R. G : 08/ 06119
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Au fond du 03 juillet 2008
RG : 2002/ 2507 ch no10
SA PASCAL
C/
Cie d'assurances MMA GIE LYON NORD Société AXA FRANCE IARD Cie d'assurances ALLIANZ VERSICHERUNGS AG Société HEINRICH LIEBIG STAHLDUBEL WERKE GMBH
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 11 Janvier 2011
APPELANTE :
SA PASCAL représentée par ses dirigeants légaux 6, allée de Valmy BP 85 77314 MARNE LA VALLEE CEDEX 02
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Me JOURDAN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me ROY-THERMES, avocat
INTIMÉES :
Compagnie LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES représentée par ses dirigeants légaux 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon 72030 LE MANS CEDEX 09
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me MALNOY, avocat au barreau de PARIS
GIE LYON NORD, représenté par son liquidateur amiable Monsieur X... Armand... 92000 NANTERRE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Laurent REBOTIER, avocat au barreau de LYON
Société AXA FRANCE IARD anciennement dénommée AXA ASSURANCES représentée par ses dirigeants légaux 26, rue Drouot 75009 PARIS délégation 1 place Victorien 78161 MARLY LE ROI CEDEX
représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée de Me Marie-Christine MANTE-SAROLI, avocat au barreau de LYON
Compagnie d'assurances ALLIANZ VERSICHERUNGS AG venant aux droits de la compagnie MAGDEBURGER représentée par ses dirigeants légaux Königinstrasse 28 80802 MUNCHEN (ALLEMAGNE)
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me Christian A. KUPFERBERG, avocat au barreau de PARIS
Société HEINRICH LIEBIG STAHLDUBEL WERKE GMBH représentée par ses dirigeants légaux Wormserstrasse 23 64319 PFUNGSTADT (ALLEMAGNE)
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me Christian A. KUPFERBERG, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 06 Septembre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Octobre 2010
Date de mise à disposition : 14 Décembre 2010, prorogé au 11 Janvier 2011 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Agnès CHAUVE, conseiller
assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
Le GIE LYON NORD s'est vu confier par la société concessionnaire du boulevard périphérique Nord de Lyon le creusement des deux tubes du tunnel dit de Caluires.
A l'intérieur de chaque tube sont aménagées une dalle basse qui sert de voie de circulation et une dalle haute intégrant le système de ventilation.
Dans la conception de cette dalle haute, il a été décidé de retenir un procédé de type " plafond suspendu " dont la fixation nécessite l'utilisation de suspentes métalliques ancrées par verrouillage de forme dans les voussoirs en béton armé composant la structure du tube.
Le 15 mai 1995, le GIE a conclu un marché avec la SA PASCAL portant sur la fourniture de 3. 250 suspentes moyennant le prix global et forfaitaire de 1. 339. 000 euros HT, ce matériel étant fabriqué par la société HEINRICH LIEBIG GmbH, société de droit allemand.
Des incidents devaient survenir au cours de la pose des suspentes en juin et juillet 1995 et le GIE LYON NORD, après plusieurs réunions avec les représentants des sociétés PASCAL et LIEBIG, notamment une réunion au siège de cette dernière le 25 juillet 1995, a pris la décision, le 26 juillet 1995 de procéder à la sécurisation des suspentes déjà posées en les doublant par d'autres suspentes.
Aucun accord n'ayant pu intervenir entre les intervenants sur la prise en charge des surcoûts résultant de cette opération, le GIE LYON NORD et son assureur la compagnie LES MUTUELLES DU MANS ont sollicité en référé le 31 juillet 1997 l'organisation d'une expertise.
Par ordonnance du 21 octobre 1997, monsieur Y... a été désigné en qualité d'expert.
Il a déposé son rapport le 22 décembre 2000.
Par acte des 27 septembre, 1er et 25 octobre 2001, le GIE LYON NORD et son assureur ont ensuite fait assigner devant le tribunal de grande instance la société PASCAL et son assureur la compagnie AXA ASSURANCE, la société LIEBIG et son assureur la compagnie MAGDEBURGER aux fins d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice.
Par assignation du 16 juillet 2002, la société PASCAL a régularisé un appel en cause à l'encontre de la société LIEBIG et de son assureur la compagnie ALLIANZ venant aux droits de la compagnie MAGDEBURGER.
