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12/01/2011 | FRANCE | N°10/02596

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 12 janvier 2011, 10/02596


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 10/02596





[L]



C/

SA ELECTRICITE DE FRANCE - EDF CNPE DU BUGEY







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELLEY

du 15 Mars 2010

RG : F 09/00016











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 12 JANVIER 2011













APPELANT :



[Y] [L]

né le [Date naissa

nce 3] 1949 à [Localité 8] (ESPAGNE)

[Adresse 4]

[Localité 2]



comparant en personne, assisté de M. [J] [M] (Délégué syndical ouvrier)









INTIMÉE :



SA ELECTRICITE DE FRANCE - EDF CNPE DU BUGEY

[Adresse 7]

[Localité 1]



représentée par Me Géraldine BOEUF, a...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/02596

[L]

C/

SA ELECTRICITE DE FRANCE - EDF CNPE DU BUGEY

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELLEY

du 15 Mars 2010

RG : F 09/00016

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 12 JANVIER 2011

APPELANT :

[Y] [L]

né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 8] (ESPAGNE)

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de M. [J] [M] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE :

SA ELECTRICITE DE FRANCE - EDF CNPE DU BUGEY

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Géraldine BOEUF, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Novembre 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Catherine ZAGALA, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Janvier 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

M [Y] [L] est entré au service d'Electricité de France (EDF) le 18 juin 1979 en qualité de technicien ;

Par courrier du 2 octobre 2003, EDF l'a informé de sa mise en inactivité à effet du 1er juillet 2004 ;

Le 29 juillet 2006, M [L] s'est vu refuser une demande d'admission à l'allocation d'Aide au Retour à l'Emploi ;

Le 19 décembre 2006, M [L] a saisi son ex-employeur d'une demande de remise d'une attestation ASSEDIC à laquelle il a été fait droit le 9 février suivant ;

M [L] ayant demandé à pouvoir bénéficier d'une inscription rétroactive auprès des services de l'ANPE, il lui a été répondu le 15 mars 2007 que l'inscription en qualité de demandeur d'emploi n'avait pas d'effet rétroactif, décision que l'interessé a contesté devant le tribunal administratif de Lyon lequel a rendu le 16 juin 2009 une décision de rejet ;

Saisi le 26 janvier 2009 de demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, perte financiere concernant la pension de retraite et remise tardive de l'attestation ASSEDIC, le conseil des prud'hommes de BELLEY, au terme d'un jugement rendu le 15 mars 2010, a :

- dit que la mise en inactivité d'office querellée avec effet au 1er juillet 2004 était régulière

- condamné la SA EDF au paiement des sommes de :

* 3000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la non délivrance d'une attestation ASSEDIC ;

* 250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M [Y] [L] du surplus de ses demandes ;

- condamné la SA EDF aux dépens ;

Le 6 avril 2010, M [L] a interjeté appel général de ce jugement qui lui avait été notifié le 15 mars 2010 ;

Vu les conclusions écrites déposées le 28 octobre 2010 et soutenues oralement par M [Y] [L] lequel demande, réformant, de constater la nullité de sa mise en inactivité d'office de même que la remise tardive de l'attestation ASSEDIC et de condamner la SA EDF au paiement des sommes de :

- 30 634, 60 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de la mise en inactivité d'office;

- 67 095 € à titre de dommages et intérêts liés à la perte financière concernant la pension de retraite

- 79 113, 55 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC;

ainsi qu'à une indemnité de1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions écrites et soutenues oralement par la SA EDF laquelle demande, réformant en ce qu'il a été mis à sa charge le paiement de la somme de 3000 €, de débouter M [L] de l'intégralité de ses demandes ;

Sur Quoi la Cour ,

Sur la recevabilité

L'appel, interjeté dans le délai d'un mois prévu par les articles 538 du Code de procédure civile et R 1464-1 du Code du travail, est régulier en la forme ce qui rend régulier l'appel incident qui s'y est greffé ;

Sur le fond

Sur la demande tendant à voir déclarer nulle la mise à la retraite d'office

M [L] expose que sa mise à la retraite d'office en application de l'annexe 3 du statut national du personnel des IEG prévoyant une liquidation des droits aux prestations vieillesses lorsque l'agent a atteint au moins l'age de 55 ans s'il totalise quinze ans de services actifs, insalubres et militaires (...) a fait que n'ayant totalisé au jour de la rupture des relations contractuelles que 154 trimestres d'assurance à l'ensemble des régimes de retraite, son taux de liquidation de retraite n'a été que de 67% au lieu de 75 % pour une pension à taux plein ;

