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16/11/2010 | FRANCE | N°09/06268

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 16 novembre 2010, 09/06268


R. G : 09/ 06268

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Référé du 05 octobre 2009 RG : 09/ 02523

SA KEOLIS LYON
C/
SYNDICAT NATIONAL DES TRANSPORTS URBAINS CFDT X... Y...

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 16 Novembre 2010
APPELANTE :
Société KEOLIS LYON représentée par ses dirigeants légaux Immeuble Le Lyonnais 19 boulevard Vivier Merle 69003 LYON

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Nazanine FARZAM-ROCHON, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

LE SYNDICA

T NATIONAL DES TRANSPORTS URBAINS (SNTU) CFDT représenté par son secrétaire général en exercice 49 avenue Simon Boli...

R. G : 09/ 06268

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Référé du 05 octobre 2009 RG : 09/ 02523

SA KEOLIS LYON
C/
SYNDICAT NATIONAL DES TRANSPORTS URBAINS CFDT X... Y...

COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRET DU 16 Novembre 2010
APPELANTE :
Société KEOLIS LYON représentée par ses dirigeants légaux Immeuble Le Lyonnais 19 boulevard Vivier Merle 69003 LYON

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Nazanine FARZAM-ROCHON, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

LE SYNDICAT NATIONAL DES TRANSPORTS URBAINS (SNTU) CFDT représenté par son secrétaire général en exercice 49 avenue Simon Bolivard 75950 PARIS CEDEX 19

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Eladia DELGADO, avocat au barreau de LYON

Monsieur Jean X... né le 17 septembre 1950 à Lyon (69003)... 69100 VILLEURBANNE

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Eladia DELGADO, avocat au barreau de LYON

Monsieur Maurice Y... né le 19 janvier 1958 à Lyon (69006) ... 69100 VILLEURBANNE

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Eladia DELGADO, avocat au barreau de LYON

INTERVENANT :

LE SYNDICAT CGT DES EMPLOYÉS ET OUVRIERS DES TCL représenté par son secrétaire général en exercice Bouse du Travail 1 place Guichard 69422 LYON CEDEX 03

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me Pierre MASANOVIC, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 17 Septembre 2010

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Octobre 2010
Date de mise à disposition : 16 Novembre 2010
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Pascal VENCENT, président-Dominique DEFRASNE, conseiller-Agnès CHAUVE, conseiller

assistés pendant les débats de Nicole MONTAGNE, greffier
A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Nicole MONTAGNE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre d'un conflit social au sein de la société KEOLIS, ayant pour origine la dénonciation par l'employeur de l'ensemble des accords et engagements unilatéraux régissant le statut du personnel TCL, deux préavis de grève ont été déposés : le premier le 7 septembre 2009, par une intersyndicale pour une grève reconductible pour le 24 septembre 2009 et le second, le 16 septembre 2009, par le syndicat national des transports urbains (SNTU) CFDT pour une grève illimitée débutant également le 24 septembre 2009.
Dans ce contexte, la société KEOLIS, en considération tant de la loi du 21 août 2007 que de l'accord national de branche du 3 décembre 2007 et pour déterminer le niveau de service qu'elle était en mesure de maintenir, a mis en place dès le 21 septembre 2009 un formulaire par lequel les salariés grévistes devaient déclarer leur intention de participer au mouvement de grève par le biais d'une déclaration préalable individuelle au plus tard, 48 heures avant le début du mouvement, soit le 22 septembre 2009.

Par courrier du 22 septembre 2009 adressé à deux salariés, messieurs Jean X... et Maurice Y..., elle a également demandé aux salariés grévistes de renouveler chaque jour leur déclaration d'intention de grève.

Le syndicat SNTU CFDT considérant que ces formulaires étaient constitutifs d'une atteinte irrégulière au droit de grève, en ce qu'ils imposaient des obligations qui n'étaient pas prévues par les dispositions légales ou conventionnelles, a demandé leur retrait auprès de la société KEOLIS.
N'obtenant pas satisfaction, ce syndicat ainsi que messieurs X... et Y... ont décidé de saisir aux mêmes fins le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 5 octobre 2009, le juge des référés a :
- ordonné à la SA KEOLIS LYON de modifier, dans les 48 heures de la décision et sous astreinte de 300 euros par jour de retard, la note d'information et les formulaires de déclaration d'intention de grève relatifs au préavis du 16 septembre 2009 en ce sens que la déclaration du salarié doit être effectuée 48 heures avant de participer à la grève et non avant le début du mouvement,
- fait interdiction à la SA KEOLIS LYON d'exiger des salariés grévistes le renouvellement quotidien de leur déclaration pour valider leur absence au service,
- condamné la SA KEOLIS LYON à payer aux demandeurs indivisément la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA KEOLIS LYON aux dépens.