Par jugement du 3 juillet 2008, le tribunal de grande instance a :
- déclaré recevable l'action formée par le GIE LYON NORD et la compagnie LES MUTUELLES DU MANS à l'encontre de la société PASCAL et son assureue la compagnie AXA FRANCE,
- déclaré irrecevable comme étant prescrite, l'action engagée par le GIE LYON NORD et la compagnie LES MUTUELLES DU MANS à l'encontre de la société LIEBIG et son assureur la compagnie ALLIANZ,
- déclaré irrecevable comme étant prescrite, les actions en garanties formées par la société PASCAL et par son assureur la compagnie AXA FRANCE à l'encontre de la société LIEBIG et son assureur la compagnie ALLIANZ,
- condamné la société PASCAL à payer à la compagnie LES MUTUELLES DU MANS, subrogée dans les droits de son assuré GIE LYON NORD, la somme de 133. 549, 79 euros au titre du coût des travaux de remise en état,
- condamné la société PASCAL à payer au GIE LYON NORD, la somme de 57. 168, 37 euros au titre de la franchise restée à sa charge,
- condamné la société PASCAL et son assureur la compagnie AXA FRANCE in solidum à payer au GIE LYON NORD la somme de 159. 790, 31 euros au titre de son préjudice immatériel,
- condamné la compagnie AXA FRANCE à garantir son assurée de cette dernière condamnation,
- dit toutefois que la compagnie AXA FRANCE était bien fondée à opposer les franchises prévues au contrat,
- dit que les sommes ci-dessus seront productives d'intérêts au taux légal à compter de ce jour,
- condamné le GIE LYON NORD à payer à la société PASCAL la somme de 6. 085, 19 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 4 août 1997 et dit qu'en application de l'article 1154 du code civil les intérêts dus pour une année entière se capitaliseront,
- condamné la société PASCAL et la compagnie AXA FRANCE in solidum à payer au GIE LYON NORD et à la compagnie LES MUTUELLES DU MANS conjointement la somme de 6. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société PASCAL et la compagnie AXA FRANCE in solidum à payer à la société LIEBIG et à la compagnie ALLIANZ conjointement la somme de 4. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société PASCAL et la compagnie AXA FRANCE in solidum aux dépens de l'instance et à rembourser à la compagnie LES MUTUELLES DU MANS le coût des frais de l'expertise judiciaire.
La société PASCAL a interjeté appel de cette décision le 13 août 2008.
La société PASCAL demande à la cour :
- de déclarer le GIE LYON NORD et LES MUTUELLES DU MANS irrecevable en leurs demandes formées en son encontre,
Subsidiairement :
- de réduire à de plus justes proportions les demandes du GIE LYON NORD et des MUTUELLES DU MANS,
- de dire que ses obligations ne sauraient excéder le paiement de sommes HT.
En tout état de cause :
- de condamner solidairement la société LIEBIG et son assureur la compagnie ALLIANZ à la garantir pour toutes les condamnations en principal, intérêts et frais de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la compagnie AXA FRANCE IARD à la garantir pour toutes les condamnations en principal, intérêts et frais de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- de condamner le GIE LYON NORD ou à défaut la société LIEBIG et son assureur la compagnie ALLIANZ à lui payer les sommes suivantes :
* 4. 131, 56 euros TTC au titre du solde de la facture no95503749, * 1. 953, 63 euros TTC au titre de la facture no95502250, * 24. 495, 51 euros en conséquence de la résiliation, * intérêts de droit du 4 août 1997,
- de faire application de l'article 1154 du code civil,
- de condamner le GIE LYON NORD et LES MUTUELLES DU MANS ou à défaut ses garants à lui payer la somme de 20. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel et ce compris ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé.
La société PASCAL fait valoir à titre principal :
- que l'action engagée contre elle par le GIE LYON NORD et son assureur est à l'évidence fondée sur la garantie des vices cachés due par le vendeur en application de l'article 1641 du code civil puisqu'il est fait état de défectuosités des suspentes,
- que ces défectuosités ont été découvertes dans les deux mois de la livraison des suspentes, intervenue le 2 mai 1995 et que l'assignation en référé a été délivrée plus de deux années après les premiers incidents signalés,
- que l'action en garantie faute d'avoir été exercée dans le bref délai de l'article 1648 du même code est irrecevable,
- qu'au surplus, contrairement à l'avis du tribunal de grande instance, elle n'était pas liée au GIE LYON NORD par un contrat d'entreprise puisqu'elle ne devait contractuellement que la fourniture des produits répertoriés dans le catalogue de la société LIEBIG, à l'exception de toute assistance technique et que d'ailleurs la société LIEBIG a toujours été l'interlocuteur technique direct du GIE LYON NORD.
Subsidiairement, elle conclut au mal fondé des demandes en expliquant :
- que la preuve n'est pas rapportée de la défectuosité des suspentes litigieuses dès lors que celles-ci n'ont pas été conservées par le GIE LYON NORD et que l'expert judiciaire n'a pu les examiner,
- que par ailleurs, le GIE LYON NORD est seul responsable du sinistre allégué car les difficultés rencontrées au cours du chantier, en dehors des incidents ponctuels directement imputables aux chevilles LIEBIG, sont liées aux modifications qu'il a apportées à son insu et à l'insu de la société LIEBIG à la méthode de mise en oeuvre des suspentes, conjointement arrêtée au cours d'une réunion commune organisée en Allemagne, en appliquant un film cireux sur les suspentes,
- qu'enfin, le préjudice invoqué par le GIE LYON NORD est contestable dès lors qu'il n'est pas justifié de la nécessité de doubler les suspentes et que les pertes de rendement alléguées sont imputables essentiellement au fonctionnement général du chantier qui a été freiné par les aléas.
