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06/01/2010 | FRANCE | N°09/02212

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 06 janvier 2010, 09/02212


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 09/02212





[D]

C/

SARL SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES THERMES DE [Localité 2]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes d'OYONNAX

du 03 décembre 2007

RG : F 06/181











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 06 JANVIER 2010













APPELANTE :



[U] [D]

née le [Date naissance 3] 1950

à [Localité 6] (13)

[Adresse 4]

[Localité 1]



comparant en personne, assistée de Maître Eric DEZ, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE









INTIMÉE :



SARL SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES THERMES DE [Localité 2]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]



représenté...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/02212

[D]

C/

SARL SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES THERMES DE [Localité 2]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes d'OYONNAX

du 03 décembre 2007

RG : F 06/181

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 06 JANVIER 2010

APPELANTE :

[U] [D]

née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 6] (13)

[Adresse 4]

[Localité 1]

comparant en personne, assistée de Maître Eric DEZ, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE

INTIMÉE :

SARL SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES THERMES DE [Localité 2]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Maître JEANNIARD, avocat au barreau de DIJON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 novembre 2009

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Dominique DEFRASNE, Conseiller

Catherine ZAGALA, Conseiller

Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 janvier 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Initialement embauchée le 1er mai 1978 comme animatrice hôtesse puis d'accueil et, à compter du 2 février 1995, comme Responsable des cures thermales par le Club Thermal exploité successivement dans le cadre d'une Régie municipale jusqu'en décembre 1989, d'une société d'économie mixte jusqu'en 1993 et d'une société privée qui fera l'objet finalement d'une mise en liquidation judiciaire, Mme [U] [D] intégrera les effectifs de l'EURL les Thermes de [Localité 2] lors de la reprise par celui-ci de son activité au mois d'octobre 1998 ;

Le 13 juin 2000, Mme [D] a fait l'objet d'un avertissement à l'issue duquel il lui a été demandé de se consacrer uniquement aux cures thermales et à la propreté du centre ;

En juin 2001, la responsabilité du secteur beauté santé lui a été retirée au profit d'un responsable de l'institut VALVITAL ;

Mme [D] a bénéficié en juillet 2002 d'une augmentation de salaire ;

A la suite de l'embauche d'une responsable d'exploitation, Mme [D] s'est plaint courant mars 2004 de ce que son nom ne figurait plus sur les contrats de travail du personnel d'hygiène ;

Le 17 juin 2005, Mme [D] a fait l'objet d'un nouvel avertissement à raison de l'existence de manquements touchant à l'accueil, la propreté des locaux et une mauvaise gestion des embauches;

Le 6 février 2006, une procédure de licenciement a été engagée à son encontre que l'employeur s'est toutefois abstenu de mener à son terme ;

Invitée par courrier du 1er mars 2006 à recentrer ses activités sur le service hygiène-ménage et linge et à accepter à cette fin la signature d'un avenant à son contrat de travail définissant ses fonctions et sa qualification, la salariée, estimant qu'elle faisait ainsi l'objet d'une rétrogradation compte tenu du retrait de la responsabilité du secteur cures thermales, a, par deux courriers des 6 avril et 16 juin 2006, refusé de le signer ;

En arrêt de travail du 23 mai au 16 octobre 2006 à la suite d'un accident de la vie privée, Mme [D] a confirmé par courrier du 2 novembre 2006 que non seulement elle refusait de signer ledit avenant mais qu'elle entendait être réintégrée dans ses anciennes fonctions ;

Convoquée le 10 novembre 2006 à un entretien préalable à son licenciement fixé au 20 novembre 2006, Madame [D] a été finalement licenciée par courrier du 30 novembre 2006 ;

Saisi à l'initiative de Madame [D] dès le 28 novembre 2006 de demandes de rappel de salaire ainsi que de paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et finalement d'une contestation de son licenciement, le conseil des prud'hommes de Lyon, au terme d'un jugement rendu le 3 décembre 2007, l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens ;

Le 3 décembre 2007, Madame [D] a interjeté appel général de ce jugement qui lui avait été notifié le 11 décembre 2007 ;

Madame [D] [U], concluant à la réformation, sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer les sommes de :

