AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
requête en omission de statuer sur arrêt du 18 décembre 2006 RG06/07918
R.G : 09/02562
SA CORSAIR
Société GROUPE NOUVELLES FRONTIERES
C/
Me [B] [W] - liquidateur judiciaire de la société ALTITUDE PLUS-L.AIR
Me [F] [R] Représentant des créanciers de la société ALTITUDE PLUS-L.AIR
[M]
AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
conseil de prud'hommes
de LYON du 23 juin 2005
RG : F 03/04676
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2009
APPELANTES :
SA CORSAIR prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Yves FROMONT, avocat au barreau de LYON substitué par Me ROLAND, avocat au barreau de LYON
Société GROUPE NOUVELLES FRONTIERES prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 7]
[Adresse 11]
[Localité 8]
représentée par Me Yves FROMONT, avocat au barreau de LYON substitué par Me ROLAND, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Me [B] [W] - liquidateur judiciaire de la société ALTITUDE PLUS - L.AIR
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par le cabinet de Me ALART, avocat au barreau de LYON
Me [F] [R], Représentant des créanciers de la société ALTITUDE PLUS L'AIR
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par le cabinet de Me ALART, avocat au barreau de LYON
[X] [M]
[Adresse 12]
[Localité 10]
représenté par Me Grégoire LUGAGNE DELPON, avocat au barreau de MARSEILLE
AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par la SCP DESSEIGNE et ZOTTA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Septembre 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président
Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller
Yolande ROGNARD, Vice-présidente placée
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Décembre 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
En septembre 1996, les sociétés NOUVELLES FRONTIERES International et NOUVELLES FRONTIERES Touraventure, [T] [A] et un certain nombre d'autres personnes physiques ont créé la société AEROLYON.
Elle avait pour activité le transport aérien long courrier à destination de la Martinique, la Guadeloupe, la République Dominicaine, la Réunion et l'Afrique, à partir de villes de province et son siège social était situé à [Localité 5] (aéroport [Localité 13] ).
La société AEROLYON a engagé [X] [M] en qualité de chef de quart OPS (personnel navigant technique, statut cadre) le 6 novembre 2000.
Elle lui versait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 2 239, 59 €.
La société AEROLYON a été déclarée en état de cessation de paiement le 22 novembre 2001.
Par jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 27 novembre 2001, elle a été placée en redressement judiciaire, avec une période d'observation de six mois.
Maître [Z] a été nommé administrateur et Maître [W] représentant des créanciers. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la Cour d'Appel de Lyon (chambre commerciale) en date du 20 juin 2002.
Par jugement du 23 avril 2002, le Tribunal de commerce de Lyon a homologué un plan de cession totale au profit de la société AEROPLUS, avec date d'entrée en jouissance à compter du 1er mai 2002.
Il a nommé Maître [Z] commissaire à l'exécution du plan, Maître [W] restant représentant des créanciers.
Cette décision a été prise ensuite de l'accord intervenu le 17 avril 2002 entre NOUVELLES FRONTIERES et [J] [U] quant à la reprise des contrats en cours concernant les deux avions DC 10 FBTDD et DC 10F GLYS et de la production en cours de délibéré d'une attestation d'évidence des fonds (8.200.000€ ) émanant d'un établissement financier GE CAPITAL BANK.
Par jugement du 4 juin 2002, le Tribunal de commerce de Lyon a écarté du périmètre de la reprise, le contrat de crédit bail relatif à l'avion DC 10 30 immatriculé F GLYS conclu avec la société Leasing Limited .
L'acte de cession du fonds de commerce a été signé le 10 juin 2002 entre Maître [Z] représentant la société AEROLYON et [J] [U], président de la société AEROPLUS reprenant au titre notamment des éléments corporels un avion DC 10 30 immatriculé F BTDD, ainsi que l'ensemble des contrats de travail.
