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19/01/2010 | FRANCE | N°09/00398

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 19 janvier 2010, 09/00398


AFFAIRE PRUD'HOMALE :



DOUBLE RAPPORTEURS







R.G : 09/00398





SAS PROTECTA



C/

[N]

POLE EMPLOI REGION AUVERGNE





arrêt de renvoi de la

Cour de Cassation de PARIS

du 03 Décembre 2008

RG : Y0743818

suite à

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

conseil des prud'hommes de Clermont Ferrand du 18 septembre 2006











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 19 JANVIER 2010r>












APPELANTE :



SAS PROTECTA prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 6]



représentée par Me Philippe MESTRE, avocat au barreau d'AVIGNON









INTIMÉS :



[M] [N]

né le [...

AFFAIRE PRUD'HOMALE :

DOUBLE RAPPORTEURS

R.G : 09/00398

SAS PROTECTA

C/

[N]

POLE EMPLOI REGION AUVERGNE

arrêt de renvoi de la

Cour de Cassation de PARIS

du 03 Décembre 2008

RG : Y0743818

suite à

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

conseil des prud'hommes de Clermont Ferrand du 18 septembre 2006

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 19 JANVIER 2010

APPELANTE :

SAS PROTECTA prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée par Me Philippe MESTRE, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉS :

[M] [N]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Me THEVENET, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

POLE EMPLOI REGION AUVERGNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Octobre 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Didier JOLY, Président et Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller, tous deux magistrats rapporteurs qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, les parties ou leur conseil ne s'y étant pas opposés assistés de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Didier JOLY, Président

Danièle COLLIN-JELENSPERGER, conseiller

Hervé GUILBERT, conseiller

ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Janvier 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur [M] [N] a été engagé le 20 mars 2000 par la société PROTECTA, spécialisée dans la commercialisation de produits de protection agricole, en qualité d'attaché commercial sur le secteur géographique du Centre/Sud Est/. Région parisienne, sa rémunération étant composée d'un salaire fixe et de commissions sur le chiffre d'affaires.

Les parties ont signé un premier avenant au contrat de travail le 17 juillet 2000 pour préciser la nature et le taux des commissions.

Un second avenant a été signé le 16 octobre 2001, attribuant à monsieur [N] les secteurs de la Loire et de la Nièvre à compter du 1er janvier 2001 et la position de cadre à compter du 1er novembre 2001.

Dès une note aux vendeurs du 26 novembre 2002, la société PROTECTA, a consulté ceux-ci en leur envoyant un tableau des commissions 2002 calculées sur le chiffre d'affaires et sur la marge et en les invitant à lui adresser leurs commentaires.

Il a été procédé en juin 2005 à l'établissement de tableaux permettant la comparaison entre les deux types de commissionnement.

Par un courrier en date du 11 août 2004, La société PROTECTA a proposé à monsieur [N] de signer un nouvel avenant, avant le 30 septembre 2004 au plus tard, 'En raison de la situation créée par le premier contrat, que chaque commercial a signé lors de son embauche, et de l'évolution des marges de l'entreprise, nous sommes contraints de vous soumettre le nouveau contrat, qui régira nos relations futures'. Le salarié était invité, s'il le souhaitait à demander et obtenir des explications de la part du conseil de la société.

Il résulte du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel en date du 4 octobre 2004 qu'après avoir abordé la situation économique de la société et les solutions proposées en vue de son maintien sur le marché et la préservation de la structure actuelle, au nombre desquels le nouveau contrat proposé aux commerciaux, trois commerciaux n'avaient pas accepté. Il est indiqué que ces contrats '...leur seront à nouveau présentés, avec un délai de 1 mois de réflexion. A l'issue de ce délai, les personnes qui ne signeraient pas, il faudra envisager un licenciement pour préserver la santé financière d el'entreprise, ce qui entraînerait éventuellement une redistribution des secteurs.'.

Les délégués du personnel ont été informés, sur le plan économique de la baisse du bénéfice net depuis 1997, de la baisse de la marge et de la nécessité d'engager rapidement une étude chiffrée à 45 000 euros pour permettre le remplacement de la molécule 'carbenzim, qui risque d'être interdite et qui est présente dans deux produits, phytopas et arpopast; de la chute du secteur élevage du fait de la fermeture de beaucoup de fermes et de la nécessité de développer le secteur jardinage habitat en pleine évolution.

