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09/12/2010 | FRANCE | N°09/02322

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 09 décembre 2010, 09/02322


R.G : 09/02322
Décision du tribunal de commerce de LyonAu fond du 18 mars 2009
RG : 2007J2830

COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 09 Décembre 2010
APPELANTES :
Société PRIVE - SA -98, avenue du Général Patton51000 CHALON-EN-CHAMPAGNE
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SCP BILLY, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

Société EMILE MAURIN - SAS -60 rue du Bourbonnais69264 LYON CEDEX 09
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de la SCP DEYGAS-PERRACHON

-BES et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, substituée par Maître Charles CROZE, avocat au barreau de Lyon...

R.G : 09/02322
Décision du tribunal de commerce de LyonAu fond du 18 mars 2009
RG : 2007J2830

COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 09 Décembre 2010
APPELANTES :
Société PRIVE - SA -98, avenue du Général Patton51000 CHALON-EN-CHAMPAGNE
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SCP BILLY, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

Société EMILE MAURIN - SAS -60 rue du Bourbonnais69264 LYON CEDEX 09
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de la SCP DEYGAS-PERRACHON-BES et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, substituée par Maître Charles CROZE, avocat au barreau de Lyon
INTIMEES :
Société EMILE MAURIN - SAS -60 rue du Bourbonnais69264 LYON CEDEX 09
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de la SCP DEYGAS-PERRACHON-BES et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, substituée par Maître Charles CROZE, avocat au barreau de Lyon

Société NORM CIVATA SANAYI AS (NORM FASTENERS CO)10007 SOKAK no 1/1 A.O.S.B. CIGLIIZMIR - TURQUIE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SCP CABINET HOLMAN FENWICK et WILLAN LLP, avocats au barreau de PARIS
Société AXA TURKEY anciennement AXA OYAKBOGAZICI KURUMLAR - V.V. 6490039946ISTAMBUL - TURQUIE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SCP CABINET HOLMAN FENWICK et WILLAN LLP, avocats au barreau de PARIS

