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16/01/2009 | FRANCE | N°08/00626

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 16 janvier 2009, 08/00626


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R. G : 08 / 00626

X...

C / GIE TELEVES

APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 15 Janvier 2008 RG : F 05 / 03308

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 16 JANVIER 2009

APPELANTE :

Nathalie X......... 69005 LYON

représentée par Joseph PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON substitué par Me Catherine FROMENT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Le GIE TELEVES venant aux droits de la société FORPRODIS prise en la personne de son représentant

légal en exercice 31 bis rue Jean Jaurès 59880 ST SAULVE

représentée par Me Olivier FOURMANN, avocat au barreau de LYON ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R. G : 08 / 00626

X...

C / GIE TELEVES

APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 15 Janvier 2008 RG : F 05 / 03308

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 16 JANVIER 2009

APPELANTE :

Nathalie X......... 69005 LYON

représentée par Joseph PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON substitué par Me Catherine FROMENT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Le GIE TELEVES venant aux droits de la société FORPRODIS prise en la personne de son représentant légal en exercice 31 bis rue Jean Jaurès 59880 ST SAULVE

représentée par Me Olivier FOURMANN, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 18 Avril 2008
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Novembre 2008
Délibéré au 16 Décembre 2008 prorogé au 16 Janvier 2009.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller Françoise CONTAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Marion RUGGERI-GUIRAUDOU, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 Janvier 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Eléonore BRUEL, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Madame Nathalie X... a été engagée par la société FORPRODIS aux droits de laquelle se trouve actuellement le GIE TELEVES, par un contrat à durée déterminée qui a été prorogé, et un contrat à durée indéterminée, en qualité de téléconseiller, à compter du 7 janvier 2003.
Le GIE TELEVES exerce une activité d'établissement privé d'enseignement à distance.
Madame X... a saisi le Conseil de prud'hommes de LYON, le 19 août 2005, tant contre la société FORPRODIS que contre la société TELESSOR, aux fins d'obtenir la somme de 55 217 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et celle de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par un courrier en date du 24 septembre 2004, madame X... a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 5 octobre 2004 ; la société FORPRODIS a notifié à la salariée, un avertissement par un courrier en date du 27 octobre 2004.
Madame X... a été placée en arrêt maladie du 24 septembre 2004 au 8 octobre 2004 ; cet arrêt de travail a été prolongé, en accident du travail, le 8 octobre 2004.
La société FORPRODIS a fait une déclaration d'accident du travail sous réserves, relatant les circonstances de la manière suivante : " Après un entretien téléphonique avec une collègue et sa hiérarchie, la salariée a quitté son poste de travail. Sa responsable a été avisée par contact téléphonique le 24 septembre 2004 à 13H20 avec l'envoi prochain d'un arrêt de travail. Un certificat accident du travail daté du 8 octobre 2004 en prolongation a été confirmé le 22 octobre 2004 par téléphone avec la salariée. "

Le caractère professionnel de l'accident a été reconnu le 29 décembre 2004. La société FORPRODIS a formé un recours en inopposabilité contre cette décision.
Le médecin du travail a, le 16 octobre 2006, délivré un avis d'inaptitude au poste : " pas de reclassement possible dans l'entreprise. Pas de deuxième avis d'inaptitude dans le cadre de l'article R 241-51-1 du Code du travail (risque de danger immédiat pour la santé et la sécurité de l'intéressé ou celle des tiers...).
Le 30 octobre 2006, le médecin du travail a pris note des propositions de reclassement de l'employeur, mais a indiqué qu'il considérait qu'aucun reclassement n'était possible dans la société.
Consultés, les délégués du personnel ont émis un avis unanime selon lequel le reclassement de madame X... est impossible au sein de la société TELEVES ou de toute autre société du groupe auquel elle appartient.
Madame X... a été avisée de cette impossibilité de reclassement par lettre du 7 novembre 2007 et la société TELEVES, après avoir convoqué la salariée à un entretien préalable à une mesure de licenciement, lui a notifié son licenciement pour inaptitude physique à l'emploi, par un courrier en date du 24 novembre 2006.
Madame X... a formé devant le Conseil de prud'hommes des demandes additionnelles en nullité dudit licenciement en application des dispositions de l'article L 122-49 du Code du travail, subsidiairement, au constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, et en paiement de dommages-intérêts, d'indemnités spéciales de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents et d'un rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.
Par un jugement de départage rendu le 15 janvier 2008 sur le dernier état des demandes, le Conseil de prud'hommes a débouté les parties de leurs prétentions.
Ce jugement a été notifié à madame X..., le 17 janvier 2008 ; celle-ci a déclaré faire appel le 31 janvier 2008.

