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18/03/2010 | FRANCE | N°08/06691

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 18 mars 2010, 08/06691


R.G : 08/06691









décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du

11 septembre 2008



ch n° 3



RG N°05/10631















COUR D'APPEL DE LYON



PREMIERE CHAMBRE CIVILE A



ARRET DU 18 MARS 2010









APPELANT :



Monsieur [V] [L]

né le [Date naissance 2] 1931 à [Localité 6] (RHONE)

[Adresse 3]

[Localité 6]



représenté par la SCP DUTRI

EVOZ, avoués à la Cour



assisté de la SCP COLBERT - Avocats, avocats au barreau

de LYON









INTIMEES :



SAS THEVENET + CLERJOUNIE - T + C - AMS, placée sous sauvegarde de justice par jugement du Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 7 avril 2009, Maître [N...

R.G : 08/06691

décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du

11 septembre 2008

ch n° 3

RG N°05/10631

COUR D'APPEL DE LYON

PREMIERE CHAMBRE CIVILE A

ARRET DU 18 MARS 2010

APPELANT :

Monsieur [V] [L]

né le [Date naissance 2] 1931 à [Localité 6] (RHONE)

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour

assisté de la SCP COLBERT - Avocats, avocats au barreau

de LYON

INTIMEES :

SAS THEVENET + CLERJOUNIE - T + C - AMS, placée sous sauvegarde de justice par jugement du Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 7 avril 2009, Maître [N] [M] désigné administrateur judiciaire avec simple mission de surveillance

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET,

avoués à la Cour

assistée de la SELARL SEIGLE & Associés -

PRIMALEX -, avocats au barreau de LYON

SCP [R] & [P], ès qualités de mandataire judiciaire de la Société THEVENET + CLERJOUNIE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET,

avoués à la Cour

assistée de la SELARL SEIGLE & Associés -

PRIMALEX -, avocats au barreau de LYON

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Maître [N] [M], ès- qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la Société THEVENET + CLERJOUNIE - T + C - AMS, prononcé par jugement du Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en date du 8 janvier 2010

[Adresse 5]

[Localité 1]

représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour

assisté de la SELARL SEIGLE & Associés - PRIMALEX -, avocats au barreau de LYON

L'instruction a été clôturée le 18 Décembre 2009

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 27 Janvier 2010

L'affaire a été mise en délibéré au 18 Mars 2010

LA PREMIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,

DEBATS en audience publique du 27 janvier 2010

tenue par Madame Bernadette MARTIN, Président, et Madame Elisabeth BIOT, conseiller, chargé de faire rapport, tous deux magistrats rapporteurs, sans opposition des avocats dûment avisés, qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré,

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Bernadette MARTIN, Président

Madame Elisabeth BIOT, Conseiller

Madame Christine DEVALETTE, Conseiller

GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier

ARRET CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 mars 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile;

Signé par Madame Bernadette MARTIN, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**************

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

La Société THEVENET + CLERJOUNIE, société spécialisée dans l'étanchéité des circuits de fluides cryogéniques et plus particulièrement dans les jonctions bi-métalliques utilisait pour ce faire un brevet déposé par le CEA en 1977. Monsieur [V] [L], Président Directeur Général de la Société des Anciens Etablissements THEVENET- CLERJOUNIE jusqu'en 1991, a continué après son départ à la retraite à avoir une activité au sein de cette société. Il a déposé à l'INPI le 20 décembre 1991 une demande de brevet portant sur l'assemblage de deux pièces tubulaires l'une en métal dur, l'autre en métal malléable dont la revendication numéro 1 concerne les caractéristiques de la liaison, ce brevet a été délivré le 19 juin 1992 sous le numéro 91.16-204.

Par contrat du 27 février 1992, Monsieur [L] a concédé à la Société des Anciens Etablissements THEVENET-CLERJOUNIE jusqu'au 20 décembre 2011 la licence exclusive d'exploitation de ce brevet moyennant paiement d'une redevance dégressive calculée selon le chiffre d'affaires annuel en fonction du nombre d'articles fabriqués.

