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26/02/2010 | FRANCE | N°09/02370

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 26 février 2010, 09/02370


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 09/02370





[F]



C/

SAS CENTRE ENSEIGNE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE

du 16 Avril 2008

RG : 06/00591









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 26 FEVRIER 2010













APPELANT :



[E] [F]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 7] 6

[Adresse 1

]

[Adresse 5]



représenté par Maître HENRY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Maître Prisca WUIBOUT, avocat au même barreau





INTIMÉE :



SAS CENTRE ENSEIGNE

[Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 4]



représentée par Maître Yann BOISADAM, avocat au barr...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/02370

[F]

C/

SAS CENTRE ENSEIGNE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE

du 16 Avril 2008

RG : 06/00591

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 26 FEVRIER 2010

APPELANT :

[E] [F]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 7] 6

[Adresse 1]

[Adresse 5]

représenté par Maître HENRY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Maître Prisca WUIBOUT, avocat au même barreau

INTIMÉE :

SAS CENTRE ENSEIGNE

[Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Maître Yann BOISADAM, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 15 avril 2009

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Janvier 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel GAGET, Président de Chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Février 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel GAGET, Président de Chambre, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 janvier 2003, [E] [F] a été embauché par la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE en qualité de directeur d'exploitation ; le 5 décembre 2006, il a été licencié pour faute lourde, faute grave et insuffisance professionnelle.

[E] [F] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de [Localité 8].

Par jugement du 16 avril 2008, le conseil des prud'hommes a retenu que le licenciement reposait sur une faute grave, a condamné la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE à verser à [E] [F] la somme de 5.858 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, la somme de 1.250 € au titre des primes de restructuration et d'intéressement du mois de novembre 2006, outre 125 € de congés payés afférents, la somme de 252 € au titre des primes de restructuration et d'intéressement du mois de décembre 2006, outre 25,20 € de congés payés afférents, a ordonné la rectification de l'attestation ASSEDIC, a débouté [E] [F] de ses autres réclamations, a rejeté les demandes fondées sur les frais irrépétibles et a partagé les dépens par moitié entre les parties.

Le jugement a été notifié le 19 avril 2009 à [E] [F] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 6 mai 2008.

L'affaire a été radiée du rôle par ordonnance du 6 février 2009 puis réinscrite le 10 avril 2009.

Par conclusions reçues au greffe le 7 avril 2009 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [E] [F] :

- dément avoir commis des fautes et en veut pour preuve la décision prise par le parquet de [Localité 8] de classer sans suite la plainte pénale déposée à son encontre par son employeur et l'approbation des comptes de la société par le commissaire aux comptes,

- conteste l'insuffisance professionnelle et met en avant la restructuration de l'entreprise qu'il a réalisé et qui a été avalisée par son employeur,

- soutient que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

- réclame la somme de 14.250 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.425 € de congés payés afférents, la somme de 3.721 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 5.858 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, la somme de 1.250 € au titre des primes de restructuration et d'intéressement du mois de novembre 2006, outre 125 € de congés payés afférents, la somme de 252 € au titre des primes de restructuration et d'intéressement du mois de décembre 2006, outre 25,20 € de congés payés afférents, la somme de 1.816,72 € au titre des frais de déplacement des mois d'octobre et novembre 2006, la somme de 57.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause, la somme de 14.250 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- sollicite la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 7 janvier 2010 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE qui interjette appel incident :

- accuse son salarié d'avoir commis des abus de confiance constitutifs de fautes lourdes et graves,

- reproche à son salarié des manquements professionnels dont l'importance manifeste la volonté de nuire à la société,

- rappelle qu'une décision de classement sans suite n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée,

- soutient donc le bien fondé du licenciement,

- objecte à la demande de remboursement des frais de déplacement, d'une part, qu'ils ne sont pas justifiés, et, d'autre part, que le salarié réglait ses frais avec la carte bancaire de la société,