La société KEOLIS LYON a interjeté appel de cette décision le 8 octobre 2009.

La société KEOLIS conclut à l'infirmation de l'ordonnance de référé et sollicite le paiement de 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir au préalable l'absence d'urgence en indiquant que les formulaires aujourd'hui critiqués ont été déjà utilisé à plusieurs reprises et sans difficulté par les salariés lors de grèves précédentes, en 2008 et 2009.

Elle conteste l'existence d'un trouble manifestement illicite en faisant valoir :

- que l'article 18. 2 de l'accord de branche du 3 décembre 2007 vise clairement un délai de prévenance avant le début du mouvement de grève et non pas avant la participation individuelle du salarié comme le soutiennent les intimés,
- que le plan de transport et le plan d'information des usagers qui consacre ce délai de prévenance de 48 heures avant le début du mouvement de grève a été expressément validé par arrêté préfectoral du 19 janvier 2009, acte administratif ayant force obligatoire qui n'a pas été attaqué devant la juridiction administrative,
- qu'il n'existe pas d'atteinte illégitime au droit de grève car la déclaration initiale ne vaut pas pour toute la durée de la grève, les salariés pouvant changer d'avis quand ils le souhaitent,
- qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne fait interdiction de soumettre les salariés de manière quotidienne à des déclarations individuelles d'intention de grève, d'autant moins que l'accord du 3 décembre 2007 fait obligation à l'entreprise de donner des informations fiables aux usagers sur l'état de perturbation du trafic pendant toute la durée du mouvement et de recenser le niveau de service pouvant être maintenu " le jour perturbé ".

La société KEOLIS ajoute devant la cour que depuis l'ordonnance de référés du 5 octobre 2009, elle n'impose plus aux salariés de déclarer leur intention de grève mais simplement les " invite " à déclarer quotidiennement à compter de 48 heures avant le début du mouvement leurs intentions, de sorte qu'en tout état de cause aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé.

Le syndicat SNTU CFDT ainsi que messieurs X... et Y... concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et réclament le paiement de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils indiquent que l'urgence peut se déduire du risque de licenciement encouru par les salariés qui refuseraient de se soumettre à la procédure de déclaration quotidienne d'intention de grève.

Ils font valoir l'existence d'un trouble manifestement illicite aux motifs :

- que l'article 5 de la loi du 21 août 2007 relative à la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs fait obligation au salarié de déclarer son intention de grève au plus tard 48 heures avant de " participer " à la grève et non pas avant le début du mouvement de grève,
- que l'article 18. 2 de l'accord du 3 décembre 2007, deuxième alinéa, n'impose lui aussi de déclaration d'intention de grève que 48 heures avant le début de la participation au mouvement,
- que l'arrêté préfectoral validant le plan de transport ne saurait avoir force obligatoire en ce qui concerne l'exercice du droit de grève qui relève de la compétence du juge judiciaire garant du droit de grève et des libertés individuelles,
- que l'obligation faite aux salariés de renouveler quotidiennement leur déclaration d'intention de grève n'est pas prévue par la loi et que le rythme de l'information des usagers ne doit pas rythmer les obligations des salariés grévistes.

Le syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL, intervenant volontaire dans l'instance, sollicite la confirmation de l'ordonnance du 5 octobre 2009. Il sollicite également le paiement de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession et la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 de code de procédure civile.

