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28/10/2010 | FRANCE | N°09/02287

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 28 octobre 2010, 09/02287


R.G : 09/02287Décision du tribunal de commerce de LyonAu fond du 23 mars 2009

RG : 2008J0256 - 2008J1903

COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 28 Octobre 2010

APPELANTE :

Société INGEVALOR - SAS, représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège26, chemin de la Forestière69130 ECULLY

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de la SCP D AVOCATS DUMONT-LATOUR, avocats au barreau de LYON

INTIMEES :

Société BERIM - SA149, avenue Jean Lolive93695 PANTI

N CEDEX

représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assistée de la SCP LEVY - GOSSELIN - MALLEVAYS - SALAU...

R.G : 09/02287Décision du tribunal de commerce de LyonAu fond du 23 mars 2009

RG : 2008J0256 - 2008J1903

COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 28 Octobre 2010

APPELANTE :

Société INGEVALOR - SAS, représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège26, chemin de la Forestière69130 ECULLY

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de la SCP D AVOCATS DUMONT-LATOUR, avocats au barreau de LYON

INTIMEES :

Société BERIM - SA149, avenue Jean Lolive93695 PANTIN CEDEX

représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assistée de la SCP LEVY - GOSSELIN - MALLEVAYS - SALAUN, avocats au barreau de PARIS

Société URBASER ENVIRONNEMENT - SAS1140, avenue Albert EinsteinB. P. 5134935 MONTPELLIER CEDEX 09

représentée par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Cour
assistée de la SELAS LANDWELL et ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 25 Juin 2010
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Septembre 2010
Date de mise à disposition : 28 Octobre 2010

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :- Bernadette MARTIN, président- Christine DEVALETTE, conseiller- Philippe SEMERIVA, conseiller

assistée pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA, a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bernadette MARTIN, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE

La société Urbaser Environnement, délégataire de la Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole pour la réalisation d'une unité de traitement de déchets, a confié une mission de maîtrise d'oeuvre à la société Ingévalor, qui a elle-même conclu un contrat d'assistance technique avec la société Berim.

Ce dernier contrat ayant été unilatéralement résilié avant terme, la société Berim a assigné la société Ingévalor en paiement de dommages-intérêts ; celle-ci a appelé la société Urbaser Environnement en garantie éventuelle.
Par jugement du 23 mars 2009, le tribunal de commerce de Lyon, joignant les instances, a dit que la résiliation brutale et anticipée par la société Ingévalor de la convention liant les parties est injustifiée et abusive ; il l'a condamnée au paiement d'une somme totale de 285 918,75 euros TTC, rejeté sa demande en garantie et mis à sa charge une indemnité de 2 000 euros envers chacune des deux autres parties au titre des frais irrépétibles.

La société Ingévalor a relevé appel le 9 avril 2009.

