R.G : 08/07683
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond du
29 septembre 2008
ch n° 4
RG N°06/10931
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE A
ARRET DU 06 MAI 2010
APPELANT :
Monsieur [F] [B]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 8] (ISERE)
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assisté de la SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES, avocats au barreau de GRENOBLE
INTIMEES :
SCP [Y], société d'avocats
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour
assistée du Cabinet d'avocat Jean-Christophe BESSY, avocats au barreau de LYON, substitué par Maître Catherine LAPEYSSONNIE, avocat au barreau de Lyon
Compagnie ALLIANZ anciennement dénommée AGF COURTAGE
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour
assistée du Cabinet d'avocat Jean-Christophe BESSY, avocats au barreau de LYON, substitué par Maître Catherine LAPEYSSONNIE, avocat au barreau de Lyon
L'instruction a été clôturée le 12 Janvier 2010
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 24 Mars 2010
L'affaire a été mise en délibéré au 06 Mai 2010
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :
Président : Madame MARTIN
Conseiller : Madame BIOT
Conseiller : Madame DEVALETTE
Greffier : Madame POITOUX pendant les débats uniquement
A l'audience Madame BIOT a fait le rapport conformément à l'article 785 du Code de procédure civile .
ARRET : Contradictoire
prononcé publiquement le 06 Mai 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
signé par Madame MARTIN, présidente et par Madame POITOUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [F] [B] a été victime le 14 mai 1990 d'un accident lors d'un entraînement de football au sein du Football Club de [Localité 6] (Isère) (FCGI) auprès duquel il était joueur promotionnel. Ayant reçu un ballon en plein visage lors d'un shoot tiré par Monsieur [G] immédiatement après l'arrêt du jeu décidé par l'arbitre, Monsieur [B] a présenté un décollement de la rétine dont il a conservé une IPP estimée initialement à 6 %.
Par un jugement du 22 juin 1995 le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE a débouté Monsieur [B] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre le FCGI, Monsieur [G] et la compagnie d'assurances LA CONCORDE assureur responsabilité civile du club.
La Cour d'Appel de GRENOBLE, par un arrêt du 10 novembre 1997, considérant que le Football Club était le gardien du ballon lancé par Monsieur [G] a constaté que la créance de Monsieur [B] était éteinte faute de déclaration à la procédure de redressement judiciaire du FCGI qui avait fusionné avec le Football Club [7] mais a rappelé que Monsieur [B] avait un droit exclusif sur l'indemnité éventuellement due par l'assureur du club de football au titre de la responsabilité civile et a renvoyé l'affaire devant le conseiller de la mise en état.
Par un arrêt du 20 janvier 2000 la Cour de Cassation (Chambre Sociale) a rejeté le pourvoi formé par la Compagnie GENERALI venant aux droits de la Compagnie LA CONCORDE qui soulevait le moyen tiré de la nature de l'accident qu'elle estimait être un accident du travail.
Par arrêt du 19 mars 2002 la Cour d'Appel de GRENOBLE, retenant que la responsabilité pour faute du joueur [G] n'était pas établie dès lors qu'il n'était pas démontré un manquement volontaire de sa part aux règles du football, a confirmé le jugement du 22 juin 1995 en ce qu'il a débouté Monsieur [B] de ses demandes contre Monsieur [G] et contre GENERALI en application de la garantie responsabilité civile incluse dans la police d'assurance de groupe 'tout en un'.
Par arrêt du 18 décembre 2003, la Cour de Cassation (Deuxième Chambre Civile), a rejeté le pourvoi de Monsieur [B] après avoir constaté que la Cour d'Appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation avait dit que le comportement de Monsieur [G] n'était ni anormal, ni agressif, ni malveillant et en avait déduit qu'aucune faute ne lui était imputable.
Monsieur [B], par actes d'huissier des 17 et 18 juillet 2006, a saisi le Tribunal de Grande Instance de LYON d'une action en responsabilité professionnelle contre la Scp [K] et [U] [Y] qui avait été chargée de défendre ses intérêts devant la Cour d'Appel de GRENOBLE en lui reprochant un manquement à son devoir d'information et une carence dans la recherche de la faute commise par le joueur professionnel du club qui a tiré hors du temps de jeu. Il demandait que cette Scp d'avocats et son assureur la Société AGF COURTAGE soient condamnés à réparer son préjudice en lui versant la somme de 235.938 euros outre 15.082 euros pour les frais exposés, augmentées des intérêts.
