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30/06/2010 | FRANCE | N°09/07014

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 30 juin 2010, 09/07014


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 09/07014





SA CASAL INSCRITE SOUS LE NOM DE SNC CASAL THANN

C/

[Y]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE

du 26 octobre 2009

RG : F.08/140











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 30 JUIN 2010













APPELANTE :



SA CASAL INSCRITE SOUS LE NOM DE SNC CASAL THANN


[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par Maître Nicolas FREZARD, avocat au barreau de MULHOUSE substitué par Maître Christel-Marie CHABERT, avocat au barreau de LYON









INTIMÉ :



[O] [Y]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 6] ([Localité 6])

[...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/07014

SA CASAL INSCRITE SOUS LE NOM DE SNC CASAL THANN

C/

[Y]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE

du 26 octobre 2009

RG : F.08/140

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 30 JUIN 2010

APPELANTE :

SA CASAL INSCRITE SOUS LE NOM DE SNC CASAL THANN

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Maître Nicolas FREZARD, avocat au barreau de MULHOUSE substitué par Maître Christel-Marie CHABERT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[O] [Y]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 3]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Maître Michel DELMAS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 avril 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Dominique DEFRASNE, Conseiller

Françoise CLÉMENT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 juin 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Statuant sur l'appel formé par la SA CASAL d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse, en date du 26 octobre 2009, qui a :

- dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [O] [Y] devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société CASAL à payer à Monsieur [O] [Y] les sommes suivantes :

* 2 750,00 € bruts au titre du salaire de mars 2008,

* 1 558,33 € bruts au titre du salaire du 1er au 17 avril 2008,

* 8 250,00 € à titre d'indemnité de préavis,

* 2 750,00 € à titre de congés payés pour la période de mai 2007 à mai 2008,

* 24 475,00 € à titre d'indemnité spéciale de rupture,

* 30 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 145,52 € à titre de remboursement de frais de déplacement du 27 mars 2008,

* 1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- enjoint à la société CASAL de délivrer à Monsieur [O] [Y] une attestation ASSEDIC et un certificat de travail rectifié quant à la date de rupture, à savoir le 17 avril 2008 et portant mention d'une rupture par prise d'acte du salarié assimilé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

- condamné la société CASAL aux dépens.

Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 29 avril 2010, de la SA CASAL, appelante, qui demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions ;

- de condamner Monsieur [Y] aux dépens ainsi qu'au paiement de 3 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 29 avril 2010, de Monsieur [O] [Y] qui demande de son côté à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris sauf à porter à 50 000,00 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de condamner la société CASAL à lui payer en cause d'appel la somme de 1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Attendu que Monsieur [O] [Y] a été embauché le 18 mars 1991 en qualité de représentant exclusif par la société PANSU ayant pour activité la vente de produits de décoration et d'ameublement à destination des décorateurs détaillants de tissus et de tapissiers ;

Qu'un avenant au contrat de travail puis, un contrat de travail modificatif, sont intervenus entre les parties, le dernier à effet du 30 novembre 2005 par lequel le salarié se voyait confier un secteur comprenant 22 départements, moyennant une rémunération composée d'un salaire fixe mensuel de 1100,00 € bruts sur 12 mois et d'une partie variable payable par une avance mensuelle avec régularisation trimestrielle pour toutes les lignes de produits, dont les modalités de calcul étaient détaillées dans le contrat ;

Qu'il était également convenu le remboursement des frais professionnels selon un barème ;

Que le 23 janvier 2008, la société PANSU a informé Monsieur [O] [Y] qu'elle avait récemment cédé son activité 'tissus de décoration' à la SA CASAL, en lui précisant qu'en vertu de l'article L122-12 du code du travail cette cession entraînait le transfert de son contrat de travail dans les mêmes conditions que précédemment au profit de la société cessionnaire à compter du 11 février 2008 et que la société CASAL le 7 février 2008, a elle-même confirmé au salarié ce transfert du contrat de travail ;

Que par courrier du 25 février 2008, Monsieur [O] [Y] a écrit à la société CASAL pour se plaindre de n'avoir aucune nouvelle de sa part depuis le 11 février 2008, de n'avoir pas reçu la collection complète de la nouvelle société ni la définition de son nouveau secteur d'activité malgré leur entretien du 18 février 2008 ;

