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08/03/2011 | FRANCE | N°09/04470

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 08 mars 2011, 09/04470


R.G : 09/04470

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 30 avril 2009

ch no10

RG :02/00877

SA GRC-EMIN DEVELOPPEUR et ACTIVITES

X...

C/

SARL GIS

Y...

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 08 Mars 2011

APPELANTS :

SA GRC-EMIN DEVELOPPEUR et ACTIVITES

représentée par ses dirigeants légaux

Immeuble La Part-Dieu

19/20 Place Charles Béraudier

69003 LYON

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assi

stée de la SELARL LERICHE, avocats au barreau de LYON

représentée par Me MARKARIAN, avocat

Maître Patrick Paul X... ès qualités de mandataire liquidateur de la société GRC EMIN DEVELOPPEU...

R.G : 09/04470

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 30 avril 2009

ch no10

RG :02/00877

SA GRC-EMIN DEVELOPPEUR et ACTIVITES

X...

C/

SARL GIS

Y...

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 08 Mars 2011

APPELANTS :

SA GRC-EMIN DEVELOPPEUR et ACTIVITES

représentée par ses dirigeants légaux

Immeuble La Part-Dieu

19/20 Place Charles Béraudier

69003 LYON

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assistée de la SELARL LERICHE, avocats au barreau de LYON

représentée par Me MARKARIAN, avocat

Maître Patrick Paul X... ès qualités de mandataire liquidateur de la société GRC EMIN DEVELOPPEUR COMMERCES ET ACTIVITES

...

69006 LYON

représenté par Me SCP BAUFUME-SOURBE, avoué à la Cour

assisté de la SELARL LERICHE, avocats au barreau de LYON

représentée par Me MARKARIAN, avocat

INTIMÉE :

SARL GIS

représentée par ses dirigeants légaux

17 rue Quentin Bauchart

75008 PARIS

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour

assistée de Me André TOUBOUL, avocat au barreau de PARIS

substitué par Me KRIEM-PARRONDO, avocat

et assistée de Me DEBUCHY, avocat au barreau de LYON

(Cabinet FORTEM)

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 10 Décembre 2010

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Décembre 2010

Date de mise à disposition : délibéré le 8 Février 2011, prorogé au

08 Mars 2011

Audience présidée par Dominique DEFRASNE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Pascal VENCENT, président

- Dominique DEFRASNE, conseiller

- Catherine ZAGALA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique DEFRASNE, conseiller, en l'absence du président légitimement empêché, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant bail commercial en date du 19 octobre 1995, la SA LOCASIC aux droits de laquelle se trouve désormais la SARL GIS a donné en location à la SA GRC EMIN DCA divers locaux à usage professionnel dépendant de l'immeuble situé "La Part Dieu Gare", 19-20 place Charles Béraudier à Lyon 3ème.

Par deux avenants successifs, les parties ont convenu de réduire la surface louée de 210 m² puis de fixer le loyer annuel à 156.197,88 euros HT à compter du 1er août 2000.

Par ordonnance sur requête en date du 23 mars 2001, le président du tribunal de grande instance de Lyon saisi par la société GIS a commis un huissier de justice afin de constater les conditions d'occupation des locaux par la société GRC EMIN DCA.

La société GIS a fait ensuite délivrer à la société GRC EMIN DCA deux commandements de payer visant la clause résolutoire, le premier le 2 mai 2001 aux fins de paiement de loyers arriérés et le second le 29 juin 2001 pour changement d'affectation des lieux loués (usage privatif du 6ème étage pour les besoins du logement de la famille EMIN).

Le 17 juillet 2001, la société GRC EMIN DCA a formé opposition à ces commandements et a fait assigner la société GIS devant le tribunal de grande instance de Lyon pour voir rétracter l'ordonnance du 23 mars 2001, constater la nullité des commandements en cause et condamner la société GIS au paiement de dommages-intérêts ainsi qu'à l'exécution de travaux dans les parties communes.

