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25/03/2011 | FRANCE | N°10/04797

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 mars 2011, 10/04797


AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR

R. G : 10/ 04797

X...
C/ SOCIETE ED

APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAINT-ETIENNE du 20 Mai 2010 RG : F 09/ 00375

COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 25 MARS 2011

APPELANTE :
Ouardia X... épouse Y... née le 19 Janvier 1966 à ALGERIE (19000)... 42400 SAINT-CHAMOND
représentée par Me Isabelle GRENIER-DUCHENE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :
SOCIETE ED 120 Rue du Général Malleret Joinville 94405 VITRY SUR SEINE
re

présentée par Me Annick SALQUE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2011

Présid...

AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR

R. G : 10/ 04797

X...
C/ SOCIETE ED

APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAINT-ETIENNE du 20 Mai 2010 RG : F 09/ 00375

COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 25 MARS 2011

APPELANTE :
Ouardia X... épouse Y... née le 19 Janvier 1966 à ALGERIE (19000)... 42400 SAINT-CHAMOND
représentée par Me Isabelle GRENIER-DUCHENE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :
SOCIETE ED 120 Rue du Général Malleret Joinville 94405 VITRY SUR SEINE
représentée par Me Annick SALQUE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2011

Présidée par Hélène HOMS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de Chambre Hélène HOMS, Conseiller Marie-Claude REVOL, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Mars 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE
Ouardia Y... est entrée au service de la SAS ED à compter du 10 juillet 2000. Elle a travaillé en qualité d'employée, dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs jusqu'au 10 février 2002, date à laquelle la relation s'est poursuivie pour une durée indéterminée.
A compter du 1er février 2007, elle a été nommée adjoint au chef du magasin de l'Horme où elle travaillait, statut agent de maîtrise niveau 5.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 février 2009, Ouardia Y... a été convoquée à un entretien préalable à sanction fixé au 11 mars 2009.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 avril 2009, la SAS ED a notifié à Ouardia Y... une mise à pied de trois jours.
Ouardia Y... a effectué la mise à pied les 21, 22 et 23 avril 2009 et elle a été placée en arrêt maladie à compter du 24 avril 2009.
Le 10 juin 2009, Ouardia Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne pour solliciter l'annulation de la sanction et des dommages et intérêts.
Par jugement en date du 20 mai 2010, le conseil de prud'hommes a :
- jugé que la mise à pied était justifiée,
- débouté Ouardia Y... de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SAS ED de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- invité la SAS ED à prévoir une mutation de poste soit pour Frédéric Z... soit pour Ouardia Y...,
- condamné Ouardia Y... aux entiers dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juin 2010, Ouardia Y... a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions reçues au greffe le 25 novembre 2010 maintenues et soutenues à l'audience, Ouardia Y... demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- vu son arrêt maladie directement lié à la mise à pied abusive,
- juger au principal que la sanction est prescrite donc non fondée,
subsidiairement,
- annuler la sanction avec toutes les conséquences légales à savoir le paiement des trois jours et des indemnités y afférentes,
- juger qu'elle peut reprendre son poste au sein d'un magasin ne dépassant pas 15 km de son lieu de domicile,
- condamner la SAS ED au paiement de la somme de 3. 500 € au titre du préjudice qu'elle a subi,
- la condamner, en outre, à lui payer les salaires pour la période concernée, en deniers ou quittance valable, jusqu'à la date de reprise effective,
