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11/02/2011 | FRANCE | N°10/00395

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 11 février 2011, 10/00395


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/00395





[T]



C/

Me [J] [I] - Mandataire liquidateur de [R] FRANCE

AGS CGEA DE [Localité 6]

SOCIETE [R] KG ALLEMAGNE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Janvier 2010

RG : F 08/02452











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 11 FEVRIER 2011







APPELANT :>


[D] [T]

[Adresse 5]

[Localité 8]



comparant en personne,

assisté de Me Fabien ROUMEAS,

avocat au barreau de LYON









INTIMÉES :



Me [J] [I]

Mandataire liquidateur de [R] FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 8]



représenté par Me BAILL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/00395

[T]

C/

Me [J] [I] - Mandataire liquidateur de [R] FRANCE

AGS CGEA DE [Localité 6]

SOCIETE [R] KG ALLEMAGNE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Janvier 2010

RG : F 08/02452

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 11 FEVRIER 2011

APPELANT :

[D] [T]

[Adresse 5]

[Localité 8]

comparant en personne,

assisté de Me Fabien ROUMEAS,

avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Me [J] [I]

Mandataire liquidateur de [R] FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté par Me BAILLOT-HABERMAN Arlette

avocat au barreau de LYON

AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me MISSLIN céline

avocat au barreau de LYON

SOCIETE [R] KG ALLEMAGNE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1] ALLEMAGNE

non comparante

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Décembre 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel GAGET, Président de Chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Février 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel GAGET, Président de Chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSÉ DU LITIGE

[D] [T] a été embauché en qualité de directeur commercial par la S.A.R.L. [R] FRANCE le 22 septembre 2000.

Il a été licencié pour faute grave le 15 mai 2008.

Le 13 juin 2008, le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande en paiement de salaires pour février, mars et avril 2008, avec les congés payés incidents, et d'une demande d'indemnités de congés payés pour les années 2006/2007 et 2007/2008.

Le 7 juillet 2008, il a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une action en contestation du licenciement, d'une demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et des réclamations relatives au rappel de salaire et aux indemnités de congés payés.

Devant le bureau de jugement, il a présenté une demande d'indemnité pour travail dissimulé à l'encontre de la société [R] KG TRANSPORTE ainsi que diverses sommes liées à la prétendue rupture abusive d'un contrat de travail le liant à cette dernière antérieurement à son entrée au service de la S.A.R.L. [R] FRANCE.

Par jugement du 23 décembre 2008, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. [R] FRANCE et nommé Maître [I] aux fonctions de liquidateur.

Par ordonnance du 13 janvier 2009, la formation de référé du conseil de prud'hommes, présidée par le juge départiteur a :

- condamné à titre provisionnel la S.A.R.L. [R] FRANCE à payer en deniers ou quittances à [D] [T] les sommes suivantes dues en brut, outre intérêts légaux à compter du 13 juin 2006 :

* 11.368,59 € au titre des salaires de février, mars et avril 2008,

* 16.589,10 € au titre des congés payés 2006/2007,

* 4.324,14 € au titre des congés payés 2007/2008,

- rappelé le versement d'une somme de 3.000 € en net qui sera à déduire des dites créances,

- condamné la S.A.R.L. [R] FRANCE à payer à [D] [T] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré irrecevable devant le juge des référés la demande indemnitaire fondée

sur le prétendu comportement déloyal de la S.A.R.L. [R] FRANCE,

- rejeté les autres demandes contraires ou plus amples.

Par ordonnance du 6 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Lyon a ordonné à Maître [I] ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L. [R] FRANCE, d'établir, dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision, le relevé des créances salariales de [D] [T] conformément aux dispositions de l'article L. 625-1 du code du commerce sous peine d'astreinte de 50 € par jour de retard.

Maître [I] a exécuté l'ordonnance le 11 août 2009 mais l'association pour la gestion de régime des assurances des créances salariées (AGS ci-après) n'a pas procédé à l'avance des créances ce qui a conduit [D] [T] à saisir à nouveau la formation de référé du conseil de prud'hommes pour qu'elle ordonne à l'AGS de procéder à l'avance des fonds nécessaires au paiement des créances salariales reconnues par l'ordonnance de référé du 13 janvier 2009.

Par ordonnance du 30 novembre 2009, la formation de référé a dit qu'en l'absence de trouble manifestement illicite, il n'y avait pas lieu à référé.