Le syndicat CGT expose une argumentation et des moyens similaires à ceux des intimés afin de démontrer que les obligations imposées par la société KEOLIS aux salariés grévistes portent atteinte à la liberté du droit de grève.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que l'intervention en cause d'appel du syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL afin de soutenir la demande des intimés apparaît recevable en application à la fois des articles L 2132-3 du code du travail et 554 du code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, le juge des référés peut même en l'absence d'une contestation sérieuse ordonner toutes mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que l'article 5 de la loi no 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, dispose : " en cas de grève, les salariés relevant des catégories mentionnées au I, informent au plus tard 48 heures avant de participer à la grève le chef d'entreprise ou la personne déléguée par lui de leur intention d'y participer " ;

Que l'article 18. 2 de l'accord de branche du 3 décembre 2007 ne modifie pas les dispositions légales ci-dessus, contrairement à l'interprétation faite par la société KEOLIS qui se réfère à des formalités distinctes incombant à l'employeur ;
Qu'en l'espèce, le formulaire de déclaration d'intention de grève pour le jeudi 24 septembre 2009 mis en place par la société KEOLIS et imposant aux salariés de déclarer leur intention de grève au plus tard 48 heures avant le début du mouvement, soit au plus tard le mardi 22 septembre 2009 à 00h00 n'est pas conforme aux termes de l'articles 5 de la loi du 21 août 2007 et porte atteinte au droit constitutionnel des salariés qui leur permet de se joindre à tout moment au mouvement de grève en le déclarant 48 heures avant leur participation ;
Que l'arrêté préfectoral validant le plan de transport adapté et plan d'information des usagers ne saurait lier le juge judiciaire dans l'appréciation des atteintes portées à l'exercice du droit de grève au sein d'une entreprise de droit privé ;
Que le juge des référés, à bon droit, a retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite et ordonné sous astreinte à la société KEOLIS de modifier ses formulaires de déclaration d'intention de grève relatifs au prévis déposé le 16 septembre 2009, toujours en cours ;

Attendu par ailleurs que ni la loi du 21 août 2009, ni l'accord de branche du 3 septembre 2007 ne comportent de dispositions imposant aux salariés de renouveler quotidiennement leur intention de grève ;

Que le premier juge fait justement remarquer que si la société KEOLIS LYON peut légitimement recenser les salariés grévistes de façon périodique, voire quotidienne pour assurer la meilleure information possible des usagers sur les modalités de fonctionnement des transports pendant toute la durée du mouvement de grève, elle ne peut cependant imposer à ces salariés une condition supplémentaire en exigeant un renouvellement quotidien de leur déclaration d'intention de grève pour valider leur absence, leur déclaration initiale produisant nécessairement effet dans les termes du préavis de grève tant qu'ils n'ont pas manifesté la volonté contraire ;
Qu'il est constant que la société KEOLIS a sollicité cette déclaration quotidienne d'intention de grève auprès de plusieurs salariés, notamment monsieur X... et monsieur Y... en faisant en outre procéder à l'égard du premier un constat d'absence ;
Qu'à cet égard, le trouble manifestement illicite apparaît également caractérisé et que la mesure d'interdiction ordonnée par le juge des référés doit être confirmée ;

Attendu que la société KEOLIS produit devant la cour un nouveau formulaire de déclaration individuelle d'intention de grève concernant le préavis du 16 septembre 2009, qui impose aux salariés de déclarer leur intention 48 heures avant leur participation à la grève et qui " recommande " que le formulaire soit remis à la personne habilitée du service au plus tard 48 heures avant le début du mouvement et ce de manière quotidienne ;

Que compte tenu de l'argumentation de l'appelante qui tend à voir déclarer valable le formulaire litigieux,, ce nouveau document dont l'utilisation, au demeurant, n'est pas démontrée, ne saurait remettre en cause la décision de première instance ;

Attendu que la compétence du juge des référés étant fondée sur les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile, il n'est pas nécessaire, en l'espèce, de statuer sur les conditions d'application de l'article 808 du même code ;

Attendu qu'il n'existe pas en l'espèce d'éléments pouvant caractériser le préjudice invoqué par le syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL à l'appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; que cette demande doit en conséquence être rejetée ;
Attendu que la société KEOLIS supportera les dépens ; qu'il convient d'allouer aux intimés, globalement, la somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de faire application de ces dispositions légales au profit du syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable,
Dit recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne la SA KEOLIS LYON à payer au syndicat national des transports urbains (SNTU) CFDT ainsi qu'à monsieur Jean X... et à monsieur Maurice Y..., globalement la somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute le syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA KEOLIS LYON aux dépens d'appel et autorise les avoués de ses adversaires à recouvrer ceux des dépens dont ils auront fait l'avance sans avoir reçu de provision.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09/06268
Date de la décision : 16/11/2010
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2010-11-16;09.06268 ?
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