En cours de procédure, le 11 juillet 2003, la société GIS a délivré à la société GRC EMIN DCA un autre commandement visant la clause résolutoire motif pris de l'hébergement de sociétés tiers dans les lieux loués.

Le 25 mars 2004, la société GIS a notifié à la société locataire un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime, à effet au 30 septembre 2004.

Deux autres commandements ont été délivrés par la bailleresse, le 11 juillet 2005 puis le 29 mars 2006 pour non paiement de l'indemnité d'occupation, charges, impôts et frais divers.

Parallèlement, la société GIS a diligenté en référé devant le tribunal de commerce de Lyon une procédure en paiement de charges et indemnités d'occupation, procédure à l'issue de laquelle la cour d'appel de Lyon, par arrêt du 7 février 2006, a condamné la société GRC EMIN DCA à payer à la société bailleresse une provision de 94.284,24 euros représentant le montant des loyers ou indemnités d'occupation hors charges arrêté au premier trimestre 2006.

Par ordonnance en date du 29 octobre 2007, le juge de la mise en état a ensuite condamné la société GRC EMIN DCA à payer à la société GIS une provision de 582.062,31 euros correspondant au montant des loyers et indemnités d'occupation arrêté au troisième trimestre 2007. Dans la même décision, le juge de la mise en état a invité les parties à s'expliquer sur les modalités de répartition des charges, sur l'existence éventuelle d'une copropriété, sur l'application de la clause du bail prévoyant l'établissement d'un budget prévisionnel, sur le montant des frais de gestion annuels mis à la charge de la société locataire et invité plus précisément la société GRC EMIN DCA à verser un décompte détaillé des sommes réclamées faisant apparaître de manière distincte les charges, les provisions sur charges ainsi que l'ensemble des règlements.

Par jugement du 30 avril 2009, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- déclaré irrecevable le recours en rétractation formé à l'encontre de l'ordonnance sur requête du 23 mars 2001,

- déclaré nul et de nul effet les commandements délivrés à la société GRC EMIN DCA les 29 juin 2001 et 11 juillet 2003,

- déclaré valable le commandement délivré le 2 mai 2001, ce à hauteur de 21.502,87 euros,

- constaté la résiliation de plein du bail entre les parties à la date du 2 juin 2001,

- ordonné en conséquence l'expulsion immédiate de la société GRC EMIN DCA de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,

- condamné la société GRC EMIN DCA à payer à la société GIS une indemnité d'occupation égale au montant des loyers courants, outre taxes et charges, à compter du 11 décembre 2007 et jusqu'au jour de la reprise effective des lieux,

- condamné la société GIS à payer à la société GRC EMIN DCA la somme de 10.000 euros à titre dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

- constaté que la société GRC EMIN DCA était redevable d'un solde d'indemnités d'occupation et de charges impayées arrêté au 11 décembre 2007, de 819.419,16 euros,

- après déduction de la somme allouée par le juge de la mise en état suivant ordonnance du 29 octobre 2007, condamné la société GRC EMIN DCA à payer à la société GIS la somme de 237.356,85 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2008,

- constaté la compensation judiciaire entre les créances respectives des parties,

- ordonné l'exécution provisoire au titre des condamnations ci-dessus,

- débouté les parties du surplus,

- condamné la société GRC EMIN DCA à payer à la société GIS la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société GRC EMIN DCA aux dépens.

La société GRC EMIN DCA a interjeté appel de ce jugement le 10 juillet 2009.

Par jugement en date du 12 janvier 2010, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société GRC EMIN DCA en désignant maître Y... en qualité d'administrateur et maître X... en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier du 9 février 2010, reçu le 11 février 2010, maître Y... a informé la société SINOUHE IMMOBILIER, mandataire de la bailleresse, de son intention de ne pas poursuivre le bail. Les clefs ont été restituées par la société GRC EMIN DCA et l'état des lieux de sortie a été dressé le 22 février 2010.

Par jugement du 14 septembre 2010, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation de la société GRC EMIN DCA et désigné maître X... en qualité de liquidateur.