Le 13 octobre 1992, Monsieur [L] et son épouse ont créé une société à responsabilité limitée la Société d'Application des Méthodes [L] (SAMP) à laquelle il était apporté en nature de jouissance le brevet numéro 91.16-204.

En 1999, la Société THEVENET-CLERJOUNIE venant aux droits de la Société des Anciens Etablissements THEVENET-CLERJOUNIE, considérant qu'elle avait payé un excédent de redevances en exécution de la concession de licence car tous les assemblages n'avaient pas été réalisés selon le brevet FR 91.16-204, a suspendu les paiements et a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de LYON statuant en référé afin de voir désigner un expert chargé de décrire les brevets en cause et de déterminer les ventes effectuées selon le premier ou le deuxième brevet.

L'expert a déposé son rapport le 17 novembre 2004, Maître [C] liquidateur de la Société SAMP déclarée en liquidation judiciaire le 27 janvier 2004 ayant été appelé aux opérations d'expertise.

Par acte d'huissier des 6 et 7 juillet 2005 la Société THEVENET-CLERJOUNIE a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de LYON Monsieur [L] et Maître [C] ès qualités de liquidateur de la Société SAMP pour que soit prononcée la nullité du brevet FR numéro 91.16-204 pour défaut d'activité inventive, constaté que ce brevet est un brevet de perfectionnement et que Monsieur [L] n'a pas été autorisé par le CEA avant de l'exploiter, déclaré sans objet le contrat de licence et dit l'apport en jouissance inopposable à la Société THEVENET-CLERJOUNIE comme étant fait en fraude de ses droits.

La demanderesse sollicitait donc la condamnation de Monsieur [L] à lui restituer la somme de 124.611 euros TTC de redevances et à lui verser la somme de 20.000 euros de dommages intérêts ainsi qu'une indemnité de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par acte du 26 juillet 2005 Monsieur [L] a fait assigner la Société THEVENET-CLERJOUNIE pour que soit prononcée la résiliation du contrat de licence et que cette société soit condamnée à lui payer l'arriéré de redevances à compter de l'année 2004.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement du 11 septembre 2008, ce tribunal, après avoir analysé le brevet déposé par Monsieur [L] a dit que le procédé d'assemblage des pièces métalliques ne révélait aucune activité inventive malgré l'adjonction d'un chanfrein à la portée cylindrique prévue par le brevet CEA et a rendu la décision suivante :

' - prononce la nullité du brevet [L] numéro 91.16-204,

- prononce la nullité du contrat de licence du brevet 91.16-204 passé le 27 février 1992 entre la Société T + C et Monsieur [L],

- déclare inopposable à la Société T + C l'acte d'apport en nature de jouissance du brevet 91.16-204 passé entre Monsieur [L] et la Société SAMP,

- condamne Monsieur [L] à payer à la Société T + C la somme de 124.611 euros (CENT VINGT QUATRE MILLE SIX CENT ONZE EUROS) TTC à titre de restitution de redevances versées en exécution du contrat de licence de brevet,

- condamne Monsieur [L] à payer à la Société T + C la somme de 8.000 euros (HUIT MILLE EUROS) de dommages intérêts,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,

- déboute Monsieur [L] de ses demandes reconventionnelles,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamne Monsieur [L] à payer à la Société T + C la somme de 8.000 euros (HUIT MILLE EUROS) en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

- condamne Monsieur [L] aux entiers dépens, qui comprendront le coût de la procédure de référé et les honoraires de l'expert'.

Monsieur [L] a relevé appel de ce jugement dont il demande la réformation, en priant la Cour de dire que le brevet numéro 91.16-204 satisfait à la condition d'activité inventive et qu'il est en conséquence valable de même que le contrat de licence conclu avec la Société THEVENET-CLERJOUNIE.

Il demande en outre de dire que l'apport en jouissance de son brevet à la Société SAMP est opposable à la Société THEVENET-CLERJOUNIE et qu'il n'y a pas lieu de le condamner à restitution des redevances.

