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29/07/2010 | FRANCE | N°09/07160

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 29 juillet 2010, 09/07160


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 09/07160





CENTRE MEDICAL [5]

C/

[S]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de BELLEY du 22 octobre 2009

RG : F 08/00011











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 29 JUILLET 2010













APPELANTE :



CENTRE MÉDICAL [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]


>représentée par Maître Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON









INTIMÉE :



[X] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2]



comparant en personne, assistée de M. [N] [J] (Délégué syndical ouvrier)









































DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 mai 2010...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/07160

CENTRE MEDICAL [5]

C/

[S]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de BELLEY du 22 octobre 2009

RG : F 08/00011

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 29 JUILLET 2010

APPELANTE :

CENTRE MÉDICAL [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Maître Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[X] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de M. [N] [J] (Délégué syndical ouvrier)

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 mai 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Dominique DEFRASNE, Conseiller

Françoise CLÉMENT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Chantal RIVOIRE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 juillet 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Mme [S] [X] travaille au sein du CENTRE MÉDICAL [5] aux termes d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'aide soignante de nuit depuis le 11 septembre 1983 ; le 18 janvier 2008, elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de Belley d'une demande tendant à obtenir la condamnation de son employeur à lui verser divers rappels de salaire pour heures supplémentaires, compléments de salaire, jours fériés, visites médicales du travail, congés payés, primes d'assiduité, indemnité de préavis et dommages-intérêts pour licenciement abusif.

L'audience de conciliation qui s'est déroulée le 13 mars 2008 était présidée par M. [Y] [O], conseiller salarié ; par courrier du 6 mai suivant, ce dernier a écrit au CENTRE MÉDICAL [5], au nom et pour le compte de l'intéressée et de trois autres salariés du centre ayant également attrait leur employeur devant le Conseil de Prud'hommes, pour apporter diverses précisions et argumentations au soutien des demandes des salariés.

Le CENTRE MÉDICAL [5] a soulevé in limine litis la nullité de la procédure devant le bureau de jugement motif pris de ce que M. [Y] ne pouvait être à la fois juge et partie sans violer un principe fondamental du droit et par jugement en date du 22 octobre 2009, le Conseil de Prud'hommes de Belley, considérant ne pouvoir statuer sur les demandes de Mme [S] [X], a dit que le dossier sera transmis à M. Le Premier Président de la Cour d'Appel de Lyon qui désignera la juridiction de renvoi, déboutant le CENTRE MÉDICAL [5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissant à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Appel de cette décision a été interjeté le 18 novembre 2009 par le CENTRE MÉDICAL [5].

Vu les conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par Me GAUTIER, avocat assistant et représentant le CENTRE MÉDICAL [5] à l'instance, qui conclut à ce qu'il soit dit et jugé que les propos contenus dans les 'conclusions sur la procédure de nullité' établies par M. [J] au profit de Mme [S] [X], aux termes desquels il est accusé de manquer aux règles déontologiques de sa profession et d'entraver la procédure, sont diffamatoires, leur suppression devant en conséquence être ordonnée par le juge qui condamnera M. [J] au paiement d'un euro symbolique à titre de dommages-intérêts à son profit, en application de l'article 41 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881,

Vu les conclusions écrites déposées et soutenues à l'audience par le CENTRE MÉDICAL [5] qui conclut à la nullité de la procédure sans régularisation possible et sollicite l'octroi d'une somme de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les explications développées oralement à l'audience par M. [J] qui considère que Me GAUTIER n'a pas respecté la déontologie de sa profession en ne respectant pas le contrat de procédure qui lui avait été transmis par la Cour,

Vu les conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par Mme [S] [X] qui conclut au rejet de l'exception de nullité soulevée par le CENTRE MÉDICAL [5] et demande que la Cour statue sur le fond du litige et condamne ce dernier à lui verser une indemnité de 2.000, 00 € pour procédure abusive.

