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02/11/2010 | FRANCE | N°09/01818

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 02 novembre 2010, 09/01818


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 09/01818





SARL CL MEDICAL



C/

[XZ]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 19 Février 2009

RG : F.07/02224











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 02 NOVEMBRE 2010













APPELANTE :



SARL CL MEDICAL

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]
r>

représentée par Me Wilad LAOUABDIA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Karine GAYET, avocat au barreau de LYON





Autre(s) qualité(s) : Intimé incident





INTIMÉE :



[Z] [XZ]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8]

[Adresse 10]

[Adresse 5]

[Localité 3]



comparan...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/01818

SARL CL MEDICAL

C/

[XZ]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 19 Février 2009

RG : F.07/02224

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 02 NOVEMBRE 2010

APPELANTE :

SARL CL MEDICAL

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Wilad LAOUABDIA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Karine GAYET, avocat au barreau de LYON

Autre(s) qualité(s) : Intimé incident

INTIMÉE :

[Z] [XZ]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8]

[Adresse 10]

[Adresse 5]

[Localité 3]

comparant en personne, assistée de Me Anthony SCARFOGLIERO, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Autre(s) qualité(s) : Appelant incident

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Septembre 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Hervé GUILBERT, Conseiller

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Assistés pendant les débats de Chantal RIVOIRE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 02 Novembre 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE :

Le 3 mars 2003, [Z] [XZ] a été embauchée en qualité de VRP selon le statut défini par la convention collective des VRP par la société CL MEDICAL ayant pour objet la fabrication et la commercialisation de bandelettes urinaires destinées à stopper l'incontinence chez l'homme et la femme, avec un salaire de 2000 euros bruts outre une rémunération variable en fonction des ventes (10% sur les ventes).

La société CL MEDICAL lui a décerné le 11 septembre 2006 un avertissement pour retard dans la communication des rapports de visites et prévisionnels d'activité, et le 12 janvier 2007 une mise à pied de 5 jours pour retard au rendez-vous de l'évaluation annuelle, non respect de la hiérarchie et mise en péril des intérêts de la société.

Le 13 décembre 2006, elle a soumis une modification de son secteur d'activité et de son taux de commissionnement à [Z] [XZ] qui l'a refusée.

Le 12 février 2007, elle lui a notifié une mise à pied conservatoire et adressé une convocation à un entretien préalable puis, le 7 mars 2007, elle lui a signifié son licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :

«Nous sommes au regret de te notifier par la présente ton licenciement pour faute grave en raison de ton dénigrement grave de la société et de la direction en interne mais également en externe, de ton refus d'exécution de tes obligations contractuelles, et d'un comportement inacceptable à l'égard des collaborateurs de la société.

Concernant tout d'abord ton dénigrement de l'ensemble de la direction mais également des propos diffamatoires que tu as tenus, tes dires sont à proprement scandaleux car ils remettent en cause non seulement les compétences de l'équipe de direction mais également son intégrité.

Ces propos sont d'autant plus inadmissibles qu'ils sont tenus non seulement en interne mais également auprès de certains de nos clients portant ainsi atteinte aux intérêts commerciaux vitaux de la société.

Dans le même ordre d'idée, tu n'hésites pas à exprimer de façon répétée ton désaccord total quant aux décisions commerciales, stratégiques ou financières prises par la direction générale tout en dénigrant cette dernière auprès de l'équipe commerciale et du personnel du siège.

Au delà de ça, tu te permets de proférer des insultes plus que grossières à l'encontre des dirigeants et à remettre en cause leur probité.

De tels agissements sont inacceptables.

Concernant ensuite ton refus d'exécuter tes obligations contractuelles, tu te refuses d'appliquer les consignes édictées par la direction malgré nos nombreuses réitérations en ce sens.

A titre d'exemple, le dirigeant de l'entreprise t'a demandé expressément d'aller visiter en priorité certains clients, ce que tu refuses au profit d'autres clients pour lesquels la prospection commerciale s'avère inopportune (puisque déjà réalisée).

C'est le cas, notamment, de la Clinique Convert, Clinique Drevon et de la Clinique Fontaine.

Nous t'avons pareillement sollicitée pour organiser des repas avec des clients, pour nous faire une rapport précis sur l'appel d'offre perdu du CH du Puy en Velay ( parmi les prospects les plus importants du secteur) pour établir des plans d'action avec certains clients, pour effectuer un nombre précis de rendez-vous hebdomadaires clients et prospects, ce qu'évidemment tu refuses de faire.