Ayant retrouvé la jouissance de son brevet depuis le 27 février 2004 après la liquidation judiciaire de la Société SAMP, il conclut à la condamnation de la Société THEVENET-CLERJOUNIE à lui payer le minimum garanti par les articles 5 et 6 du contrat de licence s'élevant à 22.867 euros HT du 27 janvier 2004 au 26 juillet 2005, date de résiliation du contrat fixée à la date de l'assignation outre 1.311 euros HT de dommages intérêts corrrespondant aux produits normaux du contrat jusqu'à la date de déchéance.

Il sollicite enfin le remboursement de la somme de 140.611 euros qu'il a réglée en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire ainsi que les paiements des intérêts sur une somme dont il a été privé à compter du 3 novembre 2008 et y ajoute une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelant soutient que son invention ne découlait pas de manière évidente de l'état de la technique, étant observé que les plans de la Société THEVENET-CLERJOUNIE de 1988 à 1991 qui lui sont internes ne font pas partie de l'état de la technique faute de divulgation et que seul le brevet CEA du 25 mars 1977 constitue l'état de la technique connue antérieurement. Il précise que n'existaient ni la pointe émoussée permettant de résoudre le problème de rabotage et de production de copeaux nuisant à la jonction, ni la portée cylindrique suivie d'un chanfrein permettant de résoudre le problème de dégazage.

Il souligne également que son invention est une combinaison de moyens qui ne découlait pas de manière évidente du brevet CEA.

L'appelant insiste sur le fait que cette invention a eu un énorme succès commercial puisque la Société THEVENET-CLERJOUNIE grâce à l'exploitation de son brevet a augmenté ses ventes de telle sorte qu'elle a multiplié son chiffre d'affaires par 3,6 entre 1993 et 1999.

Etant donné la validité de son brevet, Monsieur [L] conclut à la validité du contrat de licence. Il critique vivement l'analyse faite par le tribunal pour déclarer l'apport en jouissance inopposable alors qu'il n'a jamais été le débiteur de la Société THEVENET-CLERJOUNIE, que les actes reprochés ont eu lieu très longtemps avant la naissance d'une prétendue créance de remboursement et qu'il n'y a eu aucune fraude lors de la constitution de la Société SAMP laquelle n'a jamais été une coquille vide mais a exploité trois brevets et a développé un logiciel pour la Société SOMERRA filiale des Anciens Etablissements THEVENET-CLERJOUNIE. Il conteste l'application de l'article 1167 du Code Civil, puisque:

- l'acte attaqué, à savoir l'apport en nature de jouissance de brevet, n'a pas été effectué par le débiteur de la Société THEVENET-CLERJOUNIE,

- cet acte a été effectué alors que le principe de la créance n'existait pas,

- cet acte ne présente aucun caractère frauduleux,

- il n'a pas appauvri le patrimoine du débiteur mais l'a bien au contraire enrichi.

Monsieur [L] prétend que même si le brevet était annulé il n'y aurait pas lieu à restitution des redevances dès lors que la société titulaire du contrat de licence avait exploité ce brevet paisiblement, ni davantage sur le fondement de la répétition de l'indu étant observé que pour les années 1992 à 1995 seule la Société Anciens Etablissements THEVENET-CLERJOUNIE était créancière d'une éventuelle restitution de redevances puisque c'est elle qui a payé les redevances et qu'ainsi la Société SAMP devrait seulement pour les années 1996 à 1999 la somme de 59.185 euros HT.

Subsidiairement Monsieur [L] invoque la prescription de l'article L 110-4 du Code de commerce pour conclure à l'irrecevabilité de la demande portant sur des redevances antérieures au 6 juillet 1995.

En tout état de cause il insiste sur le fait qu'il n'est pas tenu des dettes de la Société SAMP.

* * *

La Société THEVENET-CLERJOUNIE a été placée sous sauvegarde de justice par un jugement du Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE du 7 janvier 2009, Maître [N] [M] était désigné en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission de surveillance et la Société [R] et [P] mandataire judiciaire.

Par jugement du 8 janvier 2010 le Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE a homologué un plan de sauvegarde, Maître [M] étant désigné comme commissaire à l'exécution de ce plan.