Maître X... ès qualités de liquidateur de la société appelante demande à la cour :

- de dire que la société GIS ne peut prétendre au paiement de loyers au-delà du 12 janvier 2010 et voir fixer sa créance pour une période postérieure au redressement judiciaire,

- de rejeter ses demandes en paiement au titre des indemnités d'occupation, charges, taxes, frais, accessoires, intérêts au 11 février 2010,

- de dire irrecevable et non fondée sa demande en paiement de travaux de remise en état,

- de rejeter ses demandes concernant les frais de procédure et frais irrépétibles,

- de rejeter ses demandes quant à la situation de sa créance tant à titre privilégié qu'à titre chirographaire,

- de réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré nuls et de nul effet les commandements des 29 juin 2001 et 11 juillet 2003,

- de dire nuls et de nul effet les commandements délivrés de mauvaise foi le 2 mai 2001, le 12 juillet 2005 et le 29 mars 2006,

- de dire que la société GIS ne justifie pas de motifs graves et légitimes de refus de renouvellement du bail,

- de dire que la société GIS est tenue de lui verser une indemnité d'éviction,

- avant dire droit et pour déterminer le montant de cette indemnité, d'ordonner une expertise aux frais avancés de la société GIS,

- de dire fautifs l'établissement de constats, la délivrance de commandements et les harcèlements auxquels s'est livrée la société GIS,

- de condamner la société GIS à lui payer ès qualités la somme de 80.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des troubles de jouissance et préjudices,

- de condamner la société GIS à rembourser le dépôt de garantie de 54.193 euros outre intérêts de droit à compter du 12 janvier 2010,

- en tant que de besoin, d'ordonner la compensation judiciaire,

- de condamner la société GIS aux dépens ainsi qu'au paiement de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de sa demande d'annulation des commandements du 2 mai 2001, du 29 juin 2001 et du 11 juillet 2003, la société GRC EMIN DCA fait valoir que les loyers réclamés par la bailleresse ne résultent d'aucun décompte fiable, et que la société LOCASIC dans la continuité de leurs relations contractuelles depuis 1988 lui avait donné son accord pour occuper une partie de l'immeuble à usage d'habitation, puis héberger diverses sociétés dans ces mêmes locaux.

La société GRC EMIN DCA en déduit que le congé avec refus de renouvellement du 25 mars 2004 n'est pas fondé d'autant moins que les motifs invoqués sont anciens.

Elle sollicite également l'annulation des deux derniers commandements du 12 juillet 2005 et du 29 mars 2006 au motif que les sommes réclamées correspondaient à des charges dont l'application et la répartition entre les locataires n'étaient pas justifiées ou à des frais d'huissier non précisés et qu'il n'était pas tenu compte de tous ses versements.

La société GRC EMIN DCA conteste les sommes aujourd'hui réclamées par la société GIS en indiquant que des charges locatives sont surfacturées, qu'il est mis à sa charge des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil, que les honoraires de gestion sont disproportionnés ou non justifiés, que les pénalités infligées à la société GIS par EDF n'incombent pas à la société locataire, que les travaux consécutifs aux condamnations judiciaires prononcées à l'encontre la société GIS (à la requête du locataire WALL STREET INSTITUT) ne sont pas davantage des charges récupérables de même que la mise en conformité de l'installation de l'ascenseur qui ressort des obligations légales de sécurité incombant au propriétaire et que les constatations de l'huissier commis pour l'état des lieux de sortie ne vont pas au-delà de l'usure normale des locaux loués, ce depuis 1988.

Par ailleurs, la société GRC EMIN DCA entend rechercher la responsabilité de la société GIS pour manquement à ses obligations résultant de l'article 1719 du code civil en indiquant notamment que la société bailleresse a condamné un passage qui traversait l'immeuble par la mise en place de parois fixes et l'installation d'une porte à code secret ce qui a eu pour conséquence de faire disparaître la numérotation de l'immeuble et d'interdire l'accès aux personnes n'en ayant pas connaissance, que les portes d'accès du rez-de-chaussée présentent de nombreux dysfonctionnements, que les parties communes sont dans un état d'entretien déplorable, que la bailleresse a supprimé les terrasses au cinquième et laissé les portes-fenêtres qui s'ouvrent dans le vide, sans garde-corps au mépris de la sécurité la plus élémentaire, que le système de climatisation de fonctionne pas ce qui rend les températures basses en hiver et extrêmement élevées en été.