Enfin le lundi 12 février 2007, tu as refusé volontairement d'établir un reporting très important d'un essai durant lequel tu étais présente chez un client lors de la pose d'un produit concurrent.

Au demeurant, nous n'avons à ce jour toujours pas reçu ce rapport.

De tels agissements nuisent évidemment aux intérêts commerciaux de la société mais en outre démontrent, si besoin en était, ta volonté claire et évidente de ne pas exécuter tes obligations contractuelles.

Mais plus grave encore, nous avons été alertés de ton comportement inacceptable à l'encontre de certains collaborateurs.

En effet, certains salariés de la société nous ont clairement fait part de pressions scandaleuses à leur encontre.

Tes explications recueillies lors de notre entretien ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation de la situation.

En outre, tu avais déjà par le passé fait l'objet d'avertissements verbaux et écrits mais également d'une mise à pied disciplinaire pour des faits similaires dont tu n'as visiblement pas tenu compte.

En raison de la gravité des agissements ci-dessus énumérés mais également de l'importance de ton passé disciplinaire, nous te notifions ton licenciement pour faute grave privative de l'indemnité de licenciement et de ton préavis.»

Contestant les mesures prises à son encontre et sollicitant une indemnité de clientèle, [Z] [XZ] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon, section encadrement, qui, par jugement du 19 février 2009 a :

- dit que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

- annulé l'avertissement notifié le 14 décembre 2006,

-condamné la société CL MEDICAL à verser à [Z] [XZ] les sommes de

'4278,43 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied du 12 février au 7 mars 2007,

'18 097,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné le remboursement par la société CL MEDICAL aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à [Z] [XZ] du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision dans la limite de un mois d'indemnités de chômage,

-rejeté les autres demandes.

La société CL MEDICAL qui a signé l'accusé de réception de la lettre recommandée de notification de la décision le 23 février 2009, a fait appel par déclaration du 19 mars 2009.

Elle conclut à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement non causé, au rejet de l'ensemble des demandes présentées par [Z] [XZ], subsidiairement, en l'absence de faute grave, à la seule allocation de l'indemnité conventionnelle de rupture, et, en tout état de cause, à l'allocation d'une indemnité de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

A l'appui de son recours, elle expose que [Z] [XZ], embauchée à la création de la société et proche de ses dirigeants, a très mal accepté l'arrivée de madame [F] comme responsable commercial, poste qu'elle estimait lui revenir de sorte qu'à compter du mois d'avril 2006 elle a changé de comportement et n'a eu de cesse de dénigrer la société et de monter ses collègues VRP contre la nouvelle responsable; que cette situation, contrairement aux indications du Conseil de Prud'hommes n'est pas incompatible avec de bons résultats alors surtout qu'une large part du chiffre d'affaires est constituée de clients historiques et récurrents mais n'est pas acceptable, la vie de la société en étant perturbée et ses intérêts atteints. Elle lui dénie le droit à indemnité de clientèle, les conditions pour l'obtention d'une telle indemnité n'étant pas réunies, le licenciement étant prononcé pour faute grave, la preuve d'une perte de bénéfice n'étant pas rapportée pas plus que celle d'un apport ou d'un développement de clientèle. En toute hypothèse, elle indique que le préjudice moral n'est pas caractérisé non plus que des faits de harcèlement, que les montants réclamés tant à ces titres et qu'à celui des indemnités de clientèle et de rupture sont exagérés et non justifiés, que l'indemnité spéciale de licenciement n'est pas due et que l'indemnité conventionnelle de rupture ne se cumule pas avec celle de clientèle.

[Z] [XZ] demande de :

-confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société CL MEDICAL à lui payer de ce fait :

' 4710,11 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 12 février au 7 mars 2007 outre 471,11 euros de congés payés afférents,

'18 097,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1809,72 euros de congés payés afférents,

'58 342,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, annuler la mise à pied du 12 janvier 2007, les avertissements des 11 septembre et 12 octobre 2006, condamner la société CL MEDICAL à lui payer les sommes de :

'5834,22 euros pour non respect de la procédure,

'333,33 euros au titre de rappel de salaires sur la période de mise à pied de 5 jours du 12 janvier 2007 et 33,33 euros de congés payés afférents,