Société COVEA RISKS - SA -19 allée de l'Europe92110 CLICHY
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SCPA BALON ET RIVERA, avocats au barreau de PARIS
* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Septembre 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Novembre 2010
Date de mise à disposition : 09 Décembre 2010
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Bernadette MARTIN, président- Christine DEVALETTE, conseiller- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Bernadette MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bernadette MARTIN, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
La société PRIVE a passé commande à la société Emile Maurin les 25 octobre 2001 et 17 décembre 2002 d'environ 2.800.000 vis en acier galvanisé et d'un nombre équivalent d'écrous. La société Emile Maurin s'est approvisionnée en vis auprès de la société de droit turc NORM.
Ces vis et écrous ont été utilisés par la société PRIVE entre 2002 et 2004 à la construction de silos à céréales en France et à l'étranger et à la suite de la réclamation d'un client en avril 2004, la société PRIVE a fait procéder à des tests de résistance sur les vis lesquels se sont révélés insatisfaisants pour un certain nombre d'entre eux.
Une expertise technique a été diligentée puis une instance au fond engagée par la société PRIVE contre la société Emile Maurin qui a appelé en garantie la société NORM et ses assureurs ainsi que sa propre compagnie d'assurance.
Par jugement du 18 mars 2009, le tribunal de commerce de Lyon a condamné la société NORM à payer à la société PRIVE ou la société Axa Turkey en fonction des clauses du contrat les liant, notamment d'une possible franchise, la somme de 15.326,35 euros HT et la société Emile Maurin à payer à la société PRIVE ou la société Covea Risks en fonction des clauses du contrat les liant, notamment d'une possible franchise, la somme de 2.704,65 euros HT.
La société PRIVE a relevé appel du jugement en intimant la société Emile Maurin et cette dernière a formé un appel provoqué contre les autres parties.
La société PRIVE sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu la responsabilité contractuelle de la société Emile Maurin mais son infirmation en ce qu'il a limité le montant des réparations dues à la somme de 18.031 euros HT et en ce qu'il a pris en considération la clause limitative de responsabilité invoquée par la société Emile Maurin.
Elle fait valoir que la société Emile Maurin a engagé sa responsabilité contractuelle en livrant des vis non conformes aux normes applicables, en particulier à la norme allemande DIN 267-10, que cette société s'est rendue coupable d'une faute lourde de conséquences en indiquant expressément qu'elle avait procédé à des vérifications et essais, et en certifiant que les vis et écrous commercialisés étaient conformes aux normes applicables, ce qui était inexact, qu'aucune négligence ne peut être reprochée à la société PRIVE car si elle a fait l'économie d'une vérification de la qualité de la marchandise livrée, c'est uniquement parce que l'intimée lui a expressément assuré que le matériel délivré était conforme aux normes en vigueur. Elle ajoute que de manière surprenante, en l'absence de toute demande en ce sens, le tribunal a cru devoir répartir la responsabilité entre la société Emile Maurin vendeur et la société NORM fabricant.
Sur le dommage, elle soutient que s'agissant de vis destinées à des constructions métalliques, la société Emile Maurin ne pouvait ignorer les conséquences prévisibles des dommages en cas de manquement à la qualité des produits vendus. Sur la base du rapport d'expertise, elle chiffre son préjudice matériel à la somme de 170.315 euros HT soit 203.696,74 euros TTC et elle ajoute une somme de 50.000 euros au titre de son préjudice commercial Elle critique le jugement qui a limité le montant de la réparation qui lui est accordée à la seule valeur des pièces remplacées (18.031 euros) au motif que le défaut de traçabilité des produits litigieux avait engendré des coûts qui devaient être supportés par la demanderesse.
Elle demande à la Cour d'écarter la clause limitative de responsabilité figurant aux conditions générales de vente de la société Emile Maurin dont le comportement est constitutif de faute lourde puisque faisant fi de tout scrupule cette société a déclaré de manière inexacte sur ses bordereaux de livraison qu'elle avait procédé à des vérifications et essais pour certifier la conformité des marchandises. Elle prétend que la société Emile Maurin a fait preuve d'une négligence grave doublée d'une mauvaise foi certaine.
Elle sollicite enfin 40.000 euros de dommages intérêts pour résistance abusive et 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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La société Emile Maurin, appelante à titre incident, demande à la Cour de constater que la demande indemnitaire de la société PRIVE se heurte à la clause limitative de responsabilité contenues dans ses conditions générales de vente, laquelle ne peut être écartée qu'en cas de dol ou de faute lourde. Elle soutient que la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation de l'indemnisation prévue au contrat ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement, que les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs de faute lourde, qu'à supposer que la société PRIVE démontre qu'elle a informé la société Emile Maurin dans le délai de 8 jours prévu aux conditions générales, elle ne pourrait être tenue qu'au simple remplacement à réception du retour des produits incriminés de la visserie litigieuse.
A titre subsidiaire, elle demande la condamnation de la société NORM (fournisseur) et de son assureur Axa Turkey à la relever et garantir dès lors que la responsabilité de la société NORM demeure entière en ce qu'elle a livré des produits non conformes à la commande et surtout non conformes aux certificats de qualité qu'elle a fournis lors des livraisons.
Encore plus subsidiairement, elle demande la garantie de son assureur, la société Covea Risks qu'elle estime mal fondée à lui opposer une exclusion de garantie contractuelle dans la mesure où un silo à grains ne peut être assimilé à un bâtiment et où les éléments de visserie dont il a été prescrit le changement demeurent parfaitement dissociables du silo en question. A titre surabondant, elle indique que jusqu'à l'expertise judiciaire sa compagnie d'assurance a assuré la direction du procès et demeure déchue du droit à invoquer quelque exception de garantie que ce soit.
