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01/03/2011 | FRANCE | N°09/04162

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1b, 01 mars 2011, 09/04162


R. G : 09/ 04162

Décision du Tribunal de Grande Instance de ROANNE au fond du 25 mars 2009

RG : 08/ 00297 ch no

COMMUNE DE LE CROZET

C/
Y...
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 1er Mars 2011
APPELANTE :
Commune de LE CROZET représentée par son maire en exercice Place Mario Meunier 42310 LE CROZET

représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour assistée de Me Jack GAUTHIER, avocat au barreau de ROANNE

INTIME :

M. Dominique Nicolas Albert Y... né le 27 juin 1964 à PARIS... 42310 LE CROZ

ET

représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me Raphaël BERGER avocat au barreau de LYON...

R. G : 09/ 04162

Décision du Tribunal de Grande Instance de ROANNE au fond du 25 mars 2009

RG : 08/ 00297 ch no

COMMUNE DE LE CROZET

C/
Y...
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 1er Mars 2011
APPELANTE :
Commune de LE CROZET représentée par son maire en exercice Place Mario Meunier 42310 LE CROZET

représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour assistée de Me Jack GAUTHIER, avocat au barreau de ROANNE

INTIME :

M. Dominique Nicolas Albert Y... né le 27 juin 1964 à PARIS... 42310 LE CROZET

représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de Me Raphaël BERGER avocat au barreau de LYON

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Date de clôture de l'instruction : 21 Janvier 2011

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Janvier 2011
Date de mise à disposition : 1er Mars 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Jean-Jacques BAIZET, président-Claude MORIN, conseiller-Agnès CHAUVE, conseiller

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier
A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Y... est propriétaire, sur la commune de LE CROZET, de parcelles cadastrées section C numéros 128, 129, 253 et 254. Il soutient être également propriétaire d'une cour se trouvant devant sa maison, dont la commune revendique la propriété au titre du domaine public, sur laquelle elle a fait installer des barrières métalliques et fait afficher un arrêté municipal interdisant le stationnement sur une partie de sa surface.
Monsieur Y... a assigné la commune de LE CROZET afin qu'il soit jugé qu'il est propriétaire de la cour, qu'il soit fait interdiction à la commune de mettre des barrières et de prendre tout arrêté troublant son droit de propriété, et qu'elle soit condamnée à lui payer des dommages intérêts.
Par jugement du 25 mars 2009, le tribunal de grande instance de ROANNE a dit que Monsieur Y... est propriétaire de la parcelle cadastrée section C numéro 254, comprenant notamment la cour, interdit à la commune d'empêcher l'accès à la cour ou de troubler la jouissance paisible du propriétaire, et condamné la commune de LE CROZET à payer à Monsieur Y... la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts.

La commune de LE CROZET, appelante, conclut à la réformation du jugement. Elle demande qu'il soit sursis à statuer tant que la juridiction administrative ne se sera pas prononcé sur l'existence de la place publique, son étendue et ses limites. Elle fait valoir que Monsieur Y... ne produit pas l'origine de la cour revendiquée, antérieurement à un acte du 31 janvier 1926, alors que les actes antérieurs ne mentionnent pas celle-ci. Elle souligne qu'il n'a jamais été décidé par la commune de détacher une partie du domaine public et que les indices fournis par le cadastre ne permettent pas non plus de confirmer la propriété de l'intimé sur la cour. Elle considère que l'attribution à celui-ci de la propriété de la cour, augmenterait de manière injustifiée la superficie de la parcelle numéro 254 énoncée par la matrice cadastrale. Elle se prévaut, en tout état de cause, de l'acquisition de la propriété de la cour par prescription trentenaire.

Monsieur Y..., intimé, conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de la commune de LE CROZET à lui payer la somme de 15. 000 euros à titre de dommages intérêts. Il soutient que les titres successifs depuis le 8 décembre 1881 établissent la propriété privative de la cour, alors que la commune ne démontre pas qu'elle aurait, à un moment ou à un autre, été propriétaire de celle-ci. Il fait valoir que la commune ne peut se prévaloir d'aucun titre, que le tableau d'assemblage de la commune et les plans cadastraux ne font pas apparaître que la cour lui est rattachée, qu'elle ne peut être assimilée à une dépendance du domaine public routier communal, qu'elle n'est pas affectée à l'usage du public et que la commune ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive, la cour litigieuse ayant toujours été réservée à l'usage exclusif des propriétaires de la maison.