'92 021,34 euros à titre d'indemnité de clientèle,

'23 336,80 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct et harcèlement

subsidiairement,

'10940,74 euros net à titre d'indemnité spéciale de rupture et 1300 euros nets d'indemnité conventionnelle de rupture,

en toute hypothèse,

'3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique que les sanctions prises entre septembre 2006 et janvier 2007 ne sont pas justifiées, que l'employeur ne lui ayant pas permis de s'expliquer sur les faits reprochés au cours de l'entretien préalable la procédure de licenciement est irrégulière, que les griefs sont énoncés de façon floue et imprécise dans la lettre de licenciement, contredits par les pièces produites, et non établis, que l'augmentation du chiffre d'affaires entre 2003 et 2006 sur son secteur manifeste son apport personnel et l'accroissement du nombre de clients de son fait ainsi que le préjudice subi du fait de sa perte, la société créée ayant un chiffre d'affaire très faible et sur une clientèle différente.

MOTIFS DE LA DECISION :

1) Sur les sanctions disciplinaires :

Aux termes des articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail qui demeurent applicables lorsqu'un licenciement a été ultérieurement prononcé, le juge du contrat de travail peut, au vu des éléments que doit fournir l'employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Par courrier du lundi 11 septembre 2006, la société CL MEDICAL a notifié un avertissement à [Z] [XZ] pour ne pas lui avoir adressé le rapport de visite de la semaine 36, le rapport prévisionnel de la semaine 37 ainsi que le kilométrage de la semaine 36, ces faits constituant une infraction aux conditions de travail fixées dans l'entreprise ainsi qu'une faute contractuelle.

Il résulte des échanges de courriels produits par la société CL MEDICAL elle même que pendant longtemps, les communications se sont effectuées selon un mode assez informel et amical. Dans le cadre de la réorganisation du service commercial, une plus grande rigueur a été attendue dans ces transmissions de la part des commerciaux, les nouvelles consignes étant données dans une note de service du 26 juillet 2006. Eu égard à la période de congés d'été, cette nouvelle organisation ne pouvait entrer en vigueur effectivement avant début septembre soit la semaine 36. Or, dès le lundi de la semaine 37, l'employeur sanctionne [Z] [XZ] en lui reprochant l'absence de communication de son rapport de la semaine précédente et de son prévisionnel pour la semaine 37. Outre que [Z] [XZ] conteste ce manquement en indiquant avoir transmis les données requises à sa supérieur hiérarchique, madame [F], responsable national, et n'avoir oublié que de les adresser également au responsable de la société selon les nouvelles consignes, le changement récent de procédure interne peut expliquer cette omission alors surtout que l'envoi du nouveau modèle de rapport prévisionnel et de fiche d'activité n'a été fait que 11 septembre, concomitamment avec la notification de l'avertissement. Cette rapidité à réagir sur le plan disciplinaire alors que le salarié a rendu compte de son activité est disproportionnée au regard de la faute commise.

L'avertissement sera donc annulé.

Aux termes de l'article L 1331-1 du code du travail constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales prises par l'employeur à la suite d'agissements considérés par lui comme fautifs. Sur cette base, [Z] [XZ] analyse le courrier reçu le 12 octobre 2006 comme un nouvel avertissement . Toutefois, dans cet écrit, l'employeur ne fait que répondre à sa contestation de l'avertissement du 11 septembre et lui en confirmer les termes. Il ne lui signifie pas une nouvelle sanction.

La demande d'annulation est donc sans objet.

Après une convocation le 2 janvier 2007 à un entretien préalable en vue de son licenciement, [Z] [XZ] a reçu notification le12 janvier 2007 d'une mise à pied de 5 jours pour insubordination manifeste, non respect chronique de la hiérarchie et mise en péril volontaire des intérêts de la société et de l'ensemble des salariés. La société CL MEDICAL, au titre des deux premiers motifs, argue d'un retard non motivé de 25 minutes au rendez-vous d'entretien d'évaluation annuelle, d'un refus de recevoir un courrier de convocation contre récépissé et d'un dénigrement systématique de ses collègues. Si le retard n'est pas contesté, son importance l'est, [Z] [XZ] affirmant être arrivée à 16h10 au lieu de 16h. Aucun élément ne vient confirmer les dires de l'un ou l'autre. Le refus, au cours d'un congrès, d'accepter une convocation à un entretien contre récépissé ne peut s'analyser comme un acte d'insubordination manifeste alors surtout que cette demande suit une entrevue où il a été soumis à la salariée une modification de son secteur d'activité et que les parties sont en discussion voire en opposition sur ce point. Les propos de dénigrement par ailleurs invoqués ne sont pas étayés.

