AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 10/06154
SOCIETE TRANSROUTE
C/
[X]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 7]
du 23 Juillet 2010
RG : F09/00164
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 15 AVRIL 2011
APPELANTE :
SOCIETE TRANSROUTE SAS
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Jacques-Henri ARON,
avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉ :
[J] [X]
né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 7] (LOIRE)
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Sophie PECCHINI,
avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
PARTIES CONVOQUÉES LE : 06 Septembre 2010
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Mars 2011
Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de Chambre,
Hélène HOMS, Conseiller
Marie-Claude REVOL, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Avril 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DU LITIGE
[D] [X] a été embauché par la S.A.S. TRANSROUTE en qualité de conducteur d'engins d'enrobés polyvalent par contrats à durée déterminée du 22 septembre 2005 au 7 octobre 2005 et du 3 avril 2006 au 29 décembre 2006 ; à compter du 30 décembre 2006, la relation de travail s'est poursuivie selon un contrat à durée indéterminée ; le 19 novembre 2007, [D] [X] a été en arrêt de travail pour cause de maladie ; le 7 avril 2009, il a été licencié pour inaptitude.
[D] [X] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de [Localité 7] ; il a réclamé un rappel d'indemnité de déplacement, une indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour licenciement abusif et une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 23 juillet 2010, le conseil des prud'hommes, sous la présidence du juge départiteur, a :
- considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pour violation de l'obligation de reclassement,
- condamné la S.A.S. TRANSROUTE à verser à [D] [X] la somme de 17.632,90 € au titre des indemnités de grand déplacement, la somme de 34.420,20 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause, la somme de 5.736,70 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 573,67 € de congés payés afférents, la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles,
- condamné la S.A.S. TRANSROUTE aux dépens de l'instance.
Le jugement a été notifié le 27 juillet 2010 à la S.A.S. TRANSROUTE qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 10 août 2010.
Par conclusions reçues au greffe le 22 octobre 2010 et le 14 février 2011 visées au greffe le 10 mars 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. TRANSROUTE :
- affirme qu'elle a recherché le reclassement de [D] [X] par voie d'aménagement de poste ou de mutation au sein du groupe EIFFAGE,
- ajoute qu'elle a suivi la procédure de licenciement et a motivé précisément la lettre de licenciement,
- estime donc que le licenciement est bien fondé et régulier,
- prétend qu'elle a pris en charge les frais de logement de [D] [X] et les frais de déplacement en substitution d'une partie des indemnités de grand déplacement et qu'elle a réglé l'autre partie des indemnités de grand déplacement,
- estime donc ne rien devoir à [D] [X],
- demande le rejet des prétentions de [D] [X],
- réclame la restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris, outre les intérêts au taux légal à compter de l'encaissement des sommes,
- sollicite la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 10 mars 2011 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [D] [X] qui interjette appel incident :
- fait valoir que la S.A.S. TRANSROUTE appartient à un groupe très important dont les activités sont diverses et qui emploie 70.000 salarié et que les recherches de reclassement ont été limitées à une seule branche du groupe et ont été de pure forme,
- argue d'une violation de l'obligation de reclassement qui prive le licenciement de cause,
- réclame la somme de 5.736,70 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 573,67 € de congés payés afférents, la somme de 34.420,20 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- reproche à son employeur de ne lui avoir jamais versé l'indemnité de grand déplacement stipulée au contrat de travail et qui se cumule avec la prime de grand déplacement,
- réclame la somme de 18.513,80 € à titre de rappel d'indemnité de grand déplacement,
- sollicite la somme de 1.700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, la S.A.S. TRANSROUTE précise qu'elle ne discute pas le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et qu'elle conteste seulement devoir une telle indemnité.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les indemnités de grand déplacement :
Le contrat de travail stipulait une indemnité de grand déplacement journalière de 72,30 € net en cas d'empêchement de regagner en fin de journée le lieu de résidence habituel.
[D] [X] a toujours travaillé loin de son domicile situé dans la LOIRE et ne pouvait pas regagner son domicile en fin de journée.
D'avril 2006 à novembre 2007, compte tenu du nombre de jours travaillés, [D] [X] aurait dû percevoir la somme de 23.073,80 € à titre d'indemnité de grand déplacement.