Le 30 avril 2002 a été créée une filiale à 100% de la société AEROPLUS, la société ALTITUDE PLUS ( SAS) ayant pour nom commercial L.AIR, et pour associé unique [J] [U]
Cette société a repris les contrats de travail en cours sans qu'intervienne le tribunal de commerce.
Par jugement en date du 13 août 2002, le Tribunal de commerce de Lyon a constaté l'état de cession des paiements et prononcé l'ouverture du redressement judiciaire de la société ALTITUDE PLUS. Il a nommé Maître [R] administrateur judiciaire et maintenu Maître [W] en qualité de représentant des créanciers.
Au terme d'un accord signé le 10 septembre 2002 la société ARAB BANK DG, domiciliée à [Localité 14] (Autriche), a versé à ALTITUDE PLUS la somme de 8.2 millions d'euros
Par jugement du 26 décembre 2002, le Tribunal de commerce de Lyon a converti le redressement judiciaire de la société ALTITUDE PLUS en liquidation. Il a mis fin à la mission de Maître [R] et nommé Maître [W] mandataire liquidateur .
Ce dernier a réuni le Comité d'entreprise de la société ALTITUDE PLUS le 8 janvier 2003 dans le cadre du livre IV du code du travail et le 9 janvier 2003 dans le cadre du livre III.
Un plan de sauvegarde de l'emploi a été soumis au Comité d'entreprise.
Maître [W] a notifié aux salariés, et notamment à [X] [M], leur licenciement pour motif économique par lettres recommandées du 10 janvier 2003.
Par jugement du 11 septembre 2003 , la liquidation judiciaire de la société ALTITUDE PLUS a été étendue à la société AEROPLUS.
Les anciens salariés d'AEROLYON ont saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon, les pilotes portant leurs demandes le 14 novembre 2003 devant la section encadrement et les personnels navigants commerciaux devant la section commerce.
Le Conseil de prud'hommes a ordonné une enquête et a entendu le 14 avril 2005 d'une part [V] [H], secrétaire du Comité d'entreprise et d'autre part [N] [P], directeur des ressources humaines de la S.A. CORSAIR.
Puis par jugement du 23 juin 2005, le Conseil de prud'hommes de Lyon (section encadrement) a :
- débouté le C.G.E.A. de Chalon-sur-Saône de sa demande in limine litis,
- constaté la régularité de la rupture des contrats de travail des salariés de la Compagnie ALTITUDE PLUS L'AIR et les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre du mandataire liquidateur de ladite compagnie,
- mis hors de cause la S.A.S. Groupe Nouvelles Frontières, le C.G.E.A. de Chalon-sur-Saône et Maître [W],
- constaté que les salariés échouaient à démontrer que leurs contrats de travail devaient être transférés à la Compagnie CORSAIR par application automatique de l'article L 122-12 du code du travail et les a déboutés de leurs demandes salariales et indemnitaires,
- constaté cependant que la Compagnie CORSAIR avait adopté un comportement discriminant à l'égard de l'ensemble des demandeurs leur faisant subir un incontestable préjudice pour manque de chance de maintien de leurs habilitations professionnelles,
- condamné, en conséquence, la Compagnie CORSAIR à verser à chacun d'eux à titre de dommages-intérêts la somme de 37 000 € correspondant au coût d'une formation de remise à niveau, ce montant étant conforme à leur demande sans être supérieur au montant estimé devant le Conseil par la S.A. CORSAIR elle-même,
- précisé toutefois, afin de faciliter leur retour à l'emploi, notamment dans le cadre de l'engagement unilatéral confirmé par la Compagnie CORSAIR, que cette dernière pourra demander le remboursement de cette indemnité, un mois après la confirmation dans le poste, éventuelle période d'essai passée, à chaque bénéficiaire qu'elle viendrait à embaucher en contrat à durée indéterminée avant fin mars 2006,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes,
- débouté la S.A. CORSAIR et le Groupe Nouvelles Frontières de leur demande reconventionnelle,
- condamné la S.A. CORSAIR à verser à chacun des demandeurs la somme de 500 € dans le cadre de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A. CORSAIR, groupe Nouvelles Frontières, a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 18 décembre 2006, la Chambre sociale de cette Cour a :
- mis hors de cause Maître [R] es qualité,
- réformé le jugement rendu le 23 juin 2005,
- débouté [X] [M] de ses demandes à l'encontre du groupe et des sociétés Nouvelles Frontières et de la société CORSAIR,
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société ALTITUDE PLUS représentée par Maître [W] en sa qualité de mandataire liquidateur la créance de [X] [M] au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 16 755 €,
- dit que l'arrêt est opposable à l'A.G.S. et au C.G.E.A. de Chalon-sur-Saône dans les termes et conditions résultant des articles L 143-11-7 et L 143-11-8 du code du travail,
- débouté [X] [M] du surplus de ses demandes.