Vu les conclusions de madame X..., soutenues oralement à l'audience tendant à l'infirmation du jugement et aux fins suivantes :

1o au constat de l'existence d'un harcèlement moral et à la condamnation du GIE TELEVES à lui payer la somme de 60 960 euros à titre de dommages-intérêts,
2o principalement à la nullité du licenciement, subsidiairement, à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, et à la condamnation du GIE TELEVES à lui payer la somme de 45 720 euros à titre de dommages-intérêts,
3o en tout état de cause, à la condamnation du GIE TELEVES à lui payer les sommes suivantes :-3 555, 00 euros brut au titre de l'indemnité spéciale de licenciement outre intérêts au taux légale à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, déduction de l'indemnité déjà versée de 1 525 euros,-5 080, 00 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,-508, 00 euros brut au titre des congés payés afférents,-3 760, 04 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes,-677, 33 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 16 au 24 novembre 2006, outre 67, 73 euros à titre de congés payés afférents (4 323, 03 euros brut diminués de la somme versée de 3 760, 04 euros brut), outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes,-5 000, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame X... se déclare victime de harcèlement moral de la part de sa responsable hiérarchique directe, madame Y..., accompagnée de monsieur Z..., responsable des ventes et concubin de cette dernière. Elle se plaint d'un discours agressif, insultant et souvent humiliant et de manoeuvres dont le but était de l'isoler du reste de l'équipe des conseillers, but qui a été atteint. Elle précise que ces agissements ont entraîné une intervention du CHSCT du GIE TELEVES, par un courrier du 7 avril 2005 signé de mesdames A...- J... et Marina B..., membres de ce comité et que l'enquête diligentée par la CPAM a confirmé la situation. Elle décrit la dégradation de son état de santé et de son état psychologique qui en est résulté.
Elle fonde la nullité du licenciement sur le lien de causalité existant entre l'inaptitude et la situation de harcèlement moral, subsidiairement sur le non-respect de l'obligation de reclassement. Elle fait valoir qu'il était possible de lui proposer un travail à domicile.

Vu les conclusions du GIE TELEVES LYON, soutenues oralement à l'audience, tendant à la confirmation du jugement et au rejet des demandes de madame X.... Il conclut à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'engage à verser la somme de 677, 33 euros brut à titre de salaire pour la période du 16 au 24 novembre 2004 (et non octobre 2004 comme indiqué dans le dispositif) et 67, 73 euros brut à titre de congés payés afférents.

Il sollicite la condamnation de madame X... à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il maintient que les incidents dont se prévaut madame X..., ont tous pour origine, madame X... elle-même, qui au surplus ne peut se prévaloir d'une intervention du CHSCT de l'entreprise qui n'a été mis en place qu'en février 2005, soit près de cinq mois après l'incident du 24 septembre 2004 et le départ de la salariée.

