AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R. G : 07 / 07057
SAS SODEXHO (SOCIETE FRANCAISE DE LA RESTAURATION ET DE SERVICES)
C /
Z...
APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 02 Octobre 2007 RG : F 06 / 00029
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2008
APPELANTE :
SAS SODEXHO (Société Française de Restauration et Services) prise en la personne de son représentant légal en exercice Direction des Affaires Sociales BP 100 78883 SAINT QUENTIN EN YVELINES
représentée par Me Catherine MILLET-URSIN, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Latifa Z... épouse A......69120 VAULX-EN-VELIN
comparant en personne, assistée de Me Mélanie CHABANOL, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 034126 du 24 / 01 / 2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
PARTIES CONVOQUÉES LE : 31 Mars et 21 Avril 2008
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Octobre 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller Françoise CONTAT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Marion RUGGERI-GUIRAUDOU, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Novembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Eléonore BRUEL, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame Latifa A...née Z... a travaillé au sein du restaurant administratif de la société FRANCE TELECOM LYON AMPERE, en qualité d'employée de service à compter du 1er juillet 1974.
La gestion de ce restaurant a été confiée à la société française de restauration et services " SODEXHO FRANCE ", et le contrat de travail a été transféré à compter du 2 juin 2000 : un avenant au contrat de travail a été signé entre les parties.
Madame A...a été victime d'un accident du travail le 12 novembre 2001 ; elle a été déclarée consolidée par la CPAM le 12 janvier 2005.
Dans le cadre de la reprise du travail, le médecin du travail a délivré un premier avis le 9 mars 2005 rédigé en ces termes :
" inaptitude médicale au poste de travail d'aide en cuisine : ne peut plus occuper ce poste. Serait capable de tenir un poste assis d'accueil et / ou réception téléphone, voire quelques tâches administratives, à revoir dans 15 jours, voire si reclassement possible ".
L'avis donné à l'issue de la seconde visite, en date du 23 mars 2005, est rédigé ainsi :
" confirmation de l'inaptitude médicale au poste de travail " (accident du travail du 12 novembre 2001) ne peut plus occuper ce poste : serait capable de tenir un poste avec des tâches administratives ou autres tâches ne sollicitant pas le membre supérieur droit, compte tenu des capacités physiques actuelles non évolutives.
Dans un courrier adressé à l'employeur, le médecin précisait : "... Elle pourrait tenir un poste comportant des tâches où physiquement le membre supérieur droit ne serait pas sollicité que ce soit dans la préhension d'un stylo, dans le port de charges même légères ou pour des mouvements répétitifs (du bras, de l'épaule droite) ".
Par un courrier du 29 mars 2005, l'employeur a interrogé la salariée sur son degré de mobilité géographique ; il lui a précisé qu'il demandait au médecin du travail de préciser si un poste à temps partiel pourrait convenir.
L'avis de la déléguée du personnel 1° collège consultée le 1er avril 2005, avec à l'ordre du jour, le projet de reclassement de madame A..., est le suivant :
" Après information complémentaire sur les non-souhaits exprimés par madame A...et le constat de l'impossibilité de reclassement, compte tenu des contre-indications médicales très larges au regard des activités de l'entreprise et des compétences de madame A..., la déléguée du personnel donne un avis favorable à l'éventuel licenciement pour inaptitude de madame A....
Madame A...a répondu à l'employeur le 11 avril 2005 qu'elle était " mobile dans un secteur géographique raisonnable dans la mesure où je prends les transports en commun " et qu'elle ne pouvait, compte tenu de ses charges de famille, prendre un travail à temps partiel ; elle précisait qu'elle était sans ressources depuis le 12 janvier 2005, date d'arrêt des prestations de la sécurité sociale.
Par une lettre en date du 15 avril 2005, l'employeur a formulé une offre dans le cadre d'une création de poste de standardiste à temps partiel, 2 heures par jour du lundi au vendredi entre 12 heures et 14 heures à la direction régionale à OULLINS, lieu accessible par le réseau de transport en commun.
Madame A...a décliné cette offre par un courrier du 26 avril 2005, aux motifs de ce que l'accord d'entreprise prévoit un minimum de 22 heures hebdomadaires et qu'effectuant antérieurement 34 h 52, elle ne pouvait accepter un changement substantiel de son contrat de travail, au niveau de la rémunération, compte tenu de ses charges familiales.
L'employeur, le 3 mai 2005, a fait une offre d'un poste de standardiste à pourvoir dans une clinique à ALBI, à temps partiel hebdomadaire de 22 heures ; compte tenu des délais impartis, il convoquait également la salariée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de rupture du contrat de travail pour inaptitude physique.
Par un courrier en date du 18 mai 2005, la société française de restauration et services " SODEXHO " a notifié à la salariée son licenciement pour inaptitude, à défaut d'avoir pu trouver une solution de reclassement.