- objecte à la demande d'indemnité compensatrice de congés payés que le salarié, coupable d'une faute lourde, en est privé et que [E] [F] avait acquis 15 jours et non 30 jours de congés,

- objecte à la demande de rappel de primes que [E] [F] a commis une faute lourde et, en outre, n'a pas travaillé aux mois de novembre et décembre 2006,

- demande donc le rejet des prétentions de [E] [F],

- sollicite la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement :

L'employeur qui se prévaut d'une faute du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement ; s'agissant d'une faute lourde, il doit démontrer que les faits ont été commis dans l'intention de nuire ; s'agissant d'une faute grave, il doit démontrer que les faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litiges retient, en premier lieu une insuffisance professionnelle, en deuxième lieu des fautes graves, et, en troisième lieu des fautes lourdes.

Les fautes graves imputées par l'employeur sont les suivantes :

* avoir fait croire à tort que le client B.C.E.I. avait réglé la somme de 93.000 € alors que sa dette était entière et avoir placé sur un compte d'attente deux chèques de ce client d'un montant de 22.500 € qui n'ont jamais été retrouvés,

* avoir traité une affaire à perte avec le client LE BOUGEOIR,

* avoir fourni du travail à un paysagiste et non à un prestataire spécialisé,

* être en affaires avec la société SOLVIUM pour 50.000 € sans lui avoir fait signer des commandes ni verser des acomptes,

* avoir transféré deux clients au service contentieux contrairement aux engagements pris.

Les fautes lourdes imputées par l'employeur sont les suivantes :

* avoir réglé du carburant avec la carte bancaire de la société et non avec la carte carburant AGIP,

* avoir retiré sans justification des espèces avec la carte bancaire de la société,

* avoir réglé, avec la carte bancaire de la société, des notes de restaurant les vendredi soirs, samedi et dimanche sans justification professionnelle,

* avoir acheté avec l'argent de la société deux téléphones portables et souscrits deux abonnements téléphoniques,

* avoir tenté en juin 2006 de transférer à son bénéfice le contrat article 83 attaché à monsieur [L].

Le commissaire aux comptes atteste que [E] [F] a utilisé la carte bancaire professionnelle de la société pour effectuer des retraits en espèce qui sont injustifiés à hauteur de 657,30 € et pour régler des notes sans lien avec l'activité professionnelle, notamment des notes de boîtes de nuit et d'hôtel et des notes éditées les vendredi, samedi et dimanches à des heures tardives à hauteur de 3.948,12 € ; il a également relevé sur cette carte des règlements douteux ou injustifiés à hauteur de 5.806,12 €.

La S.A.S. CENTRE ENSEIGNE a déposé plainte auprès du procureur de la République de [Localité 8] ; ce dernier a fait diligenter une enquête ; après des vérifications minutieuses, les policiers ont retenu des dépenses non justifiées et constitutives d'abus de confiance pour un montant de 2.447,57€.

[E] [F] conteste les faits mais ne verse pas de pièce au soutien de ses affirmations selon lesquelles il aurait utilisé la carte de la société à des fins strictement personnelles.

Les relevés bancaires montrent que la carte de la société mise à la disposition de [E] [F] a servi pour régler des factures de restaurants situés à proximité de son domicile les samedis et dimanche ou très tard le soir et des notes d'essence pendant ses vacances.

Le grief tiré des détournements de fond de la société à son profit est ainsi avéré.

Les détournements sont révélateurs d'une intention de nuire à l'employeur ; ils sont donc constitutifs d'une faute lourde ; il ne s'agit pas d'un fait isolé mais de plusieurs faits qui se sont répétés ; ainsi, le licenciement est une sanction proportionné aux fautes commises par le salarié.

En conséquence, le licenciement repose sur une faute lourde et le jugement entrepris doit être infirmé.