Elle présente le contexte contractuel en insistant notamment sur l'importance du projet en cause et sur le fait que ses relations avec la société Urbaser Environnement préexistaient à l'intervention de la société Berim.
Quant aux conditions de la résiliation, elle fait valoir:
- que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la mission initiale de la société Berim n'a pas été modifiée, comme celle-ci l'a d'ailleurs elle-même considéré,
- que cette dernière ne s'est jamais conformée à son obligation portant sur la présence continue de son représentant sur le site, que cette situation a perduré malgré les rappels et qu'ainsi la société Berim a fait obstruction aux attentes légitimes et contractuelles de son donneur d'ordres,
- que cette conclusion est confortée par le fait que celle-ci, après notification de la résiliation, a assuré cette présence continue,
- que les compétences du collaborateur désigné par la société Berim n'étaient pas adéquates à sa mission,
- que le contrat passé entre les sociétés Ingévalor et Urbaser Environnement est opposable à la société Berim, notamment en ce qui concerne le planning général,
- que le préjudice n'est de toute façon pas à la mesure retenue par le tribunal, dès lors, notamment que l'option contractuelle portant sur sa mission d'intervention pour le suivi du montage et de la tri-méthanisation n'a pas été levée, de sorte que la société Berim n'a subi nulle perte de chance au titre de cette tranche optionnelle,
- qu'il y a lieu, le cas échéant, d'accueillir son recours en garantie, car la société Urbaser Environnement, qui a donné son accord à l'intervention de la société Berim, entretenu des contacts direct avec elle, puis demandé le départ du collaborateur désigné par cette dernière, doit assumer les conséquences de ce choix,
- que l'ayant ainsi placée dans une situation inextricable, sa responsabilité est en toute hypothèse engagée sur le fondement de la faute.
La société Ingévalor conclut donc à la réformation du jugement, au rejet de l'indemnisation prononcée au titre de la phase optionnelle du contrat, à sa garantie par la société Urbaser Environnement et au paiement par les parties adverses d'une somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Berim objecte:
- que la lettre de résiliation, qui fixe le litige, ne vise aucune faute de sa part et que l'avenant conclu entre ces sociétés, qui serait à l'origine de cette résiliation, lui est inopposable,
- qu'il n'existe ni faute de sa part, ni mise en demeure préalable conforme à la convention des parties, ni manquement particulièrement grave nécessitant une résiliation d'urgence,
- que l'obligation de présence sur site, définie sans ambiguïté au contrat par un rythme de quatre jours sur cinq, a été respectée et que la société Ingévalor renie ses conclusions de première instance en prétendant à présent que cette obligation était de cinq jours sur cinq, puis en mélangeant obligation de présence et continuité de celle-ci,
- que les dispositions convenues entre cette dernière et la société Urbaser Environnement à propos du planning n'ont pas vocation à s'appliquer, et ne sauraient au demeurant s'interpréter dans le sens extensif revendiqué par la société Ingévalor,
- qu'on ignore ce que recouvre le reproche, formulé après la lettre de résiliation, concernant l'adéquation des compétences du collaborateur concerné.
Elle insiste, quant à l'évaluation du préjudice, sur le fait que la mission de suivi visée par la société Ingévalor n'était pas optionnelle et qu'il y a lieu pour le surplus d'appliquer les stipulations contractuelles, pour confirmer le jugement, sauf en ce qui concerne le montant du préjudice, et condamner ainsi la société Ingévalor à lui payer la somme de 528 452,60 euros à titre de dommages-intérêts, à tout le moins celle retenue par les premiers juges, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Urbaser Environnement demande la confirmation du jugement et la condamnation de la société Ingévalor à lui payer une indemnité de 10 000 euros pour frais irrépétibles, aux motifs essentiellement:
- qu'elle ne saurait être tenue de la rupture du contrat de sous-traitance souscrit en violation des engagements de la société Ingévalor à son égard afin de pallier les carences de celle-ci et dans des conditions qui n'ont pas permis en définitive à cette dernière de répondre à ses propres obligations,
- qu'au surplus, la société Ingévalor s'est engagée vis-à-vis d'elle à endosser la responsabilité des agissements de ses sous-traitants.
MOTIFS DE LA DÉCISION

"Ensuite d'une réunion que nous avons eue avec la société Urbaser Environnement, nous vous informons par la présente que les conditions d'exécution de la prestation globale d'Ingévalor ont été modifiées à la demande de notre client ; dans ce contexte, les conditions d'exécution de votre propre prestation ne répondent plus aux attentes de notre client ; aussi, nous sommes dans l'obligation de procéder à la résiliation de votre contrat en application des dispositions des articles 4, alinéa 1er, et 9, et ce à compter du 31 mai 2007".Tels sont les termes du courrier adressé par la société Ingévalor à la société Bérim le 30 avril 2007.Rien n'y évoque une faute du cocontractant.Or, les stipulations visées par ce courrier sont ainsi rédigées : "les prestations de Bérim objet de la présente convention d'assistance technique sont soumises aux conditions de l'exécution de la prestation globale d'Ingévalor" et "en cas d'inexécution par l'une ou l'autre partie de l'une quelconque de ses obligations, l'autre partie pourra, après envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception demeuré sans effet dans le délai d'un mois, résilier de plein droit la présente convention, dans cette hypothèse, un décompte de résiliation sera établi à la date d'arrêt des prestations".Outre que les formalités prévues par l'article 9 du contrat n'ont pas été mises en oeuvre, le courrier de résiliation ne dénonce aucune "inexécution" au sens de la convention.