Elle demande l'allocation d'une somme de 12.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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La société NORM et sa compagnie d'assurance, actuellement dénommée Axa Turkey, font diverses observations sur les demandes de la société PRIVE (caractère tardif de la réclamation, défauts de traçabilité...) et sur l'appel de la société PRIVE elles demandent à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société PRIVE de ses demandes au titre des frais de contrôle et au titre de son prétendu préjudice commercial et de le réformer en ce qu'il a a condamné les sociétés NORM et Axa Turkey à verser une somme de 15.326,35 euros HT à la société PRIVE, à titre subsidiaire de limiter le cas échéant les condamnations prononcées à leur encontre à la somme de 15.326,35 euros HT correspondant à 85% des frais de remplacement des vis litigieuses.
Sur l'appel en garantie de la société Emile Maurin, elles prient la Cour de confirmer que la vente des vis et boulons litigieux constitue une vente internationale de marchandises au sens de la convention de Vienne, et de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé condamnation à leur encontre, en jugeant par application des dispositions de l'article 35-3 de cette convention qu'elles ne sont pas responsables d'un défaut de conformité faute pour la société Emile Maurin d'avoir précisé l'usage spécifique des vis litigieuses et d'avoir mentionné lors de ses commandes les spécifications complètes et normes applicables des vis commandées, par application de l'article 39 que la société Emile Maurin est déchue du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité compte tenu du délai écoulé entre les livraisons et la réclamation, par application de l'article 38 que la société Emile Maurin n'a pas examiné les marchandises lui ayant été livrées ce qui doit conduire à retenir une part de responsabilité propre de la société Emile Maurin à hauteur de 15 %, par application de l'article 77 que la société Emile Maurin n'ayant pas mis en oeuvre des mesures raisonnables pour limiter le coût du sinistre, elle n'est pas fondée à exercer un recours en garantie s'agissant des dommages excédant le coût de remplacement des vis litigieuses.
Elles sollicitent l'allocation d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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La société Covea Risks demande à titre principal de dire et juger que sa garantie ne peut porter sur le remplacement des vis et elle conclut à l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il a retenu sa garantie sans autre précision.
Subsidiairement elle soutient qu'elle n'a jamais pris la direction du procès et elle sollicite l'infirmation partielle du jugement en ce que sa garantie n'a pas vocation à s'appliquer dès lors que le litige porte sur des produits intégrés à des bâtiments, et en ce que la garantie ne peut porter que sur des frais de dépose et de repose des vis litigieuses, aucun chiffre n'étant produit sur ce point.
Elle demande 3.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte du rapport d'expertise:-que la société PRIVE a passé commande à la société Emile Maurin en 2001 et 2002 de 2.000.000 de vis de 8 millimètres de diamètre et de 800.000 vis de 10 millimètres de diamètre, classe de qualité 10.9 en acier galvanisé à chaud, toutes les vis de diamètre 10 mm et la plupart des vis de diamètre 8 mm livrées par la société Emile Maurin à la société PRIVE en 2002 et 2003 étant de fabrication NORM,-qu'aucune des parties ne conteste que la norme qui devait être appliquée pour déterminer la résistance des vis de diamètres 10 et 8 mm, classe 10.9, galvanisées à chaud soit la norme allemande DIN 267 partie 10 de 1988,-que les commandes de la société PRIVE, bordereaux de livraison et factures de la société Emile Maurin font référence à la norme ISO 4017 qui définit les caractéristiques dimensionnelles des vis, que les attestations de conformité établies par la société NORM font aussi référence à la norme ISO 4017, -qu'après essais aucune des 32 vis essayées, de marque NORM, galvanisées à chaud, de classe 10.9 et diamètres 8 ou 10 mm n'est conforme à la norme DIN 267 partie 10 en ce qui concerne la résistance à la traction et à la norme NF EN ISO 898-1 en ce qui concerne la dureté, la résistance caractéristique de rupture étant inférieure de 20 % à la résistance minimale exigée par la norme applicable et la dureté moyenne inférieure de 11 % à la valeur minimale exigée par la norme,-que le manque de résistance constaté sur les vis NORM galvanisées à chaud résulte d'une inadéquation entre d'une part la composition chimique de l'acier utilisé et les traitements thermiques subis lors de la fabrication, et d'autre part les paramètres adoptés lors de la galvanisation à chaud: température du bain de galvanisation et durée d'immersion,-que les essais et calculs réalisés montrent que seules les vis NORM de couture verticale de tôles de 3 mm d'épaisseur sont à remplacer, que compte tenu de ce résultat et du résultat des inspections visuelles complètes effectuées par la société PRIVE sur sites il en a résulté que 12 sites sont concernés par les remplacements de vis, soit 44 silos avec un nombre total de 165.144 vis de diamètre 10 et 6.820 vis de diamètre 8 à remplacer,-que le montant du préjudice justifié, d'un montant total de 170.315 euros HT, se décompose en :a) Travaux déjà effectués sur 4 sites de silos avec vis de 10 mm : 24.277 eurosb) Travaux en cours sur 8 sites de silos avec vis de 10 mm : 126.555 eurosc) Frais annexes : 2.325 eurosd) Travaux en cours sur un site de silos avec vis de 8 mm : 2.158 eurose) Coût engendré par la gestion du dossier : 15.000 euros,-que la part essentielle de faute est imputable à la société NORM à hauteur de 85 %, une part accessoire de 15 % étant à laisser à la société Emile Maurin.
Au vu de ce rapport d'expertise dont les avis et conclusions ne sont pas discutés par les parties, le tribunal était saisi de deux demandes distinctes (demande principale de la société PRIVE contre la société Emile Maurin, appel en garantie de la société Emile Maurin contre la société NORM et les assureurs) qu'il aurait dû examiner successivement et distinctement dans la mesure et la limite des demandes qui lui étaient présentées. Le jugement doit être réformé à cet égard.