Par un courrier en date du 15 octobre 2004, la société PROTECTA a rappelé que le système expérimental qui avait été mis en place dès janvier 2003 devait être pérennisé, rappelant que monsieur [N] n'avait pas eu de perte de salaire mais que compte tenu de l'évolution du marché, il ne lui était plus possible de maintenir de système de rémunération en place pour la force de vente; elle soumettait en conséquence à la signature de monsieur [N] le principe du calcul des commissions sur la marge brute hors taxes, dans le cadre des dispositions de l'article L 321-1-2 du Code du travail relatif à la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques visé par l'article L 321-1 du même Code.

Monsieur [N], par un courrier parvenu à la société PROTECTA le 10 novembre 2004 a refusé la modification proposée.

Après avoir convoqué le salarié à un entretien préalable fixé le 1er décembre 2004, par un courrier du 19 novembre 2004, présenté à monsieur [N] le 25 novembre 2004, la société PROTECTA lui a, par courrier en date du 9 décembre 2004, notifié son licenciement pour motif économique.

Mis à pied à titre conservatoire en cours de préavis fixé du 12 décembre 2004 au 12 mars 2005, la société PROTECTA a, après avoir convoqué monsieur [N] à un entretien préalable, notifié le 27 janvier 2005, la rupture de son préavis pour faute grave.

Monsieur [N] a saisi le Conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 16 février 2005, pour contester ce licenciement et obtenir le paiement tant de rappel de commissions que de prime de panier et de frais de déplacement ainsi que d'indemnités au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, de l'irrégularité et du mal fondé de la rupture du préavis et de l'absence de cause réelle et sérieuse (cause économique) du licenciement.

Par un jugement en date du 18 septembre 2006, le Conseil de prud'hommes, a constaté le non respect du délai entre la date de l'entretien préalable et la date du licenciement, l'existence d'un motif économique, soit la sauvegarde de sa compétitivité, mais l'absence de recherche de reclassement et a condamné la société PROTECTA à payer à monsieur [N] les sommes suivantes :

- 2 495,00 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

- 1 996,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4 990,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois en raison de l'absence de faute grave pendant l'exécution du préavis,

-   499,00 euros au titre des congés payés afférents,

- 30 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour défaut de proposition de reclassement,

-  1 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

outre intérêts au taux légal à compter de la date de la convocation de l'employeur à l'audience de tentative de conciliation sur les sommes ayant la nature de salaires.

La société PROTECTA a fait appel de ce jugement.

Par un arrêt en date du 5 juin 2007, la Cour d'appel de RIOM a, confirmé le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ses dispositions relatives aux indemnités de licenciement et de préavis avec congés payés afférents ainsi qu'à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et encore, sur le rejet des demandes de monsieur [N] au titre des rappels de commissions des années 2003 et 2004 et des congés payés afférents.

Il a infirmé le jugement pour le surplus: il a condamné la société PROTECTA à payer des sommes au titre de panier port pour l'année 2004, au titre des frais de déplacement et de téléphone, au titre du préavis du 7 au 14 janvier 2005, réduit le montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 20 000 euros, débouté monsieur [N] de sa demande de dommages intérêts pour irrégularité de procédure, condamné la société PROTECTA en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et ordonné à cette société de rembourser les indemnités de chômage à L'ASSEDIC dans la limite de six mois d'indemnités.

La société PROTECTA a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par un arrêt en date du 3 décembre 2008, la Cour de cassation a cassé l'arrêt 'mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société PROTECTA au paiement de sommes à ce titre ainsi qu'au remboursement d'indemnités de chômage', et renvoyé les parties devant la Cour d'appel de céans.

L'arrêt est ainsi motivé:

' Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient par motifs propres que l'employeur n'établissait pas l'impossibilité matérielle de reclasser faute de justifier de recherches de reclassement et par motif adoptés qu'il n'a fait au salarié aucune offre écrite et précise ;

qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui soutenait qu'aucun poste n'était disponible tant au sein de l'entreprise qu'au sein d'autres sociétés, la Cour d'appel a violé le texte susvisé'.