Sauf à donner à l'article 4, premier alinéa, une portée si large qu'il en vienne à signifier que le maintien du contrat particulier dépendait directement des conditions d'exécution du contrat principal.Mais une telle interprétation ne s'autorise d'aucune base, notamment parce que le surplus de cet article 4 n'est consacré qu'au délai de réalisation du chantier et aux conséquences d'une modification du planning, qui sont ainsi les seuls objets entrant dans la catégorie des "conditions de l'exécution" visées au contrat.On ne saurait en conclure que la seule modification de la prestation confiée par la société Urbaser Environnement à la société Ingévalor autorisait cette dernière à résilier, d'ailleurs sans formes et à effet quasi immédiat, la convention passée avec la société Bérim.Les motifs ainsi indiqués ne fondent pas cette résiliation.

Cependant, si cette lettre est symptomatique des conditions de la rupture, elle ne "fixe pas le litige", et il reste loisible à la société Ingévalor d'établir qu'en réalité, sa décision était justifiée par des manquements de la société Bérim.
Il convient donc d'évaluer le grief pris d'un manque de collaboration de la part de son cocontractant.
En mars 2006, la société Ingévalor s'est vu confier par la société Urbaser Environnement une mission comprenant "la charge de toutes les prestations intellectuelles nécessaires pour établir la documentation pertinente, suivre les travaux des fournisseurs, réaliser la coordination avec l'architecture, démarrer et finir la construction de l'usine et superviser la mise en service industriel".Il s'agissait notamment pour la société Ingévalor de "coordonner et vérifier les interfaces génie civil / process, ainsi que d'établir la coordination de la construction mécanique et génie civil".La mission était donc cruciale et très étendue, le contrat spécifiant encore (pièce III, page 2) que la société Ingévalor "apportera à Urbaser Environnement l'assistance technique en matière de prix, qualité, solutions techniques et tout autre sujet permettant d'obtenir un résultat final satisfaisant" et que "pour respecter cet objectif, Ingévalor mettra en place l'équipe nécessaire de techniciens et employés hautement qualifiés et expérimentés nécessaires".La convention précise enfin (Responsabilités générales, p. 17) qu'il incombe à cette société "de ne pas sous-traiter ses propres travaux sans autorisation d'Urbaser Environnement", étant précisé que "cette autorisation ne sera donnée que si Ingévalor veut contacter des bureaux d'études spécialisés" et qu'elle sera "responsable des travaux faits par ses sous-traitants".

Le 27 novembre 2006, la société Ingévalor conclut avec la société Bérim le contrat donnant lieu au présent litige.L'acte commence par indiquer que "le génie civil du projet est confié, au titre d'un contrat séparé, à un groupement d'architectes", et que "trois bureaux d'études spécialisés sont par ailleurs en charge de l'assainissement, du génie civil et des fluides du bâtiment".Puis il confie à la société Bérim la mission "d'assurer pour le compte d'Ingévalor la liaison entre ces différentes entités et l'ensemble des entreprises titulaires des lots process".Si l'on rapproche cette formulation de la définition de la tâche confiée par la société Urbaser Environnement à la société Ingévalor, il s'agit d'une mise en sous-traitance.Importante, car elle porte sur le coeur même de la prestation, elle-même essentielle pour l'exécution de cet important chantier, incombant à la société Ingévalor selon le contrat passé avec la société Urbaser Environnement.

Le contrat stipule que pour remplir sa tâche, "un collaborateur de la société Bérim sera mis à disposition d'Ingévalor à plein temps à compter du 4 décembre 2006 : 4 jours/semaine sur site ou à Lyon en moyenne et 1 jour au siège de Bérim à Pantin. Nota: l'emploi du temps du collaborateur de Bérim mis à disposition pour la mission sera défini sous la direction du chef de projet Ingévalor".Par courrier électronique du 18 janvier 2007, la société Urbaser Environnement indiquait à la société Ingévalor qu'on l'avait informée que M. X..., de la société Bérim, "remplaçait dorénavant M. Y... pour la fonction d'OPC général du chantier" qu'il ne serait présent sur le site que les lundi, mardi, jeudi et vendredi, et que "pour l'immédiat nous acceptons cette situation mais vous demandons de prendre en considération notre insatisfaction de cet état de fait".