Madame A...a saisi le Conseil de prud'hommes de LYON, le 6 janvier 2006 afin d'obtenir le paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par un jugement de départage en date du 2 octobre 2007, le Conseil de prud'hommes a, sur le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation des délégués du personnel pour défaut de communication de toutes les informations nécessaires au reclassement, dit que la consultation a été prématurée, et que, faute d'informations préalables suffisantes, celle-ci doit être jugée comme ayant été de pure forme, insuffisante à permettre la recherche concertée de solutions de reclassement. Sur le licenciement, faisant application des dispositions de l'article 1226-15 (ancien article L 122 32-7) du Code du travail, il a condamné la société française de restauration et services " SODEXHO " à payer à madame A...la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice né de la violation de l'obligation de consultations des délégués du personnel, invalidant son licenciement, ainsi que la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le jugement a ordonné l'exécution provisoire.
Le jugement a été notifié à la société française de restauration et services " SODEXHO " le 18 octobre 2007 ; cette société a déclaré faire appel de la décision.
Par une ordonnance rendue par la juridiction du Premier Président de la Cour d'appel, sur l'assignation de la société française de restauration et services " SODEXHO " la consignation des sommes de 20 000 euros et 1 500 euros a été ordonnée.
Vu les conclusions de la société française de restauration et services " SODEXHO ", soutenues oralement à l'audience, tendant à l'infirmation du jugement, à voir juger que l'avis du délégué du personnel a été recueilli en application des dispositions de l'article 1226-10 du Code du travail, qu'elle a procédé à des recherches de reclassement et que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes et à la condamnation de madame A...à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que la consultation du personnel est intervenue après la deuxième visite de reprise et que toutes les informations sur le poste de standardiste à temps partiel de 2 heures par jour à OULLINS ont été données ; qu'en conséquence, les dispositions légales ont été respectées, l'entretien est intervenu après le constat définitif d'inaptitude et avant toute proposition de reclassement ou toute procédure de licenciement ; qu'elle n'avait pas à effectuer une nouvelle consultation pour la deuxième proposition de poste.
Elle soutient qu'aucune possibilité de poste n'était envisageable sur les sites compte tenu des préconisations du médecin du travail, motif pour lequel elle a offert de créer un poste à temps partiel de deux heures par jours à OULLINS, poste qui a été refusé ; qu'elle avait ainsi satisfait à son obligation de reclassement.
Elle ajoute qu'elle a procédé à une consultation des autres responsables de ressources humaines du groupe, qui n'a abouti que sur une seule offre, celle d'un poste à mi-temps de standardiste sur la clinique TOULOUSE LAUTREC à ALBI, offre à laquelle madame A...ne donnera aucune suite.
Vu les conclusions de madame A..., soutenues oralement à l'audience, tendant à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société française de restauration et services " SODEXHO " à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient en premier lieu que la consultation préalable des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement n'a pas eu lieu : elle rapporte que madame C..., déléguée du personnel l'ayant assisté lors de l'entretien préalable, avait interrogé l'employeur sur la consultation des délégués du personnel qui n'avait pas eu lieu, ce que ce dernier avait confirmé en indiquant qu'il préciserait la présence de madame C...dans la lettre de rupture. Elle écrit " le compte rendu de la réunion des délégués du personnel premier collège du 1er avril 2005 produit par la société SODEXHO apparaît dans ces circonstances particulièrement contestable. "
Elle fait valoir que postérieurement à cette prétendue consultation, l'employeur a formulé des propositions de reclassement, propositions qui n'ont pas été soumises à l'examen des représentants du personnel.
En second lieu, elle prétend qu'aucune recherche de reclassement n'a été étendue au groupe, compte tenu des différents types d'activités, restauration et services, chèque et carte de service, loisirs et établissements pénitentiaires.
La Cour, par son Président, a soulevé d'office, le moyen tenant au point de savoir si la totalité des délégués du personnel avait été consultée. La société française de restauration et services " SODEXHO " a répondu que le délégué du personnel compétent était le délégué du site d'exploitation (un collège par restaurant), par application d'un accord collectif de groupe, en précisant que madame C... était déléguée du personnel sur un autre restaurant.
LA COUR
SUR LA CONSULTATION DES DELEGUES DU PERSONNEL
EN DROIT
L'article L 1126-10 du Code du travail dispose que l'employeur doit proposer au salarié déclaré inapte un autre emploi approprié à ses capacités et que cette " proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer des tâches existantes dans l'entreprise... "
La consultation doit être faite avant l'engagement de la procédure, après la constatation définitive de l'inaptitude et avant la proposition de reclassement.
EN FAIT
La société française de restauration et services " SODEXHO " produit des extraits de l'accord d'entreprise et notamment des articles 20 et 26 aux termes desquels, d'une part, la France géographique est divisée en 8 territoires au sein de chacun desquels sera constitué un comité d'établissement regroupant la totalité des exploitations qui y sont situées, d'autre part, afin d'assurer la représentation du personnel au sein même des exploitations, les délégués du personnel sont élus dans le cadre des exploitations.