[X] [M] s'est pourvu en cassation contre cet arrêt.
La S.A. CORSAIR a tenté d'obtenir la restitution des sommes versées aux salariés dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement.
Elle dit avoir obtenu en 2008 vingt-cinq décisions favorables de différents juges de l'exécution. Mais plusieurs Cours d'appel, dont la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 12 février 2009, ont considéré que les arrêts rendus le 18 décembre 2006 ne constituaient pas des titres exécutoires permettant à la S.A. CORSAIR d'obtenir restitution des sommes versées, la Cour d'appel de Lyon ne s'étant pas prononcée sur les demandes indemnitaires présentées au titre de la violation de l'engagement de priorité d'embauche en dépit de la formule générale des dispositifs qui déboutaient les salariés de leurs demandes contre la S.A. CORSAIR.
Le 10 janvier 2008, [X] [M] a saisi la Cour d'une requête en omission de statuer sur le fondement de l'article 463 du code de procédure civile. Il soutenait que la Cour n'avait pas statué sur la demande des salariés dirigée contre Nouvelles Frontières et CORSAIR au titre de la violation de l'engagement unilatéral d'accorder une priorité d'embauche aux ex-salariés d'AEROLYON.
Mais par lettre du 12 mars 2008, le conseil des salariés a fait savoir à la Cour que ces derniers se désistaient intégralement de leur action en ce qui concernait cette requête en omission de statuer.
Par ordonnance du 2 mai 2008, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a constaté l'extinction de l'instance d'appel par l'effet du désistement, en application de l'article 941 du code de procédure civile.
Après jonction des pourvois, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté par un arrêt du 26 juin 2008 les pourvois formés par vingt-deux salariés, dont [X] [M], contre les arrêts rendus le 18 décembre 2006 par la Cour d'appel de Lyon.
Elle a jugé que le premier moyen commun aux pourvois était irrecevable en sa seconde branche, car s'il ne résultait pas des arrêts que la Cour d'appel se soit prononcée sur les demandes indemnitaires présentées par les salariés au titre de la violation d'un engagement de priorité d'embauche pris par la S.A. CORSAIR, cette omission de statuer pouvait être réparée selon la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile.
Le 23 février 2009, la société Groupe Nouvelles Frontières et la S.A. CORSAIR ont déposé à leur tour une requête en omission de statuer.
L'affaire a été fixée à l'audience du 15 septembre 2009.