Elle soutient qu'elle subit un préjudice de jouissance important du fait de cette attitude fautive de la société bailleresse.

La société GIS demande de son côté à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* déclaré irrecevable le recours en rétractation à l'encontre de l'ordonnance sur requête du 23 mars 2001,

* déclaré valable le commandement du 2 mai 2001,

* constaté la résiliation de plein droit du bail, à la date du 2 juin 2001,

* ordonné l'expulsion immédiate de la société GRC EMIN DCA de tous occupants de son chef,

* condamné la société GRC EMIN DCA à lui payer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer courant outre taxes et charges à compter du 11 décembre 2007 jusqu'au jour de la reprise effective des lieux,

* condamné la société GRC EMIN DCA à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- y ajoutant,

à titre principal,

- de constater la résiliation de plein droit du bail par l'effet de l'acquisition de la clause résolutoire visée dans les commandements des 29 juin 2001 et 11 juillet 2003,

- de constater les motifs graves et légitimes mentionnés dans le congé avec refus de renouvellement du 30 septembre 2004,

- de dire que la société GRC EMIN DCA n'a pas le droit au maintien dans les lieux et ne peut prétendre à aucune indemnité d'éviction,

à titre subsidiaire,

- de constater que la clause résolutoire de plein droit est acquise ensuite du commandement délivré le 29 mars 2006 resté infructueux,

- de dire que la société GRC EMIN DCA par suite de cette résiliation ne peut plus prétendre au droit au maintien dans les lieux, ni au paiement d'une indemnité d'éviction,

à titre plus subsidiaire,

- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location en raison des manquements de la société GRC EMIN DCA aux clauses et conditions du bail primitif et notamment pour défaut de paiement par elle des indemnités d'occupation, charges et taxes afférentes,

- de dire que la société GRC EMIN DCA ne peut prétendre à aucune indemnité d'éviction,

en tout état de cause,

- de condamner la société GRC EMIN DCA à lui payer :

* 919.754,15 euros TTC à titre d'indemnité d'occupation, charges, taxes et frais selon décompte établi au 11 décembre 2007,

* 301.995,86 euros au même titre pour la période ayant couru du 11 décembre 2007 au 11 février 2010,

* 268.224,75 euros au titre des intérêts de retard au 11 février 2010,

* 75.957,42 euros TTC au titre des frais de procédure engagés à ce jour,

* 230.708,40 euros TTC au titre des travaux de remise en état sauf à parfaire,

* 6.000 euros au titre des frais irrépétibles ordonnés par décisions de justice antérieures sauf à parfaire,

soit au total 1.802.640,58 euros TTC,

- de fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société GRC EMIN DCA à :

* à titre privilégié, la somme de 1.796.640,58 euros TTC

* à titre chirographaire, la somme de 6.000 euros,

- de condamner maître Y... ès qualités d'administrateur judiciaire de la société GRC EMIN DCA au paiement des intérêts légaux sur les sommes dues jusqu'à complet paiement,

- de dire qu'en application du bail le dépôt de garantie restera acquis à la société bailleresse,

- de débouter la société GRC EMIN DCA de l'ensemble de ses prétentions,

- de condamner maître Y... ès qualités à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société GIS prétend justifier la validité des trois premiers commandements en indiquant que la société GRC EMIN DCA ne s'est pas acquittée des causes du commandement du 2 mai 2001 dans le mois imparti par cet acte extra-judiciaire et a persisté à payer mensuellement alors que le bail du 19 octobre 1995 prévoit expressément que le loyer est payable trimestriellement et d'avance, le premier mois de chaque trimestre civil, que le bail du 19 octobre 1995 fait obligation au preneur d'affecter les locaux loués à usage de bureaux et ne lui permettait la sous-location qu'avec l'accord préalable et express du bailleur et que la société GRC EMIN DCA qui a totalement méconnu ces dispositions en dépit des commandements des 29 juin 2001 et 11 juillet 2003 ne saurait se prévaloir d'autorisations données par la société LOCASIC dans le cadre de baux commerciaux antérieurs distincts, consentis à des personnes morales distinctes.

