R. G : 10/ 02194
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 27 Janvier 2011
Décision du tribunal de commerce de Lyon Au fond du 10 mars 2010
RG : 2009J1730
APPELANTE :
BNP PARIBAS-SA- (anciennement dénommée BANQUE NATIONALE DE PARIS) 16 boulevard des Italiens 75009 PARIS
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de la SCP GRAFMEYER-BAUDRIER-ALLEAUME, avocats au barreau de LYON
INTIME :
M. Patrick X... né le 20 Janvier 1956 à LYON 7EME (RHONE) Chez Monsieur Stéphane X... ... 71110 MONTCEAUX L'ETOILE
représenté par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
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Date de clôture de l'instruction : 19 Novembre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Décembre 2010
Date de mise à disposition : 27 Janvier 2011
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Bernadette MARTIN, président-Christine DEVALETTE, conseiller-Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Christine DEVALETTE, conseiller, faisant fonction de présidente de la 1ère chambre A, en remplacement de la présidente légitimement empêchée, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte délivré le 14 mai 2009, M. X... a assigné la société BNP Paribas devant le tribunal de commerce de Lyon afin de voir dire que diverses créances judiciairement consacrées à son encontre envers cette banque sont prescrites, d'annuler un cautionnement consenti à cette dernière et d'ordonner la main-levée d'une inscription d'hypothèque.
La société BNP Paribas est appelante du jugement qui a accueilli ces demandes en tant qu'elles concernaient la prescription de ses créances et la main-levée d'hypothèque.
Elle soutient :
- que les créances résultant de décisions de justice définitives se prescrivaient avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, de manière trentenaire,
- qu'à la date d'entrée en vigueur de la dite loi, la prescription des différentes créances constatées dans les jugements ou arrêts rendus contre M. X... n'était pas acquise,
- que la prescription quinquennale des intérêts, édictée par l'article 2277 du code civil, ne peut concerner les intérêts capitalisés, qui perdent leur nature d'intérêts,
- que la déchéance du droit aux intérêts, résultant de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ne saurait concerner la créance d'intérêts due en vertu de l'article 1153 du code civil ni les intérêts capitalisés en application de l'article 1154 de ce code.
Elle demande en conséquence la réformation du jugement et la condamnation de M. X... à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... fait au contraire valoir :
- que, quelle que soit la prescription afférente à la décision de justice rendue, chaque créance consacrée dans la dite décision se prescrit selon sa nature,
- que, s'agissant d'une créance commerciale, la créance alléguée est prescrite par dix ans en application de l'article L. 110-4 du code de commerce,
- que la créance d'intérêts est prescrite par cinq ans en application de l'article 2277 du code civil,
- que la banque a manqué au respect de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.
Il conclut en conséquence à la confirmation de la décision entreprise et au paiement des sommes de 5 000 euros, pour procédure abusive et de 5 000 euros, au titre de ses frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les jugements et arrêt concernés par la présente instance ont été rendus contre M. X... entre le 4 juillet 1995 et le 29 juin 2000 ; ils sont définitifs.
Ces décisions ont consacré les créances détenues par la banque, en principal et intérêts échus à la date des condamnations, de sorte que celles-ci ne se prescrivent pas selon leur nature et que le créancier dispose, pour exécuter ces jugements, du délai ménagé par l'article 2277 du code civil, soit trente ans à l'époque où ces décisions ont été rendues et dix ans depuis l'intervention de la loi du 17 juin 2008.
En l'espèce, la prescription trentenaire n'étant pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, la banque reste en droit d'agir tant que la durée totale de la prescription n'est pas écoulée et n'excède pas le délai prévu par la loi antérieure.
En conséquence, la banque n'est pas prescrite en son action en exécution des jugements en cause.
Si, par ailleurs, le créancier ne peut, par application de ce même article 2277, obtenir, en raison de la nature de ces créances, le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande, cette règle est sans application en l'espèce, car les condamnations à paiement ont toutes prononcé la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
Ces intérêts ont ainsi perdu leur nature initiale pour prendre celle d'un capital et ne relèvent que de la prescription trentenaire, puis décennale, précédemment décrite, de sorte que le droit d'exécuter les condamnations les concernant n'est pas prescrit en l'espèce.
Par ailleurs, le moyen pris de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, est dépourvu de portée en ce qu'il porte sur les intérêts moratoires prononcés sur le fondement de l'article 1153 du code civil, qui ne sont pas concernés par les sanctions attachées au défaut d'information de la caution.
Ce texte est, pareillement, sans application en ce qui concerne la dette consacrée par le jugement rendu le 4 juillet 1995, qui a été prononcée contre M. X... à raison d'un prêt personnel et non d'un engagement de caution.
S'agissant au contraire des intérêts conventionnels mis à la charge de ce dernier, par le jugement du 12 juin 1996, cette fois en exécution d'un cautionnement, la banque ne soutient, ni n'établit, avoir déféré à son obligation d'information annuelle de la caution.
Elle se trouve dès lors déchue de tous intérêts, conventionnels ou légaux, à compter de cette date, peu important qu'ils aient été capitalisés, puisqu'ils ne sont pas dus en leur principe.
Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement entrepris, qui a déclaré cette créance d'intérêts prescrite.
Enfin, l'hypothèque judiciaire étant celle qui résulte des jugements, il n'est, puisque la banque est en droit de poursuivre l'exécution de ceux rendus contre M. X..., nulle raison de donner main-levée des inscriptions prises en vue de cette exécution.
PAR CES MOTIFS :
- Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit le tribunal compétent pour connaître de la cause et débouté M. X... de sa demande tendant à déclarer la nullité de ses cautionnements ;
- Statuant à nouveau, dit que la société BNP Paribas est déchue de tous intérêts, légaux ou conventionnels, sur la créance principale consacrée par le jugement rendu contre M. X... par le tribunal de commerce de Lyon le 12 juin 1996 ;
- Déboute M. X... de ses autres demandes ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 200 euros ;
- Le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Baufumé-Sourbé, avoué.
LE GREFFIER Pour LE PRESIDENT empêché.