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09/12/2010 | FRANCE | N°09/01332

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 09 décembre 2010, 09/01332


COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 09 Décembre 2010
R.G : 09/01332

Décision du tribunal de grande instance de LyonAu fond du 27 novembre 2008
10ème chambre
RG : 05/08024

APPELANTES :
Société INSTITUT VENDOME - SARL -74 rue Vendôme69006 LYON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Maître André SOULIER, avocat au barreau de LYON

Société VENDOME BEAUTE - SARL -11 rue Tronchet69006 LYON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Maître André SOULIER, avoca

t au barreau de LYON

INTIMEE :
Société LABORATOIRES VENDOME - SAS -Rue François Appert21700 NUITS-SAINT-GEORGES
repré...

COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 09 Décembre 2010
R.G : 09/01332

Décision du tribunal de grande instance de LyonAu fond du 27 novembre 2008
10ème chambre
RG : 05/08024

APPELANTES :
Société INSTITUT VENDOME - SARL -74 rue Vendôme69006 LYON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Maître André SOULIER, avocat au barreau de LYON

Société VENDOME BEAUTE - SARL -11 rue Tronchet69006 LYON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Maître André SOULIER, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :
Société LABORATOIRES VENDOME - SAS -Rue François Appert21700 NUITS-SAINT-GEORGES
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SEP BARDEHLE PAGENBERG DOST ALTENBURG GEISSLER, avocats au barreau de PARIS

INTERVENANTE VOLONTAIRE :
Société CILAG Gmbh International - SARL -Landys et Gyr Strass 16300 Zug - SUISSE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SEP BARDEHLE PAGENBERG DOST ALTENBURG GEISSLER, avocats au barreau de PARIS

Date de clôture de l'instruction : 11 Mai 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Novembre 2010
Date de mise à disposition : 09 Décembre 2010
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Bernadette MARTIN, président- Christine DEVALETTE, conseiller- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bernadette MARTIN, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Laboratoires Vendôme (ci-après, "le Laboratoire") a assigné les sociétés Institut Vendôme et Vendôme Beauté (ci-après, "les Instituts") en contrefaçon des marques "Laboratoires Vendôme" et "Vendôme", dont le premier dépôt est respectivement intervenu le 11 octobre 1984 et le 7 août 1991.