Sur ses recours en garanties, elle fait valoir :
- qu'elle était liée à la société LIEBIG par un contrat de distribution exclusive afin de lui permettre d'assurer la diffusion de ses produits sur le territoire français, de sorte que cette convention n'a pu être soumise par les parties qu'à la loi française,
- que ce contrat de distribution exclusive ne peut être qualifié de contrat de vente stricto sensu ce qui l'exclut du champ d'application de la convention de LA HAYE du 15 juin 1995,
- que par ailleurs, la commande qu'elle a passée avec la société LIEBIG s'inscrit dans le contrat de marché de fournitures qu'elle a régularisé avec le GIE LYON NORD de sorte qu'en application de l'article 2 de la convention de LA HAYE le litige n'en demeurerait pas moins soumis à la loi française expressément désignée par les parties au marché de fournitures,
- qu'en outre, la société LIEBIG par son attitude n'a jamais revendiqué l'application de la loi allemande et manifesté au contraire son acceptation implicite de voir ses rapports contractuels placés sous le régime de la loi française,
- que subsidiairement, l'article 477 du BGB (code civil allemand) invoqué par la société LIEBIG au regard de la prescription de l'action, n'est pas applicable au sinistre en cause, sinistre ne résultant ni d'un défaut de qualité, ni d'un défaut de conformité des marchandises vendues mais des modalités de mise en oeuvre des suspentes,
- qu'en tout état de cause, la société LIEBIG a reconnu expressément sa responsabilité le 26 juillet 1995 ce qui l'empêche de se prévaloir d'une prescription et qu'elle-même ne saurait se voir opposer un délai de prescription avant d'avoir été assignée en justice par le GIE LYON NORD,
- que son action à l'encontre de la société LIEBIG est recevable,
- que sur le fond, elle n'est pas responsable du sinistre et qu'en cas de condamnation elle est en droit de solliciter la garantie de la société LIEBIG et de la société AXA FRANCE IARD, son assureur en précisant que ce dernier lui avait indiqué que sa garantie était acquise sans exclusion pour le sinistre en cause et que le coût de la mesure de doublement des suspentes validé par l'expert constitue un dommage immatériel consécutif au dommage matériel qui ne peut être plafonné,
- qu'enfin, le GIE LYON NORD a cru devoir résilier leur convention à la moitié du chantier et qu'il en est résulté pour elle un préjudice complémentaire.
La société AXA FRANCE IARD demande à la cour :
- de juger irrecevables les demandes du GIE LYON NORD et des MUTUELLES DU MANS à l'encontre de la société PASCAL et subséquemment à son encontre,
Subsidiairement :
- d'écarter le rapport de monsieur Y...,
- de dire que le GIE LYON NORD est seul à l'origine du préjudice qu'il allègue,
- de le débouter ainsi que son assureur de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société PASCAL et à son encontre,
Plus subsidiairement :
- de dire que le GIE LYON NORD et la compagnie LES MUTUELLES DU MANS devront garder à leur charge 80 % minimum des préjudices dont ils sollicitent réparation,
- de constater que les conséquences pécuniaires éventuelles du doublement des suspentes, en l'absence de dommages matériels directs relèvent de la garantie des dommages immatériels non consécutifs dont le montant s'élève après indexation à 226. 031, 89 euros sous déduction de la franchise de 10 %,
- de rejeter toute autre demande de la société PASCAL ou des autres parties à son encontre,
- de condamner in solidum la société LIEBIG et la compagnie ALLIANZ à la relever et garantir de toute condamnation pécuniaire qui pourrait être prononcée à son encontre,
- de condamner in solidum le GIE LYON NORD et la compagnie MMA ou subsidiairement les sociétés LIEBIG et la compagnie ALLIANZ à lui payer la somme de 15. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.
La société AXA formule des observations similaires à celle de la société PASCAL sur l'irrecevabilité des demandes du GIE LYON NORD et de son assureur en application de l'article 1648 du code civil.
Elle ajoute que si le contrat de fournitures devait être requalifié en contrat d'entreprise, la demande des MUTUELLES DU MANS ne saurait pour autant être accueillie car en application de la police d'assurance souscrite par le GIE LYON NORD, la société PASCAL devrait être considérée comme son assuré en sa qualité de fournisseur intervenu sur le chantier et bénéficier au même titre que son propre assureur de la clause d'abandon de recours figurant au paragraphe VI. 4 de ladite police d'assurance.
Sur le fond et à l'instar de la société PASCAL, elle soutient :
- que la matérialité des dommages affectant les sept suspentes arguées de désordres par le GIE LYON NORD après leurs mises en place dans le tunnel n'a pu être constatée par l'expert judiciaire,
- que ces désordres sont de la seule responsabilité du GIE LYON NORD qui a modifié de manière unilatérale la méthodologie de mise en oeuvre des protections (trempage dans la cire tectyl) sur les suspentes par rapport aux discussions, engagements pris précédemment avec le constructeur et son revendeur, sans avertir ces derniers,
- que cette modification, en effet, a eu pour conséquence de modifier le coefficient de frottement de l'acier à sec et donc le couple de serrage initialement et exactement défini par la société LIEBIG,
- que la société PASCAL ne peut qu'être mise hors de cause,
- que par ailleurs l'évaluation par l'expert du préjudice subi par le GIE LYON NORD est critiquable en regard notamment de la perte d ‘ exploitation.
Concernant sa garantie, elle fait valoir :
- que le coût des chevilles supplémentaires ainsi que le coût de leurs mises en place font l'objet d'une exclusion classique des contrats responsabilité civile (article 5. 13 des conditions générales du contrat), peut important que le remplacement des suspentes ait été effectué par l'assuré ou par un tiers consécutivement à une faute de l'assuré,
- que seules peuvent mobiliser sa garantie des conséquences pécuniaires du doublement des suspentes relevant du dommage immatériel causé à la suite de dommages matériels non garantis ou en l'absence de dommages matériels avec un plafond de 226. 031, 88 euros et une franchise de 10 %.