Elle prétend justifier également le congé avec refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes en date du 25 mars 2004 compte tenu des violations graves et répétées de la société locataire à ses obligations contractuelles.

La société GIS fait valoir à titre subsidiaire que la société GRC EMIN DCA ne s'est acquittée que partiellement et avec retard des sommes dues au titre de l'indemnité d'occupation et des charges en dépit du commandement de payer du 29 mars 2006 et que ces manquements du locataire au bail initial qui serait postérieur au congé justifiait la résiliation du bail pendant la période de maintien dans les lieux consécutive à un refus de renouvellement et la déchéance du droit à indemnité d'éviction. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le défaut de paiement par la locataire des indemnités d'occupation justifie, par application de l'article 1184 du code civil, le prononcé de la résiliation du bail.

A l'appui de ses demandes en paiement, la société GIS explique que s'agissant des charges de l'immeuble, leur répartition se calcule au prorata du nombre de mètres carrés donnés en location par rapport à la surface réelle de l'immeuble, que les honoraires de gestion sont prévus contractuellement et comprennent à la fois la gestion administrative et la gestion technique de l'immeuble, que les budgets prévisionnels sont produits pour les années 2007 et 2008 et tiennent compte de la hausse générale des prix en fonction des postes mais également de la cessibilité de l'immeuble, que suite à la demande du juge de la mise en état elle a fait établir un nouveau décompte faisant apparaître de manière distincte les charges et provisions sur charge ainsi que l'ensemble des versements effectués à la société GRC EMIN DCA, qu'au 11 février 2010, date à laquelle le bailleur a pris connaissance de la décision de l'administrateur judiciaire de ne pas poursuivre le bail, la société GRC EMIN DCA était redevable au titre des loyers et charges, indemnités d'occupations, taxes et intérêts de retard de la somme de 1.489.974,76 euros dont 268.224,75 euros au titre des intérêts de retard.

Elle demande que la société locataire soit condamnée à lui payer ladite somme outre frais et honoraires d'avocast et d'huissiers, frais irrépétibles de procédure, et travaux de remise en état évalués sur la base de 150 euros au mètre carré pour une surface de 1.286 m².

MOTIFS DE LA DECISION

- I - Sur la résiliation du bail

Attendu que le commandement de payer du 2 mai 2001 fait mention de la somme principale de 274.050,79 francs et vise la clause résolutoire insérée au bail ;

Que s'il est exact que ce commandement vise une somme globale sans précision sur l'échéance concernée, il y a lieu toutefois de constater que la société GRC EMIN DCA n'ignorait pas qu'il s'agissait d'un arriéré sur le loyer du deuxième trimestre 2001 ainsi qu'elle l'indique elle-même dans ses écritures en faisant valoir qu'il lui était réclamé à tort deux mois de loyers alors que le loyer était payable mensuellement ;

Que selon les termes du bail, le loyer est payable trimestriellement et d'avance et que la société locataire ne justifie pas d'un accord du bailleur pour le règlement d'un loyer mensuel;

Que le courrier invoqué de la bailleresse en date du 10 janvier 2001 ne prévoit en effet la possibilité d'un paiement le 15 du mois de chaque trimestre au lieu du 1er du mois de chaque trimestre que sous la condition d'un paiement par prélèvement bancaire, ce qui n'est pas le cas du mode de paiement utilisé par la société locataire ;