- la condamner à lui payer les indemnités afférentes au contrat de travail, savoir les tickets restaurants à hauteur de 6o par jour de travail, le 13ème mois, les primes de vacances et les primes trimestrielles,
- condamner la SAS ED au paiement de la somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions récapitulatives reçues au greffe le 24 janvier 2011 maintenues et soutenues à l'audience, la SAS ED demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- juger que la mise à pied d'Ouardia Y... est parfaitement fondée,
- rejeter l'ensemble des prétentions d'Ouardia Y...,
- condamner Ouardia Y... à lui verser la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La mise à pied a été prononcée pour le motif suivant :
"... vous avez téléphoné à madame A... Nathalie, chef de magasin à Andrézieux pour lui affirmer que M. Z..., votre collègue de travail, actuellement chef de magasin sur l'Horme voulait prendre sa place. Vous lui avez également affirmé qu'il avait tenu des propos racistes en vous traitant de sale arabe et conclu en affirmant qu'il exerçait un chantage de nature sexuelle sur les employées féminines qui souhaitaient être embauchées : " si tu veux être embauchée, tu dois d'abord coucher. " Après enquête, il s'avère que vos affirmations sont fausses. Ce comportement, destiné à déstabiliser M. Z... et à la faire partir du magasin de l'Horme est inacceptable et constitue une faute professionnelle. Il est d'autant plus grave qu'il est récidivant. En effet, le 5 novembre dernier, vous avez déjà eu un entretien de recadrage avec Monsieur B... sur des faits similaires qui visaient, cette fois, la précédente adjointe, Madame C.... Vous avez, suite à l'entretien, refusé de participer à une réunion avec les autres membres de l'encadrement afin d'apaiser les tensions entre vous mais nous avez affirmé que de tels faits ne se reproduiraient plus. Force est de constater qu'il n'en est rien et que votre attitude envers M. Z... rend sa présence au travail stressante et difficile. Les réponses que vous nous avez apportées lors de l'entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits... "
Sur la prescription :
Au soutien de ce moyen, Ouardia Y... fait valoir que son refus de se rendre à une réunion date du 8 novembre 2008 soit plus de trois mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires par convocation du 25 février 2009.
La SAS ED réplique que cette insubordination n'est pas le motif de la sanction qui réside dans le comportement de la salariée à l'égard de ses collègues et notamment de Frédéric Z... mais vient éclairer la cour sur le type d'attitude que peut adopter Ouardia Y....
Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui tout seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il résulte de ce texte que si un fait fautif unique ne peut donner lieu à sanction au-delà du délai de deux mois suivant la connaissance qu'en a eu l'employeur, l'existence de faits nouveaux autorise l'employeur à tenir compter de faits antérieurs qu'ils aient ou non déjà été sanctionnés.
En l'espèce, le dénigrement envers Frédéric Z... qui est reproché à la salariée n'est pas prescrit.
L'employeur peut donc tenir compte de faits antérieurs. De plus, en l'espèce, le refus d'Ouardia Y... de se rendre à une réunion à la demande du chef de secteur datée par les parties du 8 novembre 2008 est présentée dans la lettre de sanction comme un fait aggravant le comportement de la salariée et non comme un motif de la sanction.
Le moyen de prescription n'est pas justifié.
Sur la régularité de la sanction :
Ouardia Y... conteste la régularité de la sanction au motif que celle-ci a été prise sans débat contradictoire préalable à la suite d'un seul courrier de Frédéric Z... et alors qu'il convient de se demander comment aurait été menée l'enquête mentionnée dans la lettre notifiant la sanction.