La mission de la société Bérim ne s'étendait pourtant pas à cette fonction d'ordonnancement, pilotage et coordination du chantier.Cette dernière l'a exactement rappelé à la société Ingévalor, à l'époque (courrier électronique du 9 février 2007) : "vous parlez, en plus de la mission de gestion des interfaces, d'une mission OPC chantier ; cette mission n'a pas été indiquée dans la convention comme faisant partie des activités de M. X... ; elle impliquerait effectivement la présence d'une personne supplémentaire à temps plein sur le chantier ; après vérification avec M. X..., ce dernier nous a confirmé qu'il avait effectivement pris en charge cette mission, mais uniquement en tant que "dépannage" suite au départ du chantier de M. Y... ; le remplaçant de M. Y... devant arriver jeudi 8 février 2007, M. X... se concentrera alors uniquement sur sa mission de gestion des interfaces ; en conséquence, nous estimons que sa présence continue sur le site n'est pas nécessaire et que les termes de notre convention n'ont pas été modifiés".

Aucun avenant au contrat ne sera passé et l'on ne peut considérer que son intervention dans ce domaine, surtout dans les conditions ainsi décrites et confirmées par les conclusions de la société Ingévalor, impliquerait une obligation pour la société Bérim d'assumer la charge d'une telle mission.On note également qu'accepter un tel dépannage, surtout pour une fonction aussi lourde au regard de l'importance du projet, ne décrit pas la société Bérim comme un cocontractant refusant toute collaboration.

Pourtant, c'est par la suite au regard des obligations OPC que se développeront essentiellement difficultés et reproches :
- courrier électronique de la société Urbaser Environnement à la société Ingévalor, le 31 janvier 2007 : "pour l'OPC, nous réitérons notre désaccord sur le fait d'une présence discontinue du responsable OPC, présence lundi, mardi, puis jeudi vendredi et le mercredi un remplaçant ; ce poste est un poste à 100 % sur site et 100 % de la même personne , nous ne comprenons par votre position pour un projet de cette envergure",
- courrier électronique de la société Ingévalor à la société Bérim, le 6 février 2007 : "Urbaser, par l'intermédiaire de M. Z..., directeur réalisation, nous a fait savoir à plusieurs reprises son désaccord quant à la présence discontinue sur la semaine de votre collaborateur M. X... ; il considère cette situation incompatible pour bien réaliser la mission de gestion des interfaces génie civil/process - OPC chantier",
- après la réponse déjà citée de la société Bérim, le 9 février, la société Ingévalor lui écrit de nouveau, le 27 février : "concernant la mission confiée à votre collaborateur, nous vous rappelons les termes de l'article 2 : l'emploi du temps du collaborateur de Bérim mis à disposition pour la mission sera défini sous la direction du chef de projet Ingévalor ; dans ce cadre, nous avons effectivement demandé à M. X... de prendre en charge l'organisation du chantier en réalisant un certain nombre de tâches d'OPC général de chantier, lesquelles ne sont pas incompatibles, mais complémentaires avec la mission de gestion des interfaces ; sachant que le maître d'oeuvre d'exécution doit assurer l'organisation et la préparation du chantier afin d'accueillir l'ensemble des entreprises, l'emploi du temps de M. X... sur la base de 4j/sem en moyenne sur site est compatible avec la mission sur les mois de janvier et février jusqu'à l'arrivée des principales entreprises génie civil et process ; nous vous demandons de justifier l'emploi du temps de votre collaborateur sur le 5ème jour pour la facturation".
Le tribunal a déduit de tout cela que la mission de la société Bérim avait été modifiée.En réalité, c'est la société Ingévalor qui, sans nouvel accord entre les parties, a "demandé à M. X... de prendre en charge l'organisation du chantier en réalisant un certain nombre de tâches d'OPC général de chantier".La mission de la société Bérim n'en a pas été modifiée, faute d'accord sur ce point.Si cette société n'a jamais contesté qu'une mission OPC impliquait une personne à temps plein, il ne lui revenait pas de fournir cette prestation.En effet, la société Ingévalor, s'est appuyée sur une disposition du contrat qui ne lui conférait pas la faculté de mobiliser le collaborateur de la société Bérim pour des tâches prétendument "complémentaires", en toute hypothèse non prévues par cet accord, mais seulement de définir l'emploi du temps de ce dernier au regard des obligations souscrites par son employeur, soit pendant quatre jours par semaine sur site sans qu'il soit contractuellement précisé que ces jours devaient être consécutifs et sans que cela s'impose évidemment au regard de la tâche à accomplir.En effet il n'est présenté aucune réfutation de la thèse de la société Bérim selon laquelle, s'agissant de la seule mission conférée par le contrat de sous-traitance, "sa présence continue sur le site n'était pas nécessaire".