Qu'ensuite du commandement du 2 mai 2001, la société GRC EMIN DCA, sur l'échéance du deuxième trimestre 2001 d'un montant de 62.668,07 euros (411.076,18 francs), avait réglé début avril 2001, la somme de 20.889,39 euros pour le mois d'avril 2001, puis le 27 avril par chèque du 2 mai 2001 la même somme de 20.889,39 euros pour le mois de mai, de sorte qu'il restait encore devoir 20.889,39 euros ; que l'échéance n'a été soldée que postérieurement au 5 juin 2001 ;

Que la contestation par la société GRC EMIN DCA de la validité du commandement du 2 mai 2001 ne peut être retenue et que ce commandement même délivré pour une somme supérieure à celle effectivement due demeure valable à hauteur de cette dernière comme l'a justement relevé le tribunal de grande instance ;

Qu'il est établi en l'espèce que la société locataire n'avait pas acquitté l'intégralité des sommes dues dans le mois du commandement et que pour ce motif la clause résolutoire contractuelle pour défaut de paiement des loyers et des charges est acquise au 2 juin 2001;

Attendu que le commandement délivré par la société GIS le 29 juin 2001 est motivé par l'occupation d'une partie des locaux loués au 6ème étage au profit du logement de la famille EMIN, en contravention à l'article VI du bail qui prévoit que les locaux loués doivent être affectés par le preneur à l'usage de bureaux pour l'exercice d'une activité prévue par le statut du preneur ;

Qu'il apparaît toutefois que la société locataire par courrier du 21 juin 1988, avait expressément autorisé la société GRC EMIN DCA à aménager à titre accessoire au bail commercial une surface à usage d'habitation (logement de fonction) annexe à son activité et qu'elle avait confirmé cette autorisation par un autre courrier du 7 janvier 1994 ;

Qu'il apparaît aussi que la société GIS a été dûment informée de cette situation lors de la vente de l'immeuble en 2000 ainsi qu'il ressort des termes d'un courrier échangé entre les parties à la vente le 31 mai 2000, qui mentionne, en particulier, la connaissance par l'acquéreur "de la situation locative du 6ème étage actuellement occupé à usage d'habitation et des accords contractuels s'y rapportant" ;

Que rien n'indique que l'accord initial de la société LOCASIC était provisoire ;

Que par ailleurs, il n'est pas contesté que la société GRC EMIN DCA vient aux droits de la société GRC par suite d'un appord partiel de l'actif de cette dernière ;

Qu'en conséquence, les causes du commandement du 29 juin 2001 ne sont pas justifiées et qu'il y a lieu comme les premiers juges d'annuler ce commandement ;

Attendu que le bail conclu entre les parties étant résilié de plein droit par l'effet de l'acquisition de la clause résolutoire contractuelle depuis le 2 juin 2001, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur le mérite des deux commandements délivrés postérieurement les 12 juillet 2005 et 29 mars 2006 pour non paiement des indemnités d'occupation et charges ;

Qu'il y a lieu seulement de constater à l'examen des relevés de compte produits aux débats que la société GRC EMIN DCA a persisté à régler ses loyers avec retard et de façon fractionnée en violation des dispositions du bail et que l'arriéré au titre des loyers et indemnités d'occupation atteignait en décembre 2007 une somme supérieure à 379.000 euros ;

Que dans ce contexte, le congé avec refus de renouvellement délivré par la société GIS le 25 mars 2004 en application de l'article 145-9 du code du commerce, notamment pour violations répétées de l'obligation de payer le loyer à son échéance était bien fondé sur un motif grave et légitime ;

Qu'en conséquence, c'est à juste titre que le tribunal de grande instance a ordonné l'expulsion de la société GRC EMIN DCA ainsi que de tous occupants de son chef et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers courants et des charges ;

Que la société GRC EMIN DCA se trouvant occupante sans droit ni titre depuis le 2 juin 2001, elle ne saurait prétendre à la moindre indemnité d'éviction et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par elle pour déterminer cette indemnité ;

- II - Sur la créance de la société GIS-

Sur les loyers, charges et frais

Attendu que la société GIS verse aux débats un décompte récapitulatif arrêté au 11 février 2010 faisant apparaître un solde de 1.221.750,01 euros, au titre des indemnités d'occupation, charges et frais dus par la société GRC EMIN DCA ;