La société PROTECTA a enrôlé l'affaire qui a été appelée à l'audience du 20 octobre 2009.

Vu les conclusions de la société PROTECTA, soutenues oralement à l'audience tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a l'a condamnée à payer à monsieur [N] la somme de 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pour absence de proposition sérieuse de reclassement, au remboursement par monsieur [N] de la somme de 20 000 euros payés en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de RIOM outre intérêts au taux légal depuis la date du versement, soit le 30 avril 2008, avec capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.

Elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes de monsieur [N] et à sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle demande qu'en tant que de besoin, soit ordonné à L'ASSEDIC de la région AUVERGNE le remboursement des allocations versées dans la limite de six mois.

La société PROTECTA rappelle qu'il a été jugé que la modification du système de rémunération des commerciaux reposait sur des raisons économiques, liées à une concurrence accrue depuis l'année 2000 et à la baisse constante de ses résultats dès l'année 2001, notamment encore du fait de la fermeture régulière d'exploitations agricoles.

Elle expose qu'il était urgent de calculer les commissions sur la marge brute hors taxe et non plus sur le chiffre d'affaires, comme cela était fait pour ses nouveaux embauchés et par les entreprises concurrentes; qu'il s'agissait d'une réorganisation pour harmoniser et unifier le mode de rémunération des représentants pour sauvegarder sa compétitivité.

Sur le reclassement, elle rappelle qu'il est le moyen unique de cassation.

Elle expose que la procédure de licenciement économique n'a concerné que trois commerciaux, monsieur [G], monsieur [B] et monsieur [N], les autres commerciaux ayant accepté la modification de leur système de rémunération; que si une procédure était actuellement pendante devant le Conseil d'Etat, à la suite de l'annulation de l'autorisation de licenciement de l'Inspecteur du travail pour insuffisance de motivation par le tribunal administratif, en ce qui concerne monsieur [G], salarié protégé, la Cour d'appel de NANCY, saisie de la procédure de licenciement concernant monsieur [B] a jugé que le licenciement économique reposait sur une cause réelle et sérieuse et qu'elle avait satisfait à son obligation de recherche de reclassement, au motif que cette recherche doit se faire sur les postes disponibles, qui en l'espèce était des postes de commerciaux aux conditions de rémunération refusées par monsieur [B], et que la filiale espagnole de la société ne disposait pas de poste vacant car elle n'était composée que d'un commercial.

Elle soutient que l'employeur doit proposer des offres de reclassement qui doivent être écrites et précises, si et seulement si des offres sont existantes et rappelle que l'obligation de reclassement est une obligation de moyen et non de résultat qui n'impose pas à la société de créer un poste.

Elle ajoute qu'elle n'emploie que 19 salariés et ne fait pas partie d'un groupe ; que la société P2B dissoute depuis la fin de l'année 2004 n'employait qu'un salarié; que la société espagnole est déficitaire et n'est en ait qu'une adresse en Espagne permettant de correspondre avec un commercial espagnol, monsieur [C] [Y].

Vu les conclusions de monsieur [N], soutenues oralement à l'audience, tendant principalement à ce qu'il soit jugé que la société PROTECTA n'établit pas la cause économique du licenciement et qu'en conséquence le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que sa demande en paiement de 30 000 euros à titre de dommages intérêts est bien fondée; subsidiairement à l'irrégularité de la procédure et au paiement de la somme de 2 495 euros, en raison de l'indépendance de l'indemnité dans le cas où le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse; en tout état de cause, à la condamnation de la société PROTECTA à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [N] conteste la cause économique du licenciement, et fait notamment valoir qu'en fait, la modification du système de rémunération des sept agents commerciaux dont lui-même avait déjà été mise en place dès le 1er janvier 2003 après avoir été annoncée par une note du 26 novembre 2002, un comparatif de rémunération entre l'année 2002 et 2003 lui ayant été adressé à la fin de l'année 2003 pour démontrer tout l'avantage de la mise en place du nouveau mode de calcul des commissions.

