AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R. G : 07 / 04341
ASSOCIATION GEMLOG 69
C / Y...
APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 22 Juin 2007 RG : F 06 / 02090
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 21 MARS 2008
APPELANTE :
ASSOCIATIN GEMLOG 69 4 / 10 rue du Mont Blanc 69960 CORBAS
représenté par Maître REBOTIER, avocat au barreau de Lyon, substitué par Maître BURGY, avocat au même barreau
INTIME :
Monsieur Mamadou Bocar Y... Chez Madame Z... ......
comparant en personne, assisté de Maître GERMAINBONNE, avocat au barreau de Lyon, substituant Maître VUILLAUME- COLAS, avocat au même barreau
PARTIES CONVOQUEES LE : 6 septembre 2007
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Février 2008
Présidée par Monsieur Bruno LIOTARD, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Madame Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Bruno LIOTARD, Président Madame Hélène HOMS, Conseiller Madame Marie- Claude REVOL, Conseiller
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Mars 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bruno LIOTARD, Président, et par Madame Malika CHINOUNE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur Mamadou Bocar Y... a été engagé par l'ASSOCIATION GEMLOG 69 en qualité de préparateur de commandes selon contrat de professionnalisation du 8 août 2005 dont le terme expirait le 10 mars 2007, avec une période d'essai d'un mois.
Le 9 août 2005, Monsieur Y... a été victime d'un accident du travail occasionnant une section partielle de l'une de ses chevilles. Il a bénéficié d'arrêts de travail jusqu'au 11 avril 2006, date à laquelle il a passé une première visite de reprise. Le médecin du travail l'a déclaré apte à reprendre ses fonctions avec une limitation de la marche prolongée et de la manutention manuelle des colis supérieurs à 20 kg.
Le 28 avril 2006, au cours de la seconde visite de reprise, le médecin du travail a confirmé son premier avis.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 2006, l'ASSOCIATION GEMLOG 69 a notifié à Monsieur Y... sa décision de rompre sa période d'essai.
Le 14 juin 2006, Monsieur Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon aux fins de faire constater d'une part, le caractère discriminatoire de la rupture de son contrat de travail et obtenir la condamnation de l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à lui payer la somme de 15. 262 € à titre de dommages- intérêts et d'autre part, l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, à tout le moins pour absence de recherche de reclassement, et obtenir à ce titre la condamnation de l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à lui payer la somme de 15. 262 €. Il demandait pour le tout le bénéfice de l'exécution provisoire de la décision à intervenir outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 22 juin 2007, le Conseil de Prud'hommes de Lyon a retenu le caractère discriminatoire de la rupture du contrat de Monsieur Y... et a condamné l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à lui payer la somme de 15. 262 € avec exécution provisoire à hauteur de 8. 000 €, outre 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de son autre demande.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2007, l'ASSOCIATION GEMLOG 69 a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 25 juin 2007.
L'ASSOCIATION GEMLOG 69 demande à la Cour, par infirmation du jugement entrepris, de constater que la rupture du contrat est intervenue, en l'absence de toute discrimination, pendant la période d'essai de Monsieur Y... et qu'elle a respecté son obligation de reclassement lors de son retour d'arrêt de travail. Elle demande par conséquent le rejet de toutes ses demandes et sa condamnation à lui payer 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Y... demande à la Cour, par confirmation du jugement entrepris :- d'une part, de constater que la rupture de la période d'essai manifeste la volonté de l'employeur de l'écarter en raison de ses problèmes de santé consécutifs à son accident de travail et, en conséquence, de dire et juger nulle cette rupture et de condamner l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à lui payer la somme de 15. 262 € à titre de dommages- intérêts,- d'autre part, au regard des dispositions des articles L. 122- 32- 5 et suivants du code du travail, de dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en l'absence de toute recherche de reclassement et de condamner l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à lui payer la somme de 15. 262 € à ce titre,- en tout état de cause, de condamner l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à lui payer la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du ode de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail de Monsieur Y... :
La décision de l'employeur de rompre le contrat pendant la période d'essai, si elle n'a pas à être motivée et bien qu'elle revête un caractère discrétionnaire, ne peut pas être motivée par un motif discriminatoire, l'article L. 122- 45 du code du travail s'appliquant pendant la période d'essai ;
En cas de litige relatif à l'application de l'article L. 122- 45, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Au soutien de sa demande de dommages- intérêts pour rupture discriminatoire de la période d'essai en raison de son état de santé, Monsieur Y... relève que l'ASSOCIATION GEMLOG 69 n'a pas eu l'opportunité d'apprécier ses compétences compte tenu du fait que la rupture est intervenue peu de temps après son retour dans l'entreprise ;
Pour justifier sa décision de rompre la période d'essai de Monsieur Y..., l'ASSOCIATION GEMLOG 69 fait essentiellement état de différentes fiches de suivi en entreprise et en formation ;
Il ressort de la fiche de suivi en entreprise établie par la société WINCANTON à la disposition de laquelle Monsieur Y... se trouvait pour la période du 12 au 18 avril 2006, que sur dix critères, un seul était jugé acceptable, sept insuffisants, deux très insuffisants et que le tuteur qui suivait Monsieur Y... estimait que " sans tenir compte des problèmes physiques, Mamadou n'a pas mis assez de conviction et d'autonomie dans son travail pour réaliser les tâches avec les exigences de l'entreprise (manque de rythme et de méthodologie + retards) ".