Elle précise que madame D...est déléguée du personnel titulaire des sites LYONNAISE DE BANQUE et de la direction régionale de LYON, élue le 15 juin 2004 en qualité de déléguée du personnel titulaire des sites pour les exploitations suivantes :- le restaurant Lyonnaise de Banque à TASSIN LA DEMI LUNE- la direction régionale SODEXHO FRANCE à OULLINS Que madame A...est rattachée administrativement à la direction régionale à la suite de la fermeture du restaurant FRANCE TELECOM à compter du 31 décembre 2001.
Elle déclare que madame C..., est déléguée du personnel titulaire des trois sites d'ECULLY, élue le 15 juin 2004, pour les exploitations suivantes :- le restaurant de la Police Technique et Scientifique à ECULLY-le restaurant EURONEWS à ECULLLY-le restaurant POTAIN à ECULLY.
Elle produit les procès-verbaux des élections des délégués du personnel dont il résulte que madame D...a été élue au titre du restaurant LYONNAISE DE BANQUE ET DIRECTION REGIONALE et que madame C...a effectivement été élue au titre des trois établissements d'ECULLLY.
Madame D...était en conséquence déléguée du personnel titulaire, compétente pour être consultée en application des dispositions de l'article 1226-10 du Code du travail.
Madame C...atteste dans deux documents dactylographiés qu'elle a des doutes sur la réalité de la consultation de madame D..., du fait que, d'une part, quelques instants avant l'entretien préalable elle s'était entretenue avec madame D...qui n'était pas au courant de l'éventuel licenciement de madame A..., et que d'autre part, pendant l'entretien préalable, ni le directeur régional, ni le responsable des ressources humaines, n'ont pu lui répondre lorsqu'elle a posé la question de savoir si les délégués du personnel avaient été consultés et qu'ils ont paru être étonnés.
Madame C...rapporte qu'elle a interrogé madame D...après avoir vu le procès-verbal de consultation et que celle-ci lui aurait dit qu'elle avait été effectivement convoquée, que la situation de madame A...lui avait été expliquée, comme l'impossibilité de la reclasser, et qu'elle aurait signé de ce fait un PV de consultation sur un coin de table.
Madame D...a signé, à la fois le compte rendu de la consultation du 1er avril 2005, et une attestation manuscrite.
Ce compte rendu ne fait pas état d'une seule proposition d'emploi.
L'avis signé n'évoque pas de proposition, mais est exprimé de telle sorte qu'il signifie que l'avis favorable au licenciement est donné sur deux éléments, d'une part " après information complémentaire sur les non souhaits exprimés par madame A...", d'autre part " le constat de l'impossibilité de reclassement compte tenu des contre indications médicales... "
Il résulte de l'affirmation de l'impossibilité de reclassement, que la déléguée du personnel n'était pas informée de ce qu'une proposition de reclassement allait néanmoins être faite.
Dans son attestation, la déléguée du personnel rapporte qu'elle a été consultée au sujet des reclassements possibles sans préciser la date ; elle certifie, de manière plus nuancée que dans l'avis donné sur la consultation, que le reclassement était particulièrement difficile, alors qu'elle a signé l'affirmation de ce que le reclassement était impossible ; qu'enfin seul un poste de standardiste à temps partiel pouvait correspondre, ce qui ne signifie pas que le 1er avril 2005, elle avait bien été consulté sur ce poste qui serait offert ultérieurement le 15 avril 2005.
Il en résulte que la société française de restauration et services " SODEXHO " ne rapporte pas la preuve de ce que la proposition de l'emploi à temps partiel, a été présentée pour avis à la déléguée du personnel.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article L 1226-15 alinéa 2 qui disposent que lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions notamment de l'article L 1226-10 du Code du travail, l'indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaire.
Le licenciement est nul et non sans cause réelle et sérieuse dès lors que la loi prévoit que le tribunal peut ordonner la réintégration dans l'entreprise. Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré du défaut d'exécution de l'obligation de reclassement, le seul vice affectant la consultation du délégué du personnel entraînant la sanction de l'article L 1226-15 du Code du travail.
Il convient de confirmer l'appréciation du premier juge qui a fixé à 20 000 euros le montant de cette indemnité.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société française de restauration et services " SODEXHO " à payer à madame A..., la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Cette société qui succombe en son appel, sera déboutée de ses demandes à ces titres.
Il sera fait droit à la demande en paiement d'une somme complémentaire qui sera fixée à 1 500 euros en application de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Madame A...est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et son conseil indique vouloir faire application des dispositions de l'article 37 de la Loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
La société française de restauration et services " SODEXHO " supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Condamne la société française de restauration et services " SODEXHO " à payer à maître Mélanie CHABANOL, avocat de madame A...née Z..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle selon décision No 2007 / 034126, la somme de mille cinq cents euros (1 500 €) en application des dispositions de l'article 75 de la loi No 647 du 10 juillet 1991.
Rappelle qu'en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 108 du décret No 91-1266 du 19 décembre 1991, maître Mélanie CHABANOL dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer cette somme et en aviser sans délai le greffe de la Cour ainsi que la caisse des règlements pécuniaires ; à défaut, elle sera réputée avoir renoncé à la part contributive de l'Etat.
Condamne la société française de restauration et services " SODEXHO " aux dépens de la procédure d'appel.