Il rappelle que dans la proposition de modification du contrat de travail du 28 juin 2004, il n'est pas fait état de difficultés économiques mais du but poursuivi, soit 'd'assurer à l'entreprise que les commerciaux aient bien le statut de commerciaux cadres non VRP et en même temps de dépoussiérer les rubriques qui étaient bancales'; que la société n'a invoqué dans la proposition du 11 août 2004 que 'l'évolution des marges de l'entreprise' ; qu'elle n'a invoqué les difficultés économiques que dans la lettre de licenciement.

Il soutient que les résultats des années 2002, 2003 et 2004 démontrent l'absence de difficultés économiques, même prévisibles, ce qui a été jugé par le tribunal administratif qui a annulé l'autorisation de licenciement de monsieur [G], et que c'est la société elle-même qui a organisé le manque de résultats de ses agents commerciaux en commercialisant le produit PHYTOPAST auprès de ses concurrents COMPO et BAYER dont les produits similaires avaient été retirés du marché, tout comme le produit RAVIOX auprès de son concurrent SDP, ou encore en commercialisant des produits litières ou des produits de piégeage, par l'intermédiaire de sa filiale P2B. La société PROTECTA conteste ces faits en reprenant point par point les arguments de monsieur [N] ;

Il ajoute qu'une fois la réorganisation du mode de rémunération des sept commerciaux et les procédures de licenciement menées par la société PROTECTA, la société P2B a été dissoute de manière anticipée au 1er décembre 2004, son activité étant réintégrée dans la société PROTECTA.

Il conclut que la véritable cause du licenciement ne réside pas dans des difficultés économiques, mais dans la décision de supprimer son poste pour mettre en place une nouvelle carte commerciale et dégager de nouveaux bénéfices; que d'ailleurs, avant même l'information des délégués du personnel, le 19 novembre 2004, de la décision de modifier le mode de calcul des commissions et en cas de refus d'engager des procédures de licenciement la société PROTECTA a recruté deux nouveaux agents technico-commerciaux destinés à remplacer ceux qui n'étaient pas encore licenciés.

Sur le reclassement, il énonce qu'aucun effort de formation ou d'adaptation de son emploi n'a été réalisé, qu'aucune proposition de reclassement n'a été formulée notamment au niveau du groupe, et que la société PROTECTA ne démontre pas l'impossibilité de reclassement puisqu'il résulte de la comparaison de l'organigramme au 30 décembre 2004 et de la lettre de licenciement, qu'au 30 octobre 2004 il existait quatre employés alors qu'au 30 décembre 2004, il n'existait plus que trois employés. Il soutient que ce quatrième emploi aurait pu lui être proposé.

Il fait état également de l'existence de deux emplois de chef de produits et de responsable de la zone ESPAGNE pourvus au 30 décembre 2004, emplois qui ne figurent pas dans la lettre de licenciement et qui auraient pu lui être proposés.

DISCUSSION

SUR LE LICENCIEMENT

Il résulte de l'article 624 du Code de procédure civile que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Le dispositif de l'arrêt fixe l'étendue de la cassation partielle selon les dispositions visées par le moyen ayant servi de base au moyen de cassation.

En l'espèce, le dispositif de l'arrêt casse partiellement l'arrêt du chef du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, indépendamment du seul moyen tiré du non respect de l'obligation de reclassement: La Cour est en conséquence saisie de l'ensemble des moyens relatifs à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Sur le motif économique

La lettre de licenciement du 9 décembre 2004 énonce les difficultés économiques que connaît le secteur d'activité, à l'origine de la proposition de modification des modalités du calcul des commissions (étant rappelé qu'antérieurement, la société avait mis en place un système expérimental lui permettant de faire ressortir les commissions sur la base du chiffre d'affaires et sur la base de la marge et contrairement à ce que monsieur [N] a conclu, la société ne lui a pas imposé la modification de calcul antérieurement à la procédure).

La lettre rappelle les faits économiques déjà évoqués, tant lors de la réunion des délégués du personnel que dans la lettre de proposition de modification du contrat de travail, pour décrire la situation financière antérieure et stigmatiser les difficultés financières prévisibles.