DISCUSSION

SUR LE HARCELEMENT MORAL
EN DROIT,
L'article L 1152-1 du Code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; l'article L 1154-1 du même code applicable en l'espèce, précise qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.
L'article L 1154-2 du Code du travail prévoit que les organisations syndicales peuvent exercer toutes les actions résultant de ces dispositions.
Les contraintes inhérentes à l'exécution d'un travail sous une autorité hiérarchique qui impliquent la direction et le contrôle du travail du salarié, qui peuvent être génératrices d'un stress au travail ne constituent pas, en l'absence d'actes précis et répétés de harcèlement, des faits de harcèlement moral au sens de ces textes.
EN FAIT
Madame X... a été engagée à compter du mois de janvier 2003.
Le 23 septembre 2003, elle s'est plainte de faits de harcèlement de la part de par madame C..., et a remercié monsieur Z... de son intervention pour séparer les deux salariées. Cependant, le 7 août 2003, madame C... avait écrit à l'employeur en ces termes : " Mme X... s'est permise de falsifier les feuilles de présence, m'a insultée et menacée. Je vous demande de prendre ces faits en considération et de prendre les mesures qui s'imposent afin que madame X... me laisse travailler en toute sérénité et cesse ses agissements nuisibles et agressifs ".
Le 3 mai 2004, c'est l'employeur qui demandera à la salariée de ne pas renouveler le comportement excessif qu'elle avait eu pour une question de récupération de fauteuil à la suite du départ d'une salariée.
Le 23 août 2004, madame D... s'est plainte de l'agressivité de madame X... à son égard, le 16 août 2004 pour une question de changement de cartouche de télécopieur, ainsi que le 17 août 2004. Madame D... se plaint de ce qu'à chaque appel téléphonique de la semaine, " à chaque appel téléphonique, je n'ai eu droit à aucun " bonjour ", " s'il te plaît ", " merci " et " au revoir " avec comme fin de communication un raccrochement au nez. "
Madame E..., dans un courrier du 26 août 2004 s'est plainte de la colère de madame X... à propos du changement de cartouche ; elle se serait montrée agressive et depuis l'incident, lors des appels téléphoniques, " madame X... ne nous dit plus bonjour, ni au revoir, elle se montre agressive dans ses propos qui sont loin d'être courtois ".
L'employeur a écrit à nouveau à la salariée le 6 septembre 2004, après avoir eu un entretien, précisant qu'il ne souhaitait pas rentrer dans les détails de la polémique et rappelait qu'une attitude de respect et de courtoisie était nécessaire pour un bon fonctionnement général.
Ce n'est que par un courrier du 10 septembre 2004, soit plus de quatre mois après le premier courrier du 3 mai 2004 que madame X... a répondu, à la fois au courrier du 3 mai 2004 et à celui du 6 septembre 2004, pour donner sa version des faits et se plaindre d'une part, d'un favoritisme pour les autres employés (remplacement de sa chaise pour soulager son dos, la sienne étant défectueuse depuis dix neuf mois) et d'avoir été humiliée et blessée par les propos de la responsable du site, d'autre part de l'attitude agressive de madame D.... Elle concluait : " ce n'est pas moi : la victime opprimée qui aurait dû recevoir des courriers de votre part, mais les personnes qui m'ont agressée et qui ne veulent cesser. "
Madame X... a été vue par le médecin du travail le 14 septembre 2004 : le médecin a délivré un avis d'aptitude.
Elle évoque un état de santé difficile en relation avec ses conditions de travail mais elle ne produit que deux certificats pour la période litigieuse :- le certificat du docteur F... du 23 août 2005, qui certifie avoir soigné madame X... en septembre 2004 " pour des crises d'asthme inaugurales évoluant depuis plusieurs semaines ". Ce certificat ne conforte en conséquence pas les déclarations de la plaignante selon laquelle son état de sauté aurait été affecté depuis plusieurs mois.