Il soutient que cette décision de mise en inactivité d'office, en ce qu'elle a été prise en considération de son age, est constitutive d'une mesure discriminatoire l'autorisant à voir prononcer sur le fondement des dispositions légales (article L 1132-1 du code du travail) sa nullité ;

La SA EDF réplique qu'il a d'ores et déja été jugé par la Cour de cassation qu'au regard des dispositions applicables (circulaire PERS 70 du 10 juin 1947, annexe 3 du statut du personnel des IEG et dispositions du décret 54-50 du 16 janvier 1954), elle était en droit de mettre à la retraite à 55 ans un agent comptabilisant 25 ans de service lorsqu'il avait passé 15 ans en service actif ainsi que cela a été le cas de l'appelant ;

Elle ajoute que M [L] ne saurait davantage arguer, à l'appui de sa demande de nullité de sa mise en inactivité, de ce qu'il ne pourrait bénéficier d'une retraite à taux plein à défaut de pouvoir revendiquer le bénéfice des dispositions de droit commun de l'article L1237-5 du code du travail, les dispositions statutaires exclusivement applicables ne prévoyant aucun droit au bénéfice d'une pension vieillesse à taux plein comme cela est le cas dans le régime privé ;

Il résulte de l'article L 122-45 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son âge et que toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul ;

A la date des faits litigieux (1er juillet 2004 ), la rupture du contrat des agents d'EDF-GDF, a l'instar du cas de M [L], était réglementée par le décret n°54-50 du 16 janvier 1954 pris pour l'application du décret n°53-711 du 9 aout 1953 et de la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier ;

En effet, il a été procédé à la mise en inactivité d'office au 1er juillet 2004 de M [L] aprés qu'il ait été constaté qu'ayant 25 ans de service chez EDF il justifiait d'au moins 15 ans de service actif et qu'il avait bien 55 ans lors de sa mise en inactivité ce dont il suit que c'est bien en considération de son âge que la décision de le mettre en inactivité a été prise ;

Si les dispositions statutaires ainsi en cause ne sont pas en soi contraires à celles de l'article L 122-45 du code du travail devenu L1132-1, il reste qu'il y a lieu de vérifier, à l'effet de répondre à la contestation soulevée, si leur application satisfait aux dispositions de l'article L 122-43-3 du code du travail devenu L 1133-1 du même code ;

L'article L 122-45-3 du code de travail dispose en effet que 'les différences de traitement fondées sur l'age ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment par des objectifs de politique de l'emploi, et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires

Ces différences peuvent notamment consister en :

- l'interdiction de l'accès à l'emploi ou la mise en place de conditions de travail spéciales en vue d'assurer la protection des jeunes et des travailleurs âgés;

(....)'

Alors même qu'il appartient à la SA EDF de démontrer que la différence de traitement appliquée à son agent mis à la retraite d'office, fondée sur son âge, par comparaison à ceux n'ayant pas encore atteint cet âge, a été justifiée par un objectif légitime et que le moyen de sa mise à la retraite d'office pour réaliser cet objectif a été approprié et nécessaire, il y a lieu de constater que l'intimée reste taisante quant à l'objectif poursuivi lors de la mise à la retraite constestée et par voie de conséquence quant au caractére approprié et nécéssaire de celle-ci au regard d'un éventuel objectif répondant aux exigences légales ;

Il y a lieu en conséquence, faisant droit à la contestation élevée, de dire que la mise à la retraite querellée est nulle comme contraire au principe de non discrimination posé à l'article L 122-45 du code du travail ;

M [L] soutient que la perte prématurée de son emploi découlant de sa mise en inactivité a eu pour conséquence de réduire d'autant ses droits à la retraite ce pourquoi, en sus de sa demande en paiement d'une somme de 30 634, 60 €, il sollicite le bénéfice, sur la base d'un différentiel mensuel d'un montant de 159,75 €, d'une somme de 67 095 € correspondant à l'addition des sommes dont il estime qu'il sera privé au titre de la retraite jusqu'à son décés vu son espérance de vie ;

Si la mise en inactivité querellée a eu pour conséquence de lui interdire de pouvoir valider de nouveaux trimestres de cotisation, il reste que le préjudice en résultant n'est pas dissociable de celui né de la rupture du contrat de travail dès lors que toute rupture d'un contrat de travail a nécessairement pour conséquence, du fait de la cessation définitive de la rémunération versée jusque là, de faire obstacle à l'acquisition de nouveaux trimestres de cotisation ce pourquoi il y a lieu de statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts prise dans sa globalité .