Le dernier grief est relatif à une contravention d'excès de vitesse avec le véhicule de la société. Il n'est pas contesté que [Z] [XZ] a prêté le véhicule mis à sa disposition à titre professionnel à un autre salarié de la société lequel, le 20 mai 2006, a été contrôlé par radar à une vitesse de 190 kilomètres/heure pour une vitesse limitée à 130. [Z] [XZ] indique en avoir informé la société CL MEDICAL mais sans en justifier puisque, au reçu du compte rendu d'infraction le 2 août 2006, la société CL MEDICAL a demandé au peloton d'autoroute de [Localité 6] de lui transmettre le cliché du véhicule afin qu'il puisse adresser la contravention à la personne concernée et leur communiquer les coordonnées du conducteur.

Le 27 novembre 2006, [WN] [M], en qualité de dirigeant de la société CL MEDICAL, a été convoqué par les services de police d'[Localité 9] . [Z] [XZ], contrairement à ses affirmations, n'avait pas à cette date mis un terme à la difficulté, personnellement ou avec le conducteur du véhicule. Il s'agit là d'une faute. Toutefois, la société CL MEDICAL n'établit ni allègue avoir été contraint de régler une amende ni avoir risqué, en la personne de son dirigeant, une suspension du permis de conduire ou une perte de points. A la date de la convocation à l'entretien préalable et plus encore à la date de notification de la sanction, le problème était réglé sans 'mise en péril volontaire des intérêts de la société et de l'ensemble des salariés'. Une mise à pied de 5 jours apparaît comme une sanction disproportionnée à la faute commise .

Elle sera donc annulée et la société CL MEDICAL condamnée à payer à [Z] [XZ] la somme de 333,33 euros au titre de rappel de salaires sur cette période et 33,33 euros de congés payés afférents.

2) Sur le licenciement :

* sur la procédure de licenciement :

Aux termes de l'article L1232-23 du code du travail, au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. En l'espèce, [Z] [XZ] soutient que lors de l'entretien préalable du 26 février 2007, elle n'a pu s'expliquer sur les griefs reprochés, [WN] [M] représentant la société ne l'ayant pas laissé s'exprimer et ayant mis fin à l'entretien en la priant de quitter le bureau. Toutefois, alors qu'elle produit un compte rendu de l'entretien du 2 janvier 2007 ayant précédé la mise à pied du 12 février établi par [N] [R], conseiller du salarié, elle ne verse pas un tel document pour l'entretien contesté alors qu'elle était accompagné du même conseiller. Faute de justifier de l'irrégularité alléguée, le jugement sera confirmé sur ce point.

* Sur les motifs du licenciement :

Le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire. Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables. Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

La lettre de licenciement contient trois motifs essentiels, dénigrement de la direction et propos diffamatoires, refus d'exécuter les obligations contractuelles, pressions inacceptables sur les collaborateurs et s'appuie sur les sanctions disciplinaires antérieures pour caractériser la gravité des fautes invoquées.

S'agissant du premier grief divisé en deux branches, dénigrement de la direction en interne et critiques de la société en externe, la société CL MEDICAL produit diverses attestations.

Sur le premier point, les dépositions versées aux débats, rédigées en termes généraux, sont imprécises et non circonstanciées. Ainsi, [G] [Y] et [X] [B] disent avoir entendu [Z] [XZ] l'une 'remettre en cause l'action des dirigeants et les décisions prises par ceux-ci en tenant des propos qui les dénigraient clairement', l'autre 'dénigrer et tenir des propos négatifs à l'égard des dirigeants'

[C] [A], également commercial dans la société CL MEDICAL, fait état d'un 'comportement général malsain de la part de [Z] [XZ] et d'un dénigrement systématique de Mr [WN] [M] et de son épouse [O] [M] pour toute initiative de ceux-ci visant à améliorer le fonctionnement de l'entreprise'. Il convient de noter que ce témoin a postérieurement délivré une attestation contraire en indiquant que 'la pression dans cette entreprise était alors très étouffante, plusieurs licenciements avaient eu lieu [...] la direction de la société CL MEDICAL avait fait pression sur [lui] en lui faisant comprendre qu'il valait mieux pour [lui] d'écrire cette lettre' et il souligne ensuite 'la constance professionnelle remarquable de [Z] [XZ], ses chiffres d'affaires impressionnants et une implication de tous les instants.'