Madame X... n'a pas saisi l'inspection du travail des faits qu'elle dénonce.
Un nouvel incident a eu lieu le 24 septembre 2004, jour où un avis d'arrêt de travail a été délivré à madame X... pour maladie ; ce n'est que le 8 octobre 2004 que l'employeur recevra un arrêt de prolongation, mais au titre d'un accident du travail du 24 septembre 2004.
Dans le cadre de la déclaration d'accident du travail, l'employeur a donné les indications suivantes sur les faits :
" Après un entretien téléphonique avec une collègue et sa hiérarchie, la salariée a quitté son poste de travail. Sa responsable a été avisée par contact téléphonique le 24 septembre 2004 à 13H20 avec l'envoi prochain d'un arrêt de travail. Un certificat accident du travail daté du 8 octobre 2004.
La CPAM a diligenté une enquête sur place et a entendu madame Y..., la responsable hiérarchique de madame X..., mais aussi, madame C..., monsieur G..., mademoiselle H..., madame I... (par téléphone), conseillers, ainsi que madame J..., conseillère et déléguée du personnel. Monsieur K..., directeur, a été entendu.
L'incident a opposé madame X... à madame L... au sujet d'un doublon (plusieurs demandes pour le même client) ; les téléconseillers reçoivent chaque jour un lot de coupons réponse d'inscription issus d'annonces parues dans la presse : le client traité est conservé par le téléconseiller. Lorsque plusieurs demandes émanent d'un même client, il peut y avoir des conflits entre les employés.
Monsieur Z... a confirmé la vive réaction de madame X..., mais maintenu le principe de l'attribution du client à madame L....
L'inspecteur a conclu, à la réalité d'une vive discussion ainsi que de la réaction anxieuse avec pleurs de la salariée constatée médicalement l'après-midi même, et en conséquence à la présomption acquise d'accident du travail.
Il a noté qu'au cours de son enquête, il a " entendu des propos divers ou contradictoires sur les comportements des uns et des autres, mais laissant à penser qu'il existerait au sein de l'entreprise des " clans ". Le turn over est très important (17 départs en un an) et les informations obtenues auprès d'une DP vont dans le sens d'une mainmise importante sur le personnel et de comportements discriminatoires. Il semblerait qu'il y ait des situations de harcèlement dont l'inspection du travail (Mme T...) et le médecin du travail auraient eu à connaître.
Force est de constater qu'aucune pièce ne vient conforter le fait que l'inspection du travail ou le médecin du travail auraient connu de tels faits à l'époque où madame X... exerçait ses fonctions.
Sur l'incident lui-même, il convient de constater qu'une note de service du 20 décembre 2002 est spécialement consacrée au " traitement des coupons en double ".
En l'espèce une fiche a été établie au nom de madame C. ; la saisie est du 10 septembre 2003, et le nom de madame L... est mentionné.
Un autre dossier au nom de madame C. a été saisi le 14 septembre 2004. Ont été ensuite établis un premier dossier le 22 septembre 2004 et un second dossier le 24 septembre 2004.
Madame L... atteste de ce que le 24 septembre 2004, lorsqu'elle est arrivée au bureau, elle avait un message de madame X... lui demandant de la rappeler d'urgence, ce qu'elle a fait : elle relate la conversation de la manière suivante : " j'avoue ne pas me rappeler les termes exacts de notre conversation mais je me souviens de l'agressivité des propos et l'insinuation de mademoiselle X... quant au fait que j'étais allée dérober ce coupon. Elle m'informait donc que le prospect que j'avais argumenté allait m'envoyer un courrier AR pour annuler sa demande d'inscription. Quelque part surprise par les termes employés, je lui ai expliqué qu'il y a parfois des doublons et dans ce cas particulièrement puisqu'il y avait un coupon Lysiane C. (le mien) et Viviane C. (le sien) ! A partir de là, le dialogue est devenu impossible, car de plus en plus agressif à mon égard, et monsieur Z..., ayant été prévenu de cet incident, est venu me proposer de lui passer mademoiselle X... sur sa ligne ".

