelle de licenciement) inclu(ai)t toutes sommes de toute nature qu'elles soient qui devront vous être réglées au titre des indemnités de licenciement en vertu de la loi, de la convention collective et des accords d'entreprise applicables', la demande en paiement de l'indemnité de préavis litigieuse ne pourra qu'être rejetée.

L'indemnité de licenciement prévue à l'article L 1234-9 du code du travail devant être distinguée aussi bien de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse que de l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, la SA COMAP, à défaut de tout visa fait dans l'avenant litigieux à l'indemnité de préavis, n'est pas fondée à exciper de l'existence d'un non cumul de l'indemnité contractuelle de licenciement avec l'indemnité ainsi réclamée.

La convention collective de la métallurgie ingénieurs et cadres ayant prévu au profit des cadres disposant d'une ancienneté de plus d'un an le bénéfice d'un préavis de six mois, il sera fait droit à la demande de M. [V] à hauteur d'une somme de 75 576,18 €, le jugement étant réformé en conséquence quant au montant des sommes allouées.

* les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Au regard de l'ancienneté du salarié et du niveau de rémunération atteint par lui, le montant des dommages et intérêts alloués seront portés en cause d'appel à la somme de 120 000 €, le jugement étant réformé en conséquence sur ce point du litige.

- Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés :

Pour faire droit au plein des demandes de M. [V], le premier juge a constaté que sur le bulletin de salaire du mois d'août 2009 (antérieure à la date de rupture des relations contractuelles judiciairement fixée au 7 janvier 2010), il était fait état d'un total de 65 jours de congés payés acquis (5,81 + 25 + 25).

La Cour n'étant saisie d'aucune contestation relative au bien fondé des sommes allouées, le jugement sera confirmé en l'état.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il sera fait droit a la demande de M. [V] dans les limites du dispositif.

La société COMAP SA qui succombe sera condamnée aux dépens ce qui prive de fondement sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare les appels principal et incident recevables ;

Les dit tous les deux partiellement bien fondés ;

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

- dit bien fondées en leur principe les demandes en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral d'une part, en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société COMAP d'autre part ;

- limité à 240 000 € le montant de l'indemnité contractuelle de licenciement due à M. [A] [V] ;

- alloué à celui-ci :

* une somme de 34 834,40 € à titre de congés non pris ;

* une indemnité de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M.[A] [V] de sa demande en paiement d'une somme de 31 275 € à titre de rappel de salaire ;

Réformant pour le reste et statuant à nouveau :

Condamne la SA COMAP à payer à M. [A] [V] les sommes de :

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 75 576,18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 7 557,6 1 € au titre des congés payés afférents ;

- 120 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les sommes allouées au titre du préavis d'une part, de l'indemnité contractuelle de licenciement d'autre part donneront lieu à capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Y ajoutant :

Condamne d'office la SA COMAP à rembourser à PÔLE EMPLOI le montant, plafonné à six mois de telles indemnités, des prestations de base de l'allocation chômage susceptibles d'avoir été versées au salarié à la suite de son licenciement ;

Alloue à M. [A] [V] une indemnité complémentaire de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires ;

Condamne la SA COMAP, en sus des dépens de première instance, aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/00409
Date de la décision : 21/04/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/00409 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-21;10.00409 ?
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