* * *
LA COUR,
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales du 15 septembre 2009 par la société Groupe Nouvelles Frontières et la S.A. CORSAIR qui demandent à la Cour de :
- statuer sur la demande des sociétés tendant à obtenir l'infirmation partielle du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Lyon et relatif à la condamnation à verser
37 000 € à [X] [M] sur le fondement du prétendu non-respect d'un engagement unilatéral,
- constater que la S.A. CORSAIR n'a violé aucun engagement unilatéral d'accorder une priorité d'embauche,
- ordonner la restitution de la somme versée à l'occasion de l'exécution de la décision de première instance,
- compléter, en tout état de cause, le dispositif de la décision et ordonner qu'il sera fait mention de cet ajout en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées,
- dire que la décision complémentaire qui devra intervenir sera notifiée au même titre que la précédente décision,
- condamner [X] [M] au paiement de la somme de 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par [X] [M] qui demande à la Cour de :
- dire et juger que la S.A. CORSAIR ne peut prétendre détenir à la fois devant les juridictions du second degré et la Cour suprême un titre exécutoire et solliciter parallèlement dans le cadre d'une instance en omission de statuer l'octroi d'un tel titre exécutoire,
- dire et juger que la S.A. CORSAIR n'a aucune légitimité à présenter une requête en omission alors que, préalablement puis en parallèle de cette requête, CORSAIR affirme, conclut et plaide, jusque devant la Cour de cassation, que les parties sont en présence d'un arrêt qui ne souffre d'aucune omission,
- dire et juger en conséquence que CORSAIR n'a aucun intérêt légitime à agir en omission de statuer parallèlement à la procédure d'exécution dont elle soutient paradoxalement le bien fondé,
- dire et juger que CORSAIR et Nouvelles Frontières n'ont pas respecté leur engagement unilatéral d'accorder une priorité d'embauche aux ex-salariés d'AEROLYON,
- dire et juger que l'engagement unilatéral de la S.A. CORSAIR a été pris sans formulation d'aucune réserve ni expresse ni tacite,
- dire et juger que l'ajout d'une condition supplémentaire pour bénéficier d'un avantage résultant d'un engagement unilatéral constitue une restriction de cet avantage et nécessite donc une dénonciation de l'engagement antérieur, une information individuelle du ou des salariés concernés devant également être mise en oeuvre,
- dire et juger en conséquence que les termes de l'engagement fixé par le compte rendu de M. [P] du 10 juin 2003 n'est pas opposable aux concluants pour ne pas avoir été agréé par eux ni signifié individuellement à chacun,
- dire et juger que la demande de donner acte formulée par le conseil de la S.A. CORSAIR à l'audience du Conseil de prud'hommes de Lyon du 23 juin 2005 constitue un aveu judiciaire valant réitération de cet engagement unilatéral,
- en tout état de cause, dire et juger que cet engagement soumis ou non aux conditions visées par le compte rendu du 10 juin 2003 n'a pas été respecté, CORSAIR n'ayant pas répondu aux actes de candidature qui lui ont été adressée alors qu'elle a parallèlement recruté, sauf à parfaire, 22 pilotes et 6 officiers mécaniciens navigants,
- dire et juger que les pilotes et officiers mécaniciens navigants demandeurs à la présente instance ont perdu une chance d'être embauchés au sein de la S.A. CORSAIR ainsi qu'une chance de conserver et/ou d'obtenir une qualification de pilote selon un ratio de probabilité de 10% pour les pilotes et 4 officiers mécaniciens navigants et des deux tiers pour les officiers mécaniciens navigants restants,
- condamner la S.A. CORSAIT FLY et la S.A.S. Groupe Nouvelles Frontières in solidum à réparer l'intégralité du préjudice subi par le concluant selon les calculs joints ci-après :
Salaire annuel AEROLYON
Position jusqu'au 31/12/2005
Perte de qualification et sanction de la violation de l'engagement unilatéral
Total
[M]
26 868 €
A.N.P.E.