Monsieur M... confirme qu'il a demandé à madame L... de mettre le haut-parleur et qu'il se souvient du " ton vindicatif, impératif "... " un ton qui n'avait pas sa place dans un contexte de société, de travail et de bonnes relations humaines. "
Madame N... atteste de ce que le haut-parleur était ouvert, et qu'elle a été " particulièrement étonnée de son ton menaçant... ".
Madame O..., confirme l'agressivité de madame X... envers plusieurs collègues et précisément le 24 septembre 2004 envers madame L....
Madame X..., dans son courrier du 3 novembre 2004, maintient que c'est madame L... qui " avait non seulement traité mon travail sans m'avertir mais en plus elle m'agressa verbalement, quant je lui demandai poliment qui lui avait distribué mon travail... ".
Les témoignages concordants, contredisent la relation des faits rapportée par madame X... : l'incident qui a opposé madame X... et madame L..., accidentel, ne permet en aucun cas de présumer un fait de harcèlement moral de la part de l'employeur ou de l'un de ses salariés.
Sur la période antérieure au 24 septembre 2004, les témoignages sont contradictoires :
Madame C... atteste de ce qu'elle a entendu madame X... " provoquer Sonia, lui parler avec une insolence et irrespect à plusieurs reprises. Il est arrivé une fois où madame X... s'est énervée, a renversé une chaise, soit à la limite d'insulter Sonia. On s'est tous demandé ce jour, si Nathalie allait frapper mademoiselle Y.... En 2003, rue Edouard Herriot (anciens locaux) j'ai moi-même subi des menaces et des insultes de la part de madame X... ".
Monsieur U... a été engagé à la même époque que madame X.... Il écrit : "... il y a cela quelques mois, après avoir insulté plusieurs collègues sans aucun motif (notamment envers moi, je cite " je vais te casser la gueule ") cette personne a demandé à travailler dans un bureau isolé ; cette requête lui a enlevé définitivement les chances, si toutefois il y en restait, de s'intégrer ".... " dorénavant elle s'en prend sans relâche sur notre responsable, mademoiselle Sonia Y..., insultes, malhonnêteté et méchanceté y sont de mise, sans oublier bien entendu une insubordination à son égard ".
Madame de P... atteste que l'ambiance du travail est plutôt " bon enfant " et précise : " nous ne manquons jamais l'occasion de fêter les anniversaires ou l'arrivée de nouveaux conseillers. Sauf avec Nathalie X... qui se met volontairement à l'écart de tout, malgré tous nos efforts de sympathie ".
Mesdames A...- J... et B... ont écrit à la direction le 7 avril 2005, soit plus de six mois après l'arrêt de travail de madame X..., en qualité d'élues titulaires du CHSCT pour se plaindre de subir des faits similaires à ceux subis par madame X..., sans apporter aucun fait précis, évoquant des points communs, notamment des crises d'asthmes qui seraient en relation avec des problèmes de stress très important résultant du harcèlement subi au travail ainsi que des problèmes digestifs résultant des mêmes faits, soulignant être sous anti-dépresseurs.
La direction a répondu à ces deux salariées de lui préciser les faits qui caractériseraient la situation de harcèlement moral subis par madame X... : les réponses éventuellement données ne sont pas produites.
A la suite d'une demande du 27 juillet 2005 de la société TELESSOR tendant à être autorisée à procéder au licenciement de mesdames A...- J... et B..., l'inspecteur du travail a donné son accord en ces termes, après avoir effectué une enquête : " considérant dans un contexte relationnel difficile le refus de mesdames Maryvonne A...- J... et Marina B... de la proposition d'une nouvelle affectation. Considérant l'extrême dégradation des relations de travail rendant impossible la poursuite des contrats de travail au sein de la nouvelle société. Considérant l'absence de lien entre la mesure envisagée et les mandats détenus par les intéressés ".