Sur la demande dirigée par la société PRIVE contre la société Emile Maurin
Cette demande doit être appréciée à la lumière des conditions générales de vente de la société Emile Maurin lesquelles sont opposables à la société PRIVE, ce que celle-ci ne conteste pas, dès lors que les parties étaient en relations d'affaires depuis de nombreuses années et que ces conditions figurent au verso de tous les documents commerciaux de la société Emile Maurin, la société PRIVE n'ayant de son côté jamais imposé à sa co-contractante de conditions générales d'achat.
La société Emile Maurin soutient que la demande d'indemnisation de la société PRIVE se heurte à la clause limitative de garantie énoncée en ces termes :"Dans tous les cas où, après examen contradictoire, il serait reconnu que les produits livrés ne sont pas conformes à la commande, ou comportent des anomalies ou un vice de matière les rendant impropres à l'emploi, la garantie de notre société se limite au simple remplacement des produits incriminés ceci autant que nos approvisionnements le permettraient et sans aucune indemnité ou dédommagement d'aucune sorte pour frais de main d'oeuvre, retard, préjudice causé ou tout autre motif qui pourrait être invoqué".
Au préalable il apparaît qu'aucune déchéance de garantie ne saurait être opposée à l'appelante dès lors qu'en cas de vice non apparent les conditions de vente applicables prévoient un délai de réclamation de huit jours à compter de la découverte de la défectuosité, qu'en l'espèce la société PRIVE a été alertée par la réclamation d'un client au mois d'avril 2004 sur une éventuelle non conformité et, sans que la "défectuosité" soupçonnée ne soit encore clairement identifiée, elle a fait assigner la société Emile Maurin en organisation d'expertise dès le 25 juin 2004.
Seule l'existence d'une faute lourde peut être de nature à écarter l'application de la clause limitative de garantie revendiquée par la société Emile Maurin. Or, si selon le rapport d'expertise la société Emile Maurin, importateur des vis défectueuses, porte une part de responsabilité pour n'avoir pas mis en oeuvre les moyens suffisants afin de s'assurer de la conformité aux caractéristiques annoncées des vis NORM lors de la réception des marchandises, c'est à dire pour avoir manqué partiellement à son obligation contractuelle de délivrance, un tel comportement ne saurait être constitutif de faute lourde alors que la société Emile Maurin a agi en considération de ce que la société NORM, fabricant, qui avait obtenu la certification ISO 9002, avait réalisé des essais, en particulier de résistance, a établi des certificats attestant que les vis livrées sont conformes et a écrit, mais de façon inexacte, sur les certificats d'inspection remis à sa cliente que les caractéristiques données sont relatives au produit fini. Ainsi, à défaut d'autre circonstance particulière, le fait pour la société Emile Maurin d'avoir porté sur plusieurs bordereaux de livraison, comme le relève l'expert, une mention selon laquelle: "Nous déclarons que la fourniture citée est conforme aux exigences du contrat et que, après vérifications et essais, elle répond en tout point aux exigences spécifiées, aux normes et règlements applicables" ne saurait caractériser le comportement de mauvaise foi et de négligence grave qu'entend lui imputer la société PRIVE.
En l'absence de faute d'une gravité telle qu'elle tiendrait en échec la clause limitative de garantie, la société Emile Maurin ne peut être tenue qu'au paiement de la seule valeur de remplacement des produits incriminés.
Au vu des indications fournies par le rapport d'expertise, cette valeur s'établit à la somme de 18.031 euros HT, la société Emile Maurin devant être condamnée à payer cette somme à la société PRIVE.