47 000 €
73 868 €
- condamner la S.A. CORSAIR FLY et la S.A.S. Groupe Nouvelles Frontières in solidum à lui régler la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales par Maître [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société ALTITUDE PLUS (L'AIR), et par Maître [F] [R], en qualité de représentant des créanciers de la société ALTITUDE PLUS (L'AIR), qui demandent à la Cour de :
- constater qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de la liquidation de la société ALTITUDE PLUS,
- constater la mise hors de cause de Maître [W], es qualité, dans le cadre de la requête en omission de statuer présentée par la société Groupe Nouvelles Frontières et la S.A. CORSAIR,
- donner acte à Maître [W] qu'il s'en remet à l'appréciation souveraine de la Cour ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales par l'A.G.S. et le C.G.E.A. de Chalon-sur-Saône qui demandent à la Cour de :
- dire et juger recevable en la forme la requête en omission de statuer,
- statuer ce qu'il appartiendra sur son opportunité,
- en tout état de cause, mettre hors de cause l'A.G.S. et le C.G.E.A. de Chalon-sur-Saône qui ne sont pas concernés par le présent litige ;
Vu les notes en délibéré communiquées à la Cour sur sa demande par [X] [M] le 26 octobre 2009 et par la S.A. CORSAIR les 28 et 29 octobre 2009,
Sur les effets du désistement constaté par ordonnance du 2 mai 2008 :
Attendu qu'aux termes de l'article 945 du code de procédure civile, les décisions du magistrat chargé d'instruire l'affaire n'ont pas au principal l'autorité de la chose jugée ; qu'elles peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles constatent l'extinction de l'instance ;
Qu'en l'espèce, les recherches entreprises dans les archives du greffe ont seulement permis de retrouver les lettres simples adressées aux salariés pour leur notifier l'ordonnance lorsqu'elles étaient revenues avec la mention 'n'habite pas à l'adresse indiquée' ; qu'il y a lieu de présumer que la S.A. CORSAIR, qui ne le conteste d'ailleurs pas, a été destinataire des ordonnances du 2 mai 2008 ; que l'absence de déféré de celles-ci à la Cour ne peut cependant être opposée à la S.A. CORSAIR ; qu'en effet, seule a été constatée par le magistrat chargé d'instruire l'affaire l'extinction de l'instance sur omission de statuer ; que [X] [M] n'a jamais soutenu que son désistement du 12 mars 2008 éteignait également l'action qu'il avait exercée sur le fondement d'un prétendu engagement unilatéral de la S.A. CORSAIR ;
Qu'en conséquence, en l'absence de tout désistement d'appel de la S.A. CORSAIR, qui ne pouvait résulter de l'absence de déféré à la Cour de l'ordonnance du 2 mai 2008, la société requérante conservait la faculté d'introduire une nouvelle instance en réparation de la même omission de statuer ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt né, actuel et légitime de la S.A. CORSAIR :
Attendu que selon [X] [M], la S.A. CORSAIR, en procédant aux mesures d'exécution aux fins de restitution des sommes versées en exécution de la décision de première instance, puis en soutenant qu'elle détenait un titre exécutoire pour ce faire, a perdu tout intérêt, au sens des articles 122 et 31 du code de procédure civile, à agir en omission de statuer devant la Cour d'appel de Lyon ;
Attendu, cependant que [X] [M] ne communique ni décision du juge de l'exécution ni arrêt d'une Cour d'appel saisie d'un recours contre une telle décision ni conclusions déposées devant ces juridictions, susceptibles de mettre la Cour d'appel de Lyon en mesure de vérifier que la S.A. CORSAIR a soutenu qu'elle détenait un titre exécutoire à son encontre et s'est, par conséquent, contredit à son détriment ; que les pièces communiquées concernent en effet d'autres salariés ; que dans son mémoire en défense devant la Chambre sociale de la Cour de cassation, la S.A. CORSAIR a soutenu que la deuxième branche du premier moyen était irrecevable, une omission de statuer ne constituant pas un cas d'ouverture à cassation, ce qui est cohérent avec le dépôt postérieur d'une requête sur le fondement de l'article 463 du code de procédure civile ; que la fin de non-recevoir sera donc écartée ;