Trois salariés ont attesté pour conforter les versions de madame X... :
- madame Q...
Celle-ci déclare qu'elle a été témoin des faits suivants, entre mars et juin 2004, durée de son contrat à durée déterminée, au sein de la " cellule bourse ".. Mise à l'écart dans un bureau sans fenêtre ni aération avec une chaise cassée,. Avoir été invité à de nombreux déjeuners auxquels madame X... n'était pas invitée, la supérieure hiérarchique indiquant qu'elle ne voulait pas de madame X...,. Avoir été témoin de nombreuses agressions verbales de la supérieure hiérarchique ainsi que d'humiliations publiques, dont l'incident de la chaise,. Le fait que cette supérieure hiérarchique lui aurait interdit formellement de côtoyer madame X... ; que cette supérieure aurait ourdi un véritable complot contre madame X... pour la faire quitter l'entreprise.. Madame X... pleurait souvent au travail et paraissait dépressive.

Sur la mise à l'écart dans un bureau, madame Q... précise que la responsable hiérarchique n'a affecté personne à côté de madame X..., lors du départ de monsieur R..., ce qui confirme l'affirmation de la direction qui déclare que madame X... n'était pas seule dans ce bureau qu'elle partageait un temps avec monsieur R.... Monsieur R... confirme le partage de ce bureau de fin mars à juin 2004.
La société TELEVES a communiqué des plans, pour illustrer le fait que le bureau critiqué a été, tour à tour occupé uniquement par monsieur R..., au 28 janvier 2004, madame X... étant à l'époque dans un autre bureau avec deux autres collègues, Géraldine et Thierry ; au 8 mars 2004, il était occupé par madame X... et monsieur R... ; au 1er octobre 2004, il n'était plus occupé ; au 27 septembre 2004, il était occupé par Thierry et Annie, et au 16 juin 2006, par Nathalie et Séverine.
Sur le fait de n'être pas invitée, madame X... a elle-même écrit qu'elle était invitée au départ mais qu'elle a ensuite pris la décision de ne plus se joindre au déjeuner du vendredi, compte tenu de ce que sa supérieure hiérarchique et les collègues l'auraient ignorée ou lui auraient fait des remarques vexantes.
- monsieur R...
Celui-ci confirme la mise à l'écart de madame X... notamment pour un petit déjeuner organisé par la responsable du site, l'incident de la chaise, et des comportements agressifs de la hiérarchie à l'égard de la salariée.
Il expose que la majorité des collèges soutenaient la responsable hiérarchique, " pour la plupart pour des raisons évidentes d'évolution possible dans la société ". Il écrit encore qu'en sa présence et devant d'autres collègues, cette responsable a " clairement dit... qu'après mon départ elle ne remettrait personne dans le bureau de madame X..., pour la punir ! "
- madame S..., atteste de ce que la supérieure hiérarchique lui a dit à son arrivée de ne pas côtoyer madame X.... Que celle-ci lui parlait de manière hargneuse et agressive, mettant à l'écart toutes les personnes qui s'approchaient de la salariée, et même les menaçaient.
Il résulte des éléments versés de part et d'autre, que des difficultés relationnelles sont apparues, en premier lieu entre madame X... et madame C..., cette dernière s'étant plainte par écrit le 7 août 2003, et que des altercations vives se sont produites à partir d'incidents, les feuilles de pointage, un télécopieur, une chaise, des coupons en double et que monsieur Z..., le responsable des conseillers a provoqué des réunions contradictoires pour entendre chacun des protagonistes qui sont chacun, restés sur leur position.
Si madame X... se plaint du comportement de l'une de ses collègues et de sa responsable hiérarchique, cette collègue et d'autres se plaignent à leur tour du comportement de madame X... à leur égard. Madame E... demande par écrit au dirigeant de ne plus avoir affaire avec madame X....
Force est de constater que les déclarations des uns et des autres sont empreintes de subjectivisme et que les preuves objectives d'un harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 1152-1 du Code du travail ne sont pas rapportées.
Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit que le harcèlement n'est pas suffisamment démontré et a débouté madame X... de sa demande de dommages-intérêts.