- 1702,44 € à titre de rappel de salaire pour la période de décembre 2001 à décembre 2006 et 170,24€ au titre des congés payés afférents ;

- 1892,87 € à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 2003 à septembre 2003 et 189, 28 € au titre des congés payés afférents ;

- 13 250 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct résultant de la rupture abusive du contrat de travail ;

- 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et d'ordonner la remise sous astreinte de 100 € par jour de retard des bulletins de paie rectifiés des mois de novembre 2001 à janvier 2007 ainsi que d'une attestation PÔLE EMPLOI rectifiée ;

Estimant qu'elle aurait dû bénéficier du statut de cadre coefficient 380 depuis 1995 et en tout cas depuis 1997, elle fait plus spécialement valoir qu'elle avait en charge, en sus de l'encadrement du personnel de l'établissement, de la gestion des achats des Thermes, de la gestion des relations extérieures et même du service sophrologie, la responsabilité du secteur des cures thermales et de l'hygiène ;

Elle expose qu'en relation avec l'absence pour cause de maladie de l'un des deux salariés affectés au nettoyage d'une surface de pas moins de 6000 m² d'avril à septembre 2003 elle a dû effectuer au cours de cette période, avant sa prise de poste, le nettoyage d'une partie des locaux à hauteur d'un total de 104 heures supplémentaires dont elle demande le paiement ;

M. [N] lui-même gérant de l'EURL n'ayant pu ignorer cette situation pour avoir habité sur place avec sa famille, elle sollicite de faire également droit à sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire correspondant à l'équivalent de six mois de salaire pour travail dissimulé ;

A l'appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, elle fait valoir que :

- de 1999 à 2006 elle a dû subir les brimades et humiliations de son employeur ;

- elle a vécu pendant plusieurs mois, comme il résulte des avertissements fantaisistes dont elle a fait l'objet ainsi que des multiples procédures de licenciement lancées contre elle, dans la hantise de se voir licencier du jour au lendemain ;

- à partir de janvier 2006, elle s'est vu retirer la quasi-totalité de ses responsabilités ;

Estimant avoir fait l'objet d'un licenciement à caractère disciplinaire à raison du visa fait aux avertissements, elle fait valoir que :

- le grief tiré de ce que le 6 juin 2006 elle a refusé la rétrogradation dont elle avait fait l'objet le 1er mars 2006 fait qu'au jour de l'engagement de la procédure de licenciement (10 novembre 2006), la prescription faisait obstacle à ce que ce grief puisse être utilement retenu contre elle ;

- ayant déjà été sanctionnée pour les mêmes faits le 1er mars 2006, il ne peut lui être reproché une incapacité à réagir et à redresser la situation en dépit de plusieurs avertissements en l'absence de la commission de nouveaux faits fautifs pour la période postérieure ;

Contestant sur le fond la matérialité de l'ensemble des griefs articulés à l'appui du licenciement querellé, elle fait plus spécialement valoir que :

- le refus du salarié d'accepter une rétrogradation ne peut justifier un licenciement ;

- aucun dysfonctionnement au niveau du service hygiène ne peut être retenu contre elle ;

- le grief tiré de la mauvaise qualité de l'accueil à l'origine d'une baisse de la fréquentation du secteur cures thermales est dépourvu de tout caractère réel et sérieux ;

- il en va de même des prétendues difficultés relationnelles rencontrées avec les autres membres du personnel ;

La société d'exploitation des Thermes de [Localité 2] demande de débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner aux entiers dépens ;

Elle soutient que la demande tendant au bénéfice du statut cadre se heurte au fait que :

- dans l'organigramme du 1er janvier 1997, la salariée figure comme responsable des cures thermales aux cotés de quatre autres responsables de service ;

- la gestion de la société d'exploitation a toujours été assurée par M. [N] sous l'autorité duquel se trouvait un responsable d'exploitation dont dépendait Madame [D] ;

- comme cela peut être vérifié à la lecture des comptes rendus d'exploitation, l'appelante a toujours occupé un poste de responsable de service relevant de la catégorie agent de maîtrise ce qui est exclusif de l'autonomie revendiquée ainsi que de la responsabilité de plusieurs autres services ;

