R. G : 09/ 00857
Décision du Tribunal d'Instance de LYON Au fond du 22 février 2008
RG : 1105000956 ch no
X... X...
C/
SARL CHRISTAL CHEMINEES SARL ESTEVINHO CONSTRUCTIONS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 25 Janvier 2011
APPELANTS :
Monsieur Franck X...... 69590 SAINT SYMPHORIEN SUR COISE
représenté par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour
assisté de Me SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me REBOUL, avocat
Madame X... née Y...... 69590 SAINT SYMPHORIEN SUR COISE
représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour
assistée de Me SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me REBOUL, avocat
INTIMÉES :
La société CHRISTAL CHEMINEES, SARL représentée par son gérant légal RN6 69720 SAINT BONNET DE MURE
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Anne TESTON, avocat au barreau de LYON
Maître Z... ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CHRISTAL CHEMINÉES... 69003 LYON 03
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Anne TESTON, avocat au barreau de LYON
Maître Bernard A... ès qualités de mandataire liquidateur de la société CHRISTAL CHEMINÉES... 69427 LYON CEDEX 03
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Anne TESTON, avocat au barreau de LYON
La société ESTEVINHO CONSTRUCTIONS, SARL représentée par son gérant légal 2 Chemin des Pommiers 69380 LISSIEU
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me Corinne MICHEL, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 14 Décembre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Décembre 2010
Date de mise à disposition : 25 Janvier 2011 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Agnès CHAUVE, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier
A l'audience, Pascal VENCENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Pour achever la construction de leur maison d'habitation sise à Saint Symphorien sur Coise (69590), monsieur et madame X... ont confié à la société CHRISTAL CHEMINÉES, exerçant sous l'enseigne RENÉ BRISACH, la livraison et la pose d'une cheminée avec habillage en pierres, selon bon de commande du 31 octobre 2002.
Sur un prix de 10. 214, 08 euros TTC, les époux X... ont versé un acompte de 3. 000 euros.
La réception de l'ouvrage a eu lieu le 12 octobre 2004 et peu après, les époux X... ont relevé :
- d'une part, l'apparition de fissures affectant tant les joints de dilatation que la pierre de la cheminée,
- d'autre part, en cas de fonctionnement, un fort dégagement de fumée dans les pièces à vivre.
En l'état, les époux X... ont refusé de régler le solde des travaux.
Après expertise judiciaire, les époux X... ont estimé devoir faire assigner la société CHRISTAL CHEMINÉES aux fins que cette dernière soit condamnée à leur accorder sa garantie décennale ou biennale, et subsidiairement à réparer le dommage causé par ses manquements contractuels, en lien avec les travaux de pose de la cheminée à leur domicile.
Dans ce cadre judiciaire, les époux X... ont sollicité du tribunal d'instance de Lyon la condamnation de la société CHRISTAL CHEMINÉES à leur payer la somme de 7. 215 euros au titre des travaux de reprise, outre 2. 500 euros à titre de dommages et intérêts et 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CHRISTAL CHEMINÉES de son côté a conclu principalement au débouté des époux X..., et subsidiairement à être relevée et garantie par la société ESTEVINHO CONSTRUCTIONS, appelée par elle en intervention forcée et qui a réalisé le conduit et la sortie de cheminée en toiture.
Par jugement en date du 22 février 2008 dont appel, le tribunal d'instance de Lyon a :
- considéré que n'était pas rapportée la preuve tant sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants que 1147 du code civil d'une défaillance de la société défenderesse dans l'exécution des prestations dont elle avait la charge,
- condamné monsieur et madame X... à payer à la SARL CHRISTAL CHEMINÉES la somme de 7. 214, 08 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement au titre du solde de la facture de la pose de la cheminée et de sa hotte,
- condamné monsieur et madame X... à payer à la SARL CHRISTAL CHEMINÉES la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le juge d'instance s'est largement fondé pour débouter les époux X... des fins de leur action sur leur mauvaise volonté affichée pour rapporter la preuve leur incombant, refusant de donner suite à un complément de mesure d'expertise ordonné par le juge qui aurait techniquement permis de déterminer plus avant qui était responsable du mauvais tirage de la cheminée entre la société qui a construit le conduit de cheminée et de la société CHRISTAL CHEMINÉES qui a construit le foyer incriminé.
Postérieurement à ce jugement, la SARL CHRISTAL CHEMINÉES a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 8 juillet 2010 qui a désigné maître Z... en qualité d'administrateur judiciaire er maître A... en qualité de mandataire judiciaire.
Monsieur et madame X... qui n'ont pas déclaré leur créance en temps agissent actuellement en relevé de forclusion et ne demandent plus à la cour que de consacrer le principe de leur créance par le biais d'un appel de la décision du tribunal d'instance.