Le GIE LYON NORD demande de son côté à la cour :
- de réformer partiellement le jugement entrepris,
- de condamner in solidum la société PASCAL, la compagnie AXA et la société LIEBIG à lui payer :
* 475. 589, 58 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 1997 en réparation de son préjudice, * la somme de 20. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les mêmes aux dépens y compris les frais de l'expertise.
Le GIE LYON NORD conclut à la recevabilité de ses prétentions et de celles de son assureur en indiquant :
- que la convention qui le liait à la société PASCAL doit s'analyser en un contrat d'entreprise entraînant l'application de la garantie décennale,
- que le procédé technique de plafond suspendu, nécessitant l'utilisation de suspentes scellées dans la dalle et ancrées dans la structure du tube n'aurait pas été possible sans le concours de la société PASCAL, spécialiste en France de la maîtrise de ce type de matériels fabriqués par la société LIEBIG,
- que c'est une compétence et une maîtrise technique particulière qu'il a recherchées auprès de la société PASCAL, que d'ailleurs, les suspentes mises en oeuvre constituent des produits spécifiques fabriqués pour les besoins du contrat et que les modalités d'application ont été assumées par la société PASCAL qui a préconisé le couple de serrage,
- que subsidiairement, à défaut de contrat d'entreprise démontré, elle entend rechercher la garantie de la société PASCAL pour manquement du vendeur à son obligation de conseil et nullement en raison de vice ou non-conformité des suspentes en cause, l'expert judiciaire d'ailleurs n'ayant jamais utilisé le terme de vice caché,
- que cette garantie n'est pas enfermée dans une prescription particulière,
- que s'agissant de la société LIEBIG, celle-ci est le sous-traitant de la société PASCAL, sans lien de droit avec le donneur d'ordre de cette société de sorte que ses relations avec la société LIEBIG ont nécessairement un caractère délictuel et sont soumises à l'application de la loi française puisque le fait dommageable est survenu sur le territoire national,
- qu'à titre plus subsidiaire, il doit être fait application de la convention de ROME laquelle privilégie en matière contractuelle l'autonomie des volontés et qu'il existe en l'espèce une convention implicite entre toutes les parties pour exécuter en France le contrat principal passé avec un groupement de droit français, ce qui implique l'application du droit français pour l'ensemble des contrats,
- que plus subsidiairement encore, le délai de prescription de la garantie légale pour les contrats de vente internationaux soumis à la convention de VIENNE et à titre subsidiaire au droit allemand est de trois ans à compter de la découverte du défaut,
- que par ailleurs, la négociation entre les parties a pour effet de suspendre la prescription,
- qu'enfin, la prescription applicable à l'espèce ne saurait être la courte prescription de six mois de l'article 477 du BGB car le manquement reproché à la société LIEBIG concerne essentiellement son obligation de conseil qui est d'une importance fondamentale et non l'accessoire de l'obligation principale de livraison au sens de la jurisprudence allemande.
Sur le fond, le GIE LYON NORD soutient :
- que le procédé de réusinage du filetage des écrous mis en oeuvre par la société LIEBIG à la suite du traitement anti-corrosion des suspentes n'a pas été conforme aux règles de l'art ce qui a entraîné la rupture de plusieurs suspentes,
- que la société PASCAL de son côté a préconisé un couple de serrage excessif alors qu'elle était parfaitement informée du cirage complémentaire mise en oeuvre sur les recommandations du centre d'étude des tunnels (CETU),
- que même à supposer qu'elle n'avait pas eu cette information, le couple de serrage était en toute hypothèse excessive,
- que l'expert judiciaire dans son rapport retient la responsabilité des deux entreprises qui doivent supporter les conséquences de l'entier dommage.
Sur la garantie de la compagnie AXA, il fait valoir que selon les conditions générales de la police souscrite par la société PASCAL, l'assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés au tiers et qu'en aucun cas, l'article 5. 13 n'exclut les travaux que doit réaliser la victime en réparation du préjudice causé par l'assuré, sauf à vider la garantie de sa substance.
La société LES MUTUELLES DU MANS demande à la cour :
- de confirmer le jugement intervenu, sauf sur le montant de ses réclamations,
- statuant à nouveau, de condamner la société PASCAL à lui payer la somme de 175. 860, 16 euros au titre de l'indemnité versée à son assuré le GIE LYON NORD, ainsi que la somme de 2. 206, 64 euros au titre des essais réalisés lors de l'expertise,
- de condamner tous succombants aux dépens et au paiement de la somme de 20. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société LES MUTUELLES DU MANS conteste les prétentions de la société AXA selon laquelle la société PASCAL bénéficierait de la police souscrite par le GIE LYON NORD et de la renonciation à recours en indiquant que la société PASCAL n'est intervenue sur le chantier qu'après sinistre et non pas comme un intervenant originel dans l'acception de la police MMA et qu'au surplus la prestation de la société PASCAL n'était pas incluse dans l'assiette de la prime.
Elle déclare s'associer à l'argumentation technique développée par son assuré quant aux difficultés rencontrées.