Il se prévaut du préjudice subi du fait du trouble apporté à la jouissance paisible de sa cour.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions déposées par la commune de LE CROZET le 20 janvier 2011 et par Monsieur Y... le 19 janvier 2011.
MOTIFS
Attendu que les notes et pièces produites par les parties en cours de délibéré doivent être écartées des débats ;
Attendu que si la juridiction administrative peut seule apprécier si un bien appartenant à une personne publique relève de son domaine public ou de son domaine privé, le juge judiciaire est compétent pour trancher le litige lorsqu'une personne privée conteste le droit de propriété de la collectivité et soutient qu'elle est propriétaire du bien en cause ; qu'il n'y a dès lors pas lieu en l'espèce à question préjudicielle ou à sursis à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction administrative ;
Attendu que par acte notarié du 8 décembre 1881, Monsieur Gilbert A... et son épouse ont donné à leur fille, Geneviève A..., en vue de son mariage avec Monsieur Claude B... " une maison d'habitation, située au chef lieu du bourg de la commune LE CROZET, composée d'un rez-de-chaussée ayant plusieurs appartements, et d'un premier étage avec écuries, fils cours, aisances et dépendances " ; que par un acte notarié de donation partage du 31 janvier 1926, Monsieur Claude B... et son épouse Geneviève A... ont donné à leurs trois filles, un tènement de constructions formant plusieurs corps de logis contigus avec " une cour délimitée par une ligne droite allant de l'angle sud-est de la maison Z... à l'angle nord-ouest de la maison X... " ; que par acte du 6 novembre 1942, les consorts B... ont vendu à Monsieur Michel C..., un tènement de plusieurs constructions comprenant " une cour devant ces bâtiments, délimitée par une ligne droite allant de l'angle sud-est de la maison de Madame Z... à l'angle nord-ouest de la maison de Monsieur X... " ; que par acte notarié du 26 juin 1968, Monsieur C... et Madame D..., son épouse, ont donné à leurs deux fils, Aimé et Alix C..., un tènement composé de deux corps de bâtiments et d'une cour devant ces bâtiments ; que par acte notarié du 15 avril 1996, Madame C..., veuve de Monsieur Aimé C..., a vendu les biens à Monsieur F... et Madame E..., son épouse, l'acte rappelant la description et la délimitation de la cour figurant dans l'acte du 6 novembre 1942 ; que par acte notarié du 2 février 2005, Monsieur et Madame F... ont vendu le tènement immobilier à Monsieur Y... ; qu'un acte notarié rectificatif du 20 mars 2007 a repris la clause de l'acte du 6 novembre 1942 mentionnant l'existence de la cour devant les bâtiments et sa délimitation ;
Attendu que ces titres établissent avec certitude la propriété de Monsieur Y... sur la cour litigieuse ainsi que sa délimitation, et ce au moins depuis l'acte du 31 janvier 1926, ainsi que l'a retenu exactement le premier juge ;
Attendu que la commune de LE CROZET ne justifie d'aucun titre lui permettant de revendiquer la propriété de la cour ; qu'elle n'établit par aucun élément que dans l'acte du 31 janvier 1926, Monsieur B... et Madame A... se seraient appropriés cette cour pour faciliter l'exploitation de leur boulangerie par Monsieur C... ; que l'acte précédent du 8 décembre 1881 mentionnait déjà l'existence de plusieurs cours ; que si cet acte précise qu'une des maisons donne sur la place publique, il ne peut en être tiré comme conséquence qu'il n'existait pas de cour au devant, et que l'acte du 31 janvier 1926 a opéré un détachement d'une partie de la place publique ;
Attendu que l'acte de donation du 8 décembre 1881 précise, au titre de l'origine de propriété des immeubles donnés, que la maison décrite au numéro 1 a été acquise par Monsieur A... à la barre du tribunal civil de ROANNE " vers l'année 1850 " ; que la maison décrite au numéro 2 a été construite par les donateurs sur un terrain acquis de Monsieur Joseph A... en 1854 et que le jardin et la maison décrite au numéro 4 ont été acquis par le même acte ; que l'acte de licitation de 1850 n'a pas été retrouvé ; que l'acte du 25 octobre 1854 n'apporte pas d'élément déterminant pour la solution du litige, même s'il ne fait pas état d'une cour ;
Attendu que si un acte du 25 juin 1848, aux termes duquel Monsieur Jean A... et son épouse ont consenti au mariage de leur fils, Monsieur Gilbert A..., et ont constitué en dot en vue de son mariage la jouissance de pièces d'une boulangerie, ne mentionne pas l'existence d'une cour devant la boulangerie ni ne comporte l'indication d'une servitude de passage, il ne peut en être déduit que l'accès à la boulangerie se faisait nécessairement à partir de l'espace public, dès lors que l'objet de cet acte ne portait que sur le consentement au mariage et la jouissance de matériels, d'une pièce servant à la boulangerie, d'une chambre, d'un grenier et d'un jardin ;
