AFFAIRE PRUD'HOMALE
Double rapporteurs
R.G : 08/05128
[C]
C/
SAS PIERRE LE GOFF RHONE-ALPES-CENTRE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes de LYON
du 03 Juillet 2008
RG : F 07/01794
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 26 JUIN 2009
APPELANT :
[H] [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Maître Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SAS PIERRE LE GOFF RHONE-ALPES-CENTRE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Sandrine CARON, avocat au barreau de QUIMPER, substitué par Maître Julia TALON, avocat au barreau de Lyon ( cabinet FIDAL)
PARTIES CONVOQUÉES LE : 9 septembre 2008
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Mai 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Monsieur Hervé GUILBERT, Conseiller, et Madame Hélène HOMS, Conseiller, tous deux magistrats rapporteurs qui en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, les parties ou leur conseil ne s'y étant pas opposés, assistés de Madame Malika CHINOUNE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Bruno LIOTARD, Président
Hélène HOMS, Conseiller
Hervé GUILBERT, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 26 Juin 2009 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Bruno LIOTARD, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS
Le 4 décembre 2000, la S.A ZANONE-DAUPHIDIS, aux droits et obligations de laquelle se trouve la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre, a embauché par contrat à durée indéterminée [H] [C] en tant qu'agent technico-commercial avec le statut de voyageur-représentant-placier ;
Basée à [Localité 4], l'entreprise exerce son activité dans le commerce de gros de produits d'entretien ; le contrat de travail relevait de la convention collective nationale des VRP ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 février 2007, la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre a convoqué [H] [C] à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 mars 2007 et a prononcé sa mise à pied conservatoire ;
L'entretien a eu lieu le jour prévu ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 14 mars 2007, la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre a licencié [H] [C] pour faute lourde aux motifs suivants : commande de produits d'entretien par la société cliente ONET pour le compte de la société concurrente 'Concept 3P' ; gérance de cette société jusqu'au 31 janvier 2007 au mépris de l'obligation d'exclusivité ;
PROCÉDURE
Contestant le licenciement, [H] [C] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 15 mai 2007 en vue d'obtenir la condamnation de la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre à lui payer les sommes suivantes :
- 72.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,
- 8.408,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 840,80 € au titre des congés payés afférents,
- 3.198 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3.456,66 € au titre du salaire afférent à la mise à pied,
- 345,66 € au titre des congés payés afférents,
- 2.709,28 € au titre des congés acquis et non pris,
- 31.980 € au titre de l'indemnité de clientèle,
- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au droit individuel à la formation,
- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-maintien de la mutuelle pendant le préavis,
- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par jugement contradictoire du 3 juillet 2008, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement fondé non sur une faute lourde mais sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre à payer à [H] [C] les sommes suivantes :
- 8.408,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 840,80 € au titre des congés payés afférents,
- 3.198 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3.456,66 € au titre du salaire afférent à la mise à pied,
- 345,66 € au titre des congés payés afférents,
- 2.709,28 € au titre des congés acquis et non pris,
- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au droit individuel à la formation,
- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-maintien de la mutuelle pendant le préavis,
- 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il a débouté [H] [C] de ses autres demandes et la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre de sa réclamation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
[H] [C] a relevé appel du jugement le 11 juillet 2008 ;
Il conclut à son infirmation partielle et à la condamnation de la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre à lui payer les sommes suivantes :
- 72.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,
- 8.408,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 840,80 € au titre des congés payés y afférents,
- 3.198 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3.456,66 € au titre du salaire afférent à la mise à pied,
- 345,66 € au titre des congés payés y afférents,
- 2.709,28 € au titre des congés acquis et non pris,
- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au droit individuel à la formation,
- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-maintien de la mutuelle pendant le préavis,
- 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il fait valoir que les deux griefs formulés dans la lettre de licenciement ne sont pas avérés;
La S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre interjette appel incident ; faisant valoir la sincérité des griefs formulés dans la lettre de licenciement, elle conclut au débouté total de [H] [C] et à sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement :
Attendu que la faute grave ou lourde visée par les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, qu'elle soit légale, conventionnelle ou contractuelle ; que la faute lourde implique en plus l'intention de nuire du salarié à l'employeur ou à l'entreprise ;
Attendu que la lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, contient les deux griefs suivants : commande de produits d'entretien par la société cliente ONET pour le compte de la société concurrente 'Concept 3P'; gérance de cette société jusqu'au 31 janvier 2007 au mépris de l'obligation d'exclusivité ;
Attendu que par [H] [C] a été engagé en tant que VRP représentant la société employeur pour la vente des produits et matériels d'entretien (article II-1 du contrat de travail) ; que l'article III-4 lui imposait une obligation d'exclusivité et de non-concurrence pendant toute la vie du contrat ;
Attendu que [H] [C] avait en charge certains clients de l'entreprise, dont la société ONET Services ; qu'avec [R] [X], sa compagne, et [E] [V], l'épouse du directeur de la société ONET Services, il a constitué le 18 février 2005 la SARL 'CONCEPT 3P' ayant son siège social à [Localité 5] et pour activité le nettoyage, la vente de produits d'entretien, d'hygiène et de tous matériels liés au nettoyage ; qu'il en a acquis 350 parts sur 1.000 et a apporté 2.600 € en numéraires ainsi que, en nature, une autolaveuse et deux aspirateurs ; qu'il en a été le gérant statutaire jusqu'à l'assemblée générale du 20 novembre 2006 au cours de laquelle il a cédé la gérance à [R] [X] et 150 parts sur 350 à [E] [V] ;
Attendu que pendant près de deux ans, [H] [C] a exercé une activité directement concurrente de celle de son employeur, en violation d'une clause expresse du contrat de travail ; qu'il n'est nullement établi que la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre en ait eu une connaissance précise avant le 21 décembre 2006, soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement ;
Attendu que la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre verse aux débats plusieurs factures de produits d'entretien adressées à l'automne 2006 par la SARL 'CONCEPT 3P' à la société ONET Services, alors que [H] [C] gérait la société vendant les produits ; que pas plus que précédemment, il n'est établi que l'employeur ait eu connaissance de ces factures avant le 21 décembre 2006, soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, la société ONET Services les lui ayant adressées par télécopie du 5 février 2007 ;
Attendu que la preuve est rapportée de fautes qui ont rendu impossible la continuation sereine du contrat de travail pendant les trois mois de durée du préavis conventionnel ; que de surcroît, l'exercice d'une activité directement concurrente caractérise l'intention du salarié de nuire à l'employeur ;
Attendu que le licenciement repose ainsi sur une faute lourde ;
Attendu que par voie de conséquence doivent être rejetées les demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et vexatoire, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, du salaire sur la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour non-maintien de la mutuelle pendant la durée du préavis ;
Attendu que par application de l'article L. 3141-26 alinéa 2 du code du travail, la faute lourde prive [H] [C] du droit aux congés payés acquis au jour du licenciement et non pris ; qu'il doit être débouté de cette demande ;
Attendu que la décision des premiers juges doit être confirmée sur le rejet de la demande de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et préjudice moral, et infirmée sur tous les autres points ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au droit individuel à la formation :
Article selon l'article L. 6323-17 alinéa 1 du code du travail, le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf pour faute grave ou faute lourde ;
Attendu que licencié pour faute lourde, [H] [C] est dès lors mal fondé à former une telle demande qui doit être rejetée ; que la décision des premiers juges doit être infirmée ;
Sur l'indemnité de clientèle :
Attendu que les premiers juges ont expressément rejeté la demande ; que [H] [C], dont l'appel est dirigé contre l'ensemble du jugement, ne reprend pas cette demande dans ses conclusions écrites d'appel soutenues oralement à l'audience ;
Attendu qu'il convient dès lors de constater que l'appel n'est pas soutenu sur ce point ;
Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais hors dépens ; que les demandes doivent être rejetées ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Constate que [H] [C] ne soutient pas son appel sur l'indemnité de clientèle,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur ce point,
Infirme partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement de [H] [C] fondé sur une faute lourde,
Déboute [H] [C] de ses demandes de l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de salaire sur la mise à pied conservatoire, de congés payés afférents, de congés payés acquis non pris, de dommages-intérêts pour non-maintien de la mutuelle pendant la durée du préavis, de dommages et intérêts pour défaut d'information sur le droit individuel à la formation et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,
Confirme le jugement déféré sur le rejet des demandes de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et préjudice moral, et sur le rejet de la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile présentée par la S.A. Pierre LE GOFF Rhône-Alpes-Centre,
Ajoutant,
Rejette les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formulées en cause d'appel,
Condamne [H] [C] aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président
Malika CHINOUNE Bruno LIOTARD