Par jugement du 29 septembre 2008, le tribunal, après analyse de l'arrêt de la Cour de GRENOBLE du 19 mars 2002, a constaté que cette juridiction avait statué en appréciant le comportement du joueur [G] au regard de la faute qui lui était reprochée, et a dit que le conseil de Monsieur [B] n'avait pas commis de manquement contractuel de ce chef puisqu'il avait développé des arguments sur cette faute prétendue.
Le tribunal a en outre indiqué qu'à supposer que la Scp [Y] n'eut pas produit les attestations sur le comportement du joueur [G], celles-ci n'établissant pas le caractère volontaire du geste de ce joueur, le manquement qui pouvait être éventuellement reproché à la Scp [Y] dans la défense de son client était sans lien de causalité avec le préjudice subi et a rendu la décision suivante :
' - déboute Monsieur [F] [B] de ses demandes,
- condamne Monsieur [F] [B] à payer la somme totale de 1.000 euros à la Scp d'avocats [Y] et la Société AGF COURTAGE au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamne Monsieur [F] [B] aux entiers dépens et dit que l'avocat de la Scp d'avocats [Y] et de la Société AGF COURTAGE pourra recouvrer directement contre lui les dépens exposés sans recevoir provision'.
Appelant, Monsieur [B] reprend son argumentation initiale en soutenant que la Scp [Y] s'est abstenue de démontrer la faute de Monsieur [G] et n'a pas produit les attestations qui prouvaient que le shoot dans le ballon avait été tiré après le sifflet de l'entraîneur arbitre pour arrêter le jeu ce qui était une faute.
Il maintient que l'absence de production par la Scp [Y] des attestations prouvant que le joueur avait délibérément violé les règles du jeu en shootant après le sifflet qui imposait l'arrêt, est un manquement à son obligation contractuelle de défense des intérêts de son client et est en lien avec le préjudice par lui subi.
Il insiste sur le fait que l'acceptation des risques par les joueurs ne peut concerner que les seuls risques normaux et non pas les risques découlant d'une violation des règles du jeu.
En ce qui concerne son préjudice, il fait état d'une aggravation de son mauvais état visuel qui entraînerait selon le Docteur [E] une IPP de 30 %.
L'appelant conclut en conséquence à la réformation du jugement et prie la Cour de dire que la Scp [Y] en manquant à son devoir de conseil a engagé sa responsabilité et de la condamner in solidum avec AGF COURTAGE à lui payer la somme de 248.578,71 euros en réparation de son préjudice outre 23.000 euros au titre de ses frais et 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral du fait de la résistance abusive de la compagnie d'assurances ainsi qu'une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
* * *
La Scp [Y] et la Compagnie ALLIANZ anciennement dénommée AGF COURTAGE concluent à la confirmation du jugement et à la condamnation de Monsieur [B] à leur verser une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elles rappellent que la Scp [Y] n'a assisté Monsieur [B] qu'en cause d'appel après le jugement du 22 juin 1995 et font observer que les attestations fournies par la victime ont été produites et que dans ses premières écritures Maître [Y] a conclu à la réformation du jugement au visa des articles 1384 alinéas 1 et 5 du Code Civil et a demandé de constater la faute de Monsieur [G] au visa des articles 1382 et 1383 du Code Civil.
Elles estiment que dans les secondes écritures déposées après renvoi devant le conseiller de la mise en état pour la clarification de la situation du Football Club de [Localité 6] Isère au regard de la compagnie d'assurances, Maître [Y] n'avait pas à reconclure sur le principe de la responsabilité, et font remarquer que la Cour dans son arrêt du 19 mars 2002, a dit que le débat sur la responsabilité était irrecevable. Elles affirment que tout a été tente pour reconnaître le droit à indemnisation de Monsieur [B].