Sur la demande fondée sur la violation d'un engagement unilatéral par la S.A. CORSAIR :
Attendu que la preuve de l'existence d'un engagement unilatéral, qui incombe à celui qui s'en prévaut, ne peut résulter du 'résumé' d'une rencontre des syndicats avec la direction de la société Nouvelles Frontières, le 23 novembre 2001, qui porte la signature des seuls délégués syndicaux ; que l'engagement allégué a été consigné en ces termes : 'Il est acquis qu'il sera donné la priorité à l'embauche au sein du groupe à tout salarié d'Aerolyon qui serait éventuellement licencié' ; que la pièce communiquée ne permet cependant d'attribuer ces propos à aucune personne physique dénommée ; qu'il n'existe en fait aucune preuve d'un quelconque engagement de la S.A. CORSAIR, antérieur aux licenciements notifiés le 10 janvier 2003 ; que concernant sa stratégie d'embauche, la société CORSAIR a défini ainsi ses priorités devant son Comité d'entreprise réuni le 24 février 2003 : 'd'abord nos CDD et intérims puis AEROLYON puis éventuellement des ex-salariés d'AIR LIB' ; que la société CORSAIR a ainsi accepté d'accorder aux anciens salariés de la société-soeur AEROLYON une priorité par rapport à ceux d'autres compagnies aériennes ; que les modalités pratiques de la mise en oeuvre de l'engagement juridique unilatéral, et non simplement moral, pris en février 2003 ont été rappelées (officiers mécaniciens)ou définies (pilotes) au cours d'une réunion consacrée le 10 juin 2003 à l'étude de l'embauche éventuelle des anciens personnels navigants techniques d'AEROLYON par la société CORSAIR ; que pour ce qui concerne les officiers mécaniciens navigants, [N] [P], directeur des ressources humaines, a précisé que dans le contexte décrit ci-après, les recrutements éventuels se feraient sous contrat à durée déterminée, y compris pour les officiers mécaniciens navigants qui auraient bénéficié d'une qualification technique 747 ; qu'une présélection en trois étapes était organisée :
Sélection écrite portant sur les connaissances générales et le niveau d'anglais (le 25 mars 2003, 11 candidats Aérolyon dont 1 absent, barre à 10 sur 20, 8 candidats retenus),
Test simulateur (les 13, 14 et 31 mai 2003, barre à 12 sur 20 : 5 candidats retenus sur 8),
Des entretiens éliminatoires avec la direction de CORSAIR seraient programmés lorsque les besoins auraient été clairement définis et les officiers mécaniciens d'AEROLYON y seraient convoqués par priorité ;
Que le directeur des ressources humaines de la S.A. CORSAIR a exposé que la probabilité d'une embauche d'anciens pilotes de la société AEROLYON d'ici fin 2005 était très faible ; qu'en effet, devaient être traitées en priorité la situation des pilotes de CORSAIR sous contrat à durée déterminée ainsi que la reconversion en officiers pilotes de lignes des officiers mécaniciens navigants CORSAIR, dans la perspective du remplacement de la flotte de boeing 747-300 par des boeing 747-400 dont l'équipage ne comprenait plus d'officier navigant ; qu'il a néanmoins été convenu le 10 juin 2003 qu'une pré-sélection en trois phases (épreuve écrite, simulateur et entretien), avec le cas échéant une session de rattrapage, serait néanmoins mise en oeuvre à l'intention des ex-pilotes de la compagnie AEROLYON ayant fait acte de candidature auprès de la compagnie CORSAIR ; qu'à cette fin, l'intersyndicale du personnel navigant technique a transmis à celle-ci le 16 juin 2003 la liste des personnels navigants techniques au jour de la cession d'AEROLYON à AEROPLUS avec leur position au 16 juin 2003 et le rang de classement dans la liste de classement professionnel des personnels navigants techniques demandeurs d'emplois ;