MOTIFS ET DÉCISION

Aucune requête en suspicion légitime n'a été présentée par le CENTRE MÉDICAL [5] qui a conclu devant le premier juge à la nullité de la procédure ; il incombait en conséquence au Conseil de Prud'hommes de répondre à cette demande, le dispositif de sa décision consistant à s'interdire de statuer en demandant au premier Président de désigner la juridiction compétente n'étant donc d'aucun effet faute de toute requête en ce sens.

La Cour est donc régulièrement saisie dans le délai prévu de l'appel interjeté par le CENTRE MÉDICAL [5] contre le jugement susvisé.

I Sur le caractère diffamatoire des écrits de M. [J] :

La loi sur les délits de presse du 29 juillet 1881 pose un principe d'immunité des propos tenus ou des écrits produits dans le cadre d'un débat judiciaire ; le 4ème alinéa de l'article 41 modifié par la loi n° 2008-1187 du 14 novembre 2008 article 1, prévoit néanmoins certaines atténuations concernant les discours outrageants, injurieux ou diffamatoires ayant un lien avec le procès en cours, les fautes commises en la matière pouvant être sanctionnées par le juge devant lesquelles elles sont commises.

Une partie qui se considère victime d'écrits ou de propos diffamatoires peut en conséquence solliciter devant le juge saisi de la cause, la suppression de ces derniers et l'allocation de dommages-intérêts.

Les dernières conclusions déposées et modifiées par M. [J] en date du 15 mai 2010 pour le compte de Mme [S] [X] pour s'opposer au moyen de nullité soulevé par le CENTRE MÉDICAL [5], indiquent notamment : 'Par des artifices et méthodes qui manquent de netteté, Maître GAUTIER essaye de dédouaner par tous moyens l'employeur de ses dettes à l'égard de ses salariés. Il n'applique pas de façon scrupuleuse et méticuleuse la déontologie de sa fonction d'avocat. En particulier, celle de conseil à l'égard de l'employeur, il ne tient pas compte de l'engagement de négociation que la direction de [5] avait sollicité et aussi par le non respect systématique du contrat de procédure. Il entrave et bloque donc par son attitude une procédure normale qui devrait être impartiale, indépendante et équitable.'

Les propos susvisés accusent manifestement Me GAUTIER d'avoir contrevenu aux règles déontologiques de sa profession d'avocat ; aucune précision n'est cependant donnée par M. [J] sur la teneur des manquements qu'aurait commis l'intéressé en ce sens, si ce n'est d'avoir omis de respecter le contrat de procédure, situation ne caractérisant en aucun cas un quelconque manquement à la déontologie de la profession d'avocat.

Il est manifeste que de tels propos s'avèrent donc diffamatoires, leur retrait devant en conséquence être ordonné ; M. [J] sera par ailleurs condamné à payer à Me GAUTIER une somme de 1 euro en réparation du préjudice subi.

II Sur la nullité de la procédure :

Aux termes des articles L 1453-2 et L 1453-3 du code du travail, 'Les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties en matière prud'homale, si elles sont par ailleurs conseillers prud'hommes, ne peuvent pas exercer une mission d'assistance ou un mandat de représentation devant la section ou, lorsque celle-ci est divisée en chambres, devant la chambre à laquelle elles appartiennent.

Ces mêmes personnes ne peuvent assister ou représenter les parties devant la formation de référé du conseil de prud'hommes si elles ont été désignées par l'assemblée générale de ce conseil pour tenir les audiences de référé.'

'Le président et le vice-président du conseil de prud'hommes ne peuvent pas assister ou représenter les parties devant les formations de ce conseil.'

Par application des dispositions susvisées et de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'exigence d'un tribunal indépendant et impartial interdit qu'un conseiller prud'homal en fonction lors de l'introduction de l'instance puisse représenter ou assister une partie devant le Conseil de Prud'hommes auquel il appartient, le non respect d'une telle interdiction entachant la procédure engagée d'une nullité absolue dont la régularisation est impossible.