Attendu que la commune de LE CROZET n'est pas fondée non plus à se prévaloir d'un acte du 16 mai 1827 constatant la vente par Monsieur Charles G... à Monsieur Joseph A... d'un fonds de terre, au motif que l'accès à l'ancienne parcelle numéro 476 se ferait directement par la place, ce qui écarterait toute existence d'une cour, puisque la délimitation de cette parcelle définie dans cet acte et la mention d'un passage par la place publique n'impliquent pas nécessairement un accès direct de la place publique à la parcelle ;
Attendu que l'inexistence de la cour ne peut être déduite des actes du 25 juin 1948 et du 25 octobre 1854 au motif que Monsieur Joseph A... propriétaire des anciennes parcelles numéros 476, 538 et 540 n'aurait pas bénéficié d'une servitude de passage sur la cour, dès lors que ces actes ne portent pas sur la parcelle objet du litige et que Monsieur A... disposait d'un accès direct à la voie publique ;
Attendu que les indications du cadastre ne peuvent contredire les mentions des titres de propriété rappelés précédemment ;
Attendu que la configuration des lieux, tels qu'ils résultent des plans et photographies produits aux débats fait apparaître que la cour litigieuse s'insère, sur trois côtés, dans les parcelles qui l'entourent, qu'elle ne se situe pas à proximité immédiate du chemin départemental dont elle est séparée par une bande de terrain, et qu'elle ne peut, compte tenu de son emplacement, être assimilée à une dépendance du domaine public routier ; qu'il n'est pas établi non plus qu'elle est affectée à l'usage du public ;
Attendu que la commune de LE CROZET ne démontre pas qu'elle est devenue propriétaire par prescription acquisitive trentenaire ; que les attestations qu'elle produit à cet égard n'apportent en effet aucun élément déterminant permettant de considérer qu'elle a exercé sur la cour une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire pendant au moins trente ans ; que les affirmations de Madame H... ne peuvent être considérées comme crédibles puisqu'après avoir affirmé dans une première attestation que la cour de la " maison C... " appartient à celle-ci, elle a indiqué dans un second document que " peut-être " la cour pouvait être utilisée après un accord verbal entre la municipalité et Monsieur C... et qu'elle avait omis de spécifier que la cour était entretenue par la commune ; que l'attestation laconique établie par Monsieur I... est également dépourvue de valeur probante, dès lors que ce témoin affirme simplement que " la commune a entretenu la petite place devant l'ex boulangerie C... " sans fournir de précision sur l'époque de l'entretien ni indiquer à quel titre celui-ci était effectué ;
Attendu enfin qu'aucune déduction ne peut être tirée du fait que la commune n'a pas cédé d'éléments de son domaine puisqu'elle n'établit pas qu'elle a pu être propriétaire de la cour litigieuse ;
Attendu qu'il découle de ce qui précède que Monsieur Y... justifie de sa propriété sur la cour par plusieurs titres, alors que la commune n'établit aucun titre ni aucun droit lui permettant d'en revendiquer la propriété ;
Attendu que depuis quatre ans, Monsieur Y... a été troublé dans la jouissance paisible de sa propriété par les différents actes commis par la commune : mise en place de barrières d'interdiction de stationnement, interdiction d'entrepôt de pierres ; que le préjudice en résultant doit être réparé par une indemnité de 1. 000 euros ;
Attendu que la commune de LE CROZET doit supporter les dépens et une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Ecarte des débats les notes et pièces produites par les parties au cours du délibéré,
Confirme le jugement entrepris, sauf sur la condamnation au paiement de dommages intérêts,
Réformant de ce seul chef,
Condamne la commune de LE CROZET à payer à Monsieur Y... la somme de 1. 000 euros à titre de dommages intérêts,
Condamne la commune de LE CROZET à payer à Monsieur Y... la somme supplémentaire de 1. 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la commune de LE CROZET aux dépens, avec droit de recouvrement direct par la Société Civile Professionnelle (Scp) Aguiraud-Nouvellet, avoués ;
Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1b
Numéro d'arrêt : 09/04162
Date de la décision : 01/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS

Si la juridiction administrative peut seule apprécier si un bien appartenant à une personne publique relève de son domaine public ou de son domaine privé, le juge judiciaire est compétent pour trancher le litige lorsqu¿une personne privée conteste le droit de propriété de la collectivité et soutient qu¿elle est propriétaire du bien en cause


Références :

ARRET du 30 mai 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 30 mai 2012, 11-17.654, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2011-03-01;09.04162 ?
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