Il résulte de ces éléments que la société Bérim s'était engagée à fournir une prestation précise selon des modalités convenues au contrat.Elle n'a pas manqué à son devoir de collaboration contractuelle, notamment en ce qu'elle a consenti une aide ponctuelle pour assumer, en principe provisoirement, une charge supplémentaire -très lourde.On ne saurait lui faire grief de n'avoir pas pleinement et continûment rempli cette mission qui ne lui a jamais été confiée ni payée, ni d'avoir, quant aux moyens à mettre en oeuvre pour celle dont elle avait la charge, respecté les termes mêmes de la convention.

La société Ingévalor concédait d'ailleurs ce second point dans son courrier du 23 mars 2007 à la société Bérim : "nous vous confirmons la demande expresse du maître d'ouvrage à savoir que ce dernier exige que le collaborateur que vous mettez à notre disposition dans le cadre de la mission technique que nous vous avons confiée soit désormais présent pendant toute la semaine, soit cinq jours sur site ; le maître d'ouvrage ne nous laissant aucunement le choix d'apprécier l'opportunité ou non d'une présence à temps plein, vous voudrez bien nous faire savoir par quel moyen parvenir à cette fin indépendamment des termes de notre contrat qui en toute hypothèse prévoit une intervention de votre collaborateur à temps plein".Abstraction faite de cette dernière affirmation, qui n'est conforme au contrat que si l'on ajoute que ce temps plein n'est pas stipulé entièrement sur site, ce courrier évoque bien une prestation indépendante des termes du contrat.On ne peut reprocher à la société Bérim dont on ignore l'importance des engagements par ailleurs, de n'avoir pas modifié en ce sens la convention faisant la loi des parties.Et il est, pour cette même raison, indifférent qu'elle ait pu le faire après la résiliation du contrat.

Outre cette question de planning, qui, selon les éléments retracés, n'est venue se poser qu'à partir du moment où des éléments d'une fonction OPC ont été confiés à M. X..., la société Ingévalor, reprenant les griefs de la société Urbaser Environnement, soutient que "le profil de ce dernier n'avait pas une bonne adéquation avec la mission dont il avait la charge".Outre qu'on ignore si cette mission était celle qui lui était dévolue par contrat ou celle dont la société Ingévalor avait entendu le charger, ce reproche est d'une telle imprécision qu'il ne saurait fonder aucune conséquence.

Enfin, s'il est normal qu'un sous-traitant soit attentif aux désirs du maître de l'ouvrage et mette en oeuvre les préconisations utiles à la bonne marche générale du chantier, il n'est pas partie au contrat principal et n'est pas tenu par ses stipulations.
C'est dans ces conditions que les sociétés Ingévalor et Urbaser Environnement ont conclu, le 2 avril 2007, un avenant à leur contrat, qui s'ouvre sur une "déclaration", en ces termes : "Urbaser Environnement constate l'impossibilité pour Ingévalor d'assumer pleinement et efficacement son rôle de maître d'oeuvre d'exécution".Suit celle de la société Ingévalor qui indique ne pas partager cette analyse, sans autre commentaire.Puis les parties conviennent, "dans l'intérêt du projet", de "définir et mettre en place une nouvelle organisation permettant d'améliorer l'efficacité des compétences et moyens mis en place par les deux sociétés".Ce qui se traduit essentiellement par l'arrêt de la mission de maîtrise d'oeuvre confiée à la société Ingévalor et sa reprise par la société Urbaser Environnement elle-même.

