R. G : 10/ 02434
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre
ARRET DU 21 Mars 2011
décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE
du 30 mars 2010
RG : 2010/ 00091 ch no
X...
C/
Y...
APPELANT :
M. El Habib X... né le 24 Avril 1958 à OUED ZEM (MAROC)... 01100 OYONNAX
représenté par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour
assisté de Me Catherine ANCIAN, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/ 010346 du 03/ 06/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMEE :
Mme Fatima Y... épouse X... née le 29 Janvier 1973 à KHOURIBGA (MAROC)... 01000 BOURG EN BRESSE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SELARL BERENGER-CONTENT, avocats au barreau de BOURG-EN-BRESSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 13765 du 01/ 07/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
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Date de clôture de l'instruction : 07 Janvier 2011
Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil : 12 Janvier 2011
Date de mise à disposition : 07 Mars prorogée au 21 Mars 2011
Audience présidée par Jeannine VALTIN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :- Jeannine VALTIN, président-Colette CLEMENT-BARTHEZ, conseiller-Françoise CONTAT, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu en Chambre du Conseil par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jeannine VALTIN, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu l'ordonnance de non conciliation du 30 mars 2010 par laquelle le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE a principalement :
- attribué à El Habib X... la jouissance du logement familial
-dit qu'il devrait payer à son conjoint pour lui-même, au titre du devoir de secours, une pension alimentaire d'un montant mensuel de 300 €
- dit qu'il devra assurer le règlement provisoire des dettes mensuelles suivantes : prêt FACET de 27, 44 €, prêt TEOZ de 40 €, prêt voiture de 142, 61 € et prêt FRANFINANCE de 40 €
- dit que ces règlements ne donneront lieu à récompense ou à créance dans le cadre de opérations de liquidation du régime matrimonial
-attribué à El Habib X... la jouissance provisoire du véhicule Peugeot 307 immatriculé...
- sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;
Vu l'appel régulièrement interjeté de la décision susvisée par El Habib X..., suivant déclaration du 6 avril 2010, et limité à la pension alimentaire au titre du devoir de secours ;
Vu ses dernières conclusions de réformation déposées le 1er décembre 2010 dans les termes essentiels suivants :
- supprimer la pension alimentaire mise à sa charge au profit de Fatima Y... rétroactivement au 1er juillet 2010
- à titre subsidiaire, diminuer à de plus justes proportions le montant de cette pension alimentaire
-condamner Fatima Y... aux dépens ;
Vu les dernières conclusions de confirmation déposées le 13 décembre 2010 par Fatima Y..., laquelle sollicite en outre condamnation de El Habib X... aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 janvier 2011 ;
Vu la mention au dossier du 12 janvier 2011 ayant invité les parties à déposer une note en délibéré sur la juridiction internationalement compétente et la loi applicable en raison de l'élément d'extranéité résultant de la nationalité marocaine des deux époux mariés au Maroc ;
Vu la note en délibéré reçue seulement de Fatima Y... le 25 janvier 2011 qui estime, d'une part, le juge français territorialement compétent au visa des articles 1070 du du code de procédure civile, de l'article 1 du décret no83-435 du 27 mai 1983 portant publication de la Convention entre la République française et le Royaume du Maroc relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, signée à Rabat, le 10 août 1981, et d'autre part, la loi française applicable, au visa des articles 309 du code civil français, 9 du décret susvisé et 82 à 84, 94 et 97 du code de la famille marocain, et en vertu de l'ordre public français, le droit marocain ne prévoyant pas de devoir de secours ;
Sur la juridiction internationalement compétente :