Sur l'appel en garantie dirigé par la société Emile Maurin contre la société NORM et son assureur Axa Turkey
Il n'est pas discuté que la convention de Vienne relative aux contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 est applicable dans les relations entre la société Emile Maurin et la société NORM.
Aux termes de l'article 35, le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat (alinéa 1) et à moins que les parties n'en soient convenues autrement les marchandises ne sont conformes au contrat que si elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type et propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat, sauf s'il résulte des circonstances que l'acheteur ne s'en est pas remis à la compétence ou à l'appréciation du vendeur ou qu'il n'était pas raisonnable de sa part de le faire.
La société NORM et son assureur prétendent qu'elles ne peuvent encourir de responsabilité aux motifs que la société Emile Maurin n'a pas porté à la connaissance de la société NORM l'usage spécial au sens de l'article 35-2 b) qu'elle envisageait de donner aux vis litigieuses et encore que les informations fournies par la société Emile Maurin à la société NORM quant aux spécifications et normes applicables étaient incomplètes.
Sur le premier point, aucun grief ne peut être retenu car si les vis ont été utilisées par la cliente finale pour fixer des tôles d'acier d'une épaisseur de 2,50 mm comme de 3 mm (la résistance des vis NORM étant dans ce dernier cas insuffisante) il ne résulte pas des éléments techniques du dossier que "les vis sont usuellement destinées à fixer des tôles de moins de 2,5 mm". Sur le second point, la société NORM ne peut sérieusement soutenir que lui auraient été fournies des spécifications de qualité "incomplètes" alors que la visserie litigieuse a été commandée avec des spécificités techniques propres et particulières, en l'occurrence une classe particulière de pièces de boulonnerie visserie sans que la société Emile Maurin elle-même ne connaisse l'usage précis qu'entendait faire son propre client des pièces litigieuses, étant rappelé que les vis livrées par la société NORM ont été jugées par l'expert non conformes à la classe de qualité annoncée.
L'article 39 de la convention de Vienne prévoit la déchéance du droit pour l'acheteur de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur dans un délai raisonnable et au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises. Toutefois il résulte des dispositions de l'article 40 que le vendeur ne peut se prévaloir de ces dispositions lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qu'il n'avait pas révélés à l'acheteur. En l'espèce, en sa qualité de fournisseur et de fabricant spécialisé en boulonnerie visserie la société NORM ne pouvait ignorer que les produits qu'elle a fabriqués étaient affectés d'un défaut de conformité. La société NORM et son assureur ne peuvent donc se prévaloir d'un retard à dénoncer ce défaut.
L'article 38 de la convention de Vienne dispose que l'acheteur doit examiner les marchandises ou les faire examiner dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances. La société NORM et son assureur soutenant que la société Emile Maurin avait pour obligation d'examiner ou de faire examiner la qualité des marchandises vendues demandent que le manquement de la société Emile Maurin -déjà retenu par les premiers juges- soit confirmé et que soit retenue une part de responsabilité propre qui ne saurait être inférieure à 15 %.