Les Instituts ayant relevé appel du jugement qui a partiellement reçu ces demandes, la société Cilag est volontairement intervenue à la procédure en tant que cessionnaire du portefeuille de marques du Laboratoire.
Les Instituts exposent :
- que le Laboratoire n'était plus propriétaire des marques et n'avait donc plus qualité à agir, dès le 29 décembre 2006, date à laquelle il avait procédé à la cession de ses droits et, à tout le moins, dès le 31 mars 2008, date des actes transmettant ces droits à la société Cilag,
- que cette dernière ne saurait valablement intervenir en cause d'appel et reprendre à son compte une procédure initiée par une partie dépourvue de qualité à agir,
- qu'en tant qu'intervenant volontaire, elle ne saurait d'ailleurs former des demandes indemnitaires à titre principal et exclusif.
Ils soutiennent en outre que ni le Laboratoire ni la société Cilag ne saurait revendiquer quelque antériorité sur la marque verbale "Vendôme", d'une part parce que ce signe est continuellement utilisé par les sociétés Institut Vendôme et Centre Vendôme depuis 1966, d'autre part parce qu'il est la propriété de la société The Ritz Hotel.
Ils font en outre valoir que ce signe n'est pas distinctif pour les produits des classes considérées, qu'il ne constitue pas l'élément distinctif des marques semi-figuratives qui l'emploient et, enfin, qu'ils n'ont pas reproduit les marques en litige ni ne les ont imitées au risque de créer une confusion.
Soutenant encore que les demandeurs n'ont en toute hypothèse subi aucun préjudice, les Instituts demandent l'infirmation du jugement entrepris et le paiement d'une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
*La société Cilag fait valoir que le Laboratoire avait qualité à agir durant tout le cours de la procédure de première instance et que, se trouvant à présent aux droits de ce dernier selon acte publié au registre des marques, elle a intérêt à intervenir à raison des faits antérieurs à la cession, comme il est stipulé au contrat transférant les droits.
Le Laboratoire et la société Cilag soutiennent, sur le fond :
- qu'il n'est pas justifié d'un usage des signes en litige, à titre d'enseigne ou de nom commercial, sur l'ensemble du territoire national, avant l'enregistrement des marques fondant la demande, en 1984 et 1991, et pour désigner des activités correspondant aux produits et services couverts par ces enregistrements,
- qu'il n'est d'ailleurs pas plus établi que les Instituts seraient aux droits des entités ayant utilisé ces termes à l'époque,
- que le terme Vendôme n'est ni banal ni descriptif des produits ou services considérés, qu'il est indifférent qu'il soit enregistré pour désigner divers autres produits et que les Instituts ne sont pas recevables à exciper des droits d'un tiers,
- que la marque "Vendôme" no 1 685 536 est essentiellement dénominative et qu'elle se trouve intégralement reproduite dans les termes Vendôme Beauté, Institut Vendôme et Institut Vendôme Beauté / Forme et Santé, qu'en tout cas il existe un risque de confusion,
- que la marque "Laboratoires Vendôme" no1 711 249 est dénominative et se trouve reproduite dans son élément distinctif par les signes employés par les Instituts,
- que les produits et services désignés sous les signes incriminés (soins du corps) sont similaires, à tout le moins complémentaires de ceux couverts par les enregistrements de marques (soins de beauté) et qu'il existe un risque de confusion.
Elles demandent la confirmation du jugement entrepris, sauf à étendre l'interdiction prononcée par le tribunal à l'emploi des termes Institut Vendôme et Institut Vendôme Forme et Beauté, à ordonner le retrait et la destruction des enseignes et produits contrefaisants, à condamner les Instituts à payer à la société Cilag une somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts, à étendre les mesures de publication et à prononcer une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le Laboratoire a cédé ses droits de marque à la société Cilag par acte du 29 décembre 2006 publié au registre national le 31 mars 2008.

Cette publication a seule pour effet de rendre cet acte opposable aux tiers ; le Laboratoire était donc investi de ces droits à l'encontre des Instituts et habilité à agir pour leur protection lorsque l'ordonnance de clôture a été rendue en première instance, le 7 janvier 2008.
Par ailleurs, l'acte habilite le cessionnaire à agir au titre des actes de contrefaçon antérieurs à la cession, de sorte qu'à compter de sa publication, la société Cilag est devenue seule recevable à agir en contrefaçon des marques cédées, y compris à raison des faits débattus en première instance.
Son intervention en cause d'appel tend, non pas à appuyer les prétentions d'une partie qui ne l'aurait pas représentée en première instance, mais à élever une prétention à son propre profit.
Dès lors, dans la mesure où elle est investie des droits de marque opposables aux tiers, son intervention volontaire, principale et pratiquée avant que la Cour ne statue, est recevable.

Les Instituts ne demandent pas l'annulation des marques fondant les demandes, mais élèvent, quant à leur efficacité en la cause, diverses objections qui empruntent à des motifs absolus ou relatifs de nullité.
Quant aux motifs absolus, il n'est pas prétendu que le terme Vendôme était, à la date des dépôts et selon la loi applicable à cette époque, la désignation nécessaire et générique des produits couverts.Le fait que vingt-cinq marques utilisent cet élément verbal pour des produits ou services des classes 3 ou 5, n'établit pas que ce signe serait originairement dépourvu de force distinctive, dès lors qu'il n'est pas même prétendu que les dépôts visés à ce propos dans les conclusions des Instituts seraient antérieurs au premier qu'a pratiqué le Laboratoire.Par ailleurs, l'originalité du signe choisi n'étant pas une condition de validité de la marque, la multiplication alléguée des dépôts est inopérante, puisque les Instituts en déduisent seulement que le terme serait devenu banal.La nature géographique, enfin, du mot Vendôme - nulle autre caractéristique de ce signe n'étant en débat -n'est pas par principe exclusive de distinctivité et il ne résulte d'aucun élément qu'au jour des dépôts, le public concerné aurait fait un lien quelconque entre la ville de Vendôme et les produits en cause.