Les feuilles de paie au dossier démontrent que [D] [X] a touché des indemnités de grand déplacement pour une somme totale de 5.946,90 € ; l'employeur a également réglé le loyer du logement occupé en ALSACE par [D] [X] pour un montant de 4.245 € ; [D] [X] reconnaît le principe de la déduction du prix des loyers ; la somme totale acquittée par l'employeur s'élève à 10.191,90 €.
Les nuitées et les repas d'un déplacement effectué dans le Sud ont été réglés par le client et non par l'employeur et leur coût est ignoré ; la prise en charge par un client n'affranchit pas l'employeur de son obligation contractuelle de régler une indemnité de grand déplacement destinée à compenser l'impossibilité pour le salarié de rejoindre son domicile.
Dans ces conditions, le solde en faveur de [D] [X] s'établit à la somme de 12.881,90 €.
En conséquence, la S.A.S. TRANSROUTE doit être condamnée à verser à [D] [X] la somme de 12. 881,90 € au titre des indemnités de grand déplacement et le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur le licenciement :
Le 18 février 2009, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude au poste de conducteur d'engin et d'aide terrassier polyvalent et a estimé possible le reclassement professionnel en poste aménagé, c'est à dire sans conduite d'engins et sans affectation à des tâches manuelles sollicitant le membre supérieur droit ; le 9 mars 2009, le médecin du travail a réitéré l'avis précédant et a précisé : 'un poste d'employé de péage autoroutier pourrait répondre à l'aptitude médicale résiduelle'.
Le licenciement est du 7 avril 2009 ; l'employeur l'a motivé par l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement au sein du groupe EIFFAGE.
L'inaptitude ne fait pas débat ; seule est discutée la mise en oeuvre par l'employeur de son obligation de reclassement.
L'article L. 1226-2 du code du travail oblige l'employeur à proposer au salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail un autre emploi qui soit approprié à ses capacités et qui soit aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé ; les recherches de reclassement doivent être opérées au sein de l'entreprise et au sein du groupe auquel l'entreprise appartient ; il pèse sur l'employeur la charge de prouver qu'il a été dans l'impossibilité de reclasser le salarié.
La S.A.S TRANSROUTE dépend de EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS qui appartient au groupe EIFFAGE ; en 2009, le groupe EIFFAGE employait 70.958 salariés, dont 40.448 ouvriers ; son activité se répartit en cinq branches, la concession, la construction, les travaux publics, l'énergie et le métal ; une de ses filiales, la société A.P.R.R., exploite des autoroutes.
Le 26 février 2009 et le 16 mars 2009, deux demandes de recherche de reclassement ont été effectuées, notamment dans un travail de cabine de péage autoroutier ; la demande a été diffusée au sein du groupe le 27 février 2009.
Les sociétés EIFFAGE TRAVAUX PUBLIC des secteurs MEDITERRANNEE, [Adresse 6], OUEST et EST, ainsi que la société APPIA CHAMPAGNE ont répondu qu'elle ne pouvait pas reclasser [D] [X] au sein des filiales ou établissements.
La S.A. A.P.P.R., groupe des autoroutes Parie-Rhin-Rhône, a écrit le 7 octobre 2010 qu'aucun recrutement sur des postes de receveurs péager n'a été réalisé en mars 2009 et qu'au contraire le nombre de postes a diminué.
[D] [X] a exprimé le voeux d'être reclassé en qualité de laborantin ; le 25 mars 2009, l'employeur a interrogé le médecin du travail qui a émis un avis défavorable le 1er avril 2009.
Au vu de ces éléments, l'employeur rapporte la preuve qu'il a recherché des postes pour le reclassement de [D] [X] au sein du groupe EIFFAGE et qu'il a, ainsi, satisfait à son obligation de reclassement.
En conséquence, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et [D] [X] doit être débouté de ses demandes indemnitaires.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de débouter les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.S. TRANSROUTE qui succombe sur les indemnités de grand déplacement doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être confirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la S.A.S. TRANSROUTE à verser à [D] [X] la somme de 12. 881,90 € au titre des indemnités de grand déplacement,
Juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute [D] [X] de ses demandes indemnitaires,
Ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.S. TRANSROUTE aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Nicole BURKEL