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08/04/2010 | FRANCE | N°09/01012

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 08 avril 2010, 09/01012


R.G : 09/01012









décision du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON juridiction commerciale - au fond du

17 décembre 2008







RG N° 07/151



















COUR D'APPEL DE LYON



PREMIERE CHAMBRE CIVILE A



ARRET DU 08 AVRIL 2010









APPELANTE :



Société GEA WestfaliaSurge France

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués

à la Cour



assistée de Maître Etienne DELPIERRE, avocat au barreau de SOISSONS, substitué par Maître Nicolas POIRIEUX, avocat au barreau de Montbrison









INTIMEE :



Société AGRO SERVICE 2000 - SAS

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par la SCP LAFFL...

R.G : 09/01012

décision du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON juridiction commerciale - au fond du

17 décembre 2008

RG N° 07/151

COUR D'APPEL DE LYON

PREMIERE CHAMBRE CIVILE A

ARRET DU 08 AVRIL 2010

APPELANTE :

Société GEA WestfaliaSurge France

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assistée de Maître Etienne DELPIERRE, avocat au barreau de SOISSONS, substitué par Maître Nicolas POIRIEUX, avocat au barreau de Montbrison

INTIMEE :

Société AGRO SERVICE 2000 - SAS

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour

assistée de la SELARL cabinet d'avocats Philippe PETIT et Associés, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, substitué par Maître Ilié NEGRUTIU, avocat au barreau de Saint-Etienne

L'instruction a été clôturée le 12 Janvier 2010

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 10 Mars 2010

L'affaire a été mise en délibéré au 08 Avril 2010

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Madame MARTIN

Conseiller : Madame BIOT

Conseiller : Madame DEVALETTE

Greffier : Madame POITOUX pendant les débats uniquement

A l'audience Madame DEVALETTE a fait le rapport conformément à l'article 785 du Code procédure civile.

ARRET : Contradictoire

prononcé publiquement le 08 Avril 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

signé par Madame MARTIN, présidente et par Madame POITOUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**************

La société AGRI 42, aux droits de laquelle vient désormais la société AGRO SERVICE 2000, ci-après AGRO SERVICE qui exerçait à titre principal une activité de vente, installation et entretien de machines à traire, distribuait depuis plusieurs années les produits WESTFALIA sur le département de la LOIRE.

Le 9 octobre 2006, la société WESTFALIASURGE France, ci après WESTFALIA, lui a adressé une lettre de résiliation des accords de distribution à l'expiration d'un délai de 3 mois, soit au 9 janvier 2007.

Parallèlement à cette rupture, deux salariés démissionnaires de la société AGRI 42 ont créé le 20 octobre 2006 une société ESF qui s'est présentée comme concessionnaire Westfalia.

Après constats et échange de correspondance, la société WESTFALIA a propsé de proroger son délai de préavis de 3 mois, jusqu'au 9 avril 2007.

Par exploit en date du 1er juin 2007, la société AGRI 42 a fait assigner la société WESTFALIA devant la formation commerciale du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISON pour rupture brutale et abusive de relations commerciales établies, pour violation de ses obligations contractuelles, et en paiement de la somme de 2 539 000€ de dommage- intérêts pour les premiers manquements et de 215 000€ pour les seconds outre indemnité de procédure.

Par jugement du 17 décembre 2008, le tribunal a débouté la société AGRO SERVICE de sa demande sur le fondement de la rupture brutale , faute de preuve de son préjudice, mais a condamné la société WESTFALIA à lui verser la somme de 150 000€ pour manquement à ses obligations contractuelles pendant le préavis, outre 1500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 16 février 2009, la société WESTFALIA a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures, auxquelles la Cour se réfère expressément, la société appelante demande l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il l'a condamnée pour manquement à ses obligations contractuelles.