Sur les attaques de la société en présence des clients, il convient d'écarter les attestations de [UO] [J], commercial recruté pour remplacer [Z] [XZ] et d'[S] [LF], chirurgien, dans la mesure où elle font état de faits postérieurs au licenciement. En effet [UO] [J] signale à son employeur que [Z] [XZ] aurait contacté un certain nombre de clients 'afin de se plaindre des conditions dans lesquelles elle a été remerciée, faisant indirectement pression pour qu'ils changent de fournisseur' et le chirurgien rapporte une réaction d'un de ses collègues à l'énoncé du nom de [WN] [M] 'ah cet escroc' en se référant à sa façon de gérer le personnel.

Ne reste donc qu'une attestation, celle de [YM] [EV], autre commerciale de la société qui énonce que lors du congrès Dargent au mois de décembre 2006 'nous avons présenté la responsable des ventes nationales à un chirurgien et celui-ci a demandé à [Z] si c'était ce poste qu'elle voulait 'piquer'. Outre que la responsabilité des termes choisis n'incombe qu'à leur auteur, cette attestation est insusceptible, à elle-seule, de démontrer une tendance de la part de [Z] [XZ] à déprécier la société ou ses dirigeants, situation au demeurant peu compatible, pour une commerciale, avec le souci de valoriser son produit et d'inspirer confiance, ce que faisait bien [Z] [XZ], au vu de ses résultats et des réactions de ses clients se louant de ses services. En effet, en contre point, [Z] [XZ] verse de nombreuses attestations de médecins avec lesquels elle a été amenée à travailler dans le cadre de ses fonctions qui soulignent son comportement professionnel, sa compétence et qui affirment ne l'avoir jamais entendu critiquer la société pour laquelle elle travaillait mais au contraire usé de son savoir faire pour favoriser son développement ([GB] [UB], [E] [L], [HM] [KS], [V] [U], [IT] [WA], [T] [K], [GB] [D], [W] [P], [FE] [I]). Par ailleurs, contrairement à tout ce qui est indiqué par la société CL MEDICAL sur l'animosité de [Z] [XZ] à l'encontre de [SC] [F], recrutée en externe en qualité de responsable nationale des ventes et dont elle envierait le poste, les courriels produits aux débats illustrent des relations cordiales plus que courtoises et une grande satisfaction de la supérieure hiérarchique du travail effectué par [Z] [XZ].

Le premier reproche n'est pas établi.

Le deuxième est relatif au refus, de la part de [Z] [XZ], d'exécuter les consignes édictées. Il convient au préalable de rappeler que les commentaires sur l'activité et les résultats de [Z] [XZ] depuis son entrée dans la société en 2004 jusqu'en fin d'année 2006 sont tous très élogieux. La critique faite porte sur une période de temps très réduite et répond au refus de la part de [Z] [XZ] d'accepter un changement dans la découpe de son secteur d'activité et dans le calcul de son commissionnement analysée par l'employeur comme une marque de déloyauté. Eu égard aux mises à pied disciplinaire et conservatoire prononcées, les critiques faites sur l'attitude opposante de [Z] [XZ] par refus de se plier aux consignes données ne peut donc porter que sur la période du 22 janvier au 12 février 2007, période au cours de laquelle [Z] [XZ] a maintenu son activité ainsi qu'en attestent les rapports produits par la société CL MEDICAL sans commentaire de sa part. Aucune consigne n'a été violé durant ce laps de temps et la salariée n'a pas eu le temps matériel de fixer de programmer les rencontres demandées.

Ce grief, non caractérisé, ne peut dès lors être retenu pas plus que le refus de faire le rapport sur un essai réalisé le 12 février 2007, [Z] [XZ] étant mise à pied à titre conservatoire à compter de cette date.

Enfin, la société CL MEDICAL ne donnant aucune précision sur le dernier grief mentionné dans la lettre relatif à des pressions sur d'autres salariés de la société, celui-ci doit être écarté.

Etant ajouté que les sanctions disciplinaires rappelées pour caractériser la gravité des fautes alléguées ont été annulées, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient de confirmer le jugement tant sur ce point qu'en ce qu'il a condamné la société CL MEDICAL au paiement

- d'une somme de 18 097,20 euros à titre de préavis sauf à y ajouter 1809,72 euros au titre des congés payés afférents

- d'une somme au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire mais en l'émendant sur le montant, le salaire moyen sur les trois derniers mois après réintégration de la part de salaire déduit pour la mise à pied disciplinaire de février 2007 étant de 6143,62 euros, et dès lors de condamner la société CL MEDICAL à ce titre au paiement de la somme de 4710,11 euros outre 471,01 euros de congés payés afférents.

