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31/03/2011 | FRANCE | N°09/03272

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 31 mars 2011, 09/03272


R. G : 09/ 03272
Décision du tribunal de grande instance de Lyon Au fond du 21 janvier 2009

1ère chambre-section 2- cabinet A-
RG : 03/ 00478
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 31 Mars 2011
APPELANT :
Alain Setrak X... né le 13 Août 1957 à LYON 3ÈME (RHONE)... 69120 VAULX-EN-VELIN

représenté par Maître Jean-Louis VERRIERE, avoué à la Cour
assisté de Maître Jean-marc SPORTOUCH, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SCP Z..., C..., D..., E..., F..., G... et H..., notaires associés, titulaire d'un office notarial

... 69455 LYON CEDEX 06

représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SCP C...

R. G : 09/ 03272
Décision du tribunal de grande instance de Lyon Au fond du 21 janvier 2009

1ère chambre-section 2- cabinet A-
RG : 03/ 00478
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 31 Mars 2011
APPELANT :
Alain Setrak X... né le 13 Août 1957 à LYON 3ÈME (RHONE)... 69120 VAULX-EN-VELIN

représenté par Maître Jean-Louis VERRIERE, avoué à la Cour
assisté de Maître Jean-marc SPORTOUCH, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SCP Z..., C..., D..., E..., F..., G... et H..., notaires associés, titulaire d'un office notarial ... 69455 LYON CEDEX 06