Quant aux motifs relatifs, les Instituts opposent l'utilisation du signe, à titre de dénomination sociale, de nom commercial ou d'enseigne depuis 1966 sous les formes "Centre Vendôme" et "Institut Vendôme", ainsi qu'un enregistrement de marque au profit de la société The Ritz Hotel, remontant à 1985 pour désigner des produits de beauté.
Mais dans les deux cas, seuls les titulaires de ces droits antérieurs pourraient en demander la protection.
Or, les Instituts ne prétendent pas être aux droits de la société The Ritz Hotel.
Ils ne justifient pas plus qu'ils sont ayants-droits des entreprises ayant utilisé ces signes.
Il est certes établi qu'un Institut ou un Centre Vendôme existait, à la même adresse, dès le début des années soixante et qu'à partir des années soixante-dix, M. Z..., par la suite fondateur et gérant des sociétés assignées dans la présente instance, a exercé son activité personnelle de soins, kinésithérapie et remise en forme sous cette enseigne, conduisant sa personne et son entreprise à une notoriété qui leur a plusieurs fois valu les honneurs de la presse locale, eu égard notamment à la célébrité des sportifs et autres personnalités fréquentant les lieux, ce qui pourrait en soi militer en faveur de l'opposabilité de cette antériorité, la loi du 31 décembre 1964 ne posant pas, quant à l'étendue géographique de l'usage du signe, les exigences qui sont aujourd'hui celles de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle.
Mais, d'une part, rien ne permet de retenir que M. Z... aurait fait apport de cette enseigne ou de ce nom aux entreprises qu'il a créées par la suite.En effet, le registre du commerce relate la constitution de la société Institut Vendôme le 5 septembre 1991 et précise : "origine du fonds : création d'un fonds de commerce".Une mention identique figure au registre en ce qui concerne l'origine du fonds exploité par la société Vendôme Beauté, créée le 26 mars 2004.Ces sociétés ne peuvent donc objecter des droits antérieurs dont elles ne sont pas titulaires, faute de les tenir de M. Z....Et de surcroît, ce dernier n'établit pas plus qu'il serait aux droits du premier utilisateur.
D'autre part, il ne résulte d'aucun élément que l'Institut ou le Centre Vendôme se serait jamais consacré, avant 1984 ou même 1991, à des soins de beauté, de sorte que le droit résultant de l'usage en question, à le supposer transmis, serait inopérant au regard des enregistrements obtenus par la suite pour des produits dont il n'est pas justifié qu'ils étaient alors exploités sous ce signe.
Dans ces conditions, les moyens de défense tirés de l'inefficacité des droits de marque ne peuvent être accueillis.
S'agissant de la réalité des actes de contrefaçon reprochés, les marques fondant la demande se présentent de la façon suivante :
La première est déposée sous la forme "VENDÔME", sans graphie particulière ni élément rajouté, c'est-à-dire de manière essentiellement dénominative, la seule différence avec son écriture correcte résultant de la présence d'un accent circonflexe, qui normalement ne s'emploie pas sur une lettre majuscule.
Elle est enregistrée pour désigner "la totalité des produits entrant dans les classes de produits ou services 3, 5, 21", notamment "savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices ; peignes et éponges ; brosses (à l'exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie".
La marque "Laboratoires Vendôme" est enregistrée sous une forme similaire à la première, c'est-à-dire en lettres ne revendiquant aucune police particulière et réservant le signe "LABORATOIRES VENDÔME", avec la même faible particularité que précédemment portant sur l'accent circonflexe.
Son enregistrement précise que "la protection est revendiquée pour la totalité des produits entrant dans les classes 3, 5", entre autres, "savons et produits pour la toilette et les soins du corps ; parfumerie, huiles essentielles, produits de beauté et produits cosmétiques ; lotions pour les cheveux, dentifrices".
La distinctivité du mot Vendôme, élément unique ou important de ces marques leur confère un droit à protection qui n'appelle pas de majoration particulière, notamment au regard d'une notoriété prouvée ; cette protection correspond à celle de marques normalement distinctives et exploitées en tant que telles.
Les entreprises utilisant les signes incriminés ont pour activités principales, d'après les extraits du registre du commerce et des sociétés les concernant respectivement :
- pour la société Vendôme Beauté, "la mise en place et développement de tous moyens et techniques manuelle et mécanique par hydrothérapie, massage ; présentation et commercialisation de tous produits de soins et beauté sélectifs",
- pour l'Institut Vendôme, "l'exploitation d'un centre de remise en forme (culture physique), vente de produits et matériels se rattachant aux professions de santé (location, installations, équipements)" ; le site internet de cette société vante notamment "un rituel de cures spécifiques visage-corps, ..., soins du corps, soins du visage, manucure", ainsi qu'une "ligne beauté-santé faisant appel à diverses techniques ("électrostimulation, ultrasons, balnéothérapie", entre autres).
Les produits commercialisés par la société Vendôme Beauté sont identiques à certains de ceux qui sont couverts par les enregistrements de marques (produits de soins et produits de beauté).
Par ailleurs, les services offerts, tant par cette société que par la société Institut Vendôme, ont trait à la santé, au bien-être et la beauté.
Ces prestations ne révèlent pas de finalités médicales ou para-médicales de rééducation fonctionnelle, mais recherchent une prestation globale de nature esthétique, ainsi qu'il résulte notamment du texte de présentation de la société Institut Vendôme, qui affirme que "dans le domaine de l'esthétique, la notion de globalité garde tout son sens", du fait que les prestations sont associées à la promotion de produits marqués consacrés aux soins corporels et à la beauté, et que le lancement de son activité a été annoncée dans le magazine spécialisé "Cosmétique hebdo".
Au regard d'un risque de confusion, qui comprend entre autres le risque d'association, avec les marques fondant les demandes, de telles prestations entretiennent avec les produits visés aux enregistrements un lien de complémentarité et d'association très fort, au plan objectif comme à celui de l'effet dans l'esprit du public.
Les Instituts se livrent donc à des activités dans lesquelles l'identité des produits avec ceux couverts par les droits de marques, jointe à la similitude des prestations dispensées, caractérise une très forte similitude avec ces produits, et cette observation vaut pour l'ensemble des comparaisons à effectuer à propos de chacun des signes en présence.
On retient également que tous les signes incriminés sont écrits en lettres minuscules et utilisent diverses couleurs.Cela n'est pas décisif en soi, au regard du champ de protection de la marque, qui ne revendique ni graphie ni couleur, mais, pour l'ensemble des comparaisons à effectuer, cette différence, si elle ne sera pas autrement répétée, sera prise en considération à titre de facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion, rapportée au degré de similitude global des signes, à la distinctivité du signe protégé, à la similitude entre produits et services et à l'interdépendance de ces divers facteurs.
Par ailleurs, s'agissant en l'espèce de produits ou services qui relèvent de la vie courante et ne sont pas de grand prix, le consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé n'est pas un spécialiste et n'a pas les signes concurrents sous les yeux ou à l'oreille, de sorte qu'il se trouve dans un état d'attention moyenne ; c'est dans ce cadre qu'il convient d'examiner s'il est exposé à un risque important de croire que ces produits ou services proviennent de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées.

