R.G : 09/03334
Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-BresseAu fond du 23 avril 2009
Chambre civile
RG : 07/00738
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 14 Avril 2011
APPELANTE :
CMPS - CCM DES PROFESSIONS DE SANTE PROVENCE141 avenue du Prado13008 MARSEILLE
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Maître Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Maître Diane DELCOURT, avocat au barreau de Marseille
INTIMEE :
Huguette Z... épouse A... épouse commune en biens de Monsieur Roger A...née le 31 Décembre 1953 à LA CIOTAT (BOUCHES-DU-RHONE)...01340 MONTREVEL-EN-BRESSE
représentée par Maître André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assistée de Maître Catherine-Marie DARBIER, avocat au barreau de MARSEILLE
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Date de clôture de l'instruction : 14 Septembre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Février 2011
Date de mise à disposition : 31 Mars 2011, prorogée au 14 avril 2011, les avoués dûment avisés conformément à l'article 450 dernier aliéna du Code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Michel GAGET, président- Christine DEVALETTE, conseiller- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en date du 23 avril 2009 qui constate que la demande en paiement présentée par la CMPS est devenue sans objet et qui, sur la demande reconventionnelle de Huguette Z... épouse A..., condamne la CMPS à payer à celle-là l'intégralité des sommes en principal, intérêts et frais mises à sa charge par le jugement rendu le 17 janvier 2005 par le tribunal de grande instance de Marseille, déboutant Huguette Z... de sa demande de dommages intérêts et de mainlevée de saisies ;
Vu la déclaration d'appel faite le 27 mai 2009 par la CMPS-CCM des professions de santé Provence, et vu les conclusions en date du 24 juin 2010 dans lesquelles elle soutient la réformation de cette décision au motif principal que la demande d'Huguette Z... se heurte à l'autorité de chose jugée et au motif accessoire que l'action engagée par cette dernière est prescrite et dépourvue de fondement juridique de sorte qu'elle doit être déboutée de toutes demandes et condamnée à verser 2.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu les conclusion d'Huguette Z... en date du 20 juillet 2010 qui conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné la CMPS à lui payer l'intégralité des sommes dues en principal, intérêts, et frais mis à sa charge par le jugement rendu le 17 janvier 2005 par le tribunal de grande instance de Marseille et sa réformation en ce qui concerne la restitution des sommes saisies avec intérêts à compter du jour de la saisie, entre le paiement de la somme de 30.000 euros de dommages intérêts et 10.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile;
Les conseils des parties ont donné leurs explications orales à l'audience du 23 février 2011 après le rapport de Monsieur le Président Michel Gaget.
DECISION
Vu le jugement du 17 janvier 2005 rendu par le tribunal de grande instance de Marseille ;
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 juillet 2008 cassant, sans renvoi, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 15 février 2007 ;
La CMPS soutient que la décision entreprise doit être réformée en ce qu'elle a fait droit à la demande reconventionnelle de Huguette Z..., au motif que cette demande est irrecevable en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du 17 janvier 2005 et parce qu'elle aurait dû, dès l'instance initiale, présenter sa demande reconventionnelle en réponse à la demande principale en paiement.
Vu l'article 1351 du code civil ;
Vu l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Comme l'explique, à bon droit, Huguette Z... qui n'était pas présente ou représentée dans l'instance ouverte devant le tribunal de grande instance de Marseille qui a donné lieu au jugement du 17 janvier 2005 rendu de manière réputé contradictoire et aujourd'hui définitif, en suite de l'arrêt de la Cour de Cassation du 10 juillet 2008, est recevable, dans l'instance diligentée à la demande de la CMPS, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, en suite d'une assignation du 26 février 2007, reprenant sa demande en paiement, à former une demande reconventionnelle en responsabilité contractuelle ou délictuelle pour obtenir réparation de son préjudice né de l'attitude et du comportement de la CPMS dans la conclusion du contrat de prêt et dans les poursuites judiciaires engagées contre elle, victime de l'opération frauduleuse, initiée par un représentant de la banque.
En effet, Huguette Z... n'a pas pu présenter, en temps utile devant les juridictions initialement saisies, sa défense et former une demande reconventionnelle en responsabilité à l'encontre de la CPMS fondée, non pas sur le contrat de prêt mais sur les fautes commises par le prêteur au moment de la conclusion du contrat et après l'obtention d'une décision de justice. Il ressort des pièces de procédure qu'elle n'a eu connaissance de la demande initiale de la CPMS que lors de la signification du jugement du 17 janvier 2005, faite à sa bonne adresse.
Le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée ne peut, dans ces conditions, être retenus à son encontre, aucune décision n'ayant examiné sa demande en responsabilité et les fondements de celle-ci, et n'ayant tranché la question.
Et sur le fondement de l'article 1351 du code de procédure civile, l'argumentation présentée par la CPMS dans ses conclusions ne peut être admise à l'encontre d'une partie défenderesse qui, de fait, n'a pas pu soumettre sa défense, en son entier, à une juridiction;
En l'espèce, aucune autorité de chose jugée ne s'oppose à la demande d'Huguette Z... qui doit pouvoir bénéficier d'une défense effective au sens de l'article 6 § 1 de la CEDH qu'elle invoque, à bon droit, dans ses conclusions.
D'autre part, la CPMS soutient, aussi que la demande d'Huguette Z... est prescrite au motif que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle la dette est devenue exigible et non à la date où Huguette Z... a été condamnée en justice comme l'a retenu, à tort, le tribunal dont la décision est frappée d'appel.