La société HEINRICH LIEBIG GmbH et son assureur la compagnie ALLIANZ VERSICHERUNGS AG demandent de leur côté à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société PASCAL irrecevable en sa demande dirigée à leur encontre,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré également la compagnie AXA irrecevable en sa demande en garantie dirigée à leur encontre,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le GIE LYON NORD irrecevable en sa demande dirigée à leur encontre,
- de condamner solidairement la société PASCAL, la compagnie AXA, le GIE LYON NORD et la compagnie LES MUTUELLES DU MANS à leur payer la somme de 45. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
La société LIEBIG et la compagnie ALLIANZ font valoir :
- que si la société PASCAL et la société LIEBIG étaient liées par un contrat de distribution verbal conclut au début des années 50, les livraisons successives effectuées par la société LIEBIG sont autant de contrats de vente distincts exécutés dans le cadre du contrat de distribution,
- que la commande par la société PASCAL de 3. 250 suspentes à la société LIEBIG s'analyse en un contrat de vente international de marchandises distinct du marché de fournitures conclut entre la société PASCAL et le GIE LYON NORD et relevant du droit allemand en application de l'article 3 alinéa 1er de la convention de LA HAYE car les parties à ce contrat de vente international de marchandises n'ont pas expressément désigné la loi applicable à leurs rapports,
- que l'article 477 du BGB dans sa rédaction applicable en l'espèce prévoit pour l'action en résolution ou en dommages et intérêts pour défaut d'une qualité garantie une prescription de six mois pour les biens meubles à compter de leur livraison,
- qu'ensuite de la ratification de la convention de VIENNE pour les contrats de vente international de marchandises, le législateur allemand a étendu le délai de prescription de six mois aux actions résultant d'un défaut de conformité des marchandises en précisant que ce délai commençait à courir à partir du jour où l'acquéreur a dénoncé le défaut de conformité,
- qu'en l'espèce, la dénonciation du vice par la société PASCAL à la société LIEBIG étant intervenue le 29 août 1995, l'action de la société PASCAL se trouve donc prescrite depuis le 29 février 1996,
- que la société PASCAL ne saurait valablement prétendre que le défaut affectant les suspentes n'entre pas dans le champ d'application de la loi allemande précitée, s'agissant d'un couple de serrage inadapté préconisé par la société LIEBIG alors que l'obligation de délivrance incombant à tous fabricants ou vendeurs professionnels comprend l'obligation de renseignements sur les conditions d'emploi du produit pour un usage conforme à la destination convenue,
- que par ailleurs l'action directe exercée par le GIE LYON NORD à l'encontre de la société LIEBIG est nécessairement de nature contractuelle,
- que le rapport de sous-traitance invoqué par le GIE LYON NORD est inexistant puisque ni le marché de fournitures passé entre le GIE LYON NORD et la société PASCAL, ni le contrat de vente conclut entre la société LIEBIG et la société PASCAL ne sont des contrats de louage d'ouvrage, mais en réalité des contrats de vente,
- que la loi applicable à l'action directe exercée par le GIE LYON NORD à l'encontre de la société LIEBIG et qui est de nature contractuelle est la loi allemande,
- que cette action est prescrite en application des articles 477 du BGB et 3 de la loi allemande du 5 juillet 1989.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur la recevabilité
1/ Sur la recevabilité de l'action du GIE LYON NORD à l'encontre de la société PASCAL
Attendu que le GIE LYON NORD a conclut avec la société PASCAL un contrat intitulé " marché de fournitures des suspentes ", en date du 17 mai 1995, indiquant au préalable que le GIE LYON NORD désire que l'équipement nécessaire au boulevard périphérique Nord de Lyon qu'il doit approvisionner pour la réalisation du marché principal soit réalisé par le fournisseur et que le fournisseur, spécialiste de la conception et de la fabrication de ce genre de fournitures, est disposé à les fournir suivant les prescriptions du contrat ;
Que l'article 2 des conditions générales du marché stipule que le fournisseur s'engage :
- à assurer toutes les prestations de conception, d'approvisionnement, de fabrication, de transport, de montage, de mise en service et d'après vente,
- à assister l'acheteur pendant la mise en service ou la mise en oeuvre de la fourniture et assurer la formation du personnel de conduite et d'entretient éventuel ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la solution technique retenue pour la fixation de la dalle haute du tunnel aux moyens de suspentes est le résultat de longues négociations et que la société PASCAL a été choisie en raison de sa compétence spécifique et de son savoir-faire dans ce domaine technique particulier ;
Que la société PASCAL s'était vue confier une mission de conception ainsi qu'il ressort du contrat avec une obligation de conseil dans le choix et la spécification des pièces fournies, laquelle n'est pas formellement contredite par les articles 6 et 7 des clauses des conditions particulières du marché où les prestations de " mise en service " et " assistance technique " sont déclarées sans objet ;