Subsidiairement, elles font remarquer que si un manquement à l'obligation de conseil était retenu le préjudice en lien avec celui-ci ne pourrait être qu'une perte de chance laquelle est en l'espèce inexistante étant donné les circonstances du tir de ballon en cause qui ne permettaient pas de juger comme fautif le comportement de Monsieur [G].
MOTIFS ET DECISION
Attendu que pour engager la responsabilité professionnelle de l'avocat qui l'assistait dans la procédure d'appel, Monsieur [B] doit démontrer une faute contractuelle dans l'exécution du mandat ou une défaillance dans le devoir de conseil ;
Attendu que dans ses premières conclusions déposées le 8 janvier 1997 devant la Cour d'Appel de GRENOBLE Maître [Y] a mentionné les attestations produites pour démontrer les circonstances du tir de ballon qui avait atteint Monsieur [B] et a stigmatisé la faute commise par Monsieur [G] en shootant imprudemment dans ce ballon après l'arrêt du jeu ; que cet avocat avait donc soumis à la Cour la question de la responsabilité du joueur et fourni des attestations à l'appui de la thèse développée ;
Attendu que la Cour dans l'arrêt du 10 novembre 1997 ayant constaté l'extinction de la créance de Monsieur [B] contre le club de football gardien du ballon en l'absence de déclaration à la procédure de redressement judiciaire mais dit que cette victime avait un droit exclusif sur l'indemnité due par l'assureur garantissant la responsabilité civile de l'auteur responsable du dommage, Maître [Y], estimant que la Cour avait déjà statué sur la responsabilité, dans ses dernières conclusions du 16 janvier 1998 n'a pas repris les développements précédents mais a analysé les deux contrats d'assurance souscrits auprès de la Compagnie LA CONCORDE celui accordant une garantie 'accident corporel' en exécution duquel Monsieur [B] avait reçu une indemnité et celui garantissant la responsabilité civile du club ;
Que dans les dernières conclusions du 29 octobre 2001 Maître [Y] a dit que LA CONCORDE devait garantir le joueur [G] auteur des blessures de Monsieur [B] ;
Attendu que dans son arrêt du 19 mars 2002 la Cour d'Appel de GRENOBLE a jugé que le seul fait imputé à [T] [G] d'avoir au cours d'une séance d'entraînement effectué un tir de ballon qui a atteint le visage de son coéquipier constituait un risque normal découlant de la pratique du football et ne caractérisait pas une faute de nature à engager sa responsabilité alors qu'il n'était pas prouvé un manquement volontaire aux règles du sport ;
Attendu qu'ainsi, comme l'a justement relevé le premier juge, le déroulement de la procédure et la lecture de l'arrêt du 19 mars 2002 établissent que le conseil de Monsieur [B] a soumis à la Cour la question de la faute du joueur [G] et que la juridiction a apprécié le comportement de celui-ci et a statué sur sa responsabilité ; que dès lors le reproche formulé contre cet avocat n'est pas fondé, celui-ci ayant même produit en temps utile les attestations remises par son client pour apprécier les circonstances du tir de ballon ;
Attendu que le tribunal a en outre exactement dit que si les témoignages versés aux débats démontraient que le ballon avait été lancé après le coup de sifflet de l'arbitre en vue d'arrêter le jeu, aucun d'eux ne prouvait le caractère volontaire de ce geste et qu'il n'y avait pas eu violation délibérée des règles du jeu ;
Attendu que dès lors même si Maître [Y] n'a pas repris le détail des attestations dans les dernières conclusions avant l'arrêt du 19 mars 2002 cette abstention était sans incidence sur le résultat de l'action et la réparation du préjudice de Monsieur [B];
Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par Monsieur [B] contre la Scp [Y] dont la responsabilité professionnelle n'est pas engagée ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la société intimée la charge de l'intégralité de ses frais irrépétibles ; qu'il lui sera alloué une indemnité supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [F] [B] à payer à la Société Civile Professionnelle (Scp) [Y] et à la Société ALLIANZ une indemnité supplémentaire de MILLE EUROS (1.000 EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Le condamne aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle (Scp) LIGIER de MAUROY-LIGIER, Société d'avoués.
LE GREFFIER LE PRESIDENT