Elle conteste le fait que la salariée ait pu d'avril à septembre 2003 travailler de 6 h a 9 h du matin à l'effet d'effectuer une partie du nettoyage des locaux, faisant plus spécialement valoir que :

- les attestations produites sont dépourvues de toute force probante ;

- alors qu'elle tenait un planning du temps de travail de l'ensemble des salariés dépendant de son service y compris celui assuré par elle dans le cadre de la convention de modulation mise en place depuis l'année 2000, l'appelante n'a fait état d'aucune heure supplémentaire la concernant ;

En ce qui concerne la demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral fondée sur le fait que M. [N] aurait fait en sorte de l'humilier et de la rabaisser en l'agressant verbalement et en la critiquant devant ses collaborateurs et les clients de l'établissement, elle fait valoir que :

- ce sont bien les dysfonctionnements constatés au niveau du service qui ont justifié l'avertissement intervenu le 17 juin 2005 ;

- en l'absence de toute amélioration de la situation, il a été demandé à la salariée en mars 2006 de recentrer ses efforts sur l'hygiène et l'entretien des locaux ce pourquoi il lui a été proposé la signature d'un avenant ;

- il lui a été rappelé à plusieurs reprises qu'elle n'avait pas à faire le ménage ;

- M. [N] n'a jamais entretenu des relations conflictuelles avec ses collaborateurs comme il résulte de plusieurs attestations en ce sens ;

Estimant qu'il est à tort soutenu que les faits visés dans la lettre de licenciement seraient prescrits, elle fait plus spécialement valoir que :

- c'est une insuffisance professionnelle tenant à son incapacité à remplir les missions confiées qui a été pour l'essentiel reprochée à la salariée ;

- en tout état de cause, les faits litigieux visés dans plusieurs courriers et en particulier à l'occasion de l'avertissement du 17 juin 2005 ont perduré au cours des deux mois ayant précédé le licenciement ;

- le refus définitif de signer l'avenant proposé tel qu'il résulte du courrier du 2 novembre 2006 et de l'entretien préalable est constitutif d'une faute en ce qu'il fait lui-même suite à l'acceptation de l'employeur de modifier le 6ème alinéa de l'article 2 du dit avenant pour qu'il soit dit qu'elle dépende sans ambiguïté du responsable d'exploitation ;

Sur le fond, elle fait valoir que la matérialité des faits reprochés est bien établie aux motifs que:

- la salariée disposait d'un budget lui permettant de faire les investissements nécessaires pour embaucher (ce qui lui avait été demandé à plusieurs reprises par M. [N]), faire appel à des entreprises extérieures, faire réparer le matériel tombé en panne ;

- il n'est pas acceptable que nonobstant la présence de deux hôtesses commerciales, l'accueil ait été finalement considéré comme mauvais ;

- les attestations et lettres versées aux débats démontrent la réalité des difficultés relationnelles rencontrées par la salariée avec les autres membres du personnel ;

- il n'est pas sérieux de prétendre qu'en la licenciant le but poursuivi aurait été de faire une économie substantielle tout en laissant se dégrader la fréquentation pour pouvoir racheter les Thermes au prix le plus bas ;

Sur quoi la Cour

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel interjeté dans le délai d'un mois prévu par les articles 538 du code de procédure civile et R 1464-1 du code du travail est régulier en la forme ;

Sur le fond :

Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de la période de décembre 2001 à décembre 2006 :

Madame [D] soutient qu'elle aurait dû bénéficier au cours de la période litigieuse du coefficient 380, estimant avoir assuré dans le cadre de son poste de Responsable Accueil Cures Thermales, de larges responsabilités : recrutement et supervision du personnel d'entretien, organisation des procédures qualité -hygiène ainsi que des réunions, achats ; qu'étant ainsi responsable de l'hygiène et de la qualité il convient de la faire bénéficier des dispositions conventionnelles prévoyant que la responsable qualité est classée au coefficient 380 ;

Responsable du secteur Cures Thermales et Hygiène, Madame [D] était en charge de l'établissement des plannings des curistes, de l'accueil et de l'information de la clientèle, de l'hygiène des locaux de cures, tâches pour l'accomplissement desquelles elle devait organiser le travail du personnel d'entretien et des hôtesses d'accueil ;