Par jugement en date du 7 janvier 2010, le conseil de prud'hommes a :

1 - sur les demandes à l'encontre de la société [R] KG TRANSPORTE,

- jugé que la demande tendant à la condamnation pour travail dissimulé est mal fondée,

- jugé irrecevables les demandes relatives au licenciement abusif, faute de certitude tant sur la forme que sur le fond de ladite rupture,

- débouté [D] [T] de ses demandes,

2 - sur les demandes à l'encontre de Maître [I] ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L. [R] FRANCE,

- fixé la créance de [D] [T] au passif de la S.A.R.L. [R] FRANCE, en deniers ou quittances, aux sommes suivantes :

* 11.368,59 € brut au titre des rappels de salaires,

* 16.589,10 € brut au titre des congés payés 2006-2007,

* 4.324,14 € brut au titre des congés payés 2007-2008,

sous déduction de la somme nette de 3.000 € déjà versée pendant la procédure,

- juger que le licenciement de [D] [T] repose sur une faute grave et, en conséquence, débouté [D] [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif et d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- jugé qu'il n'y a pas eu d'exécution déloyale du contrat de travail et débouté [D] [T] de ses demandes de dommages et intérêts,

- ordonné à Maître [I] d'établir un solde de tout compte reprenant l'ensemble des dispositions financières ci-dessus développées ainsi qu'une attestation ASSEDIC et un certificat de travail,

- juger qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette remise de documents d'une astreinte et débouté [D] [T] de cette demande,

- juger que chacune des parties aura à sa charge les frais inhérents à sa défense et débouté Maître [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré la décision opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 6] dans la limite de sa garantie,

- laissé les entiers dépens à la charge de la liquidation de la S.A.R.L. [R] FRANCE.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 janvier 2010, [D] [T] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 19 octobre 2010, cette Cour a infirmé l'ordonnance de référé du 30 novembre 2009 qui lui a été déférée par [D] [T], a dit que le refus de L'AGS CGEA de faire l'avance des fonds correspondant au montant de la condamnation prononcée en faveur de [D] [T] par la formation de référé du conseil de prud'hommes de Lyon, et exécutoire par provision, a causé un trouble manifestement illicite que la formation de référé était compétente pour faire cesser et a constaté qu'à la date de l'arrêt, le référé était devenu sans objet du fait que le CGEA avait exécuté le jugement rendu sur le fond.

Vu les conclusions reçues au greffe le 17 octobre 2010 maintenues et soutenues à l'audience de [D] [T] qui demande à la Cour de :

1 - sur les demandes dirigées à l'encontre de la société [R] KG TRANSPORTE,

- condamner la société [R] KG TRANSPORTE à lui payer les sommes suivantes :

* dommages et intérêts pour licenciement irrégulier : 18.000 €,

* indemnité compensatrice de préavis : 9.450 €,

* congés payés afférents : 945 €,

* dommages et intérêts pour travail dissimulé : 19.440 €,

* article 700 du code de procédure civile : 2.000 €,

2 - sur les demandes dirigées à l'encontre de la S.A.R.L. [R] FRANCE

,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, fixer ses créances aux sommes suivantes :

* rappel de salaire : 11.368,59 €,

* rappel de congés payés année 2006-2007 : 16.589,10 €,

* congés payés 2007-2008 : 4.324,14 €,

* dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 6.000 €,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif : 50.000 €,

* indemnité compensatrice de préavis : 12.339 €,

* congés payés afférents : 1.233,90 €,

* indemnité conventionnelle de licenciement : 13.161,60 €,

- condamner Maître [I] ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L. [R] FRANCE à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC rectifiés en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum Maître [I] ès qualités et L'AGS CGEA à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la S.A.R.L. [R] FRANCE aux entiers dépens ;

Vu les conclusions reçues au greffe le 17 décembre 2010 maintenues et soutenues à l'audience de Maître [I] ès qualités de liquidateur qui demande à la Cour de :

- juger que le licenciement de [D] [T] est justifié et bien fondé,

- débouter [D] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner [D] [T] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner [D] [T] aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les conclusions reçues au greffe le 16 décembre 2010 maintenues et soutenues à l'audience de l'AGS et du CGEA qui demande à la Cour de :

principalement,

- les mettre hors de cause s'agissant des demandes dirigées contre la société [R] KG TRANSPORTE,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de [D] [T] repose sur une faute grave, a débouté [D] [T] de ses demandes au titre d'un licenciement abusif et au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- le réformer sur le surplus et débouter [D] [T] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés,

en tout état de cause,

- juger que l'AGS ne garantit pas les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que la garantie de l'AGS n'intervient qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles,

- juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-20 et L. 3253-17 du code du travail,

- juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- les mettre hors dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes dirigées à l'encontre de la société [R] KG TRANSPORTE :

[D] [T] expose qu'il est entré au service de la société [R] KG TRANSPORTE, société de droit allemand, en qualité de responsable commercial à compter du 1er novembre 1999, que l'employeur a mis fin à ce contrat de manière informelle le 22 septembre 2000 et lui a proposé un nouveau contrat par l'intermédiaire de sa filiale française, la S.A.R.L. [R] FRANCE laquelle lui a proposé, en 2003, de devenir associé à hauteur de 10 % ce qu'il a accepté.

Au motif que le contrat a été rompu sans motif et sans que la procédure idoine soit respectée, il sollicite une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents et des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Il demande également paiement d'une indemnité pour travail dissimulé au motif que la société [R] KG TRANSPORTE ne lui a pas remis de bulletin de salaire et a ainsi tenté nécessairement de dissimuler tout ou partie de la rémunération qu'elle lui versait.

A l'appui de ses prétentions, [D] [T] verse une attestation en date du 26 janvier 2000 de la société [R] KG TRANSPORTE qui, sous la signature de [Z] [R], atteste que [D] [T] est employé par l'entreprise en qualité de responsable commercial depuis le 1er novembre 1999 et perçoit un salaire mensuel de 17.000 francs.

Il produit également une facture adressée à la société [R] KG TRANSPORTE indiquant comme adresse de livraison les locaux de [Localité 7] et portant la mention : 'voir avec Mr [T] ou Mr [W].'

Ces pièces n'établissent ni la réalité d'une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et, au surplus, de manière abusive ni une dissimulation de l'emploi de [D] [T].

Il y a lieu de confirmer la décision déférée qui a débouté [D] [T] de ses demandes à l'encontre de la société [R] KG TRANSPORTE.

Sur la demande de rappel de salaire :

[D] [T] réclame le paiement des salaires de février, mars et avril 2008 d'un montant mensuel de 4.113 € outre les congés payés afférents et sous déduction d'une somme de 3.000 € que la S.A.R.L. [R] FRANCE a réglée le 30 juin 2008.

[D] [T] produit copie du plumitif de l'audience de référé du 6 novembre 2008 mentionnant que la S.A.R.L. [R] FRANCE reconnaît devoir à [D] [T] à titre d'arriéré de salaire la somme de 9.157,73 € et qu'elle s'engage à payer cette somme sous huitaine.

Maître [I] ès qualités de liquidateur ne justifie pas que, comme il l'indique, une partie d'un virement de 6.068,61 € effectué le 6 mars 2008 a servi au paiement du salaire du mois de février de [D] [T].

Pour les mois de mars et avril, il n'invoque aucun paiement.

Faute pour l'employeur de prouver le paiement des salaires, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli la demande de [D] [T] d'un montant de 11.368,59 €de laquelle doit être déduite la somme nette de 3.000 € versée en cours de procédure.

Leur décision doit être confirmée sur ce point.

Sur la demande en paiement du solde des congés payés :

[D] [T] réclame paiement de 121 jours de congés payés relatifs à la période 2006/2007 qui n'ont pas été soldés et qui sont mentionnés sur le bulletin de salaire de mai 2008 ainsi que 24 jours pour la période 2007/2008.

Maître [I] ès qualités de liquidateur réplique d'une part, que les congés payés qui ne sont pas pris à l'issue de la période de référence sont perdus et d'autre part, que le bulletin de salaire de mai 2008 mentionne également le bénéfice de 150 jours de congés ce qui conduit à un solde débiteur de 29 jours de congés payés.

En ce qui concerne la période 2007/2008, il fait valoir que le bulletin de salaire de mai 2008 mentionne que le salarié avait acquis 29 jours et que 39 jours lui ont été réglés avec le solde de tout compte.

Le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés payés, bien que le solde des congés payés litigieux ait été acquis au titre de la période antérieure à la période de référence en cours à la date de la rupture, dès lors qu'il avait été reporté avec l'accord de l'employeur ainsi qu'en atteste la mention sur les bulletins de paie.

Le bulletin de salaire de mai 2008 mentionne, pour la période 2006/2007, que 121 jours de congés ont été acquis et 150 jours ont été pris.

