La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/04/2010 | FRANCE | N°08/07616

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 06 avril 2010, 08/07616


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 08/07616





[K]



C/

SAS ICELANDIC FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 16 Octobre 2008

RG : F 06/04250











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 06 AVRIL 2010













APPELANT :



[J] [O] [K]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8] (12)

[A

dresse 7]

[Localité 3]



comparant en personne, assisté de Me Aurélie NALLET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Alexandre FURNO, avocat au barreau de LYON









INTIMÉE :



SAS ICELANDIC FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 08/07616

[K]

C/

SAS ICELANDIC FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 16 Octobre 2008

RG : F 06/04250

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 06 AVRIL 2010

APPELANT :

[J] [O] [K]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8] (12)

[Adresse 7]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Aurélie NALLET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Alexandre FURNO, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS ICELANDIC FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Sandra HUNDSDÖRFER, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Février 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller

Hervé GUILBERT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Avril 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur [J] [O] [K] a travaillé pour le compte de la société ICELANDIC FRANCE, en qualité de directeur commercial, à compter du 1er septembre 2003. Un contrat de travail non signé est produit, rappelant l'embauche en qualité de directeur commercial au 1er septembre 2003, pour prévoir le maintien de ces fonctions et convenir des modalités de la collaboration à compter du 1er juin 2006.

La société ICELANDIC FRANCE, qui appartient à un groupe islandais, a pour activité la distribution de produits de la mer surgelés.

Les fiches de paie produites aux débats pour les mois de septembre et octobre 2006, et le certificat de travail délivré le 6 octobre 2006, font état de l'emploi de directeur commercial, statut cadre, aux appointements fixes de 8 450 euros auxquels s'ajoutent une prime de déplacements et un avantage voiture.

La convention collective du commerce de gros est applicable aux relations contractuelles.

Après avoir convoqué monsieur [K] à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire par lettre du 25 septembre 2006, la société ICELANDIC FRANCE, par un courrier en date du 5 octobre 2006, lui a notifié son licenciement pour faute grave pour les faits suivants:

" 1. Filet de lottes, Thiriet/seatrade

Dans un dossier Thiriet/seatrade, la société ICELANDIC a acheté le 8 février 2006 plusieurs lots de lotte à son fournisseur Seatrade, destinés à être vendus à la société Thiriet, client d'ICELANDIC. Les lots vendus portaient les numéros suivants LT 021329, LT 021330, LT 021331, LT 0221331, LT 021332 et LT 021349.

L'acheteur sous votre responsabilité, en charge de l'achat de ces lots était [R] [G].

Lorsque ces lots sont arrivés dans le frigo A 25, des prélèvements pour des vérifications chimiques, bactériennes et organoleptiques ont été effectuées le 2 mars 2006.

Pour les lots LT 021330 et LT 021332, les résultats organoleptiques ont été non satisfaisants: les filets prélevés présentaient "une odeur amoniacale". Les produits étaient donc non conformes.

Le lot LT 021329 a été bloqué provisoirement par [N] [B], la directrice qualité, en raison des mauvais résultats chimiques.

Vous avez été informé de ces problèmes sur les trois lots le 8 mars.

Le 8 mars 2006, la société THIRIET a informé ICELANDIC de problèmes sanitaires apparus sur d'autres lots de lottes livrés à Thiriet, mais du même producteur Seatrade.

Suite aux mauvais résultats des analyses effectués par le frigo A25, le 10 mars 2006, la directrice qualité, [N] [B], l'acheteur [R] et vous même avez effectué un contrôle qualité dans les locaux de notre société.

Vous avez procédé à la dégustation des lots LT 021329, LT 021330, LT 021331, LT 0221331, LT 021332 et LT 021349. Lors de la cuisson des prélèvements dans le local de cuisine de notre société, une forte odeur d'ammoniaque s'est propagée dans les locaux. Cette odeur s'est confirmée par le mauvais goût à la dégustation.

Suite à ces résultats de dégustation, vous vous êtes posés la question de la livraison à Thiriet malgré cette odeur, le goût et les mauvais résultats d'analyses.