Il résulte des comptes rendus d'exploitation qu'à l'instar de ses autres collègues responsables de service, la salariée travaillait sous l'étroite autorité de M. [N] et du responsable d'exploitation dont elle recevait les instructions ce dont il se déduit qu'elle n'avait nullement l'autonomie qui lui aurait permis de pouvoir prétendre à la classification de cadre ;

Au demeurant, Madame [D], en réponse aux critiques articulées contre elle dans un courrier du 20 juillet 2005 sur la façon dont elle assumait ses fonctions de Responsable Cures Thermales et la décision prise par l'employeur de réorganiser l'établissement en recourant aux services de M. [F], a elle-même indiqué dans un courrier du 16 août 2005 qu'ayant toujours travaillé sous les ordres de M. [N] et des responsables d'exploitation et n'étant pas cadre, elle n'entendait pas porter la totale responsabilité de la baisse de fréquentation de la station thermale de [Localité 2] ;

La nature des fonctions réellement exercées par Mme [D] ne lui permettant pas de pouvoir prétendre à la qualification de cadre, le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents ;

Sur la demande en paiement de rappel de salaire fondée sur l'existence d'heures supplémentaires :

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utiles ;

Madame [D] soutient qu'un des deux postes du service entretien n'ayant pas été pourvu du mois d'avril au mois de septembre 2003 elle a dû pallier à la situation en découlant en effectuant elle-même une partie du nettoyage des locaux ce pourquoi elle sollicite de faire droit à sa demande tendant au paiement d'un total de 104 heures supplémentaires ;

Pour faire obstacle aux prétentions adverses, la Société d'exploitation des Thermes de [Localité 2] soutient que l'existence des heures litigieuses n'est pas établie comme il résulte de ce que celles- ci n'ont pas été décomptées dans le cadre de l'accord de modulation alors en cours ;

Dans le courrier qu'elle a adressé le 6 avril 2006 à son employeur, Madame [D] a effectivement indiqué avoir elle-même effectué au cours de cette période (savoir celle du 11 avril 2003 au 26 septembre 2003) un total de 104 heures de nettoyage et qu'en fin d'année il lui a été refusé la moindre indemnité compensatrice et ce après avoir rappelé avoir été amenée à remplacer deux salariés (M. [P] le 10/03 puis du 18/03 au 23/03 et du 24/03 au 28/03 et F. [B] du 25/03 au 8/04) en effectuant pour ce faire des travaux de ménage ;

L'intimée soutient que Madame [D] tenant personnellement à jour le planning de modulation des salariés affectés à son service y compris le sien, le fait pour elle de n'avoir pas fait état de l'existence des heures supplémentaires litigieuses sur le tableau la concernant ne peut que conduire à constater l'inanité de ses prétentions ;

Alors même que Madame [D] produit des éléments de nature à étayer sa demande (agendas dûment renseignés et courrier du 6 avril 2006 dont les énonciations n'ont pas été contestées en leur temps), la Cour constate que l'intimée, à défaut de produire les éléments lui permettant de vérifier que l'exécution des heures litigieuses n'aurait pas eu pour effet d'entraîner le dépassement de la durée maximale fixée par l'accord de modulation invoqué, ne fournit en définitive aucun élément permettant de faire obstacle aux prétentions adverses ;

Il s'en suit qu'en l'absence de toute contestation relative aux modalités de calcul des sommes réclamées, il sera fait droit au plein de celles-ci, le jugement étant réformé en conséquence ;

Madame [D] soutient également que son ex-employeur ayant volontairement omis de faire figurer sur ses bulletins de salaire l'intégralité des heures de travail effectuées, il conviendrait de faire droit à sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire de six mois visée à l'article L 8223-1 du code du travail savoir la somme de 13 250, 40 € ;

Madame [D] ne justifiant d'aucune réclamation à l'époque des faits litigieux et par voie de conséquence de que la SARL intimée se serait de façon délibérée dérobée aux obligations pesant sur elle, l'appelante sera déboutée de cette dernière demande dont il y a lieu d'observer qu'en tout état de cause elle ne pouvait se cumuler avec l'indemnité de licenciement perçue d'un montant de 12536,73 € ;