Toutefois les bulletins de mars et avril mentionnent que 111 jours ont été pris, le solde étant de 10 jours.

[D] [T] n'a donc pas pu prendre 39 jours de congés payés au mois de mai.

D'après les mentions du bulletin de salaire, il était en arrêt maladie du 7 au 30 mai et aucun jour de congés payés n'a été pris.

En conséquence, le solde des congés pour la période 2006/2007 est de 10 jours.

Au titre de la période 2007/2008, le bulletin de paie de mai 2008 mentionne l'acquisition de 29 jours non pris. Cette mention est conforme au décompte des mois précédents.

Enfin, le bulletin du mois de mai 2008 mentionne le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 39 jours ce qui correspond au solde des congés de la période 20006/2007 (10 jours) et aux congés payés de la période en cours (29 jours).

[D] [T] a donc été rempli de ses droits. Sa demande doit être rejetée et le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Au soutien de cette demande, [D] [T] fait valoir que le fait pour la S.A.R.L. [R] FRANCE de ne pas lui avoir réglé les salaires qui étaient dus malgré plusieurs réclamations de sa part constitue un manquement à ses obligations contractuelles qui lui ont nécessairement causé un préjudice dont il est fondé à solliciter réparation.

Il invoque également l'attitude de la S.A.R.L. [R] FRANCE qui dans un premier temps a proféré à son encontre des accusations diffamatoires puis a reconnu cinq mois après lui devoir 9.157,73 € en, ayant entre temps multiplié les demandes de renvoi dilatoires.

Il n'est pas contesté qu'il entrait dans les fonctions de [X] [N], responsable financière de la société et concubine de [D] [T], d'effectuer l'enregistrement comptable des salaires et des charges sociales et que les paiements étaient effectués par [D] [T].

D'autre part, Maître [I] ès qualités de liquidateur produit des 'soldes intermédiaires réels' que [D] [T] transmettait au gérant de la société, en Allemagne, et sur lequel les salaires n'apparaissent pas impayés.

Enfin, aucune réclamation antérieure au 4 juin 2008 n'est démontrée.

Dans ces conditions, [D] [T] ne peut demander réparation d'un préjudice à la réalisation duquel il a participé en ne mettant pas l'employeur en mesure de connaître les impayés qu'il lui reproche.

L'attitude de la S.A.R.L. [R] FRANCE pendant la procédure de référé est étrangère à une exécution déloyale du contrat de travail.

La demande de [D] [T] n'est donc pas justifiée et la décision déférée qui a rejeté cette demande doit être confirmée.

Sur le licenciement :

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1234-1, L. 1232.6 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave d'une part, d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans sa lettre d'autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

D'autre part, selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui tout seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a eu connaissance de celui-ci que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la poursuite disciplinaire.

En l'espèce la lettre de licenciement énonce ainsi la faute grave :

' ... vous avez réglé, le 15 septembre 2007, la réparation de votre montre LONGINES chez l'horloger [C] la cité de la montre pour un montant de 233 € par chèque tiré sur le compte de la société, fait que nous avons constaté lors de notre passage à [Localité 8] le 22 avril 2008. Cette vérification a par ailleurs révélé que le montant en question n'a jamais été remboursé par vos soins... un tel comportement s'apparente à un abus de biens sociaux pénalement répréhensible.

Par ailleurs, vous avez établi le 29 février 2008, la facture n°4032 d'un montant de 10.900 € HT à notre client MEHLER TEXNOLOGIES à [Localité 9] au titre des frais de stockage des mois d'avril, mai, juin 2008 ... le même jour, vous avez émis un avoir du même montant au bénéfice du même client portant n°4041.

Cet avoir par ailleurs nullement justifié, n'a jamais été envoyé au client qui a, entre-temps, réglé la facture n°4032 avec la TVA afférente que vous n'avez pas déclarée, fait que nous avons constater lors de la vérification de la comptabilité et des comptes bancaires de la société suite à notre passage à [Localité 8] le 22 avril 2008 et une vérification auprès du client MELHER TEXNOLOGIES.

Une telle opération pourrait être qualifiée de manoeuvre frauduleuse au détriment du trésor public..., par un tel comportement vous mettez en cause non seulement notre responsabilité en tant que gérant mais également la votre puisque vous pouviez être considéré comme dirigeant de fait.'