Par des conclusions du 27 janvier 2010 Maître [M] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan est intervenu volontairement à l'instance et s'est associé aux conclusions précédemment déposées par les intimés qui concluaient à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, au rejet des demandes de Monsieur [L] et réclamaient une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les intimés répliquaient que le brevet [L] ne révélait aucune activité inventive puisque les techniciens et ingénieurs de la Société THEVENET-CLERJOUNIE ont découvert, à partir des enseignements du brevet CEA et des études menées pendant plusieurs années, les deux moyens décrits sous les revendications qui figuraient déjà en tant que tels sur les plans, documents qui n'avaient aucun caractère de confidentialité même s'ils étaient internes à l'entreprise. Ils affirmaient donc que les deux caractéristiques des revendications étaient déjà dans l'état de la technique.

Les intimés considèrent que Monsieur [L], qui bien qu'étant à la retraite, a continué à assurer la gestion des dossiers de jonctions bi-métalliques de la Société THEVENET-CLERJOUNIE notamment ceux relatifs à son brevet, et qui savait que celui-ci serait annulé de sorte que la restitution des redevances indûment perçues pourrait lui être réclamée, a sciemment créé la Société SAMP, société écran, puis le 19 janvier 2004 après le dépôt du pré-rapport de l'expert judiciaire a déclaré la cessation des paiements de cette société.

Ils maintiennent que la fraude paulienne est ainsi constituée étant donné l'acte d'apport en jouissance effectué par le débiteur en fraude des droits du créancier qui avait déjà un principe certain de créance ; qu'en outre Monsieur [L] qui a accaparé les redevances versées en prélevant la trésorerie de la Société SAMP actuellement en liquidation judiciaire devra rembourser la Société THEVENET-CLERJOUNIE.

En ce qui concerne la restitution, les intimés soutiennent que la Société THEVENET-CLERJOUNIE est l'ayant droit de la Société des Anciens Etablissements THEVENET & CLERJOUNIE à la suite de la transmission universelle de la branche d'activité et qu'ainsi la nouvelle société peut réclamer les redevances indûment perçues depuis l'année 1992 ; qu'au surplus l'action n'est pas prescrite puisque la demande n'est pas fondée sur les articles 1235 et 1376 du Code Civil relatifs à la répétition de l'indu mais sur l'absence de cause du contrat de licence du fait de la nullité du brevet ; que contrairement à ce que soutient Monsieur [L] la clause de non garantie stipulée dans le contrat ne vise que le cas où le brevet serait attaqué en nullité par des tiers ;

Ils se réfèrent enfin au décompte effectué par l'expert pour dire que le montant à restituer s'élève à 34587 euros HT de 2001 à 2005 soit au total la somme de 124.611 euros TTC et concluent au rejet des demandes de Monsieur [L] en paiement du minimum de redevances en exécution du contrat de licence jusqu'à l'échéance théorique du brevet alors d'une part que celui-ci s'est abstenu de payer l'annuité au 31 décembre 2004 et d'autre part qu'il s'agit d'une faculté offerte au licencié qui a le choix entre laisser au concédant le soin de résilier le contrat de licence ou payer un minimum de 100.000 francs par an.

MOTIFS ET DECISION

Sur la validité du brevet numéro 91.16-204

Attendu que selon l'article L 6111-10 du Code de la Propriété Intellectuelle sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle ;

Attendu que le brevet français 91.16-204 publié sous le numéro 2670 541 dont Monsieur [T] [L] est titulaire, concerne un assemblage de deux pièces notamment tubulaires, la première en métal dur et la seconde en métal malléable ; que les deux revendications sont les suivantes :

1) 'Assemblage de deux pièces (A,B), notamment tubulaires, la première (A) étant réalisée en métal dur et la seconde (B) en métal malléable, les deux pièces présentant un axe géométrique commun d'assemblage, du genre dans lequel l'extrémité de la première pièce (A) qui comporte un diamètre réduit ('') sur la longueur d'assemblage (C) des deux pièces (A,B) se termine par un bord à deux surfaces coniques (C 1, C 2) tandis que la liaison avec le reste de la pièce (A) est constituée de deux faces coniques (S 1,S 2) reliées par une gorge (T) en portion de tore, caractérisé en ce que la jonction des deux surfaces (C 1,C 2) affecte la forme d'un congé (R) et en ce que la face conique externe (S 2) se prolonge par une portée cylindrique (S3) dont le diamètre est compris entre celui ('') de l'extrémité de raccordement et celui extérieur ('') et qui se raccorde avec la partie courante au moyen d'un chanfrein (S4) dont le sommet du cône est orienté vers la seconde pièce (B).'