Les prétentions de l'appelante étant accueillies en ce qui concerne les heures supplémentaires, il sera fait droit à la demande de remise sous astreinte des bulletins de paie et de l'attestation PÔLE EMPLOI ;

Sur la demande au titre d'un harcèlement moral :

S'il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits invoqués, les juges doivent, quant à eux, appréhender ces faits dans leur ensemble et rechercher s'ils permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué. En ce cas, il revient alors à l'employeur d'établir qu'ils ne caractérisent pas une situation de harcèlement ;

Madame [D] soutient que la réalité du harcèlement moral dont elle a fait l'objet résulte suffisamment de la notification de sanctions qualifiées par elle de 'totalement infondées', de l'engagement en l'espace de 10 mois seulement de pas moins de trois procédures de licenciement et de la mise à l'écart du fonctionnement des Thermes dont elle a fait l'objet à partir de l'année 2005 ;

Contrairement à ce que Madame [D] a cru devoir soutenir, celle-ci n'a pas fait l'objet de la part de son employeur d'un usage abusif de son pouvoir disciplinaire ;

En effet, aucun des deux avertissements espacés de pas moins de cinq ans d'intervalle n'a fait l'objet de critiques sérieuses ;

En ce qui concerne le courrier du 20 juillet 2005, celui-ci s'analyse en une lettre de recadrage en ce qu'il a été demandé à la salariée de ne procéder pour la saison en cours à aucune nouvelle embauche en dehors des contrats en cours et de collaborer à l'avenir à la politique de réorganisation de l'établissement sous l'égide de M. [F] ce qui relève, en l'absence de toute contestation sur ce point, de l'énoncé d'instructions entrant dans l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction ;

Pas davantage, Madame [D] n'est fondée à soutenir qu'en la convoquant à un entretien préalable fixé au 6 février 2006 et en lui proposant déjà à cette occasion avec pour corollaire le retrait de la gestion du service cures thermales de recentrer ses activités sur le service hygiène, ménage, linge et vestiaires prétexte pris de la constatation de son insuffisance, l'employeur aurait exercé sur elle une pression de nature à caractériser un harcèlement moral, celui-ci en droit de proposer une modification du contrat de travail ayant toujours fait en sorte que la salariée puisse se positionner en toute connaissance de cause sans que cette dernière puisse utilement arguer de pressions exercées ;

Il y a lieu en conséquence, en l'absence de toute contestation utile, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes à ce titre ;

Sur le licenciement querellé :

Fixant les limites du litige, la lettre de licenciement est motivée comme suit :

'- votre insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l'entreprise, comme signifié par notre courrier du 02 février dernier à savoir :

1 Le service hygiène dont vous êtes directement responsable au sein de notre établissement présente de graves dysfonctionnements accusant de très mauvais résultats qualitatifs et quantitatifs et une gestion du personnel laissant à désirer ;

2 Mauvaise qualité de l'accueil et de l'organisation ayant entraîné une baisse significative du secteur cures thermales conventionnées au sein de notre établissement (encore 13 % de baisse de fréquentation pour ce secteur en 2006 à la suite des plaintes de la saison précédente) ;

3 Relationnel très difficile avec les autres membres du personnel devenu source de tension au sein de notre équipe et rapports conflictuels avec vos subordonnés ;

Globalement, nous vous reprochons une incapacité à réagir et à redresser une situation désastreuse pour notre société malgré plusieurs avertissements écrits de notre part. Je vous rappelle notamment qu'un courrier recommandé vous avait déjà été adressé le 20 juillet 2005, mettant l'accent sur votre attitude irresponsable et votre manque de réactivité face aux difficultés de l'entreprise et plus particulièrement sur les dysfonctionnements au sein des services placés directement sous votre autorité ;

et

- Votre refus d'accepter notre proposition d'avenant n°01.02-2006 à votre contrat de travail et ce, malgré les modifications qui y ont été apportées à votre convenance :

1 En effet, suite à un premier entretien le 01/02/06, nous vous avions proposé un avenant à votre contrat de travail (le 07/03/06) visant seulement à restreindre votre domaine d'activité sans changement de salaire ni de tout autre élément essentiel de votre contrat de travail. Nous espérions que ces changements augmenteraient votre efficacité dans l'intérêt de chacune des parties. Nous vous accordions un délai de réflexion d'un mois pour nous faire part de votre décision.