représentée par la SCP BRONDEL TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SCP COLBERT, avocats au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 22 Février 2011
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Février 2011
Date de mise à disposition : 31 Mars 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Michel GAGET, président-Christine DEVALETTE, conseiller-Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Christine DEVALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Par acte notarié des 4 avril et 2 mai 1995, les époux A..., âgés respectivement de 74 et 62 ans, ont cédé à Monsieur X... les parts et le compte courant qu'ils possédaient dans la SCI Panis et les actions et le compte courant qu'ils déclaraient avoir dans la société Deltanic Tabey Pro, pour une valeur globale déclarée dans l'acte de 2 469 295, 71 francs, en contrepartie de la constitution d'une rente viagère annuelle, indexée sur l'indice des prix à la consommation, de 240 000 frs reposant sur les deux têtes des cédants.
Par jugement du 8 mars 1999, Monsieur X... a été accueilli en sa demande de réduction du montant de la rente viagère mais par arrêt du 29 septembre 2005, la Cour d'appel de Lyon a infirmé cette décision et le 31 mai 2007, la Cour de Cassation a rejeté son pourvoi.
Par exploit du 28 novembre 2002, Monsieur X... avait également assigné l'étude de notaires, la SCP Z..., C..., D..., E... F..., G... et H... ci-après SCP Z..., notaires en responsabilité professionnelle et après un jugement de sursis à statuer du 29 septembre 2004, le tribunal de grande instance de Lyon, par jugement en date du 21 janvier 2009, a débouté Monsieur X... de toutes ses demandes et l'a condamné à verser une indemnité de procédure de 1 800 €.
Par déclaration du 25 mai 2009, Monsieur X... a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières écritures auxquelles la Cour se réfère expressément, l'appelant demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la SCP Z... à lui verser 400 000 € de dommages intérêts en réparation de son préjudice pour manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde, outre 8 000 € d'indemnité de procédure.
Il indique tout d'abord qu'avec l'indexation de la rente et en fonction de l'espèrance de vie des cédants, il devra payer jusqu'en 2013 une somme de 747 977 € pour des biens acquis pour 376 441, 70 €, soit plus du double du prix.
Il fait valoir ensuite que la clause insérée dans l'acte selon laquelle les conventions ont été établies entre les parties " sans le concours ou la participation de Maître Z... qui n'est que le simple rédacteur de la convention » est nulle ou sans effet pour exonérer le notaire de son obligation de conseil, même en présence d'un client compétent ou d'un conseiller personnel du client, en l'occurrence inexistant selon l'attestation, non contredite, de Monsieur B... qui n'est intervenu que dans deux actes sous seing privé antérieurs de juillet 1994 (cession partielle d'actions et cession partielle de compte courant sur la société Deltonic Tabey Pro). Il considère que cette mention est d'ailleurs non conforme à la réalité car les parties ont été reçues à plusieurs reprises avant l'établissement de l'acte, ce qui est confirmé par les déclarations des époux A... et des propres lettres de Maître Z....
Il rappelle en outre que le notaire est tenu de s'assurer de la validité de ses actes et notamment de la vérification des droits et titres du vendeur.
Au regard de ces obligations, il reproche deux fautes à l'étude notariale
-d'avoir commis une erreur grossière sur le solde de compte courant qui ne s'élevait qu'à 390 250, 31frs (au lieu de 1 151 948, 73 frs mentionné dans l'acte), alors qu'il aurait du vérifier ce montant ou demander une attestation comptable et qu'il avait bien eu connaissance du protocole d'accord du 1er juillet 1994 opérant déjà une cession partielle de ce compte courant ;
- d'avoir omis de le mettre en garde sur le risque présenté par une rente viagère manifestement disproportionnée, excessive et inappropriée, eu égard à l'espérance de vie des crédits-rentiers, à l'indexation de la rente, à la valeur aléatoire des biens vendus, notamment par une simulation qu'il aurait faire réaliser et qui aurait fait apparaître qu'un prêt aurait été plus avantageux, Maître Z... ayant directement participé au calcul du montant de la rente, contrairement à ce qu'affirme tardivement et de manière partiale Monsieur A... ;
Sur son préjudice et le lien de causalité avec les fautes, Monsieur X... fait valoir que le prix de cession global était erroné et devrait être ramené à 260 321, 52 € (déduction faite de la surévaluation du compte courant) et qu'il va acquitter une rente viagère qui atteindra en 2 013 800 000 € pour un prix de 260 321 € (plutôt 376 441, 70 €).
Il évalue son préjudice en lien direct avec les fautes à 400 000 €.
Aux termes de ses dernières écritures auxquelles la Cour se réfère expressément, la SCP de notaires Z... demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur X... à lui verser 5 000 € de dommages intérêts et 5 000 € d'indemnité de procédure.