[D] [T] ne conteste pas avoir payé la réparation de sa montre par un chèque tiré sur le compte de la société mais il soutient que l'employeur avait eu connaissance du fait en septembre 2007 et avait validé la dépense dans la mesure où sa montre avait été endommagée à l'occasion d'une manutention au temps et au lieu du travail.

Il invoque, en conséquence la prescription de ce fait dont il soutient par ailleurs qu'il n'est pas sérieux et est dénué de toute pertinence, les faits ayant été accomplis en sa qualité d'associé.

Sur le second grief, [D] [T] fait valoir qu'en aucun cas, il a agi avec l'intention de frauder qui que ce soit puisque d'une part, l'ensemble des opérations sont apparues en comptabilité et d'autre part, l'émission au 29 février 2008 de la facture d'un montant de 10.900 € à l'attention du client MELHER TEXNOLOGIES résulte d'une erreur, car elle aurait dû être émise à la fin du mois de mars, d'où l'envoi le même jour d'un avoir rectificatif.

Il estime que ce grief est dénué de pertinence dans la mesure où n'étant pas chargé de la comptabilité, il ne saurait être tenu pour responsable d'une erreur, à la supposer établie ce qui, au demeurant, n'est pas le cas.

Il ajoute que ce fait est prescrit car la comptabilité était transmise pour contrôle, tous les mois, à [P] [F], expert comptable de la société, lequel rendait compte de son activité au gérant de la société et que [P] [F] n'a rien trouvé à redire sur la facture et l'avoir corrélatif.

Maître [I] ès qualités de liquidateur ne répond pas sur le moyen de la prescription et aucune pièce du dossier ne vient établir que l'employeur a eu connaissance, le 22 avril 2008, des faits qu'il reproche à son salarié et qui datent de septembre 2007 et février 2008, alors qu'il n'est pas contesté que la comptabilité était transmise tous les mois à [P] [F], expert comptable de la société qui rendait compte de son activité au gérant de la société.

Faute de prouver que l'employeur n'a eu connaissance des faits que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la poursuite disciplinaire soit, en l'espèce le 23 avril 2008, date de la convocation à l'entretien préalable à licenciement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, [D] [T] a droit à une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et à une indemnité conventionnelle de licenciement dont les montants réclamés respectivement de 12.339 €, 1.233,90 € et 13.161,60 € ne font l'objet d'aucune observation.

En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, [D] [T] qui travaillait dans une entreprise employant moins de onze salariés a droit à une indemnité en fonction du préjudice subi.

Compte tenu des éléments d'appréciation dont dispose la cour, il y a lieu de fixer cette indemnité à 50.000 €.

Le jugement entrepris doit être infirmé sur le licenciement.

Sur la demande de remise des documents :

Maître [I] ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L. [R] FRANCE doit remettre à [D] [T] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à POLE EMPLOI conformes au présent arrêt sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt.

Sur les dépens et les frais non répétibles :

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre au passif de la S.A.R.L. [R] FRANCE, partie perdante, les dépens et une indemnité de 2.500 € au profit de [D] [T] pour les frais irrépétibles que ce dernier a été contraint d'exposer.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sur le rejet des demandes dirigées à l'encontre de la

société [R] KG TRANSPORTE, sur le rappel de salaire d'un montant de 1.368,59 €, sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

L'infirme sur la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés pour les périodes 2006/2007 et 2007/2008, sur le licenciement et sur l'astreinte relative à la remise de documents,

Statuant à nouveau sur ces points,

Déboute [D] [T] de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés pour les périodes 2006/2007 et 2007/2008,

Juge que le licenciement de [D] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Met au passif de la S.A.R.L. [R] FRANCE les créances suivantes au profit de [D] [T] :

- indemnité compensatrice de préavis : 12.339 €,

- congés payés afférents : 1.233,90 € ,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 13.161,60 €,

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

50.000 €,

Ordonne à Maître [I] ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L. [R] FRANCE de remettre à [D] [T] des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à POLE EMPLOI conformes au présent arrêt sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt,

Met également au passif de la S.A.R.L. [R] FRANCE et au profit de [D] [T] une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Met enfin au passif de la S.A.R.L. [R] FRANCE les dépens de première instance et d'appel,

Dit que la garantie de l'AGS intervient à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, dans la limite du plafond applicable, dans les conditions et les limites légales et qu'elle exclue l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

Hélène HOMS Nicole [M]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 10/00395
Date de la décision : 11/02/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°10/00395 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-11;10.00395 ?
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