Vous nous indiquiez votre refus par courrier en date du 06/04/06 et nous vous convoquions alors pour un nouvel entretien le 10 /05/06 dans le cadre d'une procédure pour envisager un éventuel licenciement. Dans le cadre de cet entretien, vous nous avez demander de modifier l'article 2, notamment le 6ème alinéa qui devient 'les moyens à sa disposition pour atteindre les objectifs fixés en collaboration avec son responsable d'exploitation ou, à défaut, avec le gérant de la société' contre précédemment 'les moyens nécessaires en collaboration avec son responsable hiérarchique pour assurer au mieux ses missions'. Votre souhait étant de dépendre uniquement et sans ambiguïté du responsable du Centre. Autre condition à votre acceptation de l'avenant, la suppression de la dernière phrase du même article2.

Le 17/05/06, je vous faisais part de mon acceptation de l'ensemble des modifications que vous aviez souhaité en vous accordant un nouveau délai d'un mois pour nous confirmer votre accord.

2 Contre toute attente, vous nous indiquiez par un courrier du 16/06/06 votre refus de signer cet avenant

3 A votre retour de congés maladie le 16/10/06 et pour tenir compte de l'importance du temps écoulé, je vous demandais de me confirmer votre position concernant la signature de notre avenant en vous accordant un ultime délai de deux semaines ;

La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de deux mois ;

A l'appui de la contestation de son licenciement, Madame [D] soutient en premier lieu que l'ensemble des griefs articulés contre elle dans la lettre de licenciement sont prescrits aux motifs:

- qu'ayant fait l'objet par courrier du 1er mars 2006 d'une rétrogradation, le refus de celle-ci le 6 avril 2006 confirmé le 16 juin suivant fait qu'à la date de l'engagement de la procédure de licenciement le grief tiré du dit refus était en tout état de cause prescrit, l'intimée ne pouvant se prévaloir de ce que le refus à elle opposé ne serait devenu définitif que le 2 novembre 2006 pour n'avoir fait à cette date que confirmer un refus déjà acquis depuis plusieurs mois ;

- que l'autre grief tiré de son incapacité à redresser une situation désastreuse se heurte au fait qu'elle avait déjà été sanctionnée pour les mêmes faits, l'intimée ne démontrant nullement que postérieurement au 1er mars 2006 de nouveaux manquements auraient été commis et ce d'autant qu'elle a été en arrêt de travail pour maladie du 23 mai au 15 octobre 2006 ;

En ce qui concerne la prescription du grief tiré du refus de l'appelante d'accepter la rétrogradation formalisée par courrier du 1er mars 2006, il y a lieu de constater que dans la lettre de licenciement il ne lui est pas reproché de s'être dérobée à ladite rétrogradation mais d'avoir refusé de signer un avenant à son contrat de travail ce pourquoi la prescription ainsi soulevée est privée de tout objet ;

Il convient en conséquence de se prononcer sur le point de savoir si le fait pour l'appelante d'avoir refusé de signer l'avenant à son contrat de travail pouvait lui être reproché ;

Celle-ci a justement fait valoir qu'ayant déjà fait l'objet le 1er mars 2006 d'une mesure disciplinaire (rétrogradation) à raison de faits d'insuffisance professionnelle formulés dans les mêmes termes que ceux visés dans la lettre de licenciement, seuls des faits survenus postérieurement à cette date pourraient être pris en considération pour déterminer si le licenciement querellé est ou non causé, l'employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire au titre de la période antérieure ;

En effet, le courrier du 1er mars 2006 est bien constitutif d'une sanction disciplinaire en ce que :