SUR LA NULLITE DU LICENCIEMENT

Cette demande sera rejetée dès lors que le harcèlement moral n'est pas retenu à l'encontre de la société TELEVES ;

SUR L'ABSENCE DE CAUSE REELLE ET SERIEUSE DU LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE POUR DEFAUT DE RECLASSEMENT

EN DROIT

L'article L 1226-2 du Code du travail impose à l'employeur des obligations particulières à l'égard du salarié victime d'un accident du travail déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment :
- obligation de proposer un autre emploi " aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin, par la mise en oeuvre, de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ", en tenant compte " des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ".
- obligation, pour prononcer le licenciement, de justifier, soit de l'impossibilité de proposer un emploi dans les conditions ci-dessus, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.
L'article R 4624-1 du Code du travail dispose que " le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles.... " et que " l'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions, et en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin-inspecteur du travail. "
L'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise, et le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
EN FAIT
L'avis d'inaptitude du 16 octobre 2006 conclu : " pas de reclassement possible dans l'entreprise. "
L'employeur a écrit au médecin du travail le 27 octobre 2006 sur l'hypothèse de reclassement au sein de la société TELEVES ou du GIE qui comporte des entités basées à l'étranger : il a proposé :
"- la possibilité de proposer à madame X... un poste de conseiller d'étude, identique à celui qu'elle a occupé jusqu'à présent, au sein de la société TELEVES CULTURE ET FORMATION située à VALENCIENNES.
- la possibilité de proposer un reclassement à un poste aménagé à temps partiel au sein de la société TELEVES ou du GIE auquel elle appartient,
- la possibilité d'aménager son poste actuel dans le cadre d'un travail à domicile. "
Ces propositions ont été présentées téléphoniquement au médecin du travail.
Par un courrier en date du 30 octobre 2006 le médecin a répondu au courrier et à la conversation téléphonique dans les termes suivants :
" J'ai pris bonne note de vos propositions de reclassement que vous m'avez formulées le 25 octobre.
Toutefois, je considère qu'aucun reclassement n'est possible dans votre société pour madame X.... "
Dès lors que même l'aménagement d'un poste dans le cadre d'un travail à domicile n'était pas envisageable, il ne peut être fait grief à l'employeur d'avoir, informé madame X... de cette impossibilité de reclassement au sein de TELEVES ou du GIE par lettre du 7 novembre 2007, sans lui proposer lesdits postes.
L'employeur a en conséquence respecté son obligation de reclassement.
Madame X... sera déboutée de sa demande de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages-intérêts à ce titre.

SUR L'INDEMNITE DE PREAVIS ET L'INDEMNITE SPECIALE DE LICENCIEMENT DE L'ARTICLE L 1226-14 DU CODE DU TRAVAIL

La reconnaissance de l'accident du travail s'impose à l'employeur au regard des droits prévus par les dispositions de l'article L 1226-14 du Code du travail : la procédure d'inopposabilité engagée par le GIE TELEVES tend à rendre inopposable l'accident du travail au regard de la recherche éventuelle d'une faute inexcusable et de ses conséquences ou encore du calcul de la cotisation de l'employeur au titre des accidents du travail.
L'ancienneté de la salariée au jour du licenciement s'étend du 7 janvier 2003 au 2 décembre 2006 (certificat de travail), soit trois ans et onze mois moins 5 jours.
Le salaire mensuel brut de base est de 2 409 euros, compte tenu des primes.
L'indemnité de préavis est de 4 818 euros brut, outre les congés payés afférents de 481, 80 euros.
Pour le calcul de l'indemnité, celle-ci doit être calculée sur la base de quatre années, compte tenu des deux mois de préavis.
L'indemnité de licenciement est en conséquence de 240, 90 x 4 = 963, 60 euros, soit une indemnité spéciale de 1 927, 20 euros.
Après déduction de la somme versée de 1 525, il reste dû une somme de 402, 20 euros.
Ces sommes sont dues outre intérêts au taux légal, non à compter de la date de la réception de la convocation devant le Conseil de prud'hommes, le 25 août 2005, le licenciement n'étant intervenu que par la lettre de licenciement pour inaptitude du 24 novembre 2006. Les conclusions additionnelles ont été déposées pour l'audience du 16 février 2007 : les intérêts au taux légal sont dus à compter de cette date.