Que l'employeur lui a répondu le 13 mars 2008 en lui reprochant à son tour de n'avoir pas donné de nouvelles depuis plus de quatre semaines, de n'avoir effectué aucun travail ni justifié d'arrêt de travail;

Que les parties ont échangé d'autres correspondances dans lesquelles Monsieur [O] [Y] a évoqué un projet de transaction qui lui avait été remis par son employeur, puis réclamé un nouveau contrat de travail en se référant à une promesse faite lors d'un entretien du 27 mars 2008;

Que dans ce contexte, par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 avril 2008, Monsieur [O] [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société CASAL ;

Qu'il lui a été alors répondu le 23 avril 2008 que la rupture lui était exclusivement imputable dès lors que son contrat de travail n'avait subi aucune modification et qu'il s'était abstenu sans raison de poursuivre le travail qu'il effectuait auparavant dans la branche d'activité PANSU ;

Que le 29 avril 2008, Monsieur [O] [Y] a saisi la juridiction prud'homale, laquelle a rendu en sa faveur la décision aujourd'hui frappée d'appel ;

Attendu que la société CASAL fait valoir que le contrat de travail de Monsieur [O] [Y] s'est poursuivi au sein de son entreprise dans les mêmes conditions que précédemment, sur le même secteur d'activité et que le salarié devait continuer à présenter la collection PANSU qui lui avait été remise au début de l'année par son ancien employeur, mais non une nouvelle collection 'CASAL' qu'il n'était pas chargé de vendre ;

Qu'elle affirme qu'elle n'avait donc pas à définir de nouveau secteur géographique, ni à remettre une nouvelle collection à Monsieur [O] [Y] et que ce dernier a exécuté de mauvaise foi son contrat de travail ;

Qu'elle affirme également qu'elle n'a jamais accepté le principe d'une transaction et que Monsieur [O] [Y] a pris le prétexte de griefs totalement imaginaires pour orchestrer la rupture de son contrat ;

Attendu que Monsieur [O] [Y] explique que si le transfert de son contrat de travail en application de l'article L122-12 du code du travail garantissait le maintien de sa qualification et de sa rémunération antérieure, il en allait différemment de son secteur d'activité qui, dans les faits, avait été confié à deux autres salariés et de la collection qu'il devait présenter puisque la collection PANSU n'existait plus ;

Qu'il soutient que la société CASAL en s'abstenant malgré ses réclamations de lui fournir les moyens de travailler tout en cessant de le rémunérer a gravement manqué à ses obligations contractuelles ;

Qu'il ajoute que l'employeur après avoir accepté une rupture négociée sur la base d'une somme de 35 000,00 € nets est revenu sur cet accord à l'issue de la réunion du 17 mars 2008 parce qu'il venait de licencier le salarié qui l'avait remplacé sur son secteur, sans pour autant lui communiquer les modalités de son nouveau contrat de travail ;

MOTIFS DE LA COUR

Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Qu'il incombe au salarié non seulement d'établir la réalité des faits invoqués mais également de démontrer que ces faits rendaient impossible le maintien de son contrat de travail ;

Attendu que si le courrier de la société CASAL en date du 7 février 2008 confirmait à Monsieur [O] [Y] le maintien de sa qualification, de sa rémunération et de son ancienneté ensuite du transfert de son contrat de travail, ce courrier toutefois ne comportait aucune indication sur les conditions de travail du salarié dans un contexte où plusieurs commerciaux issus de la société PANSU allaient désormais travailler avec d'autres commerciaux de la société CASAL ;

Que Monsieur [O] [Y] pouvait donc légitimement interroger l'employeur dans son courrier du 25 février 2008 sur la collection qu'il devait présenter et sur son secteur d'activité ;

Que la société CASAL qui soutient que le salarié devait tout naturellement continuer à travailler comme avant, au sein de la société PANSU, n'a jamais répondu à ce courrier, ne serait-ce que pour lever les doutes de l'intéressé ;

Que les préoccupations de Monsieur [O] [Y] étaient d'autant plus fondées qu'il résulte de plusieurs témoignages produits, ceux de Messieurs [L], [N], [K] que d'autres commerciaux issus de la société PANSU avaient déjà reçu la collection CASAL et démarché avec les produits des deux sociétés ;