La directrice qualité vous a indiqué vouloir bloquer la totalité des lots: puisque les lots étaient très hétérogènes, le risque que tous les lots comportent du poisson non conforme comme celui dégusté était très grand.

Alors que vous étiez parfaitement au courant des problèmes de qualité apparus chez Thiriet début mars 2006 concernant un autre lot mais provenant du même producteur ainsi que des résultats de contrôle organoleptiques non satisfaisants et de l'odeur d'ammoniaque, vous avez décidé de livrer la totalité des lots, contenant des produits non conformes à Thiriet.

Par ailleurs, il résulte des documents relatifs au traitement des lots concernés que suite à la réunion de dégustation du 10 mars 2006, la totalité des lots, y compris les lots N° LT 021330 et LT 021332 non conformes, ont été conditionnés et livrés à Thiriet. La première livraison sur les lots non conformes a eu lieu le 22 mars 2006. Seul le lot LT 021329 est resté bloqué suite à la dégustation.

Le risque que tous les lots (conformes et non conformes) soient concernés par le problème du poisson avarié s'est confirmé le 12 avril 2006. A cette date, le client Thiriet a informé ICELANDIC de la non-conformité des lots de filets de lotte livrés. Le problème de conformité apparu chez Thiriet ne concernait non seulement les lots LT 02 1330, et LT 021332, mais aussi les autres lots testés lors de la dégustation du 10 mars 2006. La directrice qualité vous a immédiatement informé de ce retour du client Thiriet.

A la suite des différentes autres analyses (effectuées seulement après la décision de livrer Thiriet) les produits non conformes ont été repris et détruits en mai 2006.

Mise à part le préjudice commercial que cette décision nous a causé avec notre client Thiriet, vous avez mis en danger la santé de nos clients.

En tant que directeur commercial vous avez l'obligation de vendre de la marchandises saine, loyale et marchande. De plus, la vente de produits non conformes, comme dans le présent cas constitue un délai de fraude.

Lorsque les problèmes organoleptiques sont apparus sur les lots concernés, vous auriez dû, en tant que directeur commercial responsable, bloquer la totalité des lots pour effectuer des recherches supplémentaires. Votre décision est d'autant plus inexcusable que vous avez été au courant des analyses faites par le frigo, du résultat de votre propre dégustation, de l'avis négatif de la directrice qualité et des problèmes apparus sur des lots Seatrade, livrés à Thiriet antérieurement.

2. Etiquetages

Nous avons appris que vous avez envoyé des produits, dont la date limite d'utilisation optimale a expiré, en Belgique pour les faire ré-étiqueter avec une date ultérieure.

Comme vous le savez, les distributeurs n'ont pas le droit de faire re-étiqueter les produits. cette pratique est totalement interdite en France pour des raisons de sécurité et de qualité des produits alimentaires.

Votre comportement inacceptable a apporté le plus grand préjudice à la société, tant au niveau commercial qu'au niveau réputation. Vous avez mis en danger la santé de nos clients..."

Monsieur [K] a saisi le Conseil de prud'hommes de LYON le 20 décembre 2006 pour demander le paiement des sommes suivantes:

- 1 736,00 euros à titre de salaires pour la période de mise à pied du 25 septembre 2006 jusqu'au 30 septembre 2006,

- 4 140,61 euros à titre de rappel de salaires,

- 414,06 euros au titre des congés payés afférents,

- 31 260,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 280,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 187 560,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par un jugement en date du 16 octobre 2008, le Conseil de prud'hommes, statuant sur le dernier état des demandes, a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave et a condamné la société ICELANDIC à payer à monsieur [K] les sommes suivantes:

- 4 140,61 euros à titre de rappel de salaires,

- 414,06 euros au titre des congés payés afférents,

- 31 260,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 126,00 euros au titre des congés payés afférents,

- 500,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [K] a déclaré faire appel du jugement le 4 novembre 2008.

Vu les conclusions de monsieur [K], soutenues oralement à l'audience, tendant, à la confirmation du jugement sur le paiement du rappel de salaire et de congés payés sur la mise à pied conservatoire, et l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, et à l'infirmation pour le surplus.