Il est donc demandé de :
- constater que la cheminée installée par la société CHRISTAL CHEMINÉES ne peut fonctionner sans rendre l'habitation des époux X... impropre à sa destination,
- constater encore que le défaut de fonctionnement de la cheminée a entraîné les fissurations de la pierre comme celle des joints,
- constater que la garantie décennale, et subsidiairement biennale de la société CHRISTAL CHEMINÉES est engagée, et très subsidiairement, qu'elle a commis des manquements engageant sa responsable contractuelle,
- fixer la créance des époux X... au passif de la société CHRISTAL CHEMINÉES à la somme de 16. 406, 72 euros,
- ordonner la compensation entre les sommes éventuellement dues par les époux X... à la société CHRISTAL CHEMINÉES et la créance des concluants sur la société CHRISTAL CHEMINÉES.
Si la cour devait écarter la garantie ou la responsabilité de la SARL CHRISTAL CHEMINÉES, elle devrait condamner sur les mêmes fondements la société ESTEVINHO CONSTRUCTIONS, qui a réalisé un ouvrage non conforme aux règles de l'art (dépassée de la cheminée inférieure à 40 cm à partir du faîtage), à payer aux époux X... la somme de 7. 215 euros au titre des travaux de reprise et la somme de 2. 500 euros en réparation du préjudice de jouissance.
A l'opposé, il est conclu par maître Z... et maître A... ès qualités à la confirmation du jugement de débouté.
Il est soutenu à cette occasion que :
- Une cheminée se greffant sur un conduit de cheminée préexistant ne serait pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, de même les fissures l'affectant qui ne compromettent pas sa solidité et ne rendent pas l'édifice impropre à sa destination.
- Il n'y aurait pas lieu non plus à garantie biennale, cet élément étant facilement démontable, sans détérioration ou enlèvement de matière.
- En toute hypothèse, selon cette partie, si la cour à considérer que l'installation de la cheminée par la société CHRISTAL CHEMINÉES constituait la construction d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, il conviendrait de préciser que les dommages allégués, en l'espèce par le dégagement de fumée et les fissures proviennent d'une cause étrangère à savoir le conduit de cheminée non conforme par manque de hauteur sous faîtage construit par la société ESTEVINHO CONSTRUCTIONS.
En l'état du droit positif en la matière, seule la société ESTEVINHO CONSTRUCTIONS pourrait être déclarée responsable des éventuels dommages subis par les époux X..., et devrait donc relever et garantir la société CHRISTAL CHEMINÉES de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
La société CHRISTAL CHEMINÉES relève appel incident à l'effet d'avoir paiement d'une somme de 2. 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour ce qui concerne la société ESTEVINHO CONSTRUCTIONS, mise en cause par la société CHRISTAL CHEMINÉES, note que seule une éventuelle responsabilité contractuelle pour faute prouvée en relation avec les désordres allégués pourrait être éventuellement recherchée par les demandeurs, or, en l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire ne lui étant pas opposable et les époux X... ayant refusé tout complément d'expertise, aucun élément ne justifierait, en l'espèce, de l'existence des griefs invoqués contre elle.
Il est demandé en cause d'appel la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la société CHRISTAL CHEMINÉES ainsi que la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR,
Sur l'audience les époux X... sollicitaient le rabat de l'ordonnance de clôture de manière à informer la cour que le juge commissaire les avait relevés de la forclusion suite à la mise en redressement judiciaire de la société CHRISTAL CHEMINÉES.
Il n'est donc plus demandé par les demandeurs à l'action que la fixation de leur créance.
Il leur en était donné acte avec rabat de l'ordonnance de clôture et nouvelle fixation au jour de l'audience sans opposition des autres parties.
Il est constant en droit qu'un foyer de chauffage d'un intérieur d'habitation apposé indépendamment du reste de la construction, dont les gaz brûlés s'échappent par un conduit d'évacuation préexistant débouchant en toiture, est un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.
Au reste, il s'agit d'un ouvrage non pas simplement apposé mais construit et maçonné qui ne s'apparente pas à un simple élément d'équipement dissociable seulement adjoint à un élément existant, ce qui implique que sa construction bénéficie de la garantie décennale des constructeurs.
L'expert B... indique bien dans le corps de son rapport au chapître de ses " constatations " que : monsieur et madame X..., conformément à la demande de l'expert, ont allumé un feu dans la cheminée du séjour objet de la présente expertise. L'ensemble des fenêtres et portes-fenêtres étant ouvertes, l'expert a demandé que tous les ouvrants extérieurs soient fermés afin de se mettre dans les conditions hivernales. Le séjour est enfumé en quelques minutes.