La société WESTFALIA conteste tout d'abord la rupture brutale de relations contractuelles en affirmant :

- Tout d'abord qu'elle n'a jamais accordé de distribution exclusive à la société ADILON GIRAUD puis à la société AGRI 42, qui n'étaient pas tenues de s'approvisionner chez elle, les relations d'affaires certes très anciennes s'inscrivant dans le cadre de conditions générales de vente appliquées à tous les distributeurs de ses produits et d'accords annuels définissant les engagements réciproques dans le cadre d'un partenariat commercial et renégociés chaque année depuis octobre 2001 et non depuis 25 ans; elle affirme que la seule exclusivité réciproque portait sur les produits d'hygiène ProMilk,

- Lors du rachat de la société AGRI 42 par la société AGRO SERVICE, en 2005, celle 'ci n'était pas intéressée par l'activité « traite » car elle a pour activité de vendre du matériel agricole « hard discount » ce qui explique la baisse du chiffre d'affaires de ce secteur à partir de 2005,

- C'est la société AGRO SERVICE qui, de facto, a rompu les relations commerciales en ne signant pas l'accord de distribution pour 2006 faute de pouvoir respecter les critères qualitatifs exigés et en développant une politique de hard discount totalement contraire à la politique commerciale et à l'image de marque de la société WESTFALIA dans le domaine de la vente de salles de traite, les relations s'étant toutefois poursuivies sur l'année 2006 sans convention spécifique et sur commandes,

- Elle a décidé de rompre le partenariat annuel de distribution le 9 octobre 2006 avec un préavis de 3 mois prorogé à nouveau de 3 mois, accords à durée déterminée et intuitu personae, mais n'a pas rompu toutes relations commerciales puisque la société AGRO SERVICES a continué à passer des commandes jusqu'en novembre 2007, qui ont été honorées,

- En raison de la baisse sensible du chiffre d'affaires réalisé par la société AGRO SERVICES en 2005 (-40 % sur le poste matériel de traite) et de la baisse qualitative de ses prestations selon le rapport de visite de son commercial en septembre et octobre 2006, elle estime avoir légitimement recherché un nouveau partenaire,

- Elle considère que, de fait, après le terme du dernier accord annuel, elle a accordé 15 mois puis 18 mois de préavis et qu'un délai de prévenance de 3 mois est suffisant pour un contrat d'un an,

- Elle estime enfin que la société AGRO SERVICE ne justifie pas des différents postes de préjudice (notamment en termes de chiffres d'affaires et de perte de marge réalisés avec elle) et relève que cette société a trouvé un nouveau partenaire dés novembre 2007, en la société BOUMATIC et a cessé toute commande à partir de cette date.

Elle conteste enfin avoir manqué à ses obligations contractuelles pendant le préavis pour avoir participé activement à la création d'une société ESF concurrente, alors que cette société a été créée par d'anciens salariés de la société AGRI 42 et qu'elle s'est rapprochée de cette entreprise en raison de son activité de traite principale et de ses compétences techniques.

Elle conteste avoir mis un quelconque obstacle aux commandes de la société AGRO SERVICE et constate que la société AGRO SERVICE ne rapporte aucune preuve d'une commande non honorée.

*****

Aux termes de ses dernières écritures, auxquelles la Cour se réfère expressément, la société AGRO SERVICE demande l'infirmation du jugement sur les dommages intérêts alloués pour violation des obligations contractuelles par la société WESTFALIA et sur le rejet de sa demande de condamnation de celle-ci pour rupture brutale de relations commerciales, à lui verser :

- 1 559 068, 15 € pour le préjudice subi correspondant à 48 mois de chiffre d'affaires et autres postes de préjudice,

- 744 270, 02 € pour perte de marge pour manquement à l'exécution loyale du contrat en cours de préavis outre 131 512,57 € pour perte de valeurs des titres,

- 7 000 € d'indemnité de procédure.