De fait, il est démontré que de 2001 à 2003, le résultat net de l'entreprise a été en baisse constante. Au jour du licenciement, les résultats de l'année 2004 n'étaient pas connus; la société PROTECTA a indiqué que si le chiffre d'affaires et le résultat d'exploitation s'étaient redressés, c'était dû à deux clients ponctuels, la société COMPO et BAYER: ces sociétés se sont approvisionnées en produit PHYTOPLAST.

Il ne peut être tiré d'argument du rapport de gestion de l'exercice clos au 31 décembre 2004 fait en mai 2005 alors que l'engagement de la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique et de la procédure de licenciement est antérieur au 31 décembre 2004.

Le rapport confirme que la filiale espagnole, la société AGH à Barcelone, elle aussi avait pu en 2004 retrouver un résultat positif permettant de compenser les pertes: 'la situation nette s'est améliorée car elle ressort à - 5 825,99 euros au lieu de - 29 559,13 euros.'

En ce qui concerne, la filiale PRODUITS BACTERIOLOGIQUES ET BIOCIDES,

sa dissolution anticipée a été décidée en décembre 2004.

La procédure de proposition de modification de système de calcul des commissions, s'inscrit bien dans un contexte de restructuration et d'uniformisation du système de rémunération des commerciaux, motivée par les difficultés économiques connues de 2002 et de 2003 et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise face aux évolutions du marché ( interdiction de molécule, fermeture d'exploitations agricoles notamment) qu'il appartenait à la société PROTECTA d'anticiper.

Sur l'obligation de reclassement

Préalablement à la notification du licenciement, pèse sur l'employeur une obligation de reclassement.

L'employeur est tenu de faire une offre écrite et précise dans un emploi disponible de la même catégorie ou dans une catégorie équivalente et à défaut, sous réserve de l'accord exprès du salarié, dans un emploi de catégorie inférieure, sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser.

En l'espèce, les circonstances économiques ont justifié la modification du système de calcul des commissions: monsieur [N] a refusé cette modification dans le cadre des dispositions de l'article L 321-1-2, actuel L 1222-6 du Code du travail.

Dans le cadre de l'engagement de la procédure de licenciement causée par le refus de la modification proposée pour des motifs économiques d'un élément essentiel du contrat de travail, la société PROTECTA devait rechercher les emplois disponibles.

Il lui appartenait, cette fois, dans le cadre de l'obligation de reclassement, de proposer l'emploi précédemment refusé qui n'a pas été supprimé ainsi qu'en atteste le rapport de gestion du président sur l'exercice clos le 31 décembre 2004: ' Au cours de ce dernier exercice, nous avons procédé au remplacement des 3 des 4 commerciaux, que nous avons dû licencier. Le quatrième quittera la société le 17 juin prochain.

Au surplus, la société PROTECTA ne produit pas le livre d'entrées et de sorties du personnel ce qui ne permet pas à la Cour de vérifier la situation des départs et des embauches.

Un organigramme est présenté au 30 décembre 2004, soit à une date postérieure au licenciement, mais ce document ne peut suppléer au défaut de production du livre d'entrées et de sorties du personnel.

La lettre de licenciement, qui, ainsi qu'il a été dit, exclut les commerciaux qui sont commissionnés sur la marge brute hors taxes, objet du refus, vise l'effectif suivant:

- 3 assistantes commerciales,

- 3 employés à l'entrepôt,

- 1 responsable administrative,

- 1 comptable,

- 1 assistante marketing, emplois tous pourvus.

Or l'organigramme vise 4 employés à l'entrepôt: la société PROTECTA s'est contentée d'écrire manuscritement sur l'organigramme au 30 décembre 2004 que l'un des magasiniers était un stagiaire qui n'apparaît plus sur l'organigramme au 6 mai 2005.

Elle ne vise pas les effectifs des deux filiales à la date du licenciement et ne produit pas non plus les livres d'entrées et de sorties du personnel de celles-ci, la filiale P2B a été dissoute par anticipation à compter du 31 décembre 2004, donc postérieurement à la lettre de licenciement. La société PROTECTA soutient qu'aucun poste ne pouvait convenir à monsieur [N] dès lors qu'il ne parlait pas l'espagnol.

