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25/02/2011 | FRANCE | N°10/03875

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 février 2011, 10/03875


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 10/03875





[V]



C/

SA CERA ENGINEERING







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 29 Avril 2010

RG : F 09/00116











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 FEVRIER 2011















APPELANT :



[X] [V]

né le [Date naissance 2

] 1974

[Adresse 1]

[Localité 3]



comparant en personne,

assisté de Me Chantal JULLIEN,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE









INTIMÉE :



SA CERA ENGINEERING

[Adresse 5]

[Localité 4]



représentée par Me Pascal GARCIA,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE



substit...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 10/03875

[V]

C/

SA CERA ENGINEERING

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 29 Avril 2010

RG : F 09/00116

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 FEVRIER 2011

APPELANT :

[X] [V]

né le [Date naissance 2] 1974

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne,

assisté de Me Chantal JULLIEN,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SA CERA ENGINEERING

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Pascal GARCIA,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

substitué par Me Laurie ROCHETIN,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 21 juin 2010

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Janvier 2011

Présidée par Nicole BURKEL, Président de chambre magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Février 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne, section industrie, par jugement contradictoire du 29 avril 2010, a:

- dit que la rupture du contrat de travail de monsieur [V] doit produire les effets d'une démission

- condamné la société CERA à verser à monsieur [V] la somme de 296,53 euros à titre de rappel de majoration sur heures effectuées entre 35 et 38 heures de mars 2004 à décembre 2007, outre 29,65 euros au titre des congés payés y afférents

- condamné monsieur [V] à verser à la société CERA la somme de 400 euros au titre du remboursement de l'avance permanente sur les remboursements de frais de déplacement à venir que la société Cera lui avait versé le 6 avril 2004

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par monsieur [V] ;

Attendu que monsieur [V] a été engagé par la société Cera Engineering, anciennement dénommée CERA FRANCE, par contrat à durée indéterminée du 25 août 1997, en qualité de technicien d'atelier niveau 4 échelon 1 coefficient 260 ;

Qu'il a démissionné de ses fonctions par lettre du 10 février 2008 ;

Que son revenu moyen mensuel brut s'est élevé à 2605,19 euros ;

Attendu que monsieur [V] a déclaré à l'audience être âgé de 33 ans au moment de la rupture des relations contractuelles, n'avoir pas perçu des allocations chômage et avoir retrouvé un travail, le 1er avril 2008, lui procurant un revenu légèrement supérieur ;

Attendu que l'entreprise emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel ;

Que la convention collective applicable est celle de la métallurgie de la Loire et des arrondissements d'[Localité 6];

Attendu que monsieur [V] demande à la cour par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, de :

- réformer intégralement le jugement entrepris

- déclarer que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société CERA Engineering à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts légaux à compter du jour de la demande :

* 343,78 euros à titre de solde de majoration d'heures supplémentaires régulières outre 34,37 euros au titre des congés payés y afférents

* 7348,75 euros à titre de rappel de trajet et d'heures supplémentaires outre 734,87 euros au titre des congés payés y afférents

* 3386,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de solde de préavis outre 338, 67 euros au titre des congés payés y afférents

* 6497,34 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- condamner la société Cera Engineering à lui verser avec intérêts légaux à compter de l'arrêt :

*15631,14 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé

*15631,14 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société CERA Engineering à lui verser 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

Attendu que la société CERA Engineering demande à la cour par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, au visa de l'article L3121-4 du code du travail de :

- constater que monsieur [V] n'est pas fondé à demander des repos compensateurs pour des jours de repos, n'a accompli aucune heure supplémentaire au delà de 38 heures, a perçu une contrepartie pour les temps de déplacement en dehors des horaires de travail

- débouter monsieur [V] de ses demandes de rappel de salaires

- constater le caractère injustifié des griefs

- dire et juger que la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission

- débouter monsieur [V] de ses demandes

- condamner monsieur [V] à lui verser 400 euros en remboursement de l'avance sur frais

- condamner monsieur [V] à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la majoration des heures supplémentaires mensualisées

Attendu que monsieur [V] poursuit son employeur à lui payer 343,78 euros à titre de majoration des heures supplémentaires mensualisées, à compter de février 2004, sous déduction des récupérations dont il a bénéficié ;

Que l'employeur s'oppose à la demande présentée ;

Attendu qu'il est constant que monsieur [V] est rémunéré sur la base de 38 heures par semaine, se décomposant en salaire de base pour 151h67 et 12h99 d'heures supplémentaires entre 35 et 38heures ;

Que l'employeur s'est engagé, en contrepartie du maintien aux 38 heures hebdomadaires de travail, à permettre au salarié de prendre soit 4 jours de congés ou à rémunérer 4 jours de congés ;

Attendu que monsieur [V] a dûment informé chaque année son employeur de sa décision de bénéficier de 4 jours de congés supplémentaires au titre de la majoration des heures supplémentaires ;

Attendu que l'employeur, ayant choisi de mensualiser les heures supplémentaires accomplies par les salariés de l'entreprise, ne pouvait, sans violer les dispositions des articles L 3121-24 et L3133-3 du code du travail, procéder à la déduction ni des semaines comportant un jour férié ni à celles des congés payés ;

Que dès lors le salarié est fondé en sa demande de rappel de salaire à hauteur de la somme de 343,78 euros, outre les congés payés y afférents, la somme réclamée étant contestée par l'employeur en son principe mais non en son montant ;

Sur les heures de déplacement

Attendu que monsieur [V] poursuit son employeur à lui payer au taux horaire non majoré les temps de trajet excédant l'horaire rémunéré, à compter de février 2004 jusqu'à fin mars 2008 se fondant ;