2) 'Assemblage suivant la revendication 1, caractérisé en ce que la conicité (y) du chanfrein (S4) est environ égale à celle (a) de la face conique (S 2), c'est-à-dire de l'ordre de 60°'.

Attendu que les revendications du brevet CEA de 1977 dont le brevet numéro 91.16-204 est le perfectionnement comme il est noté dans le préambule sont les suivantes :

1. Procédé d'assemblage de deux pièces, notamment de pièces tubulaires, la première pièce étant réalisés en un métal dur, la deuxième pièce étant réalisée en un métal malléable, les deux pièces présentant un axe commun d'assemblage, caractérisé en ce que dans une première étape, on usine l'extrémité de ladite première pièce de la façon suivante : on réduit le diamètre extérieur de l'extrémité de ladite première pièce sur une longueur donnée dite longueur d'assemblage, on usine ladite extrémité dans la région de raccordement entre la partie courante de la première pièce et la longueur d'assemblage, de telle façon que le profil de raccordement soit une surface de révolution autour dudit axe d'assemblage et formant une gorge, ladite surface étant définie par une première portion de surface conique dont le sommet est tourné vers ladite première pièce et dont l'angle au sommet est égal à a, une deuxième portion de surface conique dont le sommet est tourné vers la première pièce et dont l'angle au sommet est égal à B, les deux portions de surface conique étant raccordées par un congé, en ce que dans une deuxième étape, on porte les deux pièces à une température donnée correspondant à la température de forgeage du métal dont est faite la deuxième pièce, et on soumet les deux pièces à l'action d'une presse pour obtenir la pénétration du bord de la deuxième pièce dans ladite gorge ménagée dans ladite première pièce.

2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'angle a est supérieur à l'angle B.

3. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que sur la longueur d'assemblage de ladite première pièce on ménage au moins une gorge annulaire.

4. Procédé selon la revendication 3, caractérisé en ce que la ou lesdites gorges ménagées sur la longueur d'assemblage sont définies par deux portions de surface conique inversées.

5. Procédé selon la revendication 4, caractérisé en ce que l'angle au sommet de la portion de surface conique dont le sommet est dirigé vers la première pièce est voisin de 90°.

6. Procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que ladite première pièce est réalisée en acier et en ce que ladite deuxième pièce est réalisée avec de l'aluminium ou un alliage d'aluminium.

Attendu que les antériorités opposées et remises à l'expert chargé de rechercher notamment si le brevet relevait de techniques antérieures et s'il correspondait à des travaux antérieurs de la Société THEVENET-CLERJOUNIE, celui-ci a analysé le brevet CEA et les plans fournis par cette société ; que selon lui aucun des documents ne contient simultanément les deux caractéristiques essentielles du brevet, à savoir d'une part la pointe émoussée de forgeage et d'autre part une portée cylindrique suivie d'un chanfrein;

Attendu que ces conclusions ne sont pas sérieusement contredites par les parties qui ne fournissent pas d'autres documents en cause d'appel ; qu'ainsi aucune antériorité pertinente ne vient détruire la nouveauté de l'invention en cause ;

Attendu que selon le préambule du brevet déposé par Monsieur [L], l'invention a eu pour but de remédier aux défauts du brevet CEA soit l'existence d'un léger espace entre les deux pièces s'amplifiant à température cryogénique qui constitue une cavité de rétention du liquide et peut entraîner un dégazage sous vide, et la présence de copeaux par suite du rabotage opéré par la pointe aigüe de pénétration ;

Attendu que pour résoudre ces deux problèmes techniques, Monsieur [L] a substitué la pointe aigüe métallique par une pointe émoussée et a trouvé la solution pour remédier à l'espace en complétant la portée cylindrique par un chanfrein ;