Que cette mission est confirmée dans les faits car il ressort de la correspondance versée aux débats que la société PASCAL, avant le démarrage des travaux, a formulé deux propositions techniques de fixation de la dalle (procédé delta), adressé au GIE LYON NORD un devis CETIM et préconisé le couple de serrage, que le choix du produit (suspente type ultra plus du catalogue LIEBIG) et sa mise en oeuvre ont été définis par elle en concertation avec le GIE LYON NORD, que le marché de fournitures dans sa version définitive a été régularisé ensuite de remarques formulées par la société PASCAL et qu'après les premières difficultés de mise en oeuvre des suspentes, cette société est intervenue à nouveau afin de proposer des solutions pour y remédier ;
Attendu que dans ces conditions, la convention liant le GIE LYON NORD et la société PASCAL a pour objet la livraison de produits spécifiquement conçus et adaptés par cette société pour l'usage particulier demandé par le maître de l'ouvrage et s'analyse juridiquement en un contrat d'entreprise comme l'a justement constaté le tribunal de grande instance ;
Attendu en conséquence que le moyen d'irrecevabilité tiré de l'expiration du bref délai de l'article 1648 du code civil ne peut prospérer en l'espèce et que l'action du GIE LYON NORD à l'encontre de la société PASCAL est recevable ;
2/ Sur la recevabilité de l'action directe du GIE LYON NORD et de son assureur à l'encontre de la société LIEBIG et de son assureur
Attendu que le GIE LYON NORD soutient que la société PASCAL a sous-traité la quasi-totalité de sa mission à la société LIEBIG ;
Qu'en réalité, la société LIEBIG a fourni à la société PASCAL des suspentes qui figuraient à son catalogue en fonction de la commande et qu'il ne résulte pas de la correspondance échangée entre ces deux sociétés que la société LIEBIG ait donné des indications techniques pouvant excéder ce qui relève normalement de l'obligation de conseil du vendeur ;
Qu'il n'est pas non plus démontré que la société LIEBIG soit intervenue sur le chantier avant la survenance des premiers incidents, notamment pour préconiser le mode de mise en oeuvre des suspentes par rapport aux caractéristiques de l'ouvrage auxquelles elles étaient destinées et que son intervention sur le site à la demande des autres intervenants à partir de juillet 1995 s'inscrit également dans le cadre de son obligation de conseil ;
Qu'en conséquence, le contrat de fourniture de suspentes entre la société PASCAL et la société LIEBIG constitue juridiquement un contrat de vente et non un contrat de louage d'ouvrage et que l'action directe du maître de l'ouvrage contre le fabricant est nécessairement de nature contractuelle ;
Attendu que l'article 3 de la convention de LA HAYE du 15 juin 1955, applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels prévoit que la vente est régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence au moment où il reçoit la commande ;
Qu'en l'espèce, aucun élément ne révèle que les parties ont désigné par une clause expresse le pays dont elles entendaient voir appliquer la loi interne et que le choix de ce pays ne résulte pas non plus des dispositions du contrat liant la société PASCAL à la société LIEBIG ;
Que la volonté des parties de se soumettre à la loi française ne peut d'avantage être déduite de la circonstance que la convention initiale ensuite de laquelle la commande a été passée relève elle-même de l'application de la législation française car le marché signé entre la société PASCAL et le GIE LYON NORD n'est pas opposable à la société LIEBIG qui n'en est pas signataire ;
Que le GIE LYON NORD ne peut donc valablement invoquer les dispositions de l'article 3 de la convention de ROME et que le contrat de vente en cause est soumis à la loi allemande conformément à la convention de LA HAYE précitée du 15 juin 1955 ;
Attendu que l'article 477 du code civil allemand édicte un délai de prescription de 6 mois à compter de la livraison du bien pour les actions en résolution ou réduction du prix ainsi qu'en dommages et intérêts pour défaut d'une qualité garantie ;
Que la loi du 5 juillet 1989 ayant transposé en droit interne les dispositions de la convention de VIENNE du 11 avril 1980, a prévu que cette courte prescription était applicable aux actions résultant d'un défaut de conformité des marchandises et que le délai commençait à courir à partir du jour où l'acheteur avait dénoncé le défaut de conformité au vendeur ; que la cour suprême allemande étend par ailleurs cette courte prescription à l'action fondée sur la mauvaise exécution par le vendeur de son obligation de conseil portant sur les conditions d'emploi de la chose vendue et que tel est le cas du présent litige dans lequel le GIE LYON NORD et la société PASCAL reprochent notamment à la société LIEBIG de n'avoir pas préconisé un couple de serrage adapté ;
Que contrairement aux affirmations du GIE LYON NORD l'obligation de conseil de la société LIEBIG constitue bien une obligation accessoire à l'obligation principale de livraison contractée à l'égard de la société PASCAL ;
Que l'action du GIE LYON NORD relève en conséquence de la courte prescription édictée par l'article 477 du code civil allemand et non pas de la prescription de droit commun figurant dans le même code ;
Attendu que les premiers juges ont fixé à bon droit en l'espèce le point de départ de la prescription au plus tard au 29 août 1995, date du courrier par lequel la société PASCAL a informé la société LIEBIG de la décision prise de doubler les suspentes et du coût généré par cette opération ;
Que l'assignation en référé expertise, intervenue en 1997 est manifestement tardive de sorte que l'action directe du GIE LYON NORD et de son assureur à l'encontre non seulement de la société LIEBIG mais également à l'encontre de la compagnie ALLIANZ doit être jugée irrecevable ;
3/ Sur la recevabilité de l'action en garantie engagée par la société PASCAL et la compagnie AXA FRANCE à l'encontre de la société LIEBIG et de son assureur