Il demande à la Cour de dire que le licenciement est abusif et de condamner la société ICELANDIC FRANCE à lui payer les sommes suivantes:

-  3 280,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 187 560,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-   10 420,62 euros à titre de dommages intérêts pour procédure irrégulière,

- 5 000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la procédure, il expose que la société comprend plus de dix salariés, mais qu'il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un représentant du personnel; qu'il fait sommation à la société ICELANDIC FRANCE de justifier de l'absence de mise en place de délégué du personnel.

Il soulève la prescription des faits, alors que la procédure disciplinaire a été engagée le 25 septembre 2006.

Il affirme que la société ICELANDIC FRANCE a été informée des difficultés relatives à la livraison des filets de lotte dès le mois de mars 2006 et au plus tard en mai 2006, date à laquelle la commande a été retournée et qu'en tout état de cause le témoignage de madame [X], qui l'a remplacé au poste de directeur commercial, selon lequel il lui aurait parlé le 25 septembre 2006 de l'appel du client THIRIET, est inopérant, compte tenu de la communauté d'intérêts.

Subsidiairement, il conclut que le problème rencontré par la société THIRIET ne lui est pas imputable: sur les cinq lots vendus, deux seuls avaient été déclarés non conformes par le service qualité et ils n'ont pas été transférés: ce n'est qu'une fois au sein de la société THIRIET que les autres lots ont été déclarés non conformes; qu'au surplus si une faute a été commise, elle ne lui est pas imputable, les questions relatives à la qualité des produits livrés aux clients n'entrant pas dans son domaine de compétence en tant que directeur commercial; qu'après les réserves exprimées par le service qualité, la décision est déférée 'aux responsables achats et ventes afin qu'une décision concertée soit prise'; qu'il en est de même sur le ré-étiquetage qui ne lui est pas imputable.

A titre infiniment subsidiaire, il demande à la Cour de considérer que les faits relèvent de la qualification d'insuffisance professionnelle et ne peuvent fonder un licenciement pour faute grave.

A l'audience, il est précisé qu'il n'existe aucun lien de subordination entre le directeur qualité et le directeur commercial.

Vu les conclusions de la société ICELANDIC FRANCE, soutenues oralement à l'audience tendant à l'infirmation du jugement, au rejet des demandes et à la condamnation de monsieur [K] à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire, ainsi que la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la procédure, elle soutient que celle-ci est régulière, n'ayant pas de délégué du personnel, monsieur [K] a été invité à se faire assister par un conseiller extérieur.

Sur le licenciement, elle expose qu'elle n'a eu connaissance des faits relatifs aux filets de lotte que le 25 septembre 2006, à la suite d'un entretien téléphonique de monsieur [V] avec le directeur des achats de la société THIRIET; qu'elle n'en avait jamais eu connaissance auparavant; que d'ailleurs les trois salariés participant à ce dossier ont essayé de dissimuler les faits à la direction générale: les échanges antérieurs ont eu lieu exclusivement entre son service de qualité, la société THIRIET, monsieur [K] et l'acheteur; que ce n'est que par un appel direct du directeur des achats de la société THIRIET à propos de ces filets de lotte vendus avariés que le directeur général a été informé.

Elle précise que le service qualité a été mis à la disposition de monsieur [K] pour qu'il puisse prendre les décisions appropriées: qu'en l'espèce, le 2 mars 2006, le service qualité a été informé des problèmes sur deux lots, motif pour lequel une dégustation a été organisée à laquelle participait monsieur [K]; qu'à la suite de cette mesure, la directrice qualité a donné un avis négatif sur la commercialisation et a préconisé le blocage des lots mais, que monsieur [K] a pris la décision finale de la commercialisation, qui a été faite en assemblant les deux lots avariés notamment dans un lot N° LT 021421 qui a été livré à THIRIET. Elle ajoute que monsieur [G], qui avait participé à la dégustation a été licencié et qu'il convient de prendre son attestation avec prudence compte tenu du contentieux existant.