Sur la rupture brutale des relations commerciales, la société AGRO SERVICES fait valoir

- Que les relations d'affaires entre les deux sociétés et leur durée (25 ans) sont établies et non contestées, peu important une relation ou non d'exclusivité à laquelle font pourtant référence les documents produits, dans le cadre de la constitution d'un réseau de distribution avec concession, logo sur les véhicules, secteur géographique et approvisionnement exclusif;

- Que le chiffre d'affaire réalisé représentait pour la société AGRI 42 70 % ;

- Que l'absence de signature de l'accord pour 2006 est indifférent, seule comptant l'existence d'une relation commerciale qui s'est poursuivie en 2006 et a été rompue par la lettre du 9 octobre 2006,

- Qu'eu égard à la durée des relations commerciales sur 25 ans et à l'état de dépendance économique de la société AGRI 42, le préavis de 3 mois sans mise en demeure ou mise en garde, même porté à 6 mois, sans son accord, avec annonce d'un refus de commande postérieur, était insuffisant pour lui permettre de se réorganiser ;

- Qu'à cet, égard, il est faux d'affirmer que la société AGRO SERVICE se désintéressait de l'activité « traite » alors que des investissements importants ont été réalisés pour cette activité principale de la société rachetée ;

La société AGRO SERVICE calcule donc sa différence de marge sur 4 ans, à partir de la marge moyenne réalisée en 2004 et 2005, y ajoute les frais de campagne publicitaire engagés avant et après le rupture, le coût des actions de formation en 2006, une perte de valeur de ses parts sociales, une perte sur stock non écoulé, une atteinte à son image de marque.

Sur le non respect des obligations contractuelles pendant le préavis, et en raison du contrat d'exclusivité dont elle bénéficiait sur tous les produits et non seulement sur les produits ProMilk, elle considère que la société WESTFALIA a violé ses obligations en lui substituant dés le 20 octobre 2006 un autre concessionnaire exclusif, à des conditions très favorables (remise de 30 % sans contrepartie en terme de volume ou de chiffre d'affaires, échéancier jusqu'au 30 avril 2007).

Elle considère que la société WESTFALIA a même été à l'origine de la création de cette société ESF concurrente, et qu'elle a modifié sciemment les codes d'accès au site internet pour lui en interdire l'accès pour passer commande, à partir de février 2007, selon la procédure normale, plus rapide et commode. Elle lui reproche également un grand retard dans le traitement de la commande [D].

Elle chiffre ce poste de préjudice, à sa perte de marge sur 3 ans (soit 744 270,02 €) et à sa perte de valeur des titres soit 131 512,57 €.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 janvier 2010.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture brutale

Aux termes de l'article L442-6 5°, engage la responsabilité délictuelle de son auteur, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages commerciaux, cette durée minimale étant doublée lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur.

Indépendamment de toute considération sur le caractère d'exclusivité ou non de la relation commerciale ainsi rompue, qui a en revanche une incidence sur l'appréciation du délai de réorganisation de l'entreprise évincée et sur l'évaluation de son préjudice, c'est le caractère brutal de la rupture de relations commerciales établies entre deux partenaires qui est ainsi sanctionnée.

En l'espèce, il est établi qu'au moment de la résiliation écrite des accords de distribution par la société WESTFALIA le 9 octobre 2006, avec un préavis de 3 mois, des relations commerciales suivies et ininterrompues s'étaient instaurées entre ce fabricant de matériel dc traite et la société AGRI 42 (ou la société ADILON dont elle est issue) depuis 1981, selon l'attestation de l'ancien dirigeant de cette société et les documents produits, peu important à cet égard qu'à partir de 2001, les engagements de chiffres d'affaires et de conditions tarifaires aient été négociés chaque année, ce qui n'a aucune incidence sur la durée indéterminée des relations, ou que la négociation entre les partenaires ait échoué en 2006, ce qui n'enlève pas à la société WESTFALIA l'initiative de la résiliation, ou qu'enfin des opérations ponctuelles de vente aient été enregistrées postérieurement à cette rupture.

Au regard des 25 années de relations commerciales continues, sans mises en garde, de surcroît, sur les prestations fournies en termes qualitatifs ou quantitatifs, le préavis de 3 mois accordé n'apparaît pas suffisant, d'autant qu'il s'agit, en l'espèce, de produits sous marque de distributeur.