Attendu que contrairement à ce que soutiennent les salariés, la S.A. CORSAIR pouvait subordonner l'exécution de l'engagement pris en février 2003 à la réalisation de conditions qui ne figuraient pas dans les propos tenus par la direction devant le Comité d'entreprise les 24 février et 10 avril 2003, et dans le 'flash info' du président directeur général du 24 février ; qu'en effet, une compagnie aérienne ne recrute pas des personnels navigants techniques comme une entreprise de nettoyage engage des agents de propreté ; que la procédure de sélection en trois étapes exposée le 10 juin 2003 ne remettait pas en cause la priorité reconnue aux anciens salariés de la société AEROLYON, dès lors qu'elle s'appliquait à l'ensemble des candidatures externes et non aux seuls salariés d'AEROLYON ;
Que le nom de [X] [M] n'apparaît ni dans les listes communiquées le 16 juin 2003 par l'intersyndicale à la S.A. CORSAIR ni dans le corps des conclusions soutenues par les parties à l'audience du 15 septembre 2009, sinon dans un tableau des indemnités solicitées ; que le conseil du salarié ne communique aucune lettre de candidature adressée par son client à la S.A. CORSAIR ; qu'il est seulement établi que [X] [M] s'est inscrit comme demandeur d'emploi le 16 janvier 2003 ; qu'il ne saurait se prévaloir d'une violation par la société CORSAIR d'une quelconque priorité d'embauche lui ouvrant droit à des dommages-intérêts dès lors qu'il n'a jamais fait acte de candidature auprès de CORSAIR ;
Qu'en conséquence, [X] [M] sera débouté de ses demandes contre la société GROUPE NOUVELLES FRONTIERES et contre la société CORSAIR ;
Sur la demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire :
Attendu que la société Groupe Nouvelles Frontières et la S.A. CORSAIR demandent que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elles ont versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire ;
Attendu, cependant, que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Groupe Nouvelles Frontières et la S.A. CORSAIR ;
PAR CES MOTIFS,
Vu les dispositions de l'article 463 du code de procédure civile,
Vu l'arrêt du 18 décembre 2006,
Y ajoutant :
Dit que la requête en réparation d'omission de statuer déposée le 23 février 2009 par la société Groupe Nouvelles Frontières et la S.A. CORSAIR est recevable, l'action n'étant pas éteinte par le désistement de [X] [M] des fins d'une précédente requête similaire,
Ecarte la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt né, actuel et légitime de la S.A. CORSAIR,
Infirme le jugement rendu le 23 juin 2005 par le Conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a :
- constaté que la Compagnie CORSAIR avait adopté un comportement discriminant à l'égard de [X] [M], lui faisant subir un incontestable préjudice pour manque de chance de maintien de son habilitation professionnelle,
- condamné, en conséquence, la Compagnie CORSAIR à verser à [X] [M] à titre de dommages-intérêts la somme de 37 000 € correspondant au coût d'une formation de remise à niveau, ce montant étant conforme à sa demande sans être supérieur au montant estimé devant le Conseil par la S.A. CORSAIR elle-même,
- précisé toutefois, afin de faciliter son retour à l'emploi, notamment dans le cadre de l'engagement unilatéral confirmé par la Compagnie CORSAIR, que cette dernière pourra demander le remboursement de cette indemnité, un mois après la confirmation de [X] [M] dans le poste, éventuelle période d'essai passée, si elle venait à l'embaucher en contrat à durée indéterminée avant fin mars 2006 ;
Statuant à nouveau :
Dit que [X] [M] ne peut se prévaloir d'une violation par la S.A. CORSAIR d'une quelconque priorité d'embauche,
En conséquence, déboute [X] [M] de sa demande de dommages-intérêts fondée sur la violation de son engagement unilatéral par la S.A. CORSAIR,
Dit que le présent arrêt sera mentionné sur la minute et sur les expéditions de l'arrêt RG n°06/07918 en date du 18 décembre 2006,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la Cour,
Met hors de cause Maître [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société ALTITUDE PLUS (L'AIR), et par Maître [F] [R], en qualité de représentant des créanciers de la société ALTITUDE PLUS (L'AIR),
Met également hors de cause l'A.G.S. et le C.G.E.A. de Chalon-sur-Saône,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [X] [M] aux dépens de la présente instance.
Le greffierLe Président
S. MASCRIERD. JOLY