Eu égard aux éléments dont la Cour dispose, il sera fait droit à la demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 100 000 €, le jugement étant réformé en conséquence ;

Sur la remise tardive de l'attestation ASSEDIC :

Exposant que la SA EDF aurait dû, ainsi que cela a été au demeurant rappelé dans une note de service du 6 juillet 2004, lui remettre une telle attestation le dernier jour travaillé, M [L] demande à la Cour de constater que l'intimée, en ne lui remettant ladite attestation que 2 ans et 7 mois aprés la rupture du contrat de travail, a ce faisant méconnu les dispositions de l'article R 1234-9 du code du travail;

Il souligne que ce manquement a eu pour lui de lourdes conséquences en ce sens que n'ayant pu s'inscrire à l' ANPE, il n'a percu aucun droit dans le cadre de l'assurance chomage et demande que l'intimée soit condamnée à lui payer la somme de 79 113 € correspondant à 36 mois de salaire sur la base du salaire brut moyen de 2197 €,57 ;

La SA EDF expose que si en conformité avec les dispositions de l'article L 5424-2 du code du travail disposant que les entreprises publiques assurent elles- mêmes la charge et la gestion de l'indemnisation de leur salarié, elle a été amenée, dans le cadre d'une convention du 30 avril 1968 (convention C52), à confier la gestion de cette indemnisation à l'UNEDIC, il reste que les conditions d'ouverture du droit à l'assurance chomage restent régies par les dispositions de droit commun;

Au cas d'espèce, elle observe que le paiement au profit de son ex-salarié d'un salaire de remplacement constitué par l'allocation d'aide au retour à l'emploi à effet du 1er juillet 2004 se heurte au fait que l'interessé s'est abstenu tout à la fois de :

- solliciter son inscription comme demandeur d'emploi à compter du 1er juillet 2004, le défaut de remise de l'attestation ASSEDIC ne faisant nullement obstacle à une telle inscription ;

- procéder à une recherche effective et permanente d'emploi depuis cette date, M [L] n'ayant travaillé sur la période ayant courru du 1er juillet 2004 au 30 juin 2007 que pendant une durée de 11 jours ;

Au cas où la Cour estimerait néanmoins que son ex-salarié aurait dû bénéficier d'une indemnisation au titre du chomage, la SA EDF soutient que celui-ci n'aurait pu percevoir, au titre de la période maximale d'indemnisation (36 mois soit 1095 jours), qu'une somme limitée à 27, 26 € x 1095 jours = 29 849, 70 € ce qui exclut qu'il puisse être fait droit au plein des demandes adverses ;

Si effectivement, EDF n'a pas remis à son salarié, ainsi que rappelé dans sa note de service du 6 juillet 2004, l'attestation ASSEDIC au moment de la rupture du contrat de travail, il reste que le défaut de remise de ladite attestation ne faisait pas obstacle à ce que le salarié puisse demander son inscription comme demandeur d'emploi ;

Par ailleurs, les piéces produites aux débats permettant de vérifier que M [L] n'a travaillé, aprés avoir obtenu d'être inscrit auprés des agences d'interim ADIA d'[Localité 5] et MANPOWER de [Localité 6], que dans le cadre d'un petit nombre de missions savoir :

- du 18 juillet au 21 juillet 2006 (société SAINT ETIENNE DU BOIS) ;

- du 30 aout au 1er septembre 2006 (société SEIB) .

- du 27 aout au 4 septembre 2007 (société EASY COMPTAGE)

- ainsi que dans le cadre d'un emploi saisonnier (vendanges) à compter du 3 septembre 2007 (société DUPORT DUMAS)

il y a lieu de constater que celui-ci ne justifie pas avoir été à la recherche effective et permanente d'un emploi ;

Tirant les justes conséquences de telles constatations, le premier juge, en allouant à M [L] le bénéfice de la somme de 3000 €, a fait une juste appréciation du préjudice subi par lui découlant de la non remise de l'attestation ASSEDIC qui mérite confirmation en cause d'appel ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il sera fait droit à la demande de M [L] dans les limites du dispositif

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel recevable ;

Le dit partiellement bien fondé;

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

- alloué à M [Y] [L] la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la non remise de l'attestation ASSEDIC ;

- fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Réformant pour le reste et statuant à nouveau :

Dit nulle la mesure de mise en inactivité d'office de M [Y] [L] ;

En conséquence :

Condamne EDF à payer à M [Y] [L] la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts du fait de la nullité de la mise en inactivité ;

Ajoutant au premier jugement :

Condamne la SA EDF au paiement d'une indemnité complèmentaire de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires ;

Condamne la SA EDF aux dépens de premiere instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 10/02596
Date de la décision : 12/01/2011

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°10/02596 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-12;10.02596 ?
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