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25/03/2011 | FRANCE | N°10/04926

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 mars 2011, 10/04926


AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR

R. G : 10/ 04926

X...
C/ SARL APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISMES

APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAINT-ETIENNE du 03 Juin 2010 RG : F 09/ 00474

COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 25 MARS 2011

APPELANTE :
Soumia X... épouse Y... née le 10 Août 1976 à SAINT CHAMOND (42400)...... 42650 SAINT JEAN BONNEFONDS
représentée par Me Valérie MALLARD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :
SARL APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISME

S ZI Molina La Chazotte 220 Rue du Puits Lacroix 42650 SAINT JEAN BONNEFONDS
représentée par Me Pascal GARCIA, av...

AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR

R. G : 10/ 04926

X...
C/ SARL APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISMES

APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAINT-ETIENNE du 03 Juin 2010 RG : F 09/ 00474

COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 25 MARS 2011

APPELANTE :
Soumia X... épouse Y... née le 10 Août 1976 à SAINT CHAMOND (42400)...... 42650 SAINT JEAN BONNEFONDS
représentée par Me Valérie MALLARD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :
SARL APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISMES ZI Molina La Chazotte 220 Rue du Puits Lacroix 42650 SAINT JEAN BONNEFONDS
représentée par Me Pascal GARCIA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
substitué par Me Olivier DUBOST, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 28 Juillet 2010
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2011
Présidée par Hélène HOMS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de Chambre Hélène HOMS, Conseiller Marie-Claude REVOL, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Mars 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSÉ DU LITIGE
La S. A. R. L. APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISMES (APPIA ci-après) qui a pour activité la coupe et la soudure par ultrason dans le secteur textile industriel, a embauché Soumia Y... en qualité de manipulatrice sur machines diverses selon contrat à durée déterminée du 6 janvier au 31 mars 2000 prolongé jusqu'au 30 juin 2001.
A compter du 1er juillet 2001, elle a engagé Soumia Y... selon contrat de travail à durée indéterminée pour occuper les fonctions de manipulatrice sur machines diverses et travaux de teinture.
Par avenant du 21 mai 2008, les parties ont convenu que la fonction occupée par Soumia Y... correspond à celle d'opératrice sur machines coefficient 125 de la convention collective nationale de l'industrie textile.
Au dernier état de la collaboration, la salariée percevait un salaire mensuel de base de 1. 468, 41 € pour 165, 32 heures de travail par mois.
La société APPIA a fait l'objet d'un jugement de sauvegarde du 11 juin 2008.
Le 12 novembre 2008, elle a notifié à Soumia Y... son licenciement pour motif économique.
Le 27 juillet 2009, Soumia Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne pour obtenir un complément d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 3 juin 2010, le conseil de prud'hommes a :
- confirmé le licenciement économique de Soumia Y...,
- débouté Soumia Y... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Soumia Y... du reste de ses demandes,
- débouté la société APPIA de sa demande de versement d'une somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les éventuels dépens à la charge de Soumia Y....
Par déclaration au greffe en date du 2 juillet 2010, Soumia Y... a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions reçues au greffe le 17 novembre 2010 maintenues et soutenues à l'audience, Soumia Y... demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
à titre principal,
- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société APPIA à lui verser 15. 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire,
- condamner la société APPIA à lui verser 15. 000 € de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement ayant conduit à la perte injustifiée de son contrat de travail,
en toute hypothèse,
- condamner la société APPIA à lui verser 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 17 janvier 2011 maintenues et soutenues à l'audience, la société APPIA demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- constater qu'elle rencontrait bien des difficultés économiques,
- constater qu'elle n'a pas manqué à son obligation de licenciement,
- juger que le licenciement économique de Soumia Y... est justifié,
- constater que les critères d'ordre de licenciement ont été respectés,
- débouter Soumia Y... de l'intégralité de ses demandes,
- accueillant sa demande reconventionnelle, condamner Soumia Y... à lui verser 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A l'appui de sa contestation sur la légitimité du licenciement, Soumia Y... invoque une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement et le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.
Sur la motivation de la lettre de licenciement :
Soumia Y... soutient que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, ce qui vaut absence de motivation et rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, car elle se cantonne à exposer la situation des sociétés françaises du groupe ce qui ne permet pas de vérifier l'existence d'un motif économique réel et sérieux qui s'apprécie au niveau du secteur d'activité international du groupe lequel en l'espèce est présent sur les cinq continents.
Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Aux termes de l'article 1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs du licenciement.
La lettre doit comporter l'énonciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise ainsi que les incidences de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié.
En l'espèce, la lettre de licenciement expose, sur plusieurs pages, que le recul de l'activité du Groupe CHEYNET lié à des raisons structurelles et diverses raisons économiques se combinent pour avoir une incidence négative sur l'activité d'APPIA et donc, sur l'activité, les résultats et la compétitivité des pôles du groupe CHEYNET. Elle fait état des résultats synthétiques consolidés de l'exercice 2007 du groupe CHEYNET, des résultats synthétiques consolidés de l'exercice 2007 des sociétés du groupe situées en France, des résultats synthétiques consolidés des sociétés du groupe situées en France regroupées par pôle, " budgétés " pour l'exercice 2008, du chiffre d'affaires consolidé des sociétés situées en France à fin mai 2008, des comptes de la société APPIA pour la période du 1er janvier au 30 juin 2008 et pour le 3ème trimestre 2008, du retrait important des prises d'ordre chez CHEYNET et FILS, principale société du groupe, du déséquilibre financier qui a conduit les sociétés françaises du groupe à solliciter une procédure de sauvegarde qui a été ouverte, du projet de réduction des effectifs présenté au personnel d'APPIA et au tribunal de commerce et entraînant la suppression de deux postes dans la catégorie d'opératrice sur machine semi-automatique et du projet de licenciement de Soumia Y... par application des critères d'ordre de licenciement et à défaut de toute possibilité de reclassement.