Le fait que la pièce de séjour soit immédiatement envahie par la fumée dès qu'un feu est allumé démontre une totale inaptitude de ce foyer à remplir sa fonction première qui est d'assurer le chauffage d'une pièce sans émanations nocives, cette inaptitude rendant au surplus l'immeuble impropre à sa destination, ses habitants ne pouvant y séjourner ne serait ce que quelques instants sans être susceptibles d'être victime d'une asphyxie.
Les maîtres de l'ouvrage établissent ainsi que ce dommage rend leur habitation impropre à sa destination, de sorte que la société CHRISTAL CHEMINÉES est tenue à garantie, en vertu de l'article précité du code civil.
Dans ses rapports avec les époux X..., la SARL CHRISTAL CHEMINÉES est incontestablement tenue à réparations sans que la cour ait à rechercher plus avant la cause de ce désordre du fait de la présomption légale de responsabilité du constructeur.
Certes, ladite société voudrait trouver une cause étrangère exonératoire dans la mauvaise exécution du conduit de cheminée permettant l'évacuation des gaz brûlés émanant de ce foyer.
Il est constant que celui-ci a été conçu et mis en place par la société SARL ESTEVINHO CONSTRUCTIONS qui est bien dans la cause.
Mais pour autant, la société CHRISTAL CHEMINÉES est défaillante en preuve, nul n'ayant voulu financer le complément d'expertise confié à monsieur B... lequel aurait peut être permis de connaître l'origine exacte de ce désordre, soit le mauvais fonctionnement du foyer lui-même, soit un non-respect des règles de l'art concernant ce conduit d'évacuation des gaz brûlés.
Ce n'était pas aux époux X... de financer ce complément de rapport, la charge de la démonstration de cette cause éxonératoire reposant de toute évidence sur la société CHRISTAL CHEMINÉES.
Pour ce qui touche aux fissurations, l'expert note encore que la hotte est fissurée à plusieurs endroit au niveau des joints de dilatations et des colonnes.
S'agissant de fissures susceptibles de laisser échapper des gaz brûlés potentiellement toxiques à l'intérieur de l'habitation, elles rendent, même par leur caractère millimétrique, l'ouvrage impropre à sa destination et relèvent donc de la garantie décennale.
S'agissant du montant des réparations, les époux X... soutiennent à bon droit que le montant des réparations ne sera pas inférieur au solde de facture restant du. Il échet de leur donner raison sur ce point en y ajoutant une somme de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance du fait de n'avoir pas pu utiliser cette cheminée pendant des années.
La somme de 7. 215 euros due par les époux X... à la société CHRISTAL CHEMINÉES doit venir en compensation de cette condamnation.
Sur l'appel en garantie de cette dernière à l'encontre de la société ESTEVINHO CONSTRUCTIONS, force est de constater que l'expert judiciaire n'a émis que des hypothèses invérifiées sur la responsabilité de ce maçon quant au dysfonctionnement de ce foyer, qu'elle est donc défaillante en preuve ayant omis de prendre en charge ce complément de consignation des frais d'expertise que les époux X... refusaient à bon droit de payer, la charge de la preuve de la responsabilité finale de ce désordre ne leur incombant pas.
Sur le fondement de l'article 1382 du code civil, seul fondement utile entre deux parties qui n'ont aucun lien contractuel, il convient bien de considérer que le cheministe ne rapporte la preuve d'aucune faute de la part du maçon.
Il convient bien de débouter cette partie de son appel en garantie et de lui faire supporter la charge de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit tant des époux X... que de la société ESTEVINHO CONSTRUCTIONS celle-ci étant malgré tout débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, laquelle ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.
PAR CES MOTIFS
Rabat l'ordonnance de clôture et la fixe à nouveau au jour de l'audience, soit le 14 décembre 2010.
Réforme en toutes ses dispositions la décision déférée.
Statuant à nouveau,
Dit et juge sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil que la société CHRISTAL CHEMINÉES, SARL est responsable de plein droit des désordres affectant la cheminée qu'ils ont construite au profit des époux X... à leur domicile à la suite du contrat signé entre les parties le 31 octobre 2002.
Fixe la créance des époux X... sur la société en redressement judiciaire CHRISTAL CHEMINÉES à la somme de 7. 215 euros TTC, outre la somme de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts
Ordonne la compensation entre les sommes dues par les époux X... à la société CHRISTAL CHEMINÉES au titre du solde des travaux et leur créance sur la société CHRlSTAL CHEMINÉES.
Déboute la société CHRISTAL CHEMINÉES de son appel en garantie contre la société ESTEVINHO CONSTRUCTION.
Fixe la créance des époux X... et de la société ESTHEVINO CONSTRUCTION sur la société CHRISTAL CHEMINÉES aux sommes de 1. 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre prise en charge des entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP d'avoués DUTRIEVOZ et de la SCP d'avoués BRONDEL-TUDELA, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.