Qu'il résulte également des témoignages déjà cités de Messieurs [K], [N] et du témoignage de Monsieur [M], commercial de la société CASAL que ce dernier intervenait sur le même secteur géographique que Monsieur [O] [Y] et que lors d'une réunion qui s'est tenu le 27 mars 2008, le chef d'entreprise a congédié sur le champ Monsieur [M] puis décidé subitement de faire venir Monsieur [O] [Y] qui n'avait nullement été invité à cette réunion;

Que les mêmes témoignages et les courriers adressés par Monsieur [O] [Y] à la société CASAL les 14 et 20 mars 2008 révèlent que l'employeur avait auparavant envisagé de se séparer de Monsieur [O] [Y] à la faveur d'un accord transactionnel ;

Que la société CASAL qui conteste l'hypothèse d'un départ négocié entre les parties n'a pourtant jamais répondu pour les infirmer au courrier du salarié évoquant des termes de la transaction;

Attendu qu'au vu de tous ces éléments et comme l'ont justement constaté les premiers juges, la société CASAL ne souhaitait pas poursuivre une relation contractuelle avec Monsieur [O] [Y] ensuite de la reprise de l'activité de la société PANSU et a laissé le salarié dans une incertitude totale quant à son maintien ou non dans les effectifs de l'entreprise ;

Que parallèlement, Monsieur [O] [Y] s'est trouvé pendant plusieurs mois privé d'activité et de rémunération par la faute de son employeur ;

Que ce comportement de l'employeur en ce qu'il rendait impossible pour le salarié l'exécution de son contrat de travail est suffisamment grave pour justifier une rupture imputable à la société et que la prise d'acte du 17 avril 2008 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Attendu que Monsieur [O] [Y] est en droit de prétendre au paiement de ses salaires pour la période du 1er mars au 17 avril 2008, soit au total : 4308,33 €, dès lors qu'il est toujours demeuré à la disposition de son employeur après lui avoir réclamé à plusieurs reprises et en vain les outils nécessaires à son travail ;

Que la société CASAL ne peut sérieusement lui reprocher un manque d'activité dont elle est seule responsable ;

Qu'il est également réclamé par le salarié le remboursement de frais de déplacement (gasoil, péages) engagés pour se rendre à la réunion commerciale du 27 mars 2008 et pour en revenir, à hauteur de 145,52 € ,

Que ces frais étant justifiés il convient de faire droit à la demande ;

Attendu que Monsieur [O] [Y] en sa qualité de VRP statutaire a droit à l'indemnité compensatrice de préavis sur la base de trois mois de salaire, soit 8 250,00 €, compte tenu du montant des rémunérations fixes et variables et conformément à son choix, à l'indemnité spéciale de rupture prévue par l'article 14 de l'accord interprofessionnel qui s'élève à 24 475,00 € ;

Qu'il a droit également à l'indemnité compensatrice des congés payés pour la période en cours 2007-2008, soit 2 750,00 € ;

Attendu que Monsieur [O] [Y] qui avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant plus de dix salariés au moment de la rupture est en droit de réclamer l'indemnité prévue par l'article L1235-3 du code du travail ;

Qu'il justifie d'un nouvel emploi en qualité d'intérimaire pendant deux mois à compter du 9 juin 2008 puis d'un emploi de VRP à compter du 17 décembre 2008 jusqu'au 30 décembre 2009 lorsqu'il a été licencié ;

Que compte tenu des éléments de la cause, il convient de lui allouer une indemnité supérieure au minimum légal évaluée à 44 000,00 € ;

Attendu que les dispositions du jugement relatives à la délivrance par l'employeur des documents de rupture seront confirmées ;

Attendu que la société CASAL qui succombe supportera les dépens ;

Qu'il convient d'allouer en cause d'appel à Monsieur [O] [Y] la somme de 1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable ;

Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau de ce chef :

Condamne la SA CASAL à payer à Monsieur [O] [Y] la somme de 44 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant :

Condamne la SA CASAL à payer à Monsieur [O] [Y] la somme de 1 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA CASAL aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 09/07014
Date de la décision : 30/06/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°09/07014 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-30;09.07014 ?
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