Le fait, enfin, à le supposer même avéré, que la clientèle respective des parties serait, pour l'une, tournée vers une consommation de masse, pour l'autre à la recherche d'une prestation individualisée et "haut de gamme" n'emporte aucune conséquence au regard de la contrefaçon de marque, l'appréciation du risque de confusion étant indépendante des conditions d'exploitation, d'ailleurs contingentes, du signe protégé.
Au vu de ces diverses observations :
- Marque "Vendôme" et signe Institut Vendôme :
Le mot Vendôme est repris, mais le mot "Institut" n'est pas négligeable au plan visuel et phonétique, en ce qu'il induit une différence dans l'apparence globale des deux signes.Cependant, il est dépourvu de toute portée au plan conceptuel, car il n'opère aucun décalage dans l'identification de l'origine des produits couverts par l'enregistrement, les soins de beauté, utilisant des produits de beauté, étant dispensés dans des locaux couramment qualifiées d'instituts.Si donc la similitude phonétique et visuelle n'est pas très forte, les éléments additionnels propres au signe incriminé ne constituent pas en réalité des facteurs de différenciation suffisants pour écarter la forte similitude des signes, et ces différences s'en trouvent réduites à néant.Dans ces conditions, la distinctivité propre de la marque "Vendôme", telle qu'imitée, est suffisante pour que le consommateur moyen soit exposé à un risque de confusion.
Pour rejeter l'action en contrefaçon, le tribunal a cependant retenu que les deux dénominations ont coexisté depuis 1991 sans qu'aucune confusion soit attestée.Mais, d'une part, il a été indiqué pourquoi cette coexistence ne peut être valablement opposée par les Instituts, et il n'est pas attesté, d'autre part, que cette coexistence, quelle qu'en soit la portée possible, a été admise en connaissance de cause.
Le signe est contrefaisant.