Il ne résulte ni de ce document lui-même, ni d'aucun autre élément que la défaillance de la société Ingévalor soit présentée comme la suite de celle de la société Bérim.Et d'ailleurs, pour en revenir aux termes de la lettre de rupture, ce n'est pas la faute de cette société qui était alors dénoncée comme se trouvant à l'origine de la résiliation.

On conclut de tout ce qui précède que la société Ingévalor s'est déchargée, ou a voulu se décharger sur la société sous-traitante d'une mission essentielle qui lui incombait normalement et que, malgré la longueur des pourparlers qui se sont poursuivis du mois de février au mois de novembre 2006, elle a mal défini ses besoins, de sorte que, sous la pression du maître de l'ouvrage, elle a tenté d'élargir les obligations nées de la sous-traitance jusqu'à imputer à la société Bérim un échec qui s'est manifesté par une réduction drastique de sa mission.La résiliation du contrat n'est pas justifiée, même rétrospectivement, par une faute imputable à la société Bérim, notamment un manque de collaboration de sa part, et point en tout cas par un manquement grave de nature à fonder une rupture immédiate.

Le jugement disant la rupture abusive doit être confirmé.
S'agissant du préjudice de la société Bérim :
Le tribunal a évalué l'indemnité relative à la perte de la mission interface génie civil/process à la seule somme de 187 150,08 euros TTC en calculant le dommage par référence à des honoraires mensuels du 2 juin 2007 au 31 octobre 2008.Mais la société Bérim fait exactement valoir que, selon le contrat, l'honoraire était calculé par semaine et qu'il faut l'appliquer à l'entière durée du contrat, puis déduire les acomptes et déterminer ainsi le solde constituant le gain manqué.Ce qui donne, sur la base d'un honoraire de 600 euros HT par jour, et en tenant compte d'une activité à mi-temps lors des deux premières semaines :

- 510 jours x 600 ................................................. 306 000 €- TVA ................................................................... 59 976 €----------Sous-total............................................................ 365 976,00 €

à déduire :
- factures d'honoraires émises avant résiliation.... - 65 301,60 €-------------SOIT AU TOTAL................................................... 300 674,40 € TTC.

Quant au second chef de demande en revanche, on constate, comme l'a fait le tribunal, que le contrat ne conférait à la société Bérim qu'une mission "d'intervention optionnelle pour le suivi du montage du tri-méthanisation".Sans doute prévoyait-il sans autre réserve, les moyens et le prix de cette prestation.Mais cette présentation ne remet pas en cause le principe inscrit en tête de rubrique, et ces données doivent s'entendre comme définissant les conditions d'une intervention demeurant optionnelle.Il n'est pas établi que cette mission aurait en définitive été confiée à la société Bérim, étant précisé qu'en toute hypothèse son exécution n'aurait pu techniquement commencer avant la date de résiliation.Dans ces conditions, c'est une chance de se voir confier cette prestation qui lui a échappé et elle ne peut être reçue en sa demande tendant au paiement des entiers honoraires prévus au contrat.Pour autant, la société Ingévalor ne saurait objecter qu'aucune somme ne serait due, puisque l'option n'aurait pas été levée : il y avait une probabilité qu'elle le soit et le gain manqué est réel.Son appréciation doit cependant tenir compte de ce facteur particulier.Mais non de la circonstance, alléguée par la société Ingévalor, selon laquelle la prise en charge de cet aspect du projet revêtirait également un aspect optionnel à son égard.Ce n'est pas ce qui ressort du contrat passé avec la société Urbaser Environnement, qui indique que "la société Valorga aura dans sa mission la gestion des achats" et que "la société Ingévalor s'assurera que tout soit cohérent et techniquement correct", ce qui ne manifeste aucune réserve ou condition.