Elle fait valoir la gravité de la faute ainsi commise eu égard au fait que certains consommateurs ont été victimes de vomissements et de malaises, qu'il a été noté la présence de parasites (vers) dans les filets de lotte, et qu'elle a dû détruire 2000 unités de vente; qu'au surplus, elle a dû mettre en place des mesures de contrôles renforcés; qu'il lui était impossible de maintenir en place un directeur commercial qui a ignoré volontairement les principes les plus basiques de la profession, notamment le respect de la santé des consommateurs.

Sur le ré-étiquetage, de cabillaud et de filet de loup de mer. Elle reproche à monsieur [K] d'avoir organisé ce ré-étiquetage, ce qu'elle n'a appris qu'au mois de septembre 2006, bien que les faits aient eu lieu en 2004 et 2005: il s'agit de la vente de 8.040 kgs de cabillaud, ayant une DLUO (date limite d'utilisation optimale) à mi 2004 à la société néerlandaise Alberts afin que celle-ci appose de nouvelles étiquettes indiquant une DLUO (date limite d'utilisation optimale) à janvier 2006: les lots ont été renommés pour dissimuler la transaction. Monsieur [K] les aurait rachetés par la suite à une autre société néerlandaise, [A]; que le procédé a été le même pour 5 616 kgs de filets de loup de mer.

DISCUSSION

SUR LA PROCEDURE DE LICENCIEMENT

L'effectif de l'entreprise est de plus de dix salariés. La mise en place de l'institution des délégués du personnel doit être faite à l'initiative de l'employeur, ou d'un salarié ou d'un syndicat. De fait, aucune initiative n'a été prise et la société ICELANDIC FRANCE indique qu'il n'y a pas de délégué du personnel. Le défaut d'initiative et donc l'absence de délégué du personnel n'a pas comme conséquence de vicier la procédure de licenciement elle-même.

La lettre de convocation à l'entretien préalable du 25 septembre 2006 mentionne la possibilité donnée à monsieur [K] de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou figurant sur la liste des conseillers selon la liste consultable en mairie ou à l'Inspection du travail.

La procédure est en conséquence régulière.

SUR LE LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE

EN DROIT

Le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire. L'insuffisance professionnelle non fautive ne peut être qualifiée de faute grave.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du Code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

L'article L 1332-4 pose le principe qu'aucun agissement fautif, ne peut donner lieu, à lui seul, à des poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

En cas de mise à pied conservatoire, c'est le jour du prononcé de celle-ci qui marque l'engagement des poursuites interruptif du délai de prescription de deux mois.

L'inobservation du délai d'engagement de poursuites prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

EN L'ESPECE

Sur la décision de commercialisation des lots de filets de lotte

Deux lots LT021330 et LT021332 ont fait l'objet d'un contrôle organo cuit le 2 mars 2006.

La conclusion est pour le lot LT021330: non satisfaisant. Au deuxième examen il est indiqué, odeur et saveur ammoniacales; pour le lot LT021332: non satisfaisant. Au deuxième examen il est indiqué, odeur ammoniacale, saveur spécifique atténuée.

Monsieur [Z], responsable technique et qualité, ex employé de la société ICELANDIC FRANCE atteste de ce que le 10 mars 2006, a eu lieu, au siège à [Localité 6], une séance d'évaluation organoleptique au sujet de la qualité d'un lot de queues de lotte (stocké sur le frigo A25 au Havre) et qu'au terme de cet examen, le service qualité a émis des réserves 'quant à la loyauté d'une partie de ces marchandises'. Monsieur [Z] ne précise pas les numéros de lot, mais il résulte de son attestation que ce n'est pas le service qualité qui prenait la décision: 'les conclusions de cette séance ont été remises aux responsables achats et ventes, afin qu'une décision concertée puisse être prise'.

Il est par ailleurs établi que les deux lots litigieux ont été envoyés en chronopost au siège à [Localité 6] avec trois autres lots de filets de lotte.

Madame [B], directeur qualité a attesté que 'début mars 2006 a eu lieu une discussion dans les bureaux d'[Localité 6] ayant pour but de statuer sur le devenir commercial d'un achat de lottes. La décision a été prise par le directeur commercial [J] [K] de livrer les marchandises malgré un avis défavorable' de sa part.