Attendu que la règle de compétence de droit commun en matière de divorce ou de séparation de corps, en ce qui concerne la dissolution du lien matrimonial est le règlement no 2201/ 2003 du Conseil de l'Union Européenne du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale dit « Bruxelles II bis » qui s'applique dans tous les Etats membres de l'Union Européenne, à l'exception du Danemark, non seulement aux ressortissants de l'Union Européenne, mais aussi aux étrangers non européens, et ce pour toutes les demandes postérieures au 1er mars 2005, comme en l'espèce ;
Que selon l'article 3 a) du règlement précité, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux … ;
Que, sur la requête présentée le 8 janvier 2010 par Fatima Y..., la procédure de divorce des époux qui sont tous les deux de nationalité marocaine et résident habituellement en France dans le ressort du Tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE, la juridiction française et plus précisément le Tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE et donc la Cour d'appel de LYON sont ainsi compétents en l'espèce ;
Que ce règlement s'incorpore au droit interne des Etats européens qui l'ont adopté, ce qui est le cas de la France, et prime sur les règles de compétence définies par le code de procédure civile, notamment celle de l'article 1070 ;
Qu'il est, par ailleurs constant que la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et à la coopération judiciaire ne sert pas à fonder la compétence des tribunaux français lorsqu'ils sont saisis directement d'une demande en divorce, mais seulement à contrôler si, lors de la demande de reconnaissance en France d'un divorce prononcé par un juge marocain, ce juge est bien compétent pour statuer sur la demande en divorce introduite devant sa juridiction ;
Que selon l'article 3 a) du règlement précité, sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux … ;
Que, sur la requête présentée le 8 janvier 2010 par Fatima Y..., la procédure de divorce des époux qui sont tous les deux de nationalité marocaine et résident habituellement en France dans le ressort du Tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE, la juridiction française et plus précisément le Tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE et donc la Cour d'appel de LYON sont ainsi compétents en l'espèce ;
Sur la loi applicable :
Attendu qu'il sera tout d'abord rappeler que la juridiction française étant compétente, ce sont les règles de la procédure française qui sont applicables ;
Attendu qu'en application de l'article 9 de la Convention franco-marocaine, c'est la loi marocaine qui doit être appliquée à la procédure au divorce des époux Z..., puisqu'il en résulte que la dissolution du mariage est prononcée selon la loi de celui des Etats dont les époux ont tous deux la nationalité à la date de la présentation de la demande ;
Qu'il est constant qu'il incombe au juge français, s'agissant de droit dont les parties n'ont pas la libre disposition, comme en l'espèce en matière de divorce, de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois et de rechercher, au besoin, avec le concours des parties, la teneur du droit étranger applicable, ne pouvant y renoncer qu'en cas d'impossibilité d'obtenir les éléments dont il a besoin, pour en revenir alors à l'application de la loi du for en vertu de sa vocation générale subsidiaire ;
Qu'il appartiendra aux époux d'assigner en divorce selon la loi applicable ;
Qu'en l'état, Fatima Y... est fondée à solliciter une pension alimentaire à son conjoint sauf s'il est hors d'état de subvenir à ses besoins ;
Qu'il résulte en effet des articles 84, 98, 113 et 187 à 196 du code marocain de la famille, ou Moudawana, que l'époux doit pourvoir à l'entretien de son épouse et que les conditions de versement d'une telle pension sont assez proches de celles du devoir de secours en France, en observant que la jurisprudence citée par Fatima Y... est antérieure à l'entrée en vigueur du code susvisé en février 2004 ;
Que d'ailleurs, El Habib X... ne conteste pas le principe d'une pension alimentaire, invoquant seulement une impossibilité à y faire face ;
Qu'il y a donc lieu d'examiner la situation de chacun des époux pour juger du bien fondé des prétentions de chacune des parties à ce sujet ;
Attendu que, concernant la situation de Fatima Y... qui doit assumer les charges de la vie courante pour une personne, la Cour dispose des informations essentielles suivantes :
- avis de paiement du RSA à compter d'avril 2010 : 460, 09 €