Qu'étant donné l'état de la technique constitué par le seul brevet CEA de 1977 à défaut de preuve de la divulgation des documents internes à la Société THEVENET-CLERJOUNIE, si la substitution dans la pièce en métal dur d'une pointe aigüe par une pointe émoussée afin d'éviter le rabotage de la surface à raccorder d'un métal plus malléable, est une évidence pour l'homme du métier, étant donné ses connaissances techniques normales, la prolongation de la face conique externe par une portée cylindrique se raccordant avec la partie courante au moyen d'un chanfrein dont le sommet du cône est orienté vers la seconde pièce, dénote une activité inventive ; qu'en effet l'adjonction d'un chanfrein à la portée cylindrique qui était déjà présente dans le brevet CEA de 1977 permet par la combinaison de ces deux moyens qui coopèrent l'un et l'autre à la parfaite adhésion entre les deux pièces, de parvenir à supprimer l'espace au niveau de la partie de raccordement lors de la contraction de la pièce en métal mou;

Attendu que la modification apportée par la présence du chanfrein n'est pas pour l'homme du métier le simple résultat d'opérations d'exécution mais révèle une réflexion pour trouver une solution à un problème que quatorze années de pratique industrielle et d'essais qui ont suivi le brevet de 1977 n'avaient pas réussi à résoudre et qui relève de l'intuition créatrice;

Attendu qu'il n'est pas contesté que ce brevet de 1991 a ensuite été utilisé par la Société THEVENET-CLERJOUNIE pour la fabrication de ces jonctions bi-métalliques ;

Attendu que le brevet 91.16-204 est en conséquence valide et qu'il convient de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé sa nullité ; que dès lors le contrat de licence conclu initialement entre Monsieur [L] et la Société THEVENET-CLERJOUNIE puis liant cette société et la Société SAMP subrogée dans les droits de Monsieur [L] à compter du 7 octobre 1992 est valide;

Sur l'action paulienne

Attendu que la société demanderesse reprochait à Monsieur [L] d'avoir en fraude de ses droits constitué la Société SAMP pour faire échec à une réclamation de remboursement de redevances ;

Attendu cependant que même si l'activité de cette société était essentiellement d'exploiter le brevet FR 91.16-204 qui lui était apporté en jouissance sans transfert de propriété, et qu'il était prévu la possibilité pour Monsieur '[L] de reprendre ses droits en cas de liquidation ou de dissolution de la société, cette société à responsabilité limitée composée de deux associés avait aussi un capital social en numéraire de 49.500 francs ; que l'exploitation du brevet était destinée à lui apporter un actif ;

Attendu que lors de la constitution de la Société SAMP en 1992, la Société THEVENET-CLERJOUNIE n'avait pas de créance certaine ni même de principe certain de créance contre Monsieur [L] à laquelle celui-ci aurait voulu se soustraire en transférant la dette à une personne morale ;

Que selon le courrier du 16 octobre 2000 adressé par la Société THEVENET + CLERJOUNIE à la Société SAMP le paiement de redevances indues comme correspondant non pas à des enseignements du brevet 91.16-204 objet du contrat de licence mais du brevet CEA de 1977 a été découverte au cours d'un audit interne de 2000, de sorte que contrairement à ce que prétendent les intimés, Monsieur [L] ne pouvait savoir en 1992 que le brevet qu'il avait déposé serait critiqué plus tard par le licencié qui ferait valoir une créance de restitution à laquelle il tentait déjà d'échapper ;

Que l'insertion dans le contrat de licence d'une clause de non restitution des redevances en cas d'action en nullité du brevet ne traduit pas une connaissance par Monsieur [L] de la fragilité du dit brevet ;

Attendu que la précipitation à déclarer l'état de cessation des paiements de la Société SAMP en 2004 qui est également reprochée à Monsieur [L] est sans incidence sur le caractère prétendument frauduleux de l'apport en jouissance du contrat de licence à la Société SAMP, l'intention frauduleuse devant être appréciée lors de la formation de l'acte litigieux ;

Attendu que les conditions de la fraude paulienne n'étant pas réunies, la Société THEVENET-CLERJOUNIE ne peut valablement prétendre que cet apport en jouissance du contrat de licence lui est inopposable ;