Monsieur [K] est directeur commercial. Il prétend qu'une autre personne aurait été chargée de prendre la décision. Or, il ne désigne pas cette personne sinon comme étant madame [B]; monsieur [Z] précise que le service qualité ne prend pas la décision commerciale.

Un ordre de conditionnement pour le client THIRIET a été donné pour une livraison souhaitée au 20 mars 2006 pour le lot LT0211330 qui a été reconditionné sous le N° LT 021421.

Dès le 7 avril 2006, la société THIRIET a envoyé un courriel à l'adresse [Courriel 5] , madame [B] dont l'objet est: 'défaut organo lotte N°2": le lot LT 021421, qui contient le lot litigieux LT0211330 est visé: 'très forte odeur de poisson se dégage des cartons après ouverture, et les colis de commandes préparées THIRIET prennent l'odeur forte de la lotte. Nous avons bloqué une partie de palette....'

Le 10 avril 2006, madame [B] a écrit notamment à [F] ([E])/ [R] ([G]) et non monsieur [V], directeur général, en visant ce lot et en précisant: '...autres retours à prévoir j'ai peur. Il nous faut nous mettre d'accord sur la marche à suivre pour sauver le produit...'

Le même jour monsieur [R], qui est acheteur de la société ICELANDIC FRANCE, répondra 'j'ai eu le fournisseur à qui j'avais précédemment fait part des problèmes de calibrage. Je lui ai fait part des problèmes d'odeur. Nous devrions régler ce problème de façon 'smoth' avec le fournisseur.'

Le 14 avril 2006, madame [B] a envoyé un courriel à monsieur [R], mais aussi à monsieur [J] [K] et monsieur [E]: '[R]/ [J], il nous faut décider d'un plan d'action mardi pour répondre à Thiriet et éteindre le feu.'

C'est madame [B], avec copie à monsieur [K] et de la BARRE notamment et non à monsieur [V] qui répondra le 18 avril à la société THIRIET, sur le plan d'action 'en accord avec notre acheteur et notre commercial', pour le retour des lots et la livraison au plus vite de produits correspondants à l'attente du client.

La société THIRIET se plaindra encore à madame [B] en sa qualité de responsable du service qualité, le 18 mai 2006, de réclamations sur des filets de lotte 84223 I, avec la photo de vers dans les filets de lotte: 'les motifs sont identiques aux réclamations précédentes: immangeables, goût avarié, odeur nauséabonde'.

Madame [B] donnera l'autorisation de destruction des lots pour un volume de 2000 UVC: le lot LT 021421 est visé parmi 5 lots: aucune copie n'est adressée au directeur général, mais à '[R]' et '[F]' notamment.

Monsieur [G] a attesté en faveur de la thèse de monsieur [K], mais il est taisant sur toute la première phase du déroulement des faits, soit sur la détection de deux lots impropres à la consommation par les analyses du 2 mars 2006 et la réunion du 19 mars 2006. Il n'évoque que la seconde phase, soit la réclamation de la société THIRIET après la livraison alors que le reproche qui est fait est l'ordre de livraison donné en toute connaissance de cause pour des produits impropres. Il évoque cependant des nouvelles inspections qui ont effectivement démontré des anomalies, ce qui atteste, si besoin était, des inspections précédentes.

Ces éléments emportent la conviction que monsieur [K] a bien pris la décision en toute connaissance de cause de laisser commercialiser de la marchandise impropre à la vente; que les trois personnes particulièrement informées étaient l'acheteur, monsieur [G], la responsable du service qualité madame [B], et le directeur commercial monsieur [K], destinataire du courriel aux fins de décider d'un plan d'action devant les réclamations du client THIRIET.

La lettre de licenciement vise expressément le lot LT0211330, lot qui a été autorisé à la vente et qui a été reconditionné ensuite pour le client THIRIET sous le N° LT 021421.

Au niveau des responsabilités de monsieur [K], et de son information des faits, la décision de poursuivre la vente des produits constitue une faute et non pas seulement une erreur entrant dans le cadre d'une simple insuffisance professionnelle.

Sur la prescription de la faute constituée par la décision de mise en vente du lot LT0211330

Aucun courriel produit aux débats traitant de cette affaire de filets de lotte avariés à la société THIRIET n'a été envoyé en copie à monsieur [T] [V], le directeur général.