Il reste qu'au regard du caractère optionnel de cette mission dans les relations nées du contrat de sous-traitance, l'évaluation de la perte de chance à la moitié du gain espéré est excessive.Pour une facturation éventuelle de 227 728,20 euros TTC, l'indemnisation sera fixée à 50 000 euros.

Les intérêts moratoires au taux légal sont dus à compter de la mise en demeure du 4 juillet 2007 sur la somme de 300 674,40 euros.
Il convient de réformer le jugement dans ces limites.
La société Ingévalor recherche la garantie de la société Urbaser Environnement.
Celle-ci objecte d'abord qu'elle ne se serait aperçue que le 18 janvier 2007 de la présence sur le chantier du préposé de la société Bérim et qu'elle n'a été formellement avisée de la sous-traitance que le 30 janvier 2007.L'argument n'emporte pas la conviction : on rappelle que les tractations entre les sociétés Bérim et Ingévalor ont duré du mois de février au mois de novembre 2006 et il résulte d'un courrier électronique adressé par cette dernière à son futur cocontractant que "le contrat de sous-traitance n'est toujours pas autorisé par Urbaser".On ne peut dans ces conditions tenir pour satisfaisante la seule affirmation par la société Urbaser Environnement de sa découverte de l'existence de la société Bérim, sur son propre chantier, des semaines après.Mais quoi qu'il en soit, il n'est pas établi qu'elle aurait donné son "autorisation", selon les termes mêmes du contrat repris par le document précité.Le fait qu'elle n'ait raisonnablement pu tout ignorer de la situation et le fait, encore, qu'au moment de la signature du contrat elle ait eu des relations étroites sur le chantier avec la société Bérim, n'ont pas pour effet de caractériser cette autorisation - qui ne se ramène pas à une simple acceptation - même tacite, d'autant qu'elle a rapidement protesté dans les conditions précédemment citées, sinon sur le principe, du moins sur les conditions de la sous-traitance en manifestant "son insatisfaction de cet état de fait".En toute hypothèse, il résulte du contrat d'assistance que la mission était confiée très personnellement à la société Ingévalor, et la sous-traitance encadrée dans des conditions limitées quant au fond et précises quant à la forme.

Cette dernière ne saurait reprocher à son cocontractant les conséquences de son choix personnel, contraire à ces principes, portant sur le coeur même de cette prestation et auquel la société Urbaser Environnement n'a pas donné, dans les termes du contrat, une autorisation caractérisée.
Certes, par la suite, c'est bien la société Urbaser Environnement qui a contraint la société Ingévalor à mettre fin avant terme à cette sous-traitance.Mais cela ne caractériserait une faute que si cette pression avait été injustifiée.Or, elle se fondait sur la défaillance de la société Ingévalor, peu important que celle-ci "ne partage pas cette analyse", dès lors qu'elle s'abstient de toute argumentation tendant à démentir la déclaration adverse figurant au contrat du 2 avril 2007.Dans la mesure où cette dernière manque à établir que cette défaillance lui était injustement imputée et où il ressort au contraire de l'examen précédemment mené que c'est la mauvaise définition par ses soins des buts et moyens de la mission contractuelle de la société Bérim qui a déclenché les difficultés conduisant la société Urbaser Environnement à lui prescrire de se passer désormais de ses services, aucune faute justifiant l'appel en garantie n'est caractérisée.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

- Confirme le jugement entrepris, sauf pour ce qui est des chefs portant sur la réparation du préjudice né de la rupture injustifiée du contrat conclu entre les sociétés Ingévalor et Bérim ;
- Statuant à nouveau sur ces points, condamne la société Ingévalor à payer à la société Bérim la somme de 300 674,40 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2007 au titre de la mission interface génie civil/process et celle de 50 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt au titre de la perte de la mission optionnelle portant sur le suivi du montage du tri - méthanisation ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ingévalor à payer à la société Bérim et à la société Urbaser Environnement la somme de 2 000 euros chacune ;
- La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Barriquand et de Me de Fourcroy, avoués.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 09/02287
Date de la décision : 28/10/2010
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Lyon, 23 mars 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2010-10-28;09.02287 ?
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