- l'insuffisance professionnelle dénoncée a été accompagnée d'un comportement fautif, l'employeur ayant indiqué, concernant la baisse de fréquentation de l'établissement, que la salariée avait été 'rappelée à l'ordre à de multiples reprises verbalement et par écrit' et fait également état de l'existence d' 'un très mauvais relationnel avec les autres membres du personnel devenu source de tensions et de conflits au sein de notre équipe... vous avez souvent entretenu des relations conflictuelles avec vos collègues de travail ou subordonnés. Cette attitude n'est plus aujourd'hui supportable d'autant que vous continuez systématiquement à rejeter la responsabilité des faits qui vous sont reprochés sur vos collaborateurs' ;

- le retrait de la gestion des cures, aux fins de permettre à la salariée de se concentrer sur le service hygiène, ménage, linge, vestiaires, a bien eu pour effet d'affecter la fonction exercée par Madame [D], ce à quoi celle-ci a obtempéré en indiquant dans son courrier du 6 avril 2006, tout en sollicitant sa réintégration dans ses fonctions et responsabilités, qu'elle ne s'était plus occupée dès réception de l'avenant le 8/03/06 que des salariés, du ménage, du vestiaire et des commandes ;

L'intimée n'est pas fondée à reprocher à la salariée d'avoir persévéré dans son refus de signer un avenant à son contrat de travail qui modifiait ses conditions de travail : Madame [D] ayant été parfaitement en droit de refuser de signer ledit avenant, elle n'a commis aucune faute ce qui prive ce premier grief tiré du refus de signer l'avenant de tout fondement ;

Pas davantage, la société Thermes de [Localité 2] n'est fondée à lui reprocher une insuffisance professionnelle aux motifs qu'à compter du 1er mars 2006 Madame [D] n'a plus eu en charge la responsabilité des cures thermales, que pour la majeure partie du temps ayant couru du 1er mars 2006 au licenciement querellé elle a été en arrêt de travail pour maladie suite à un accident de la vie privée (du 23 mai au 16 octobre 2006) et qu'au surplus il n'est produit aucune pièce utile se rapportant à ladite période ;

Il y a lieu en conséquence, réformant, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Eu égard aux éléments dont la cour dispose au regard en particulier de l'ancienneté de la salariée au jour de la rupture des relations contractuelles, du niveau de rémunération atteint par elle et des circonstances ayant présidé à la rupture, il sera fait droit aux demandes en paiement de dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 50 000 € toutes causes de préjudice confondus;

Le salarié comptant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix travailleurs et le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il y a lieu de condamner d'office l'intimée à rembourser le montant, plafonné à six mois de telles indemnités, des prestations de base de l'allocation chômage susceptibles d'avoir été versées à l'intéressée à la suite de son licenciement ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il sera fait droit à la demande de Madame [D] dans les limites du litige ;

La SARL THERMES DE [Localité 2] qui succombe pour partie sera condamnée aux dépens ce qui prive de fondement sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par ces motifs

Déclare l'appel recevable ;

Le dit partiellement bien fondé ;

Confirme le jugement attaqué à l'exception de ses demandes au titre des heures supplémentaires d'une part, du licenciement querellé d'autre part ;

Réformant sur ces deux points et statuant à nouveau :

Dit que Madame [U] [D] a fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Condamne la société THERMES DE [Localité 2] à lui payer les sommes de :

- 1 892,87 € à titre de rappel de salaire pour la période d'avril à septembre 2003 et 189,28 € au titre des congés payés afférents ;

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit y avoir lieu à remise sous astreinte de 10 € par jour de retard et pendant un délai d'un mois passé le délai d'un mois suivant le prononcé du présent arrêt des bulletins de salaire (avril à septembre 2003) et attestation PÔLE EMPLOI rectifiés ;

Condamne d'office la SARL THERMES DE [Localité 2] à rembourser à PÔLE EMPLOI le montant, plafonné à six mois de telles indemnités, des prestations de base de l'allocation chômage susceptibles d'avoir été versées au salarié à la suite de son licenciement ;

Dit qu'une expédition du présent arrêt sera envoyée par le secrétariat greffe de la Cour à PÔLE EMPLOI ;

Condamne la SARL THERMES DE [Localité 2] au paiement d'une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 09/02212
Date de la décision : 06/01/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°09/02212 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-06;09.02212 ?
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