SUR L'INDEMNITE DE CONGES PAYES

Madame X... fait valoir qu'au jour de la rupture, elle avait acquis 54, 62 jours de congés payés et qu'elle n'a perçu que 562, 99 euros brut pour huit jours ouvrés ; elle demande un solde de 3 760, 04 euros outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes.
Madame X... est absente de l'entreprise depuis le 24 septembre 2004.
L'ouverture du droit à congé prévu par les dispositions des articles L 3141-5 (accident du travail) est limitée à un an lorsque le salarié justifie avoir occupé, pendant l'année de référence, un temps équivalent à un mois minimum de travail effectif.
Le bulletin de paie du mois de septembre 2004 mentionne 8, 24 jours en acquisition. Il est dû 25 jours ouvrables.
Il a été payé 562, 99 euros, soit 8 jours.
Il est dû 17 jours x 70, 370 = 1 106, 29 euros brut.

SUR LE RAPPEL DE SALAIRE

Ce rappel est fondé sur le retard du licenciement intervenu le 24 novembre 2006 par rapport au délai d'un mois à compter de l'avis du médecin du travail du 16 octobre 2006 ; elle demande la somme de 677, 33 euros brut outre les congés payés afférents.
La société TELEVES s'engage à verser cette somme outre les congés payés ; il convient de lui donner acte et de la condamner au paiement en tant que de besoin.
Les intérêts au taux légal sont dus depuis le 16 février 2007.

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné madame X... aux dépens.
La société TELEVES sera déboutée de ses demandes à ces titres et condamnée à payer à madame X... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté madame Nathalie X... de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement moral et en dommages-intérêts à ce titre.
Constate que le jugement a débouté madame Nathalie X... de l'intégralité de ses autres demandes sans statuer sur celles-ci.
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné madame Nathalie X... aux dépens.
Statuant sur les demandes de madame Nathalie X...,
Déboute madame Nathalie X... de sa demande de nullité du licenciement, de constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société TELEVES à payer à madame Nathalie X... :-4 818 euros (quatre mille huit cent dix huit euros) brut à titre d'indemnité de préavis,-481, 80 euros (quatre cent quatre vingt un euros et quatre vingt centimes) brut au titre des congés payés afférents,-402, 20 euros (quatre cent deux euros et vingt centimes) à titre de solde d'indemnité légale de licenciement,-677, 33 euros (six cent soixante dix sept euros et trente trois centimes) brut à titre de rappel de salaire,-67, 73 euros (soixante sept euros et soixante treize centimes) au titre des congés payés afférents-1 106, 29 euros (mille cent six euros et vingt neuf centimes) brut à titre de solde sur l'indemnité de congés payés,

outre intérêts au taux légal à compter du 16 février 2007.
-1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société TELEVES aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT. E. BRUELD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 08/00626
Date de la décision : 16/01/2009
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Harcèlement - Harcèlement moral - Existence - Défaut

Les contraintes inhérentes à l'exécution d'un travail sous une autorité hiérarchique qui impliquent la direction et le contrôle du travail du salarié, qui peuvent être génératrices d'un stress au travail ne constituent pas, en l'absence d'actes précis et répétés de harcèlement, des faits de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Givors, 15 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2009-01-16;08.00626 ?
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