Que l'employeur s'y oppose ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que monsieur [V], travaillant au sein du service après-vente, a été amené à effectuer de nombreux déplacements chez les clients comme en attestent les « rapports de déplacement » personnalisés, versés aux débats, comportant les visas des clients, du salarié et les dates et nature d'intervention, leur durée et les temps de trajet ;

Qu'en application de l'article L3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif et que s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos soit financière, déterminée par convention ou accord du collectif de travail ;

Que cette contrepartie est déterminée au sein de la société intimée par l'article 3-1 de l'accord du 26 février 1976, auquel se réfère la convention collective applicable en son article 21, convention collective étendue et correspond au paiement au tarif horaire normal sans majoration ;

Que si monsieur [V] a pu percevoir une indemnité de séjour de 20 euros en France et 40 euros à l'étranger, dans le cadre de ses déplacements professionnels, cette indemnité ne peut tendre à dispenser l'employeur du paiement des temps de trajet, s'agissant d'une indemnité servie pour couvrir la sujétion particulière d'éloignement du domicile ;

Attendu que monsieur [V] est fondé en ses demandes en paiement à ce titre de la somme de 7348,75 euros outre les congés payés y afférents, le calcul en lui-même n'étant nullement contesté par l'employeur et n'encourant aucune critique ;

Attendu qu'il n'est pas établi que l'employeur ait, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par son salarié, s'agissant d'erreurs d'interprétation commises dans l'application des textes en vigueur ;

Que monsieur [V] doit être débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail ;

Attendu que les créances de nature salariale seront productrices d'intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur, en application de l'article 1153 du code civil ;

Sur la rupture des relations contractuelles

Attendu que monsieur [V] a démissionné par lettre du 10 février 2008, rédigée en ces termes :

« En effet, depuis l'arrêt des fonctions de monsieur [F] [C] au service après vente, je constate une augmentation de mes charges de travail interne et externe à Cera Engineering.

De ce fait, une majeure partie de ses responsabilités m'a été imposé en complément du mien, et aucune démarche n'a été entreprise pour rétablir une situation normale dès l'annonce officielle de son arrêt (la politique du « on verra le jour où' »)

A commencer, la fatigue des transports en voiture à répétitions ( ce qui a amené une visite chez le médecin pour migraine et un arrêt de travail pour des pertes d'équilibre), des déplacements abusifs, des missions incertaines et utopiques ( arrêt de travail pour dépression) et tout cela seul ( AMD) ( une visite chez le médecin pour des maux au dos) font que je dois m'arrêter afin de préserver ma santé, mon équilibre psychologique et familial.

De plus, un manque de communication évident s'est installé, entraînant par voie de conséquence une dégradation de mes motivations » ;

Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque de mettre fin à la relation de travail ;

Qu'elle ne se présume pas ;

Attendu que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;

Attendu qu'il est avéré que monsieur [V] n'a pas été rémunéré de l'intégralité des salaires susceptibles de lui revenir, au regard des prestations de travail accomplies et temps de trajet, ce seul manquement, même s'il n'a été évoqué qu'en cours de procédure prud'homale, est d'une gravité suffisante et rend équivoque la démission ;

Que le fait qu'il ne soit aucunement justifié ni de plaintes de monsieur [V] sur ses conditions de travail en cours d'exécution du contrat de travail ni de la réalité d'une surcharge de travail ni d'un impact effectif sur sa santé en lien avec son activité professionnelle ne peuvent suffire à enlever toute gravité au manquement commis ;

Attendu que la démission présentée par monsieur [V] le 10 février 2008 doit s'analyser en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, monsieur [V] avait plus de deux années d'ancienneté, l'entreprise employant habituellement au moins onze salariés ;

Qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;

Attendu que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge du salarié , aux circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et à l'absence de difficultés de réinsertion professionnelle rencontrées, pour allouer à monsieur [V] une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 15631,14 euros ;

Que cette créance doit produire intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

Attendu que monsieur [V] est également fondé en ses demandes en paiement d'indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 6497,34 euros et de solde d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3386,74 euros outre les congés payés y afférents ;

Que ces créances de nature salariale sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur, en application de l'article 1153 du code civil ;

Attendu que le jugement doit être infirmé de ce chef en ce qu'il a débouté monsieur [V] de ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la demande de remboursement de l'avance sur frais professionnels

Attendu que l'employeur est à la confirmation de la décision en ce qu'elle lui a alloué à ce titre la somme de 400 euros ;

Que le salarié reconnaît être redevable de cette somme ;

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Attendu que le jugement doit être confirmé en ses seules dispositions relatives au remboursement de l'avance sur frais professionnels et infirmé en ses autres dispositions ;

Attendu que les dépens d'instance et d'appel doivent rester à la charge de la société intimée qui doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à monsieur [V] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en application de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions relatives au remboursement de l'avance sur frais professionnels

L'INFIRME en ses autres dispositions 

STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNE la société CERA Engineering à payer à monsieur [V] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur :

- 343,78 euros à titre de solde de majoration d'heures supplémentaires régulières outre 34,37 euros au titre des congés payés y afférents

- 7348,75 euros à titre de rappel d'heures de trajet outre 734,87 euros au titre des congés payés y afférents

- 3386,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de solde de préavis outre 338, 67 euros au titre des congés payés y afférents

- 6497,34 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

CONDAMNE la société CERA Engineering à payer à monsieur [V] la somme de 15631,14 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt 

DEBOUTE monsieur [V] de sa demande au titre du travail dissimulé

Y AJOUTANT

CONDAMNE la société CERA Engineering à payer à monsieur [V] 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers d'instance et d'appel.

Le Greffier, La Présidente,

Evelyne FERRIER Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 10/03875
Date de la décision : 25/02/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°10/03875 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-25;10.03875 ?
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