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30/04/2009 | FRANCE | N°08/02277

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0087, 30 avril 2009, 08/02277


COUR D'APPEL DE LYONTroisième Chambre Civilesection A

ARRÊT DU 30 Avril 2009

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 14 mars 2008 - N° rôle : 2006j3156

N° RG : 08/02277
Nature du recours : Appel

APPELANTES :
SA LYONNAISE DE BANQUE8, rue de la république69001 LYON
SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC)6, Avenue de Provence75009 PARIS
représentées par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistées de la SELARL B2R et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :
SA DISTRIMEXMarché d'IntÃ

©rêt NationalBat. T84000 AVIGNON
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent M...

COUR D'APPEL DE LYONTroisième Chambre Civilesection A

ARRÊT DU 30 Avril 2009

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 14 mars 2008 - N° rôle : 2006j3156

N° RG : 08/02277
Nature du recours : Appel

APPELANTES :
SA LYONNAISE DE BANQUE8, rue de la république69001 LYON
SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC)6, Avenue de Provence75009 PARIS
représentées par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistées de la SELARL B2R et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :
SA DISTRIMEXMarché d'Intérêt NationalBat. T84000 AVIGNON
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent MARQUET, avocat au barreau d'AVIGNON

Instruction clôturée le 03 Mars 2009
Audience publique du 20 Mars 2009

LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,

DEBATS en audience publique du 20 Mars 2009 tenue par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller, qui ont ainsi siégé, sans opposition des avocats dûment avisés, et en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, sur le rapport de Monsieur Bernard CHAUVET.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur Bernard CHAUVET, PrésidentMonsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, adjoint administratif faisant fonction de greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 30 Avril 2009 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La Ste DISTRIMEX, dont l'activité consiste à importer et exporter des fruits et légumes, a été en relation d'affaires avec la société de droit marocain ITALFRUIT au cours de l'année 2005 et lui a acheté des marchandises.
La Ste ITALFRUIT possède un compte bancaire dans les livres de la Ste CREDIT DU MAROC qui s'est portée caution à hauteur de 70 000 euros pour les sommes dues par la Ste DISTRIMEX à son client, et qui a sollicité une contre-garantie bancaire de la part de la Ste DISTRIMEX.
Cette garantie a été mise en place le 19 décembre 2005, à la demande de la Ste LYONNAISE DE BANQUE, par la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à concurrence de 70 000 euros.
Par courrier électronique du 8 mars 2006, la Ste CREDIT DU MAROC a informé la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL de ce que la Ste DISTRIMEX n'avait pas respecté ses obligations de paiement, et qu'elle mettait en jeu sa garantie en lui demandant de créditer son compte de la somme de 70 000 euros.
Le 13 mars 2006, la Ste DISTRIMEX a contesté être débitrice de la Ste ITALFRUIT et le 5 avril 2006, la Ste LYONNAISE DE BANQUE a procédé au règlement de la contre-garantie par débit du compte de la Ste DISTRIMEX de la somme de 70 000 euros.
Par acte d'huissier en date des 18 et 19 octobre 2006, la Ste DISTRIMEX a donné assignation à la Ste LYONNAISE DE BANQUE et à la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL pour obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 70 000 euros et, par jugement en date du 14 mars 2008, la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a été condamnée au paiement de cette somme et les deux sociétés citées, au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Ste LYONNAISE DE BANQUE et la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ont relevé appel de cette décision le 7 avril 2008.
Elles exposent que la demande de la Ste DISTRIMEX est irrecevable dès lors qu'elle a renoncé à contester la validité des paiements qu'elles pouvaient être amenées à faire en exécution de l'engagement.
Sur la qualification de leurs relations, elles prétendent que leur garantie est une garantie à première demande ainsi qu'il résulte du courrier de la Ste DISTRIMEX elle-même du 19 décembre 2005 et du fait qu'elle avait déjà eu recours à plusieurs reprises à un tel mécanisme.
La Ste LYONNAISE DE BANQUE et la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL font valoir qu'il importe peu que le terme cautionnement soit évoqué ou qu'il soit fait référence au contrat de base dès lors que la commune intention des parties était de mettre en place une garantie à première demande.
Elles en concluent que la banque était tenue de payer à première demande sans contestation possible, sans recours et sans que le bénéficiaire ait à justifier d'une quelconque créance.
A titre subsidiaire, la Ste LYONNAISE DE BANQUE et la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL rappellent que si l'engagement était qualifié de cautionnement, toutes les conditions de mise en jeu de celui-ci étaient réunies (comptes de vente établis par la Ste DISTRIMEX, documents douaniers établissant les livraisons, absence de paiement par virements SWIFT) et que sa mise en jeu est régulière.
Elles ajoutent que si la Ste DISTRIMEX estime que la mise en oeuvre de la garantie a été abusive, il lui appartient de rechercher la responsabilité de la Ste CREDIT DU MAROC, à laquelle incombait l'obligation formelle de vérifier les documents transmis.
La Ste LYONNAISE DE BANQUE et la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL relèvent que la Ste ITALFRUIT n'a jamais reçu paiement des factures émises sur la Ste DISTRIMEX, par virement SWIFT sur son compte ouvert à la Ste CREDIT DU MAROC, comme contractuellement convenu et elles sollicitent l'infirmation du jugement, le rejet des demandes de la Ste DISTRIMEX et sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et au remboursement de la somme versée au titre de l'exécution provisoire.
La Ste DISTRIMEX réplique que sa demande n'est pas irrecevable s'agissant de rechercher la faute contractuelle commise par les banques de nature à engager leur responsabilité.
Elle conteste que l'engagement puisse être qualifié de garantie à première demande dès lors que la garantie mise en place le 19 décembre 2005 constitue "un cautionnement de paiement", dont la mise en jeu devait s'accompagner de la copie des comptes de vente établis par la Ste DISTRIMEX et la copie des documents douaniers accompagnant les marchandises et qui devait se prolonger tous les trois mois à sa demande.