Selon l'article L. 1332-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de prendre une sanction doit convoquer le salarié en lui précisant l'objet de la convocation ; le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ; au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La SAS ED a convoqué Ouardia Y... à un entretien préalable par lettre du 25 février 2009 en indiquant qu'elle envisageait de prendre une sanction et qu'elle avait la possibilité de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Ouardia Y... s'est présentée à cet entretien et était assistée par Laurette D..., déléguée syndicale FO.
Il résulte du compte rendu d'entretien non daté et non signé mais produit par les deux parties et attribué à Laurette D... qu'au cours de l'entretien, l'employeur a indiqué le motif de la sanction envisagée et a recueilli les explications de la salariée.
La SAS ED, qui n'était pas obligée de provoquer un débat contradictoire entre Ouardia Y... et Frédéric Z..., a donc pris la sanction régulièrement.
Le moyen d'irrégularité n'est pas justifié.
Sur la légitimité de la sanction :
Ouardia Y... conteste avoir téléphoné à Nathalie A... mais soutient que Frédéric Z... a proféré à son encontre des injures à caractère racial, se livrait à du harcèlement sexuel envers des salariées et que l'employeur n'a jamais voulu prendre en compte la dénonciation, non diffamatoire, de ces faits.
Aux termes de l'article 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier la sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La SAS ED produit un courrier en date du 22 janvier 2009 adressé au directeur des ventes par Frédéric Z... pour se plaindre du comportement d'Ouardia Y... à son encontre. Il indique tout d'abord que suite à une grève ayant eu lieu le 17 janvier 2009, Ouardia Y... l'a traité de traître et qu'ensuite, elle a appelé " la chef de magasin d'Andrezieux " en lui disant qu'il voulait lui prendre sa place et qu'il faisait " du harcèlement aux filles qui voulaient être embauchées. " Il mentionnait un avertissement de M. B... pour des faits antérieurs de diffamation sur les sujets de harcèlement et de racisme. Il sollicitait l'intervention de l'employeur pour que cessent ces agissements en soulignant leur caractère destructeur et sa grande fatigue morale.
La SAS ED produit également une attestation de Nathalie A... qui confirme avoir eu un appel téléphonique d'Ouardia Y..., ce qui était inhabituel, pour lui expliquer qu'elle devait se méfier de Frédéric Z... car il était susceptible de lui prendre sa place, que de plus il l'avait traitée de sale arabe et qu'il exerçait des faits de harcèlement sexuel sur les ECC en leur disant : " si tu veux être embauchée, tu dois coucher. "
Cette attestation établit qu'Ouardia Y... a téléphoné à Nathalie A... et a tenu les propos qui lui sont reprochés à l'appui de la sanction.
En revanche, la SAS ED ne produit pas l'enquête qu'elle aurait effectuée et lui aurait permis de conclure que les accusations d'Ouardia Y... à l'encontre de Frédéric Z... étaient fausses. Elle ne précise pas quelles personnes ont été entendues, par qui, à quelle date et dans quelles conditions.
De son côté, Ouardia Y... produit une lettre de Mélodie E... qui atteste que Frédéric Z... lui a tenu les " propos sexuels " dénoncés par Ouardia Y... à Nathalie A..., qu'il lui demandait souvent d'aller au restaurant ensemble alors qu'à plusieurs reprises, elle lui a dit qu'elle était mariée, que devant les clients, il disait que si elle ne souriait pas, il allait divorcer d'elle, qu'elle avait demandé un entretien au responsable M. B... qui lui a dit qu'elle avait mal compris et qui l'a envoyé immédiatement travailler au magasin de Pierre Bénite, qu'elle avait fait une attestation à Frédéric Z... sous la menace de perdre son emploi de ce dernier et de celle du responsable du magasin, M. F..., qu'ayant quitté la région et n'étant plus dans la société, elle certifie sur l'honneur que cette lettre a été faite sous la menace de perdre son emploi et qu'elle ne vaut donc rien, qu'à plusieurs reprises, Ouardia Y... l'a défendue en demandant à Frédéric Z... d'arrêter ses propos.
La SAS ED conteste la valeur probante de ces déclarations faisant valoir qu'elles ne sont pas consignées dans une attestation régulière au regard de l'article 202 du code de procédure civile et que Mélodie E... avait auparavant attesté en sens contraire.