Monsieur [G] a écrit que l'affaire devait être traitée en douceur '

de façon 'smoth' avec le fournisseur.'

C'est dans ce contexte que doivent être appréciées les deux attestations qui témoignent de ce que monsieur [V] a dit à madame [X], et au président du groupe, monsieur [H], le 25 septembre 2006, que monsieur [C], de la société THIRIET l'avait appelé, le jour même, au sujet des filets de lotte avariés. Monsieur [H] certifie que la direction de la société n'a pas été informée des événements avant car les salariés impliqués dans le dossier les avaient cachés.

La société ICELANDIC FRANCE rapporte ainsi la preuve de ce qu'elle n'a pas été informée par monsieur [K] des réclamations de la société THIRIET avant que cette société n'en fasse directement part à monsieur [V] le 25 septembre 2006.

Les faits ne sont pas prescrits.

Sur le ré-étiquetage

La société ICELANDIC FRANCE reproche à monsieur [K] l'envoi en Belgique de produits, dont la date limite d'utilisation optimale avait expiré, pour les faire ré-étiqueter avec une date ultérieure, ce qui est interdit aux distributeurs pour des raisons de sécurité et de qualité des produits alimentaires.

Monsieur [K] répond qu'il n'est pas démontré que ce fait lui soit imputable.

La société ICELANDIC FRANCE expose qu'elle a appris au mois de septembre 2006 que monsieur [K] avait organisé un ré-étiquetage de cabillaud et de filet de loup de mer en 2004 et 2005.

Un stratagème aurait été mis en place:

Monsieur [K] aurait vendu le poisson avec une date limite d'utilisation optimale à mi 2004 à une société néérlandaise ALBERTS afin que celle-ci appose des nouvelles étiquettes indiquant une date limite d'utilisation optimale à janvier 2006, avec un nouveau nom pour dissimuler la transaction.

Monsieur [K] aurait racheté le poisson à une autre société néérlandaise [A].

Elle affirme que ces ventes et ces achats ne correspondaient à aucun dossier client/ fournisseur réellement existant.

Les documents produits ne permettent pas de retracer chacune des étapes de la fraude supposée et les attestations qui évoquent des pratiques parfois douteuses de monsieur [K] dans sa politique commerciale, sont vagues et ne permettent pas de retenir ce grief.

Sur le licenciement

La décision prise de vendre à la société THIRIET, à tout le moins le lot le lot LT021330 avarié parmi d'autres lots, est une faute qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La société ICELANDIC FRANCE n'établit cependant pas l'impossibilité pour elle de conserver le salarié pendant la durée du préavis, après la mise en place d'un contrôle renforcé ce qu'elle a fait, et alors qu'aucun autre fait n'avait été révélé postérieurement à cette décision du mois de mars 2006.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a, dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société ICELANDIC FRANCE à payer à monsieur [K] les sommes suivantes:

- 4 140,61 euros à titre de rappel de salaires,

- 414,06 euros au titre des congés payés afférents,

- 31 260,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 126,00 euros au titre des congés payés afférents,

et débouté monsieur [K] de sa demande en paiement de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'indemnité conventionnelle de licenciement est due: monsieur [K] sollicite la somme de 3 280,62 euros. Cette demande figurait dans les motifs de ses conclusions de première instance et non dans le dispositif.

La convention collective prévoit qu'entre deux ans et cinq ans d'ancienneté, les cadres ont droit à une indemnité de 1/10 par mois de présence.

Il convient de retenir le calcul présenté par monsieur [K] en première instance dont le résultat est de 3 280,62 euros.

La société ICELANDIC FRANCE sera condamnée au paiement de cette somme.

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société ICELANDIC FRANCE à payer à monsieur [K] la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

La société ICELANDIC FRANCE sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant.

Condamne la société ICELANDIC FRANCE à payer à monsieur [J] [O] [K] la somme de 3 280,62 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la société ICELANDIC FRANCE aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 08/07616
Date de la décision : 06/04/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°08/07616 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-04-06;08.07616 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award