- contrat d'insertion unique du 18 juin 2010, à compter du 1er juillet 2010 jusqu'au 31 décembre 2010 avec une rémunération mensuelle brute de 998, 22 €, SMIC en vigueur
-bulletin de paie de septembre 2010 avec un cumul imposable de 2 443 €, soit une moyenne mensuelle imposable de 814, 33 €
- attestations de droits de la CAF de l'Ain d'avril à octobre 2010, puis en novembre 2010 : RSA de 460, 09 € perçu jusqu'en juin 2010 et de 160, 09 € à compter de juillet 2010 jusqu'en octobre 2010, outre en octobre 2010 l'aide personnalisée au logement de 244, 28 €, puis en novembre 2010, même montant d'APL et 105, 67 € de RSA
-attestation d'hébergement à l'ADSEA « ... » depuis le 26 mars 2010 moyennant une participation financière à raison de 20 % de ses ressources, en date du 9 mai 2010
- contrat de location à compter du 16 septembre 2010, moyennant un loyer mensuel, provision pour charges comprises, de 350, 52 €, soit un résiduel à sa charge de 106, 52 € ;
Que, concernant El Habib X... qui doit aussi assumer les charges de la vie courante pour une personne, sans que l'on sache précisément quelle est sa charge habituelle et constante de son fils né d'une précédente union, la Cour dispose des renseignements principaux ci-dessous :
- bulletin de salaire de décembre 2009 et avis d'imposition : net imposable : 16 607 €
- déclaration simplifiée de revenus 2009 : 16 607 € + 1 863 € = 18 470 €, soit une moyenne mensuelle de 1 539 €
- bulletin de paie d'octobre 2010 : net imposable de 14 554 €, soit une moyenne mensuelle à cette date de 1 455, 40 €
- attestation de son employeur du 23 avril 2010 selon laquelle il perçoit en période de charge normale de travail un salaire net d'environ 1 485 €, en précisant que ledit salaire est supérieur depuis plusieurs mois du fait d'heures supplémentaires effectuées exceptionnellement pour faire face à une charge ponctuelle importante de travail liée à la constitution de stocks pour des clients en fin de contrat
-loyer : 383, 08 €
- attestation sur l'honneur de son ex-épouse en date du 12 janvier 2010 déclarant que leur fils, âgé de 17 ans vit en priorité chez le père
-il assume la charge de l'ordre de 260 € des crédits, en observant que le premier juge a retenu qu'il acceptait cette charge sans récompense et c'est pourquoi il a été prévu dans le dispositif de la décision critiquée n'y avoir lieu à récompense de ce chef, en observant d'ailleurs que El Habib X... ne reprend pas dans son dispositif sa demande de réformation de ce chef ;
Attendu que compte tenu de ce qui précède, Fatima Y... ayant depuis juillet 2010 jusqu'en décembre 2010 des ressources mensuelles globales de l'ordre de 1 100 €, mais avec une certaine précarité puisqu'il s'agit d'un contrat à durée déterminée alors qu'elle n'a pas de qualification professionnelle, et El Habib X... ayant un emploi fixe avec des revenus mensuels d'au moins 1 485 €, sans qu'il ne démontre les difficultés éventuelles de l'entreprise qui l'emploie, et la charge définitive des crédits répertoriés par le premier juge dont le crédit du véhicule dont il a la jouissance, il y a simplement lieu de diminuer la pension alimentaire due par le mari à la femme à la somme de 180 € à compter du 1er juillet 2010 ;
Que l'ordonnance déférée sera infirmée partiellement en ce sens ;
Sur les dépens :
Attendu que chacun des époux n'étant que partiellement fondé en ses prétentions, l'un et l'autre conserveront la charge de leurs propres dépens ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour après débats hors la présence du public et après en avoir délibéré,
Statuant en Chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort,
Dit la juridiction française compétente et la loi marocaine applicable ;
Infirme l'ordonnance déférée seulement sur le montant de la pension alimentaire dûe par El Habib X... à Fatima Y... à compter du 1er juillet 2010 ;
Statuant à nouveau de ce chef :
Fixe la pension alimentaire due par El Habib X... à Fatima Y... à la somme de 180 € à compter du 1er juillet 2010 ;
Le condamne, en tant que de besoin, à payer la somme susvisée mensuellement à Fatima Y... selon les mêmes modalités et indexation que celles initialement fixées ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Le Greffier, Le Président.