Par écrit du 9 octobre 2008, Mélodie E... a déclaré " fausses les rumeurs portées à l'encontre de M. Z... Frédéric au sujet des avances qu'il m'aurait soi-disant faites contrairement à ce que Madame Y... s'acharne à faire croire à tout son entourage. "
Cet écrit qui ne contient aucune des mentions prévues par l'article 202 du code de procédure civile ne constitue pas non plus une attestation au sens de ce texte. Elle n'a pas plus de valeur probante que la lettre produite par Ouardia Y... ; au contraire car le 9 octobre 2008 Mélodie E... était sous contrat à durée déterminée du 22 septembre au 9 novembre 2008 alors que le 19 novembre 2009, elle n'était plus sous le lien de subordination de la SAS ED qui le confirme en précisant que Mélodie E... a cessé de travailler le 20 avril 2008.
De plus et surtout, les déclarations de Mélodie E... sont corroborées par :
- une attestation de Richard G..., salarié de la SAS ED, qui certifie avoir été présent lors d'une conversation entre M. Z... et Melle Mélodie X et avoir entendu le premier dire à la seconde : " pour évoluer dans ce milieu, il faut coucher ",
- une lettre de Lila H..., qui a travaillé au magasin de l'Horme de septembre à novembre 2008 et qui atteste sur l'honneur que Mélodie E... s'est confiée à elle en se plaignant du comportement de Frédéric Z... qui lui faisait sans cesse des allusions sexuelles, lui disait : " si tu veux l'embauche, il faut coucher avec moi ", que Mélodie E... était consternée mais ne voulait rien faire car elle avait peur pour son emploi.
Ouardia Y... produit également une lettre de Coralie I... adressé à M. B... le 13 mars 2009 en raison du risque de sanction encourue par Ouardia Y... suite à l'entretien préalable et rappelant qu'avant de quitter l'entreprise en octobre, elle l'avait contacté pour lui faire part de l'attitude de Frédéric Z... à son égard ainsi que de son attitude au sein de l'entreprise, que lors de cet appel, elle l'avait avisé des avances nombreuses et répétées que Frédéric Z... lui avait faites, que depuis le mois d'août, il lui demandait sans cesse d'aller prendre un verre avec lui et insistait malgré ses refus, que cette pression était près pesante car il était son supérieur hiérarchique, que la seule personne qui a bien voulu l'entendre lorsqu'elle parlait du harcèlement qu'elle subissait de la part de Frédéric Z... était Ouardia Y... qui lui a conseillé d'attendre le retour de M. F... afin qu'il règle le litige mais qu'elle n'a pu en parler à ce dernier car elle est partie travailler à Givors, magasin qu'elle a quitté car elle s'est sentie agressée à la suite d'un coup de téléphone de Frédéric Z... lui demandant quel était le problème avec lui.
Hervé B..., dans une attestation produite par la SAS ED, confirme qu'il a eu des échos négatifs sur Frédéric Z... de la part de Melle I..., échos dont il ne précise pas la nature et auxquels, il ne dit pas quelles suites il a réservées.
De plus, la teneur de l'écrit en possession de la SAS ED émanant de Mélodie E... et datant du 9 octobre 2008 démontre qu'à cette date, soit à l'époque où elle a reçu " des échos négatifs " de Coralie I..., l'employeur était informé de faits précis rapportés par Ouardia Y... et concernant Mélodie E.... Or si elle argue de l'écrit émanant de Mélodie E..., elle ne précise pas à la demande de qui et dans quelles conditions cet écrit a été établi.
Les nombreuses attestations, datant de décembre 2009, produites par la SAS ED et émanant des supérieurs hiérarchiques de Frédéric Z..., de ses collègues et d'employées de caisse ayant travaillé avec lui et qui font état de son bon comportement, de son caractère agréable et de ses qualités professionnelles ne sont pas de nature à contredire la réalité du comportement dénoncé par Ouardia Y... et dont été victimes Mélodie E... et Coralie I....
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS ED ne démontre pas qu'elle avait vérifié et était certaine que les propos rapportés par Ouardia Y... à Nathalie A... et concernant le comportement de Frédéric Z... à l'égard de certaines salariées embauchées pour des durées déterminées étaient faux.