En prenant en compte cette circonstance et la durée des relations commerciales, le délai de prévenance pour permettre à la société AGRO SERVICE de se réorganiser et de trouver un autre distributeur, aurait du être de 16 mois et correspond, sur cette durée et selon les documents comptables certifiés par le Commissaire aux Comptes de la société AGRO SERVICE, à une perte de marge brute de 320 325,15 €, calculée en fonction de la moyenne des marges brutes réalisées sur les trois exercices antérieurs, y compris sur l'exercice 2006, eu égard à la date d'effet de la résiliation.

Le jugement qui a débouté la société AGRO SERVICE de sa demande de dommages-intérêts sur ce poste de préjudice doit être infirmé et la société WESTFALIA condamnée à payer cette somme à la société AGRO SERVICE qui doit être en revanche déboutée de ses demandes relatives aux frais de formation ou publicitaires inutilement engagés avant ou après la rupture, s'agissant de préjudices liés à cette rupture, en elle-même non fautive, et non à son caractère brutal. Ce même raisonnement justifie, de plus fort, le rejet de la demande de dommages-intérêts pour perte de valeur des titres.

Sur la demande de dommages-intérêts pour inexécution loyale du contrat pendant la période de préavis

La société AGRO SERVICE ne fonde plus sa demande d'indemnisation contractuelle sur la violation de son exclusivité contractuelle sur la vente des produits d'hygiène, pendant la période de préavis, demande dont elle a été d'ailleurs déboutée faute de justificatif comptable de ce poste de préjudice.

En l'absence d'une exclusivité contractuellement prévue sur la distribution des produits de traite, la société AGRO SERVICE ne caractérise pas une violation par la société WESTFALIA de ses obligations contractuelles qui ne saurait résulter dans le seul fait, pour cette dernière, d'avoir recherché puis contracté avec un nouveau distributeur pendant la période de préavis.

Sauf à établir, ce qu'elle ne fait pas par les simples témoignages qu'elle produit ou par la production d'un jugement qui concerne une autre société distributrice de la société WESTFALIA, que cette dernière a été à l'origine de la création de son nouveau distributeur ESF, par débauchage notamment des anciens salariés de la société AGRI 2000 ou qu'elle aurait favorisé, de manière discriminatoire et dans le but de lui nuire, ce nouveau distributeur par des tarifs ou avantages excessifs, la société AGRO SERVICE n'établit pas le comportement de déloyauté reproché à son fournisseur.

Elle n'établit pas non plus que les problèmes de connexion au nouveau site internet de ventes de la société WESTFALIA aient été provoqués pour l'empêcher de passer ses commandes pendant la période de préavis, ou qu'il lui ait été opposé un refus de prise de commande pendant cette période, ou qu'enfin, le retard pris pour confirmer la commande [D] pour une salle de traite, lui ait causé un quelconque préjudice.

Le jugement qui lui a alloué des dommages-intérêts sur ce poste de préjudice doit être infirmé, d'autant que le préjudice qu'elle invoque en termes, à nouveau, de perte de marges sur trois ans et de perte de valeur des titres, est sans rapport avec les manquements invoqués.

La société WESTFALIA doit être condamnée à lui verser une indemnité de procédure complémentaire de 3 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement entrepris sauf sur l'indemnité de procédure allouée à la société AGRO SERVICE 2000 ;

Et statuant à nouveau sur les autres chefs de demande,

- Condamne la société WESTFALIASURGE FRANCE à payer à la société AGRO SERVICE 2000 la somme de 320 325,15 € de dommages intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies;

- Condamne la société WESTFALIASURGE FRANCE à payer à la société AGRO SERVICE 2000 une somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute la société AGRO SERVICES 2000 du surplus de ses demandes;

- Condamne la société WESTFALIASURGE FRANCE aux dépens de 1ère instance et d'appel avec, pour ces derniers, distraction au profit de la SCP d'avoués LAFFLY-WICKY.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 09/01012
Date de la décision : 08/04/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°09/01012 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-04-08;09.01012 ?
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