Elle ajoute que l'article 2270-1 du code civil ancien dispose que l'action se prescrit par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation et que l'empruntrice a été mise en demeure de régler les échéances du prêt conclu en 1991, par une lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure du 10 février 2005.
Mais, vu l'article 2270-1 du code civil issu de la loi du 05 juillet 1985, applicable lors de la conclusion du contrat de prêt souscrit le 03 juin 1991.
L'alinéa premier de ce texte dispose que les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.
Et le délai de prescription en matière contractuelle était au moment de la conclusion du contrat de trente ans.
Mais il résulte de la procédure que les actions et demandes en responsabilité contractuelle et en responsabilité délictuelle fondée celle-ci sur l'article 1382 du code civil alors que la première était fondée sur l'article 1147 du même code, formées par demande reconventionnelle dans l'instance engagée le 26 février 2007 l'ont été dans le délai de la prescription applicable pour chaque action même si l'on tient compte de la date de conclusion du contrat, soit le 03 juin 1991 ou de la date d'exigibilité de la dette soit le 10 février 1995, comme le suggère la CPMS.
Et pour le délai de dix ans en matière de responsabilité délictuelle, contrairement à ce que soutient la CPMS, le délai commence à courir, non pas à la date du contrat ou de l'exigibilité de la dette, mais à la date de la manifestation du dommage dont la victime se plaint et qui est, en l'espèce, le jour où elle a été condamnée par le tribunal de grande instance de Marseille, dans une procédure au cours de laquelle elle n'a pas pu comparaître pour ne pas avoir été informée de manière contradictoire et effective.
Dans les deux cas les demandes et actions ne sont pas prescrites dans la mesure où elle n'a pu agir qu'à compter de la connaissance du jugement la condamnant à payer, et du caractère définitif de cette condamnation qui lui porte préjudice, à savoir au plus tard le 10 juillet 2008, jour de l'arrêt de cassation, cassant sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 février 2007, prononçant la nullité du jugement du 17 janvier 2005.
C'est bien à cette date que le dommage dont elle se plaint se manifeste, comme l'ont retenu à bon droit, les premiers juges.
Enfin le dommage et ses causes ont été justement appréciés par les premiers juges qui ont retenu, à juste titre, le manquement contractuel né de la fraude à laquelle a participé le dirigeant du prêteur et le comportement délictuel de celui-ci en poursuivant, avec légèreté et obstination, la victime de cette fraude dont elle n'avait tiré aucun bénéfice.
L'appréciation du dommage à concurrence du montant des condamnations résultant du jugement du 17 janvier 2005 est juste et répare le préjudice causé par les fautes.
A cet égard, il importe peu que Huguette Z... ait donné le 13 juin 1991 l'ordre de verser les fonds empruntés à un compte ne lui apparttenant pas, alors que ce fait aurait dû attirer l'attention du banquier prêteur sur le caractère anormal de ce prêt dont son salarié connaissait la destination puisqu'il était complice de la fraude.
A cet égard, la CPMS ne peut pas soutenir qu'elle ignorait les conditions des poursuites judiciaires engagées par elle à l'encontre d'Huguette Z... qui ne cherchait pas à se soustraire à ses obligations et qui n'avait pas été mise en mesure de faire valoir au fond son argumentation, avant l'instance engagée devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, fait dont elle ne peut dire qu'elle l'ignorait.
Par ailleurs Huguette Z... est fondée à solliciter la restitution de tous les fonds qui ont été versés ou saisis par la CPMS sur ses salaires en exécution du jugement du 17 janvier 2005.
Elle est fondée aussi à réclamer la levée de toutes les saisies qui ont été faites en exécution de ce jugement.
Elle sollicite, en outre, en appel, le paiement d'une somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts supplémentaires en réparation de son préjudice moral en raison du harcèlement dont elle a fait l'objet pendant quatorze ans et des perturbations familiales et psychologiques qui s'en sont suivies.
La cour trouve dans le dossier, les éléments pour chiffrer ce préjudice qui est effectif, réel et certain, à la somme de 15.000 euros qui répare le dommage moral, causé par la succession de procédures dont l'origine était une fraude à laquelle un de ses salariés avait participé.
L'équité commande d'allouer à Huguette Z... la somme de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
- confirme le jugement du 23 avril 2009 en toutes ses dispositions sauf celle concernant le débouté d'Huguette Z... pour sa demande de dommages intérêts supplémentaires et pour sa demande de mainlevée de saisies ;
- réformant sur ces deux points et statuant à nouveau ;
- condamne la CPMS à verser à Huguette Z... la somme supplémentaire de QUINZE MILLE EUROS (15.000 EUROS) en réparation de son préjudice moral ;
- ordonne à la CPMS de restituer à Huguette Z... toutes les sommes versées ou saisies en exécution du jugement 17 janvier 2005 et ce avec intérêts au taux légal à compter des saisies,
- ordonne à la CPMS de lever ou de faire lever, dans le mois de la signification de cet arrêt, toutes les saisies en cours, sous peine d'une astreinte de CENT EUROS (100 EUROS) par jour de retard pendant trois mois ;
- condamne la CPMS à payer à Huguette Z... la somme de CINQ MILLE EUROS (5.000 EUROS) en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la CPMS aux dépens d'appel ;
- autorise Maître Barriquand, avoué, à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Joëlle POITOUX Michel GAGET