Que cette dernière conteste principalement les charges réclamées, notamment les honoraires de gestion, certaines pénalités et certains travaux ;

Attendu qu'il résulte de la correspondance produite que la société GIS a été informée par lettre recommandée reçue le 11 février 2010 que l'intention de maître X..., ès qualités de liquidateur de la société GRC EMIN DCA de ne pas poursuivre le bail, de sorte que la date de l'arrêté de compte proposée par la société bailleresse doit être retenue ;

Attendu que le bail commercial du 19 octobre 1995 met à la charge des preneurs toutes les charges afférentes aux équipements communs de l'immeuble ainsi que les réparations nécessaires dans les locaux loués à l'exception de celles définies par l'article 606 du code civil ;

Qu'il est fait également obligation au preneur de rembourser au bailleur les primes de police d'assurance souscrites par le bailleur et les honoraires du gestionnaire ;

Que la société GIS ne fournit pas à la cour le règlement intérieur ou tout autre document définissant le mode de répartition des charges entre les locataires mais fait valoir que les charges sont réparties au prorata de la surface occupée par chaque locataire ; que ce mode de calcul apparaît équitable et n'est pas formellement contesté par la société GRC EMIN DCA ;

Que la société GIS verse aux débats des relevés individuels de charges concernant la société GRC EMIN DCA pour les exercices 2003 à 2009 ainsi que de nombreuses factures ; qu'elle produit aussi le mandat de gestion et d'administration régularisé avec la société SINOUHE IMMOBILIER à compter du 3 mai 2004 et qui fixe le montant des horaires de gestion à 6 % des sommes encaissées hors taxe auprès des locataires concernés ;

Que s'agissant des honoraires de gestion technique, il est précisé par la société bailleresse qu'ils sont inclus dans les charges générales de l'immeuble et répartis au prorata de la surface occupée ;

Qu'il y a lieu de constater à l'instar des premiers juges que les factures de travaux au titre de l'exercice 2002 ne permettent pas de vérifier s'ils correspondent à des travaux d'entretien incombant au bailleur et que les factures de travaux du mois d'avril 2004 visant des réparations sur les façades de l'immeuble font partie des grosses réparations au sens de l'article 606 qui doivent rester à la charge de la société GIS ; qu'il convient donc de déduire du poste de charges respectivement les sommes de 23.199,26 euros et 18.297,04 euros ;

Qu'il est réclamé sur ses bases de remboursement des honoraires de gestion et que cette demande apparaît justifiée à l'exception toutefois des honoraires de l'année 2007 d'un montant de 20 248,68 euros TTC pour lesquels aucune facture n'est produite ;

Attendu qu'après déduction des charges non justifiées qui s'élèvent à la somme de 61.744,98 euros TTC, la société GRC EMIN DCA est redevable de la somme pour indemnités d'occupation et charges de 1.160.005,03 euros ;

Qu'après déduction de la somme de 582.062,31 euros allouée par le juge de la mise en état et pour lequel la société GIS dispose déjà d'un titre, il convient de fixer le montant de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société GRC EMIN DCA à la somme de 577.942,72 euros ;

Sur les intérêts de retard

Attendu que la société GIS réclame le paiement d'intérêts de retard au taux légal à compter de chaque facture (avis d'échéance) depuis le 24 août 2007 alors qu'aucune disposition du bail prévoit que les intérêts courront de plein droit sur les échéances de loyers et charges ;

Que son décompte ne peut être retenu ;

Qu'au vu des pièces produites devant la cour, il y a lieu de décider que les intérêts de retard seront dus à compter du 14 janvier 2008, date des conclusions de la société GIS devant les premiers juges et ce jusqu'au 12 janvier 2010 date de l'ouverture du redressement judiciaire de la société GRC EMIN DCA, étant rappelé que le jugement d'ouverture interrompt le cours des intérêts ;