Par ailleurs, Ouardia Y... soutient que Frédéric Z... l'a insultée en la traitant de sale arabe.
Dans sa lettre à Hervé B..., Coralie I... indique qu'un mardi matin à la suite de l'accident du travail dont Ouardia Y... a été victime la veille, Frédéric Z... a clairement proféré des insultes à l'égard d'Ouardia Y... devant elle et devant plusieurs collègues.
La SAS ED fait valoir que Coralie I... n'a pu être témoin d'injures proférées par Frédéric Z... à l'égard d'Ouardia Y... car, d'après cette dernière, les faits ont eu lieu après le mois de janvier 2009 et sa dernière mission s'est achevée le 30 août 2008.
Cependant, d'une part, la date de l'accident du travail mentionné par Coralie I... n'est établie ni précisée par les parties et d'autre part, contrairement à ce que soutient la SAS ED, Ouardia Y... ne date pas les faits postérieurement au mois de janvier 2009.
En effet, si dans une lettre du 12 mars 2009 adressée à Hervé B... suite à l'entretien préalable, Ouardia Y... a indiqué qu'il n'y avait plus de litige entre elle et Frédéric Z... depuis le retour de M. F... au mois d'octobre mis à part une fois en janvier, c'est en ajoutant que le seul reproche qu'elle avait à faire à Frédéric Z... et qui était à l'origine de leur litige concernait les insultes raciales qu'il avait proférées à son encontre.
Or, il ne peut être déduit de la formulation de la lettre que ces faits étaient postérieurs à l'incident de janvier 2009 ; au contraire puisque Ouardia Y... les mentionne comme étant à l'origine du litige l'opposant à Frédéric Z... et ayant pris fin en octobre 2008.
D'autre part, il résulte du compte rendu d'entretien préalable à sanction que Ouardia Y... a expliqué qu'elle avait refusé de se rendre à la réunion du 8 novembre 2008 " car elle avait encore beaucoup de rancoeur envers son collègue qui lui avait dit des injures envers elle " et que Ouardia Y... a dit lors de cet entretien à que malgré une conversation à ce sujet avec lui, Hervé B... ne voulait pas l'entendre.
De ce compte rendu, il résulte que les faits d'injures invoqués par Ouardia Y... étaient antérieurs à janvier 2009.
Par ailleurs dans la lettre du 12 mars 2009 précitée, Ouardia Y... a reproché à Hervé B... de ne pas avoir tenu compte de ces insultes et de lui avoir dit : " arrêtez madame Y..., arrêtez madame Y... " en la prenant pour une enfant alors qu'elle voulait dénoncer le comportement de Frédéric Z... qui l'avait profondément révoltée.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Frédéric Z... avait proféré des injures à l'encontre d'Ouardia Y..., à caractère racial selon elle, qu'elle en avait avisé l'employeur lequel n'en a pas voulu vérifier les allégations d'Ouardia Y....
Ainsi, il n'est pas établi que les accusations d'Ouardia Y... à l'encontre de Frédéric Z... relatées à Nathalie A... et concernant les injures à caractère racial étaient fausses.
En définitive, il résulte l'ensemble de ces éléments que la SAS ED a sanctionné Ouardia Y... sans procéder à une enquête préalable et s'assurer que les faits rapportés par Ouardia Y... à Nathalie A... et dont elle avait déjà eu connaissance auparavant par Ouardia Y..., Mélodie E... et Coralie I... étaient diffamatoires.
En conséquence, la mise à pied délivrée à Ouardia Y... n'est pas justifiée et doit être annulée ce qui entraîne le paiement du salaire correspondant aux trois jours de travail retenu soit la somme de 235, 26 € outre 23, 52 € pour les congés payés afférents.
Ouardia Y... est d'autre part fondée à solliciter réparation du préjudice moral que lui a causé cette sanction injustifiée et qui est à l'origine d'un sentiment d'injustice ayant provoqué une dépression nerveuse qui a duré un an selon les certificats médicaux produits.
Le préjudice subi par Ouardia Y... doit être évalué à 2. 000 €.
Sur le surplus des demandes :