L'expert a caractérisé le manquement de la société Emile Maurin en indiquant que celle-ci n'a effectué aucun essai de contrôle de résistance à la traction ou de dureté sur les vis en cause malgré les grandes quantités commandées et ce pour la première fois, l'expert notant que des essais de traction ou de dureté auraient été faciles à mettre en oeuvre et peu coûteux, ce qui conduit à retenir une part de responsabilité propre de la société Emile Maurin fixée à 15 %.
Enfin l'appel en garantie de la société Emile Maurin n'excédant pas le coût de remplacement des vis litigieuses, il n'y a pas lieu de statuer sur l'application de l'article 77 de la convention de Vienne invoqué à titre très subsidiaire par la société NORM et son assureur.
La société NORM et la compagnie Axa Turkey seront en conséquence condamnées in solidum à relever et garantir la société Emile Maurin à concurrence de la somme de 15.326,35 euros HT.

Sur la garantie de la société Covea Risks
Aux termes du contrat d'assurance responsabilité civile souscrit par la société Emile Maurin auprès de la société Covea Risks et plus particulièrement des dispositions du titre II- A1-21 sont exclus de la garantie "les frais nécessaires pour réparer ou remplacer les produits fournis par l'assuré ainsi que le montant du remboursement total ou partiel du prix des produits, travaux ou prestations défectueux lorsque l'assuré est dans l'obligation de procéder à ce remboursement".
Cette clause d'exclusion qui est formelle et limitée doit trouver à s'appliquer. Le recours en garantie de la société Emile Maurin tendant à la seule prise en charge du remboursement du prix des boulons défectueux doit être rejeté.
Il est équitable d'allouer à la société PRIVE une somme totale de 6.000 euros pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel, mise à la charge de la société Emile Maurin relevée et garantie à concurrence de 85 % par la société NORM et la compagnie Axa Turkey.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'autres parties.
Les autres demandes d'indemnisation ne sont pas justifiées et doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS, LA COUR
Infirme le jugement et, statuant à nouveau,
Condamne la société Emile Maurin à payer à la société PRIVE la somme de 18.031 euros HT en réparation des dommages subis du fait de la livraison de vis non conformes ainsi que la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société NORM et la compagnie Axa Turkey in solidum à relever et garantir la société Emile Maurin des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 85 %.
Rejette le recours en garantie formé par la société Emile Maurin contre la compagnie Covea Risks.
Rejette toutes autres demandes des parties comme mal fondées.
Condamne la société Emile Maurin aux dépens de première instance (y compris les frais d'expertise) et condamne la société NORM et la compagnie Axa Turkey à la relever et garantir à concurrence de 85 %.
Condamne la société Emile Maurin à supporter les dépens afférents à l'appel principal, la société NORM et la compagnie Axa Turkey in solidum à supporter les dépens afférents à l'appel provoqué.
Ordonne la distraction des dépens au profit des avoués de la cause.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 09/02322
Date de la décision : 09/12/2010
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2010-12-09;09.02322 ?
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