En conséquence, [E] [F] doit être débouté de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

En application de l'article L. 3141-26 du code du travail, la faute lourde est privative de l'indemnité compensatrice des congés payés acquis durant la période de référence en cours au moment du licenciement ; elle n'affecte pas le droit à l'indemnité pour les congés acquis avant.

Ainsi, [E] [F], licencié pour faute lourde le 5 décembre 2006, ne peut pas prétendre à une indemnité au titre des congés acquis après le 1er juin 2006 ; par contre, il a droit à une indemnité pour les congés payés acquis avant le 31 mai 2006.

La fiche de paye au dossier révèle que fin novembre 2006 [E] [F] avait acquis 15 jours de congés et qu'il lui en restait 22 ; [E] [F] a donc droit à une indemnité venant compenser 22 jours de congés payés ; [E] [F] percevait un salaire mensuel de 3.000 € ; aussi, l'indemnité se monte à la somme de 2.178,22 € se calculant comme suit : 3.000 € divisés par 30,3 jours et multipliés par 22 jours.

En conséquence, la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE doit être condamnée à verser à [E] [F] la somme de 2.178,22 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les primes de restructuration et d'intéressement :

La proposition d'embauche prévoyait, outre une rémunération brute fixe, une rémunération variable de 2 % du chiffre d'affaires hors taxe encaissé par la société au delà de 1.800.000 € par an et de 2 % du résultat brut de la société ; [E] [F] indique qu'il percevait chaque mois une avance sur intéressement de 665 € et une prime de restructuration de 585 €, ce que ne conteste pas l'employeur.

La faute lourde ne fait pas perdre au salarié son droit aux primes d'intéressement et de restructuration.

La fiche de paie du mois de novembre 2006 démontre que [E] [F] n'a pas perçu les primes.

En conséquence, la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE doit être condamnée à verser à [E] [F] la somme de 1.250 € au titre des primes de restructuration et d'intéressement du mois de novembre 2006, outre 125 € de congés payés afférents, et le jugement entrepris doit être confirmé.

[E] [F] a été dispensé de travailler dès la convocation à l'entretien préalable au licenciement du 20 novembre 2006 ; n'ayant pas travaillé au mois de décembre 2006, il ne peut prétendre aux primes qui sont liées à son activité professionnelle.

En conséquence, [E] [F] doit être débouté de sa demande en paiement des primes de restructuration et d'intéressement du mois de décembre 2006 et le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les frais de déplacement :

Au soutien de sa demande, [E] [F] verse deux tableaux renseignés par ses soins, l'un pour le mois d'octobre 2006 et l'autre pour le mois de novembre 2006 ; ces tableaux ne sont accompagnés d'aucun justificatif ; en outre, à ces périodes, il disposait de la carte bancaire de la société pour payer ses frais professionnels.

[E] [F] ne rapporte donc pas la preuve qu'il a personnellement réglé des frais liés à des motifs professionnels en octobre et novembre 2006.

En conséquence, [E] [F] doit être débouté de sa demande en remboursement de frais professionnels et le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner [E] [F] à verser à la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE en cause d'appel la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[E] [F] qui succombe pour l'essentiel doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [E] [F] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause, de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et de sa demande en remboursement de frais professionnels, en ce qu'il a condamné la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE à verser à [E] [F] la somme de 1.250 € au titre des primes de restructuration et d'intéressement du mois de novembre 2006, outre 125 € de congés payés afférents, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Juge que le licenciement repose sur une faute lourde,

Condamne la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE à verser à [E] [F] la somme de 2.178,22 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

Déboute [E] [F] de sa demande en paiement des primes de restructuration et d'intéressement du mois de décembre 2006,

Condamne [E] [F] aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Condamne [E] [F] à verser à la S.A.S. CENTRE ENSEIGNE en cause d'appel la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [E] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Malika CHINOUNE Michel GAGET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 09/02370
Date de la décision : 26/02/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°09/02370 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-26;09.02370 ?
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