Elle considère tout d'abord que le devoir de conseil du notaire ne s'étend pas à la recherche de l'opportunité ou des risques économiques d'une opération lorsque les éléments financiers sont connus des parties et acceptées par elles en considération d'éléments prospectifs favorables recueillis par elles, ni, dans le cas d'une rétention d'information par les parties, lorsque le notaire ne dispose pas d'éléments permettant de douter de leur véracité.
S'agissant du montant du compte courant cédé, elle soutient que Maître Z... n'a pas été informé du protocole de cession partielle signé le 1er juillet 1994 qui n'a pas été publié, non plus que de l'acte de cession de créance et que celui-ci n'est intervenu que pour la mise en œ uvre de la caution hypothécaire de la rente viagère et le nantissement des parts convenus entre les parties, mission pour laquelle il a accompli toutes les démarches nécessaires. Il soutient que l'acte n'a servi qu'à authentifier des conventions arrêtées directement entre les parties, que Monsieur X... était assisté de conseils, notamment de Monsieur B... tout au long du dossier de prise de garanties, que les parties n'ont jamais demandé la rectification de l'acte, qu'il a reçu à plusieurs reprises Monsieur X... pour l'informer des conséquences notamment fiscales de l'opération, que Monsieur X... enfin était parfaitement informé en tant que PDG et associé majoritaire de la société Deltanic Tabey Pro des données comptables de celle-ci et du montant du compte courant des époux A....
Sur la rente viagère, par essence aléatoire, elle soutient que le principe avait été imposé par Monsieur A... qui voulait qu'une rente soit assurée à son épouse en cas de pré-décès et le montant de cette rente négocié avec les conseils de Monsieur X... avant l'établissement de l'acte, son montant devant être en grande partie réglé par les revenus locatifs du tènement industriel de la SCI Panis.
Elle considère que Monsieur X... n'apporte pas la preuve du caractère plus avantageux d'un prêt, qu'il n'était pas sur d'obtenir ou du caractère disproportionné de l'engagement, ce qui a été écarté par la Cour d'appel dans son arrêt définitif du 29 septembre 2005 et qu'il tente par ce biais de faire porter la responsabilité du notaire sur l'appréciation économique de l'opération ou sur la mise en liquidation judiciaire de la société Deltanic Tabey 4 ans après l'acte.
Elle soutient enfin qu'il n'y a aucun préjudice en lien direct avec les fautes alléguées.
Elle relève à l'appui de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive que l'action en responsabilité n'a été engagée qu'en novembre 2002, soit plus de 8 ans après la signature de l'acte et dénote un acharnement judiciaire lui portant préjudice.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Il n'y a pas lieu de rejeter les conclusions no 6 de Monsieur X... qui ont certes été déposées le jour même de la clôture mais qui ne développent aucun moyen nouveau par rapport aux précédentes conclusions. La pièce nouvelle numéro no 48 communiquée le jour de la clôture peut être également accueillie sans dommage pour l'intimée, puisque sans rapport direct avec le litige.
Sur le fond
L'acte authentique qui a été rédigé par Maître Z..., notaire des deux parties, par son intitulé et son contenu, n'a pas exclusivement pour objet de prévoir les garanties accompagnant les cessions antérieures convenues entre les parties, mais authentifiant ces cessions antérieures, prévoit la cession des parts des époux A... dans la SCI Panis et dans la société Deltanic Tabey, la cession des comptes courants dans les deux sociétés, le prix de cession sous forme de rente viagère et à titre de garantie pour les crédirentiers, la caution hypothécaire de la SCI Panis et le nantissement des parts sociales de cette SCI.
La mention dans l'acte de ce que les conventions ainsi authentifiées ont été arrêtées directement entre les parties, sans le concours ni la participation du notaire rédacteur de l'acte, correspond certes à la réalité du dossier, l'intervention de ce dernier s'étant nécessairement opérée au stade de la cession des parts de SCI et des garanties, notamment hypothécaires, mais ne constitue pas une clause d'exonération de responsabilité du notaire, qui serait au demeurant inefficace, comme le serait la circonstance selon laquelle le client est un homme d'affaires averti, de surcroît assisté de conseils.
En tant que rédacteur de l'acte, Maître Z... était bien tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité de cet acte mais non de vérifier les déclarations des parties, sauf s'il est démontré qu'il disposait d'éléments de nature à douter de la véracité de ces informations sur les opérations et négociations antérieures auxquelles il est constant qu'il n'avait pas participé et qui ont été conduites par le conseil de Monsieur X....