- Marque "Vendôme" et signe Institut Vendôme Beauté / Forme et Santé :
Les mêmes observations valent ici.
Si les différences visuelles et phonétiques sont plus nettes que dans le cas précédent, leur portée intellectuelle est en réalité moindre, car le terme Beauté renvoie très précisément aux produits couverts par l'enregistrement, de sorte que la filiation entre ces produits et un "institut beauté" est plus nette encore et que le risque de confusion, loin d'être dissipé par ces adjonctions, s'en trouve renforcé au regard de la forte similitude des produits et services.Les termes "forme et santé", d'ailleurs décalés par rapport au reste du signe, se présentent comme apportant des précisions qui pourraient être pertinentes au regard de la spécialité des marques, si, en réalité, ils n'étaient éclairés par les deux mots Institut et beauté.Ces derniers replacent ces signes dans leur environnement concret, tel qu'il ressort des activités des sociétés défenderesses, c'est-à-dire un projet incluant santé et beauté, assez caractéristique des produits et services concernés, tels qu'ils sont connus et fréquentés par le consommateur, pour que ce dernier puisse opérer une distinction avec une marque couvrant seulement des produits de soins corporels et cosmétiques.
Ces adjonctions ne modifient pas l'intensité du risque de confusion résultant des observations précédentes : le signe est contrefaisant.

- Marque "Vendôme" et signe Vendôme Beauté :
Outre les motifs du jugement attaqué, les différences visuelles et phonétiques sont sans portée, l'adjonction revenant en réalité à aggraver le risque de confusion en accentuant la forte similitude entre les produits et services de la nature de ceux qui sont offerts sous ce signe et les produits désignés dans l'enregistrement.
Ce signe est contrefaisant.

- Marque "Laboratoires Vendôme" et signe Institut Vendôme :
Les différences visuelles et phonétiques sont vidées de toute portée par la similitude conceptuelle du signe adjoint, compte tenu de la pratique du secteur des cosmétiques et soins corporels, caractérisée par le souci de placer le produit sous l'égide d'une élaboration scientifique, ce qui conduit à manier couramment les deux termes, généralement pour identifier plutôt des produits, pour le premier, et des services, pour le second, mais sans qu'en résulte une rupture entre les deux notions.En l'espèce, les produits offerts sous l'un et l'autre signes sont identiques et les prestations sont étroitement similaires : l'usage d'un de ces termes plutôt que de l'autre est de nature, non point à dissiper, mais à renforcer le risque de confusion, comme il résulte de la propre pratique de la société Institut Vendôme, qui associe son action à la vente de produits de beauté marqués.
Dans ces conditions, le signe est contrefaisant.