Il ressort également de la fiche de suivi en formation établie par la société MÉDIALIS, que sur huit critères, un était jugé acceptable, cinq insuffisants, deux très insuffisants et que la société considérait que " Bocar n'a pas présenté tout au long de la semaine d'intérêt ni de motivation pour la formation. Peut- être que son retard du 2 / 05 / 06 et son absence ce jour (sans prévenir) ont contribué à son manque de motivation " ;
L'ASSOCIATION GEMLOG 69 rapporte donc la preuve qu'elle a exercé son droit de ne pas donner suite au contrat de travail de Monsieur Y... dans le cadre de sa période d'essai en se fondant sur des critères objectifs tenant au comportement de ce dernier sans notion de discrimination fondée sur sa santé ;
La Cour infirme la décision entreprise de ce chef. Sur le reclassement :
Les dispositions des articles L. 122- 32- 5 et L. 122- 32- 7 du code du travail sont applicables au cas du salarié victime d'un accident du travail pendant la période d'essai ;
Aux termes de l'article L. 122- 32- 5, alinéa 1, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ;
Selon l'article L. 122- 32- 7, alinéa 1er, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122- 32- 4 ou des premier et quatrième alinéas de l'article L. 122- 32- 5, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité ; cette indemnité, qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires, est due sans préjudice de l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, de l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 122- 32- 6 ;
Monsieur Y... a été victime d'un accident du travail le 9 août 2005 et a passé une première visite de reprise le 11 avril 2006 à l'issue de laquelle le médecin du travail l'a déclaré apte à reprendre ses fonctions avec une limitation de la marche prolongée et de la manutention manuelle des colis supérieurs à 20 kg, précisant qu'il n'y avait pas de contre indication médicale à la conduite d'engins à conducteur porté ;
L'ASSOCIATION GEMLOG 69 l'a mis à la disposition de la société WINCANTON du 12 au 18 avril 2006 ;
Monsieur Y... a fait l'objet d'une visite de reprise le 28 avril 2006, suite à un nouvel arrêt de travail, et le médecin a conclu à une aptitude limitée dans les mêmes termes que lors de la visite de reprise du 11 avril précédent ;
Après une formation du 2 au 5 mai 2006 s'inscrivant dans le cadre du contrat de professionnalisation conclu entre les parties, l'ASSOCIATION GEMLOG 69 a rompu sa période d'essai ;
Il ne ressort pas des pièces versées aux débats que l'ASSOCIATION GEMLOG 69 ait recherché un reclassement pour Monsieur Y... après l'avis rendu par le médecin du travail en date du 28 avril 2006 ;
L'ASSOCIATION GEMLOG 69 n'a pas respecté son obligation de reclassement ;
Monsieur Y... a droit à une indemnité calculée conformément à l'article L. 122- 32- 7 du Code du travail ;
Il convient, par infirmation de la décision des premiers juges, de condamner l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à payer à Monsieur Y... 14. 700 € de dommages et intérêts de ce chef.
Sur les frais irrépétibles de défense :
Il est équitable de condamner l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à payer à Monsieur Y... 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'ASSOCIATION GEMLOG 69 succombe et devra supporter les dépens d'appel, ce qui exclut toute indemnité à son profit sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande de ce chef doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné L'ASSOCIATION GEMLOG 69 à payer à Monsieur Y... des dommages- intérêts pour rupture discriminatoire de la période d'essai,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute Monsieur Y... de sa demande liée au caractère discriminatoire de la rupture de sa période d'essai,
Dit que l'ASSOCIATION GEMLOG 69 n'a pas respecté son obligation de reclassement suite à l'accident du travail de Monsieur Y...,
Condamne l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à payer à Monsieur Y... 14. 700 € de dommages et intérêts,
Condamne l'ASSOCIATION GEMLOG 69 à payer à Monsieur Y... 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de l'ASSOCIATION GEMLOG 69 fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'ASSOCIATION GEMLOG 69 aux dépens d'appel.