En l'espèce, si comme l'indique ce conseil, Maître Z... a bien été destinataire du protocole et des bilans comptables de la société Deltanic au moins sur l'exercice 1993 et 1994 (puisque le bilan de l'exercice 1995 n'était pas encore connu), documents au demeurant indispensables à la rédaction de son acte, il aurait du constater une distorsion entre la somme mentionnées au bilan 1994 au titre du compte courant (1 377 056, 50 frs) et les deux sommes énoncées par les parties (850 O56, 50 et 301 892, 23 €) en demandant une attestation du commissaire aux comptes, d'autant que celui-ci relève également dans son attestation des erreurs affectant, sur ce point, le protocole d'accord.
Cependant, ce défaut de vérification qui a occasionné cette erreur purement matérielle sur la valeur d'un des éléments cédés à Monsieur X... n'a causé aucun préjudice à ce dernier, qui par le biais de son conseil, envisageait lui-même le 10 septembre 1996 une simple rectification de l'acte.
En effet, le différentiel résulte essentiellement du fait qu'il a acquis antérieurement pour 1frs la créance de 850 000 frs Monsieur A... sur la société Deltanic au titre de son compte courant dans cette société (outre, toujours pour 1 franc, une partie de ses parts sociales).
Ainsi, Monsieur X..., qui connaissait parfaitement les conventions antérieures au cours desquelles il était assisté de son conseil et qui, en tant que P. D. G. de la société Deltanic connaissait la situation comptable de celle-ci, n'a, de fait, pas payé deux fois le compte courant qu'il a acquis de Monsieur A... et la réintégration erronée opérée dans l'acte pour la fixation de la valeur des biens cédées n'a pas eu d'incidence, dans le cadre d'une opération économique globale consistant, comme l'indique la cour, dans son arrêt du 29 septembre 2005, en une cession de l'ensemble des actifs sociaux des époux A... après désendettement des sociétés concernées.
L'action engagée par Monsieur X... en réduction de rente était d'ailleurs fondée non sur les vices de consentement mais sur un défaut partiel de cause.
Par ailleurs, s'agissant précisément du choix de la rente viagère comme modalité de paiement du prix des cessions, Monsieur X... ne peut reprocher à Maître Z... d'avoir manqué à son obligation de conseil en ne préconisant pas plutôt la souscription d'un prêt qui aurait été plus avantageux en termes de durée et de charge financière.
Il n'établit pas en effet, par la production d'une simple attestation d'une banque en date du 7 mai 2010, ou par la situation financière et la cotation Banque de France de la société Lyon Automatismes qu'il dirigeait à l'époque, qu'il aurait pu, sans conteste, obtenir un prêt de plus de deux millions de francs en 1995 pour l'acquisition d'une autre société.
Il n'établit pas non plus par la simulation de prêt établi par cette même banque, qu'un tel emprunt aurait été plus avantageux que la rente viagère, par nature aléatoire, souscrite sur la tête de personnes âgées respectivement de 74 et 62 ans.
Surtout, il n'oppose aucune contestation à l'attestation de Monsieur A... selon laquelle il n'avait jamais été question au cours des négociations d'une vente payée comptant mais d'un paiement du prix sous forme de rente permettant à son épouse de percevoir un revenu régulier au cas où il viendrait à décéder.
Monsieur X... n'établit donc à l'encontre du notaire aucun manquement à son obligation de conseil ou de mise en garde dans le choix d'un mode de paiement, arrêté en dehors de lui, ou dans le montant même de la rente annuelle qui selon les cédants et bénéficiaires, qui ne sont, là encore pas contredits sur ce point, a été fixé à l'issue d'une négociation à laquelle n'a pas participé le notaire rédacteur et qui, au demeurant, comme l'a dit la cour, dans son arrêt définitif du 29 septembre 2005 constitue pour le cessionnaire une contrepartie réelle et sérieuse dans le cadre de la globalité de l'opération réalisée par laquelle la majeure partie de la rente devait être couverte par les loyers perçus par la SCI Panis.
Maître Z... n'avait enfin aucun conseil ou mise en garde à émettre sur la fiabilité économique de cette opération, qui s'est effectivement soldée quatre ans après la cession, par la liquidation judiciaire de la société Deltonic, pour des raisons qui peuvent être, au demeurant, étrangères à l'économie générale de cette opération ou sur lesquelles le notaire ne disposait d'aucune information qui n'auraient pas été connues de Monsieur X..., président directeur général de la société et de son conseil.
Le jugement qui a débouté Monsieur X... de toutes ses demandes, doit être confirmé y compris sur l'indemnité de procédure allouée qui doit être complétée, en cause d'appel, à hauteur de 3 000 €.
PAR CES MOTIFS La Cour,

Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur Alain X... à payer à la SCP de notaires Z..., C..., D..., E..., F..., G... et H... la somme de 3 000 € à titre d'indemnité de procédure ;
Condamne Monsieur Alain X... aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués Brondel-Tudela.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Joëlle POITOUX Michel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 09/03272
Date de la décision : 31/03/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 20 septembre 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 septembre 2012, 11-19.746, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-03-31;09.03272 ?
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