- Marque "Laboratoires Vendôme" et signe Institut Vendôme Beauté / Forme et santé :
On reconduit les mêmes observations que celles formulées au titre des deux comparaisons précédentes : le recours à ces termes, institut et beauté, n'aboutit pas à différencier les signes en présence, mais accroît le risque de confusion en déclinant des termes caractéristiques des produits corporels, de soins et de beauté.

- Marque "Laboratoires Vendôme" et signe Vendôme Beauté :
Si les différences visuelles et phonétiques ne sont pas négligeables, le terme beauté ne produit aucun effet de décalage par rapport à une marque déposée, précisément, pour désigner des produits corporels.

Dans ces conditions, l'action en contrefaçon est fondée en tous ses aspects.

La société Cilag fonde sa demande indemnitaire sur la valeur du portefeuille de marques, qu'elle a acquis pour 153 millions d'euros, sur le trouble commercial résultant du détournement de la valeur distinctive de ses marques au profit de celles des produits proposés par les Instituts, et sur l'importance de l'usage commercial.
Il s'agit là en effet des conséquences économiques négatives de la contrefaçon et, si les bénéfices du contrefacteur ainsi que le manque à gagner subi par le titulaire de droits ne sont pas autrement explorés dans le dossier, il reste, d'une part, que les marques sont d'une valeur importante, que leur usage illicite a duré plusieurs années, en tout cas, depuis 2004 et que le préjudice moral porté de ce titulaire doit également être pris en considération.
Dès lors, et étant observé que le jugement entrepris doit être réformé en ce qu'il a partiellement rejeté les demandes et que les faits ont perduré et se sont même développés depuis la condamnation prononcée en première instance, le seuil d'indemnisation doit être sensiblement relevé pour être adapté au dommage produit.
Ces dommages-intérêts seront fixés à 30 000 euros.

Les autres mesures réparatrices ordonnées par le tribunal sont suffisantes et adéquates, sauf à étendre l'interdiction d'usage aux termes Institut Vendôme et Institut Vendôme forme et santé, mais seulement à ces termes, nulle condamnation n'étant à prononcer à raison d'autres faits, dont il n'est pas même prétendu qu'ils auraient eu lieu.
Il convient d'ajouter cette prohibition à celles faisant l'objet de la publication ordonnée en première instance ; en revanche, les mesures de destruction demandées par la société Cilag sont inadéquates, compte tenu du caractère immatériel de l'usage prohibé.
Il n'y a pas lieu pour la Cour de se réserver la liquidation des astreintes.

PAR CES MOTIFS :
- Reçoit la société Cilag en son intervention ;
- Confirme le jugement entrepris, sauf à substituer la société Cilag à la société Laboratoires Vendôme et sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts mis à la charge des sociétés Vendôme Beauté et Institut Vendôme ;
- Statuant à nouveau sur ce point, condamne ces sociétés, in solidum, à payer à la société Cilag une somme de 30 000 euros ;
- Y ajoutant, dit que la mesure d'interdiction sous astreinte prononcée à l'encontre des sociétés Vendôme Beauté et Institut Vendôme porte également sur les termes Institut Vendôme et Institut Vendôme Beauté ;
- Dit que la publication s'étendra à ces prohibitions ;
- Rejette le surplus des demandes ;
- Condamne les sociétés Vendôme Beauté et Institut Vendôme à payer à la société Cilag une indemnité complémentaire globale de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Les condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Baufumé - Sourbé, avoué.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 09/01332
Date de la décision : 09/12/2010
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2010-12-09;09.01332 ?
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