En l'espèce il ressort de l'ensemble des éléments du dossier que M. [Y] était conseiller salarié en fonction au Conseil de Prud'hommes de Belley lors de l'introduction de l'instance par Mme [S] [X] ; qu'il a présidé le bureau de conciliation du 13 mars 2008 ayant constaté l'impossibilité de conciliation entre les parties.

Par courrier en date du 6 mai suivant, il s'est adressé au directeur du CENTRE MÉDICAL [5], au nom et pour le compte des quatre salariés ayant saisi concomitamment le Conseil de Prud'hommes de diverses demandes dirigées contre ce dernier, dans les termes suivants :

'En réponse à vos lettres adressées aux salariés concernés par les procédures pendantes devant le Conseil de Prud'hommes de Belley et citées en référence, je viens de porter quelques précisions. Vos réponses ne tiennent pas compte de la législation du travail ni de la C.C.N. FEHAP et votre interprétation ne se repose sur aucune base légale.'.

Suivait ensuite toute une argumentation destinée à soutenir les demandes présentées par les salariés, argumentation reprise par voie de conclusions postérieurement devant le premier juge, M. [Y] terminant le courrier susvisé en rappelant les réclamations présentées par les salariés en vue de 'clore ce litige'.

L'intervention de M. [Y], conseiller prud'homme au sein du Conseil de Prud'hommes de Belley, en qualité de représentant de Mme [S] [X] dans le cadre de l'instance alors en cours, contrevient nécessairement au principe fondamental susvisé consistant à interdire à une même personne d'être à la fois juge et partie.

La procédure engagée y compris le jugement déféré doit en conséquence être annulée, peu important comme le soutient Mme [S] [X] que M. [Y] n'ait pas siégé ultérieurement devant le bureau de jugement ayant à connaître de son affaire, aucune régularisation n'étant possible.

Aucun abus de procédure n'est caractérisé à l'encontre de l'appelant et la demande en dommages-intérêts présentée de ce chef par Mme [S] [X] ne peut donc qu'être rejetée.

La Cour statuera au fond par application de l'article 562 du code de procédure civile.

Il sera enfin sursis à l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans l'attente de la décision qui sera rendue au fond.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

- Déclare l'appel recevable,

- Dit et juge que les propos écrits par M. [J] [N] page 5 de ses conclusions : 'Par des artifices et méthodes qui manquent de netteté, Maître GAUTIER essaye de dédouaner par tous moyens l'employeur de ses dettes à l'égard de ses salariés. Il n'applique pas de façon scrupuleuse et méticuleuse la déontologie de sa fonction d'avocat. En particulier, celle de conseil à l'égard de l'employeur, il ne tient pas compte de l'engagement de négociation que la direction de [5] avait sollicité et aussi par le non respect systématique du contrat de procédure. Il entrave et bloque donc par son attitude une procédure normale qui devrait être impartiale, indépendante et équitable.' sont diffamatoires,

- Ordonne le retrait par M. [J] [N] des dits propos et le condamne à payer à Me GAUTIER une somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts,

- Annule la procédure y compris le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Belley le 22 octobre 2010,

- Déboute Mme [S] [X] de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

- Statuant au fond en application de l'article 562 du code de procédure civile,

- Dit qu'il sera sursis à la demande formulée par le CENTRE MÉDICAL [5] au titre de l'article 700 du code de procédure civile jusqu'à l'arrêt se prononçant au fond,

- Renvoie l'affaire et les parties pour être statué au fond à l'audience du 10 février 2011 à 9 heures, les conclusions devant être déposées au plus tard :

- le 1er octobre 2010 pour l'appelant,

- le 15 novembre 2010 pour l'intimée ;

Réserve les dépens.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 09/07160
Date de la décision : 29/07/2010
Sens de l'arrêt : Renvoi

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-07-29;09.07160 ?
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