Attendu que le contrat de vente de suspentes conclut entre la société PASCAL et la société LIEBIG en 1995 est distinct du contrat de distribution exclusive liant les deux sociétés et qui n'est pas en cause dans le présent litige ;
Que l'action en garantie de la société PASCAL est soumise aux mêmes règles et à la même prescription que l'action directe du maître de l'ouvrage ;
Qu'il n'est pas justifié d'éléments ayant suspendu ou interrompu le délai de prescription qui s'est écoulé depuis le 29 août 1995, l'affirmation que la société LIEBIG aurait reconnu expressément sa responsabilité étant contredite par plusieurs courriers de cette société et le droit d'agir de la société PASCAL n'étant pas subordonné à l'action intentée contre elle par le GIE LYON NORD au vu des dispositions impératives de la loi allemande ;
Attendu que l'action en garantie formée par la société PASCAL et par son assureur sera déclarée également irrecevable ;
II. Sur les responsabilités
Attendu que l'expert Y... après avoir constaté le remplacement ou le doublement par le GIE LYON NORD des 222 premières suspentes posées entre juin et juillet 1995, examiné un certain nombre de suspentes au siège de la société PASCAL ainsi que des pièces défectueuses retournées pour être remplacées par des suspentes neuves et fait procéder par le laboratoire INSAVALOR de l'INSA de Lyon, conclut aux terme de son rapport que les désordres allégués par le GIE LYON NORD sont réels et proviennent :
- d'un usinage défectueux par la société LIEBIG d'un écrou de tête, d'écrous à six pans de nuance inférieure à la commande et de rondelles d'appui de surface inadaptée,
- de l'application d'un couple de serrage trop élevé à la mise en ouvre conseillée par les sociétés PASCAL et LIEBIG et maintenu pendant deux mois malgré les incidents de chantier ;
Qu'il convient au demeurant de constater que si les premières suspentes arguées de désordres par le GIE LYON NORD après leur mise en place dans le tunnel n'ont pas été conservées par le maître de l'ouvrage, l'examen de l'expert judiciaire a porté sur des tiges d'ancrage retournées par le GIE LYON NORD à la société PASCAL avant leur mise en oeuvre en raison de leur caractère défectueux et que l'expert en se référant à l'analyse du couple de serrage préconisé par le fournisseur justifie la décision prise par le GIE LYON NORD de procéder au doublement des suspentes pour assurer la sécurité des lieux ;
Attendu qu'il ne peut être soutenu dans ces conditions que la matérialité des dommages n'est pas démontrée ;
Attendu qu'il ressort des explications des parties et du rapport de monsieur Y... que le GIE LYON NORD a apporté en cours de chantier une modification à la méthode de mise en oeuvre des chevilles arrêtée initialement, en décidant dans le souci d'optimisation de la protection anti-corrosion de plonger les chevilles dans de la cire avant leurs mise en place et ce afin de ne laisser aucune partie de celles-ci en contact avec l'air ;
Que cette méthode dont l'efficacité n'est pas remise en cause par l'expert judiciaire a eu toutefois pour conséquence de modifier le coefficient de frottement de l'acier à sec et donc le couple de serrage initialement défini ;
Que le GIE LYON NORD affirme que ce procédé a reçu l'agrément de la société PASCAL avant même la signature du marché ce qui est formellement contesté par cette dernière et n'apporte pas d'éléments objectifs à l'appui de ces affirmations ;
Attendu qu'en procédant à cette modification unilatérale à la mise en oeuvre des suspentes, sans justifier qu'il en avait informé la société PASCAL, le GIE LYON NORD a manifestement concouru à la réalisation de son propre dommage ;
Attendu que cette circonstance ne saurait pour autant exonérer la société PASCAL de toute responsabilité car cette dernière, ainsi que le relève l'expert judiciaire, dont le représentant s'est rendu sur place à de nombreuses reprises était à même de constater les modifications opérées quant à la protection des chevilles et aurait du, en tout état de cause lorsque les premiers incidents sont survenus, vérifier sur place le bien fondé du couple de serrage avec les protections ;
Qu'en s'abstenant de toute intervention, la société PASCAL a méconnu son obligation de conseil et que l'inadéquation du couple de serrage constaté in fine lui est bien imputable ;
Attendu que dans ces conditions, la cour, à l'instar des premiers juges estime devoir opérer un partage de responsabilité en laissant à la charge du GIE LYON NORD et de son assureur 25 % des conséquences dommageables du sinistre ;
III. Sur les demandes indemnitaires
1/ Sur la demande de la compagnie LES MUTUELLES DU MANS
Attendu que monsieur Y... évalue à la somme de 1. 653. 567 francs le coût du doublement des suspentes (coût du matériel et travaux de mise en place) qui constitue l'objet principal de la réclamation du GIE LYON NORD et de son assureur ; que la compagnie LES MUTUELLES DU MANS justifie par une quittance subrogative avoir réglé à son assuré la somme de 1. 153. 587 francs, soit 175. 860, 15 euros, le coût de la franchise de 500. 000 francs, soit 78. 224, 50 euros étant restée à la charge du GIE LYON NORD ;
Que le montant de la créance de l'assureur s'élève donc à la somme de 175. 860, 15 euros, auquel s'ajoute celle de 2. 206, 24 euros au titre du coût des essais INSAVALOR réglé par elle en cours d'expertise, soit au total 178. 066, 39 euros ;
Qu'après application du partage de responsabilité, la compagnie LES MUTUELLES DU MANS subrogée dans les droits de son assuré est en droit de solliciter la condamnation de la société PASCAL à lui payer la somme de 133. 549, 79 euros augmentée des intérêts légaux ;
2/ Sur les demandes du GIE LYON NORD