La société comptant moins de 11 salariés, il convient en application de l'article

L 1235-5 du code du travail évaluer le préjudice subi par [Z] [XZ] . Compte tenu de son ancienneté et eu égard à une reprise d'activité rapide mais moins rémunératrice, la société CL MEDICAL sera condamnée à payer à [Z] [XZ] la somme de 28 000 euros.

Selon l'article L 1235-4 du code du travail dans les cas prévus aux articles L 1235-3 et L 1235-11 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. L'employeur ne relève ici d'aucun des deux articles précités. Il n'y a pas lieu à ordonner ce remboursement.

Si [Z] [XZ] n'allègue aucun fait susceptible de caractériser un harcèlement, elle établit que les circonstances entourant le licenciement, survenu brutalement alors que des dires de tous et notamment de la société CL MEDICAL elle même, elle s'était investie de façon importante dans la société dès sa création, avait participé à son développement aux côtés des dirigeants avec lesquels elle avait des liens privilégiés, lui ont causé un préjudice moral indépendant du préjudice lié à la perte de l'emploi qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts.

3)Sur indemnité de clientèle :

L'article L 7313-13 du code du travail énonce qu'en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Ce droit suppose l'existence d'un préjudice. Tel n'est pas le cas lorsque le VRP continue après la rupture à visiter la même clientèle pour des produits similaires. En l'espèce, [Z] [XZ], déliée de toute obligation de non concurrence, a créé une société unipersonnelle, la société Elite Médical dans le cadre de laquelle elle a commercialisé notamment une bandelette urinaire pour le compte de la société Hesperis avant d'être engagée par cette société après la cessation de toute activité de la société Elite Médical. Elle a ainsi oeuvré pour placer un produit similaire sur le même secteur géographique et auprès de mêmes médecins et mêmes établissements hospitaliers. Des médecins ( [T] [K] et [LY] [H]) avec lesquels elle avait travaillé antérieurement en attestent. [DO] [PD], directrice commerciale de la société Hesperis, le confirme en certifiant que [Z] [XZ] a exercé en qualité d'agent commercial pour le compte de la société Hesperis jusqu'en février 2008 en vue de la commercialisation d'une bandelette urinaire.

Le fait qu'elle précise ensuite que le chiffre d'affaires a été minime et que cet échec provient, non de [Z] [XZ], mais du produit lui-même, en phase expérimentale, et jugé 'mauvais' par le docteur [NE] contacté pour son utilisation dans le cadre de sa pratique, est indifférent. Reste le fait que [Z] [XZ] a démarché la même clientèle pour un produit directement concurrent.

L'indemnité de clientèle n'est pas due.

En revanche, la société CL MEDICAL qui a licencié [Z] [XZ] pour faute grave et ne s'est pas opposée dans les 15 jours au versement d'une indemnité spéciale de rupture est tenue, compte tenu de la décision écartant toute faute, de procéder au paiement de cette indemnité. Le montant réclamé n'étant pas autrement contesté, la société CL MEDICAL sera condamnée à payer à [Z] [XZ] la somme de 10 940,74 euros outre l'indemnité conventionnelle de rupture d'un montant de 1300 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute grave, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la SARL CL MEDICAL au paiement d'un préavis de 18 097,20 euros, rejeté la demande d'indemnité de clientèle, dit y avoir lieu à paiement de salaires au titre de la période de mise à pied conservatoire et de dommages-intérêts mais le réforme sur les montants,

Condamne la SARL CL MEDICAL à payer à [Z] [XZ]

- 4710,11 euros au titre du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et 471,01 euros au titre des congés payés afférents,

- 28 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Le réforme pour le surplus,

Annule l'avertissement du 11 septembre 2006 et la mise à pied du 12 février 2007

Condamne la SARL CL MEDICAL à payer à [Z] [XZ] les sommes de

- 333,33 euros au titre du rappel de salaire pendant cette période de mise à pied et 33,33 euros de congés payés afférents,

-10 940,74 euros à titre d'indemnité spéciale de rupture,

- 1300 euros à titre d'indemnité conventionnelle de rupture,

- 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités versées par Pôle Emploi,

y ajoutant,

Condamne la société SARL MEDICAL à payer à [Z] [XZ] la somme de 1809,78 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

Condamne la société SARL MEDICAL à payer à [Z] [XZ] la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL CL MEDICAL aux dépens.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 09/01818
Date de la décision : 02/11/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°09/01818 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-02;09.01818 ?
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