Sur le paiement des redevances

Attendu que la demande en restitution des redevances versées en exécution du contrat de licence du brevet 91.16-204 doit être rejetée puisque ce brevet est valide et que la Société THEVENET-CLERJOUNIE a bénéficié d'une exploitation paisible depuis 1992 ;

Attendu que l'expert [O], dans le cadre de sa mission sur l'erreur commise par la société licenciée, après avoir analysé les comptes de la Société THEVENET-CLERJOUNIE et vérifié que les redevances versées au CEA et celles versées à la Société SAMP en affectant les jonctions fabriquées selon chacun des brevets pour les années 1996 à 1999, a conclu à un trop perçu de la part de la Société SAMP s'élevant à 59.185 euros HT ; que cette société est donc débitrice de cette somme qui est une créance antérieure à la liquidation judiciaire;

Sur les demandes de Monsieur [L]

Attendu que Monsieur [L] qui a retrouvé la jouissance de son brevet à compter du 27 janvier 2004 réclame à la Société THEVENET-CLERJOUNIE la somme de 22.867 euros HT représentant l'arriéré de redevances depuis cette date jusqu'à la résiliation du contrat de licence à compter du 26 juillet 2005 ; qu'il y ajoute les produits normaux jusqu'à la date de déchéance soit le 31 août 2005 s'élevant à 1.311 euros HT ;

Attendu que les redevances doivent être calculées à partir du chiffre d'affaires annuel hors taxe de la Société THEVENET-CLERJOUNIE pour la famille des jonctions fabriquées à partir de ce brevet ;

Que toutefois la société licenciée n'ayant pas fourni de documents permettant le calcul, contrairement à l'obligation stipulée à l'article 6 du contrat, il y a lieu dans ces conditions d'appliquer le minimum trimestriel prévu soit 25.000 francs HT ce qui donne pour la période considérée de dix-huit mois la somme de 22.867,35 euros qui constitue la créance de Monsieur [L] envers la Société THEVENET-CLERJOUNIE laquelle a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde judiciaire ; qu'il n'y a pas lieu d'y ajouter les produits normaux du contrat jusqu'à la déchéance du brevet à défaut de preuve du chiffre d'affaires ;

Attendu que le tribunal a condamné à tort Monsieur [L] à verser des dommages intérêts à la Société THEVENET-CLERJOUNIE pour immobilisation de la somme qu'elle avait versée au titre des redevances alors que cette société ne justifiait pas d'un préjudice spécifique et qu'en tout état de cause ces redevances avaient pour contrepartie l'exploitation paisible d'un brevet ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution à l'appelant des sommes qu'il a payées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, le présent arrêt infirmatif constituant le titre ouvrant droit à cette restitution ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à Monsieur [L] la charge de l'intégralité de ses frais irrépétibles ; qu'il convient de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que le brevet [L] numéro 91.16-204 est valide et que par voie de conséquence le contrat de licence conclu le 27 février 1992 est également valide,

Rejette l'action paulienne engagée par la Société THEVENET-CLERJOUNIE, et dit que l'acte d'apport en matière de jouissance du brevet numéro 91.16-204 conclu entre Monsieur [L] et la Société SAMP lui est opposable,

Dit que la Société THEVENET-CLERJOUNIE est créancière envers la Société SAMP de la somme de CINQUANTE NEUF MILLE CENT QUATRE VINGT CINQ EUROS (59.195 EUROS) HT qui correspond à des redevances indûment versées entre 1996 et 1999,

Dit que Monsieur [L] est créancier de la somme de VINGT DEUX MILLE HUIT CENT SOIXANTE SEPT EUROS TRENTE CINQ CENTS (22.867,35 EUROS) envers la Société THEVENET-CLERJOUNIE,

Rejette le surplus de la demande de Monsieur [L] au titre des redevances,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur sa demande en restitution des sommes versées,

Rejette la demande de dommages intérêts présentée par les intimés,

Condamne la Société THEVENET-CLERJOUNIE à verser à Monsieur [V] [L] la somme de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3.500 EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle DUTRIEVOZ, Société d'avoués.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 08/06691
Date de la décision : 18/03/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°08/06691 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-18;08.06691 ?
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