Attendu que le GIE LYON NORD est en droit de prétendre au paiement de la franchise restée à sa charge après application du même partage de responsabilité, soit la somme de 57. 168, 37 euros ;
Attendu que l'expert judiciaire a procédé à une évaluation du préjudice complémentaire du GIE LYON NORD sur la base du rapport d'un cabinet comptable RICOL qui fait état d'une part d'une perte de rendement constatée sur le troisième trimestre 1995 correspondant au coût des moyens nécessaires pour la réalisation des dalles hautes et basses au cours du premier trimestre 1995 en raison du retard engendré par le sinistre et d'autre part des surcoûts correspondants à la modification des procédures de pose des dalles c'est-à-dire les salaires des intervenants techniciens qui ont du superviser le dossier du sinistre jusqu'à la fin des travaux ;
Que l'expert a retenu la somme total de 2. 608. 414 francs HT, somme contestée par les parties ;
Attendu que les premiers juges, en réponse aux critiques formulées par les parties et par des motifs que la cour adopte, ont justement fixé les préjudices immatériels du GIE LYON NORD à la somme de 100. 000 euros pour le premier poste de préjudice et à celle de 113. 053, 75 euros pour le second, et mis à la charge de la société PASCAL après partage de responsabilité, la somme de 159. 790, 31 euros ;
IV. Sur la garantie de la compagnie AXA FRANCE
Attendu que la clause d'abandon de recours figurant au contrat d'assurance souscrit par le GIE LYON NORD auprès de son assureur et dont se prévaut la compagnie AXA pour s'opposer à la demande de la compagnie LES MUTUELLES DU MANS est ainsi libellée :
" L'assureur déclare renoncer à tous recours contre tous participants aux travaux sur le site ainsi que contre leurs assureurs respectifs pour autant que le montant de leurs travaux et/ ou prestations soit incorporé à la somme assurée. L'assureur conserve tous recours à l'encontre des fournisseurs n'intervenant pas sur le site ainsi que contre leurs assureurs respectifs ". ;
Que cette clause qui doit être interprétée strictement n'est opposable qu'à l'assureur de ceux qui ont effectivement participé aux travaux sur le site, ce qui n'est pas le cas en l'espèce de la société PASCAL ;
Que le moyen d'irrecevabilité soulevé par la compagnie AXA ne peut donc prospérer ;
Attendu que la compagnie AXA fait valoir par ailleurs dans le cadre du contrat responsabilité civile souscrit auprès d'elle par la société PASCAL une exclusion de garantie au titre du coût de remplacement des suspentes ; que l'article 5. 13 de ce contrat d'assurance prévoit en effet que sont exclus de la garantie :
" Le remboursement ou la diminution du prix, le coût du contrôle, de la réparation, de la réfection, de la modification, de l'amélioration, du remplacement des produits défectueux fabriqués ou livrés par l'assuré ou pour son compte et des travaux défectueux effectués par lui ou pour son compte ". ;
Qu'il n'est pas sérieusement contestable que le doublage des suspentes s'inscrit dans ces travaux non garantis ;
Que la correspondance produite par la société PASCAL ne permet pas d'affirmer que la compagnie AXA se serait engagée à ne pas faire application de l'exclusion de garantie précitée ;
Attendu que la compagnie AXA ne conteste pas devoir sa garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs et qu'il sera constaté que le montant de cette garantie est inférieur au plafond invoqué ; qu'il sera également relevé comme les premiers juges que l'assureur est fondé à opposer à son assuré les franchises prévues au contrat, s'agissant de dommages qui ne relèvent pas du régime de l'assurance obligatoire ;
V. Sur les demandes reconventionnelles de la société PASCAL
Attendu que la société PASCAL est en droit de réclamer la garantie de la compagnie AXA à concurrence de la somme de 159. 790, 31 euros mise à sa charge en réparation du préjudice immatériel subi par le GIE LYON NORD ;
Attendu que la société PASCAL sollicite par ailleurs la condamnation du GIE LYON NORD à lui payer les sommes de 4. 131, 56 euros TTC et 1. 953, 63 euros au titre de factures impayées, ainsi que la somme de 24. 495, 51 euros en conséquence de la résiliation du contrat ;
Attendu que si la société PASCAL qui a manqué à son obligation de conseil ne peut s'en prendre qu'à elle-même si le contrat avec le GIE LYON NORD a été résilié, elle est en droit, en revanche, de réclamer le paiement de ses factures, le GIE LYON NORD ne pouvant à la fois solliciter la réparation de son préjudice et en même temps invoquer une exception d'inexécution ;
VI. Sur les dépens et les frais irrepétibles
Attendu que les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrepétibles de première instance seront confirmés par la cour ;
Que les dépens d'appel seront mis à la charge de la société PASCAL et de son assureur ; que celles-ci devront également régler en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 6. 000 euros au GIE LYON NORD et à la compagnie LES MUTUELLES DU MANS et la somme de 4. 000 euros à la société LIEBIG et à la compagnie ALLIANZ ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne in solidum la société PASCAL et la compagnie AXA FRANCE IARD à payer :
- au GIE LYON NORD et la compagnie LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCE, globalement, la somme de 6. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- à la société HEINRICH LIEBIG GmbH et à la compagnie ALLIANZ VERSICHERUNGS AG, globalement, la somme de 4. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société PASCAL et la compagnie AXA FRANCE IARD aux dépens d'appel et autorise les avoués de leurs adversaires à recouvrer ceux des dépens dont ils auront fait l'avance sans avoir reçu de provision.