Sur les honoraires d'avocats et d'huissiers de justice

Attendu que la société GIS réclame des émoluments, frais et honoraires qui ont été engagés à l'occasion de la présente instance et de procédures antérieures et qui sont nécessairement compris dans les dépens et frais irrépétibles sur lesquels, à l'exception de la procédure en cours il a déjà été statué ; que sa demande en paiement de la somme de 75.957,42 euros TTC ne peut prospérer ;

Sur les travaux de remise en état des lieux

Attendu que la société GIS qui réclame le paiement de réparations locatives ne fournit aucune facture ni aucun devis à l'appui de cette prétention ;

Que sa demande doit en conséquence être rejetée ;

- III - Sur la demande en paiement de dommages-intérêts et en remboursement du dépôt de garantie formée par la société GRC EMIN DCA

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'accès aux locaux loués qui se faisait par le boulevard Vivier Merle et la place Charles Béraudier a été modifié suite à l'implantation de parois fixes non ouvrables sur le boulevard de sorte que l'accès n'est plus possible depuis la place Charles Béraudier ;

Que les locataires de l'immeuble ont rencontré certaines difficultés relatives aux portes d'accès à l'immeuble, à la numérotation de l'immeuble, à la signalétique des occupants et la mise en place d'un digicode pour l'ouverture de la porte du hall, de sorte que le juge des référés saisi à l'initiative d'un autre locataire a, par ordonnance du 9 décembre 2002, condamné la société GIS à prendre toutes dispositions pour faciliter l'accès de l'immeuble et assorti sa décision du prononcé d'une astreinte ;

Que par ailleurs, il existait un déficit d'entretien manifeste des parties communes de l'immeuble et que les locataires ont également rencontré des problèmes de fonctionnement de la climatisation ;

Que tous ces éléments révèlent un manquement du bailleur à ses propres obligations d'entretien des parties communes ;

Que le tribunal de grande instance après avoir constaté que les faits ci-dessus n'étaient pas suffisamment graves pour justifier un refus de paiement des loyers ou des charges dans la mesure où la société GRC EMIN DCA n'était pas dans l'impossibilité d'exploiter ces locaux, a justement considéré qu'ils n'avaient pas moins occasionné à cette dernière un préjudice de jouissance et d'image vis-à-vis de la clientèle et évalué ce préjudice à la somme de 10.000 euros ;

Que sa décision sera donc confirmée de ce chef ;

Attendu que les locaux loués ayant été restitués à ce jour, la société GRC EMIN DCA est fondée à réclamer le remboursement du dépôt de garantie de 54.193 euros versée à la société bailleresse ;

- IV - Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles

Attendu que les dépens qui comprendront notamment le coût du commandement du 2 mai 2001, le coût du congé avec refus de renouvellement du 25 mars 2004 et tous les actes afférents à la procédure devant le tribunal de grande instance et la cour d'appel seront mis à la charge de la société GRC EMIN DCA ;

Qu'il convient d'allouer en cause d'appel à la société GIS la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable,

Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des indemnités d'occupation et des charges locatives dues par la société GRC EMIN DCA, actualisé à la date du 11 février 2010,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la société GRC EMIN DCA est redevable envers la société GIS de la somme de 577.942,72 euros à titre d'indemnités d'occupation et charges locatives au 11 février 2010,

Y ajoutant,

Dit que la société GIS est redevable à l'égard de la société GRC EMIN DCA de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et de la somme de 54.193,00 euros en remboursement du dépôt de garantie

Après compensation entre les créances respectives des parties, fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société GRC EMIN DCA la créance de la société GIS à titre d'indemnité d'occupation et charges locatives à la somme de 513.749,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2008 et jusqu'au 12 janvier 2010 date du jugement d'ouverture de la procédure collective,

Déboute la société GIS du surplus,

Condamne maître X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GRC EMIN DCA à payer à la société GIS la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne maître X..., ès qualités aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP d'avoués AGUIRAUD-NOUVELLET, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09/04470
Date de la décision : 08/03/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-03-08;09.04470 ?
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