Cette lettre contient l'énonciation des difficultés économiques du groupe CHEYNET et de leurs incidences sur l'emploi de Soumia Y....
Le fait que la situation de l'ensemble des sociétés du groupe ne soit pas détaillée et que les comptes de chaque société ne soit pas exposés ne rend pas la motivation insuffisante au regard des dispositions légales précitées.
Ce premier moyen n'est pas justifié.
Sur le manquement à l'obligation de reclassement :
Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.
L'obligation de reclassement impose à l'employeur de rechercher loyalement et activement les possibilités de reclassement de chaque salarié au sein de la société ou à l'intérieur du groupe, auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Il incombe à l'employeur de justifier des recherches de reclassement qu'il a effectuées.
En l'espèce, la société APPIA a mentionné dans la lettre de licenciement que le reclassement de Soumia Y... n'était pas possible sans en expliciter les motifs et sans invoquer la moindre recherche.
Devant la cour, elle soutient qu'elle n'a pas manqué de rechercher tant en interne qu'au niveau du groupe tout poste susceptible d'être proposé à Soumia Y... au titre du reclassement, que l'absence de possibilité de reclassement dans la société est démontrée par le fait qu'elle n'a procédé à aucune embauche depuis le licenciement de Soumia Y..., qu'eu égard aux graves difficultés économiques rencontrées et aux licenciements subséquents, dont elle donne le détail, dans l'ensemble des sociétés du groupe, les recherches de reclassement sont apparues impossibles, que les registres d'entrée et de sortie du personnel démontrent l'absence de recrutement par les sociétés du groupe à des postes pouvant permettre le reclassement de Soumia Y....
L'absence de recrutement postérieur au licenciement ne démontre pas que l'employeur a recherché toutes les possibilités de reclassement au sein de la société et du groupe, recherches qui supposent l'étude des possibilités de formation et d'adaptation.
Or d'une part, la société APPIA ne produit aucune pièce démontrant une quelconque recherche dans le groupe qui est composé de treize sociétés de production en France dont quatre dans la Loire plus trois sociétés à l'étranger.
D'autre part, le registre d'entrée et de sortie du personnel de la société BERTHEAS mentionne l'embauche de Jocelyne Z... en qualité d'aide ourdisseuse en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 décembre 2008 après une embauche en intérim du 20 février 2008 suivi d'un contrat à durée déterminée le 9 juin 2008.
La société APPIA soutient qu'avant d'être embauchée pour une durée indéterminée en qualité d'aide tisseuse puis tisseuse, cette salariée a été formée au cours de son emploi pour des durées déterminées et a bénéficié de 900 heures de formation, que ce poste de classe III, catégorie E exige " de réelles aptitudes manuelles et une très bonne connaissance des matières et des produits, ou une exécution des travaux sur machines impliquant de l'expérience professionnelle ", que cette embauche est intervenue suite au départ de madame A... que la société BERTHEAS n'aurait pas remplacée si elle n'avait disposé d'une salariée déjà formée.
Toutefois, d'une part, le registre d'entrée et de sortie du personnel mentionne l'emploi d'aide ourdisseuse et non d'aide tisseuse ou tisseuse.
D'autre part, la société APPIA ne produit pas, malgré la sommation à cette fin que lui adressée Soumia Y..., les contrats de travail de Jocelyne Z... mentionnant les emplois occupés et leur qualification ou les bulletins de paie et elle ne justifie pas de la prétendue formation en produisant une attestation du directeur général de la société BERTHEAS. Enfin, il n'est pas démontré que Soumia Y... qui avait près de neuf années d'expérience et de pratique en qualité de manipulatrice sur diverses machines ce qui lui donnait une connaissance des produits de la société APPIA n'avait pas les qualités requises pour occuper le poste pourvu au sein de la société BERTHEAS qui exerce son activité dans le " pôle tissus étroits " du groupe tout comme la société APPIA ou recevoir la formation lui permettant d'occuper ce poste dont la vacance avant l'expiration du préavis d'une durée de deux mois de Soumia Y... était prévisible pendant la période du licenciement.
En l'absence de toute recherche de reclassement et sans besoin de plus ample discussion, le licenciement de Soumia Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Soumia Y... qui avait neuf ans d'ancienneté et travaillait dans une entreprise employant 20 salariés au moment du licenciement a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six mois derniers mois.
Compte tenu des éléments fournis par Soumia Y... sur sa situation familiale et économique, son préjudice doit être évalué à 15. 000 €.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la cour doit ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois.
Sur les dépens et les frais non répétibles :
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société APPIA partie perdante, doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais non répétibles qu'elle a exposés et verser à Soumia Y... une indemnité de 1. 500 € pour les frais non répétibles qu'elle l'a contrainte à exposer.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau dans les limites de l'appel,
Juge que le licenciement de Soumia Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la S. A. R. L. APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISMES à verser à Soumia Y... la somme de 15. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne le remboursement par la S. A. R. L. APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISMES aux organismes concernés des allocations de chômage versées à Soumia Y... à compter du jour du licenciement et dans la limite de six mois,
Condamne la S. A. R. L. APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISMES à verser à Soumia Y... une indemnité de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S. A. R. L. APPLICATIONS INDUSTRIELLES D'AUTOMATISMES aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 10/04926
Date de la décision : 25/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-03-25;10.04926 ?
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