La société PROTECTA, en ne produisant aucun des livres d'entrées et de sorties du personnel n'a pas mis la Cour en mesure de vérifier ses affirmations sur le fait qu'il n'y aurait eu aucun emploi disponible au jour du licenciement en son sein ou au sein de ses deux filiales, la dispensant de toute offre de reclassement préalablement à la notification du licenciement, alors même qu'elle a au surplus présumé de la volonté de monsieur [N] de refuser à nouveau l'emploi d'agent commercial dans les nouvelles conditions de calcul des commissions dans le cadre de la procédure de licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société PROTECTA n'avait pas satisfait aux dispositions relative à l'obligation de reclassement et que licenciement était, de ce fait, sans cause réelle et sérieuse.

SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES INTERETS POUR LICENCIEMENT SANS CAUSE REELLE ET SERIEUSE

Monsieur [N] est né le [Date naissance 2] 1950; son ancienneté dans l'entreprise s'étend du 1er avril 2000 au 14 janvier 2005, étant rappelé que par arrêt définitif sur ce point, la Cour d'appel de RIOM a confirmé le jugement qui a retenu que les faits reprochés à monsieur [N] pendant la durée du préavis, ne pouvait caractériser une faute grave privative du solde de préavis.

Le cumul brut des rémunérations au mois de décembre 2004 est de 24 046,54 euros, soit une moyenne de 2 003,87 euros.

Monsieur [N] justifie de son inscription à l'ANPE le 21 décembre 2004 par une attestation du 21 décembre 2004 et d'une attestation de POLE EMPLOI du 20 juillet 2009 selon laquelle il était demandé une attestation couvrant la période du 1er janvier 2005 au 31 juillet 2009: il n'a été répondu que pour la période du 18 juillet 2007 au 30 juin 2009.

Les dispositions de l'article 1235-3 du Code du travail sont applicables.

Les éléments produits au dossier justifient que les dommages intérêts soient fixés à la somme de 20 000 euros. Le jugement sera réformé sur ce point.

SUR LE REMBOURSEMENT DES INDEMNITES DE CHOMAGE

EN DROIT

En application des dispositions des articles L 1235-4 et L 1235-5 du Code du travail, le juge est tenu, lorsqu'il déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées au salarié du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné, sauf dans le cas de licenciement intervenu dans une entreprise qui occupe habituellement moins de onze salariés ou dans le cas de licenciement de salarié qui a moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise.

EN FAIT

Les dispositions de l'article L 1235-4 du Code du travail étant applicables: il sera ordonné à la société PROTECTA de rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois. Le jugement se trouve ainsi confirmé.

SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE RELATIVE A L'IRREGULARITE DE LA PROCEDURE

La Cour faisant droit à la demande principale, cette demande devient sans objet.

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS

La société PROTECTA qui succombe en son appel, sera déboutée de ses demandes à ces titres.

L'arrêt de la Cour d'appel de RIOM a été cassée sur l'un des chefs de condamnation ce qui entraîne également la cassation de l'arrêt sur l'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement qui a condamné la société PROTECTA à payer à monsieur [N] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile sera confirmé.

La société PROTECTA sera condamnée au titre de la procédure d'appel à payer à monsieur [N] la somme supplémentaire de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 3 décembre 2008.

Vu la saisine de la Cour de céans en qualité de cour de renvoi, seulement en ce que, le licenciement de monsieur [M] [N] a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, la société PROTECTA a été condamnée à payer des sommes à ce titre ainsi qu'en remboursement d'indemnités de chômage ainsi qu'en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens.

Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND qui a, dit que le licenciement pour motif économique de monsieur [M] [N] est sans cause réelle et sérieuse, condamné la société PROTECTA à payer à monsieur [N] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance, et a ordonné d'office le remboursement par la société PROTECTA des indemnités de chômage payées à monsieur [M] [N] du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Condamne la société PROTECTA à payer à monsieur [M] [N] la somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens de la procédure d'appel.

Le greffierLe Président

S.MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 09/00398
Date de la décision : 19/01/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°09/00398 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-19;09.00398 ?
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