Ouardia Y... demande condamnation de la SAS ED à lui payer des rappels de salaire depuis le jour du premier arrêt maladie jusqu'à la reprise effective du travail ainsi que l'avantage ticket restaurant et les primes trimestrielles, de 13ème mois et de vacances qu'elle a perdus pendant la durée de son arrêt maladie.
La SAS ED réplique qu'outre que la demande n'est pas chiffrée, le délai de carence subi par la salariée est légal, qu'elle lui a versé le complément de salaire pendant 40 jours, que la salariée a été ensuite prise en charge par l'APGIS.
Cette demande, dont le fondement n'est pas précisé mais qui est indemnitaire dès lors qu'aucun manquement de l'employeur à ses obligations légales ou conventionnelles n'est allégué, n'étant pas chiffrée est irrecevable.
Ouardia Y... demande également à la cour de dire qu'elle pourra reprendre son poste au sein d'un magasin ne dépassant pas 15 kilomètres de son lieu de travail.
Elle expose que suite à l'expiration de son arrêt de travail le 30 septembre 2010, elle a fait part à la SAS ED de son souhait de reprendre son poste au sein du magasin de Montplaisir à Saint-Etienne pour quitter le magasin de l'Horme et respecter les conseils donnés par le conseil de prud'hommes, que l'employeur a tardé à lui répondre pour finalement lui dire que le poste de Saint-Etienne n'était pas disponible, qu'elle devait réintégrer le magasin de l'Horme et qu'il l'envoyait en formation, que par la suite l'employeur l'a envoyée dans un poste dans le Rhône.
Par lettres des 12 juillet et 6 septembre 2010, Ouardia Y... informant l'employeur de sa reprise de travail à compter du 1er octobre 2010 lui a indiqué qu'elle souhaitait être mutée au magasin de Montplaisir à Saint-Etienne et à défaut réintégrer le magasin de l'Horme, ces deux magasins étant proches de son domicile.
Par lettre du 13 septembre 2010, la SAS ED a répondu à Ouardia Y... qu'elle ne pouvait répondre favorablement à la demande de mutation à Saint-Etienne, qu'afin de lui permettre de reprendre son poste dans les meilleures conditions, elle avait décidé de la faire bénéficier d'une formation en magasin école à compter de la semaine 41 et qu'à l'issue de cette formation, elle lui ferait connaître son affectation définitive.
Par lettre du 15 novembre 2010, la SAS ED a informé Ouardia Y... qu'à l'issue de sa formation, elle serait affectée à Pierre Bénite.
Ouardia Y... n'a refusé ni la formation qu'elle a effectuée et qui avait été suggérée par Laurette D... lors de l'entretien préalable à sanction, ni la nouvelle affectation à Pierre Bénite.
Le contrat de travail prévoit une clause de mobilité dans la zone géographique relevant de la direction régionale dont dépend la salariée.
Ouardia Y... n'invoque aucun manquement de l'employeur dans la mise en oeuvre de cette clause.
A défaut d'une telle faute, la cour n'a pas le pouvoir d'ordonner à la SAS ED une nouvelle affectation d'Ouardia Y....
Cette demande doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais non répétibles :
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la SAS ED, partie perdante, doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais non répétibles qu'elle a exposés et verser à Ouardia Y... une indemnité de 2. 500 € pour les frais non répétibles qu'elle l'a contrainte à exposer.

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Annule la mise à pied de trois jours notifiée à Ouardia Y... le 9 avril 2009,
Condamne la SAS ED à payer à Ouardia Y... 235, 26 € au titre du salaire retenu pendant les trois jours de mise à pied effectuée les 21, 22 et 23 avril 2009 outre 23, 52 € pour les congés payés afférents,
Condamne également la SAS ED à verser à Ouardia Y... 2. 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par la sanction annulée,
Déboute Ouardia Y... du surplus de ses demandes,
Déboute la SAS ED de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS ED à verser à Ouardia Y... une indemnité de 2. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 10/04797
Date de la décision : 25/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-03-25;10.04797 ?
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