Elle soutient que cet engagement est l'accessoire d'un contrat principal intervenu entre la Ste ITALFRUIT et la Ste CREDIT DU MAROC, engagement constituant une caution de la Ste DISTRIMEX et que la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL est ainsi une sous-caution.
La Ste DISTRIMEX maintient qu'elle a intégralement payé les sommes dues à la Ste ITALFRUIT, que les mentions relatives à la garantie à première demande ont été insérées dans la correspondance du 19 décembre 2005 sous la dictée de la banque, que la référence au contrat de base est explicite, ce qui exclut qu'il puisse s'agir d'une garantie à première demande.
Elle souligne que les sociétés LYONNAISE DE BANQUE et CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ont commis une double faute en faisant une mauvaise analyse de la nature des engagements mis en place et en s'abstenant d'attirer son attention sur le fait que la garantie principale consentie par la Ste CREDIT DU MAROC à la Ste ITALFRUIT, n'était qu'un simple cautionnement et que la mise en place d'une garantie autonome pour garantir ce cautionnement pouvait présenter des risques.
La Ste DISTRIMEX prétend que la Ste LYONNAISE DE BANQUE devait opposer à la Ste CREDIT DU MAROC les exceptions qu'elle-même invoquait à l'égard de la Ste ITALFRUIT et devait s'apercevoir que la mise en jeu de la caution de la Ste CREDIT DU MAROC par la Ste ITALFRUIT n'était pas conforme aux conditions contractuelles (pas de copie des décomptes de vente établie par la Ste DISTRIMEX et absence de documents douaniers) : en payant dans ces conditions, les sociétés appelantes engagent leur responsabilité par leur manquement à leur obligation de conseil (souscription d'une garantie à première demande et paiement sans respect des conditions de mise en jeu de la garantie).
Elle conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la Ste LYONNAISE DE BANQUE et de la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL au paiement de la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts et à celle de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2009.

MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que le 19 décembre 2005, la Ste CREDIT DU MAROC s'est portée caution de la Ste DISTRIMEX en faveur de la Ste ITALFRUIT POUR UNE SOMME DE 70 000 euros, dans le cadre des conditions générales de vente entre ces deux sociétés signées le 1er décembre 2005 relatives à l'expédition de fruits et légumes ;
Que toute demande de mise en jeu du cautionnement devait être accompagnée de la copie des comptes de vente par la Ste DISTRIMEX et la copie des documents douaniers ;
Attendu que le 19 décembre 2005, la Ste DISTRIMEX faisait parvenir à la Ste LYONNAISE DE BANQUE, sous la signature de son Président directeur général, une demande de garantie pour un montant de 70 000 euros pour les expéditions des fruits et légumes en provenance du MAROC aux conditions du protocole d'accord signé avec la Ste ITALFRUIT ;
Que le courrier comporte en caractère gras l'indication "caution à établir en faveur de la Ste ITALFRUIT", et se poursuit en indiquant que la Ste DISTRIMEX a pris bonne note que les engagements qu'elle demande à la banque de prendre peuvent l'amener à s'exécuter automatiquement à première demande de son bénéficiaire et aux conditions des protocoles d'accord, sans que celui-ci ait à justifier d'une quelconque créance sur la société DISTRIMEX et alors même qu'elle contesterait l'existence ou le montant de la dette ;
Que le courrier de la Ste DISTRIMEX se poursuit en indiquant les conséquences "du caractère autonome de la garantie délivrée" (aucun accord à obtenir pour payer, renonciation de la Ste DISTRIMEX à contester la validité des paiements, autorisation de débiter son compte) ;
Attendu qu'en matière de garantie indépendante, l'obligation du garant est une obligation principale et indépendante alors que celle de la caution n'est que subsidiaire et accessoire ;
Attendu que la mention du terme caution est insuffisante à elle seule pour qualifier l'engagement de la banque qui doit résulter de l'intention des parties et du contenu global de l'acte ;
Attendu, en l'espèce, que la référence au contrat de base (protocole d'accord signé entre la Ste DISTRIMEX et la Ste ITALFRUIT) n'entraîne pas la qualification de l'engagement en cautionnement dès lors que la lettre précise que la banque doit s'exécuter "automatiquement à première demande" du bénéficiaire, sans qu'elle ni le donneur d'ordre ne puisse opposer aucune exception tirée du contrat de base (alors même que la Ste DISTRIMEX contesterait l'existence ou le montant de la créance) ;
Que la lettre de la Ste DISTRIMEX confirme que par suite du caractère autonome de la garantie délivrée, la banque n'aura pas à obtenir son accord ni à rechercher les motifs de la mise en jeu de son engagement par le bénéficiaire ni à en apprécier le bien-fondé ;
Attendu qu'en s'interdisant d'opposer au bénéficiaire pour se soustraire à l'exécution, aucune exception résultant du contrat, la Ste DISTRIMEX a sollicité la mise en place d'une garantie indépendante ;
Attendu qu'il importe peu, dès lors, que les termes de l'engagement de la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL le 19 décembre 2005 fassent connaître à la Ste CREDIT DU MAROC qu'elle s'engageait en qualité de caution de la Ste DISTRIMEX en faveur de la Ste ITALFRUIT pour la somme de 70 000 euros dans le cadre des conditions générales de vente entre la Ste DISTRIMEX et la Ste ITALFRUIT ;
Que d'ailleurs, la Ste CREDIT DU MAROC utilise le terme de contre-garantie payable à première demande dans ses courriers de réclamation des 13 et 27 mars 2006 ;
Attendu qu'en réglant à première demande de la Ste CREDIT DU MAROC, la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL n'a fait que se conformer à la volonté de la Ste DISTRIMEX, laquelle à plusieurs reprises avait déjà sollicité de la banque une garantie à première demande qui reprenait à l'identique les mentions visées dans la lettre du 19 décembre 2005 (garanties du 30 octobre 2003 en faveur de la Ste BEKANEGOCE, de la Ste RICARDIN et du 27 octobre 2005 en faveur de la Ste IMEX EURO et de la Ste SNAPEB, cette dernière portant également le terme "caution" dans son intitulé) ;
Qu'elle n'a ainsi commis aucune faute, le garant devant payer lorsque la garantie est appelée comme en l'espèce ;
Attendu dès lors que la Ste DISTRIMEX ne peut prétendre obtenir la condamnation des sociétés appelantes au paiement des sommes versées à la Ste CREDIT DU MAROC ;
Que le jugement est infirmé et la demande de la Ste DISTRIMEX rejetée ;

Attendu sur la demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, que le présent arrêt infirmatif sur ce point constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement ;
Qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la Ste LYONNAISE DE BANQUE et de la Ste CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel comme régulier en la forme,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau, déboute la Ste DISTRIMEX de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,
Rejette les autres demandes,
Condamne la Ste DISTRIMEX aux dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0087
Numéro d'arrêt : 08/02277
Date de la décision : 30/04/2009

Analyses

CAUTIONNEMENT - Conditions de validité.

La mention du terme caution est insuffisante à elle seule pour qualifier l'engagement de la banque qui doit résulter de l'intention des parties et du contenu global de l'acte.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Lyon, 14 mars 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2009-04-30;08.02277 ?
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