AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE
R. G : 07 / 03601
SOCIETE UNITED AIRLINES INC.
C / X...
APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 30 Avril 2007 RG : F 05 / 03956
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 03 MARS 2008
APPELANTE :
SOCIETE UNITED AIRLINES INC. Aéroport de Roissy Charles de Gaulle Aérogare 1- PB 20203 95712 ROISSY C. D. G. CEDEX
représentée par Me Christian BELLOIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
Mademoiselle Corinne X... .........
représentée par Me Géraldine ROUX, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUEES LE : 19 Juin 2007
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Décembre 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Didier JOLY, Président Madame Marie- Pierre GUIGUE, Conseiller Madame Danièle COLLIN- JELENSPERGER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Madame Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 03 Mars 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Mademoiselle Eléonore BRUEL, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Corinne X... a été engagée par la société UNITED AIRLINES INC. en qualité de personnel navigant commercial sur la base de Londres Heathrow par contrat du 18 mai 1992. A sa demande, la salariée a été transférée le 30 octobre 1993 sur la base de Roissy Charles de Gaulle pour effectuer des vols transatlantiques entre les Etats- Unis et la France. Elle a fixé son domicile sur le territoire français. Elle a été victime d'un accident du travail en vol le 6 novembre 2000. Il en est résulté un arrêt de travail jusqu'au 15 décembre 2000. Le 4 juin 2003, Corinne X... a été victime d'une rechute de son accident du travail. Des certificats d'arrêt de travail lui ont été délivrés jusqu'au 31 octobre 2004. Pendant cette période, elle a perçu les indemnités journalières du régime français de sécurité sociale. Parallèlement, elle a bénéficié du plan d'incapacité à long terme (" Long term disability benefit "), souscrit par la compagnie aérienne auprès de la compagnie d'assurances Met Life. Celle- ci a versé à la salariée une somme de 38 763, 12 $. Par lettre du 4 octobre 2004, les services administratifs de la Caisse primaire de Lyon lui ont fait savoir que conformément à l'avis du médecin conseil, elle était déclarée consolidée avec séquelles le 1er novembre 2004. La salariée n'a été soumise à aucune visite de reprise par un médecin du travail français. Par lettre du 21 décembre 2004, l'employeur a détaillé à Corinne X... les éléments de la procédure de reclassement :- en lui communiquant les emplois vacants affichés sur le site internet de la compagnie ainsi que des emplois disponibles dans d'autres compagnies aériennes,- en lui précisant que si elle ne reprenait pas ses fonctions avant le 5 septembre 2006 à minuit, son contrat serait résilié et son nom retiré de la liste d'ancienneté des personnels navigants commerciaux.
Par délibération du 10 mars 2005, la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) a reconnu à Corinne X... la qualité de travailleur handicapé (catégorie A) pour la période du 1er septembre 2004 au 1er septembre 2009.
Le 19 octobre 2005, Corinne X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon afin d'entendre condamner la société UNITED AIRLINES INC. à prononcer son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
L'affaire a été appelée devant le bureau de jugement à l'audience du 20 novembre 2006.
Au cours du délibéré, la société UNITED AIRLINES INC. a adressé à Corinne X... une lettre datée à Chicago du 13 novembre, par laquelle, dans le prolongement de son courrier du 21 décembre 2004, et la salariée n'ayant brigué aucun autre emploi, elle lui notifiait que son contrat de travail avait pris fin pour raison thérapeutique le 5 septembre 2006.
Corinne X... a reçu également une attestation destinée à l'ASSEDIC, datée du 29 novembre 2006.
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LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 29 mai 2007 par la société UNITED AIRLINES INC. du jugement rendu le 30 avril 2007 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section commerce) qui a : 1o) dit et jugé que le Conseil de Prud'hommes de Lyon est compétent et bien fondé à appliquer la loi française, 2o) prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Corinne X... aux torts de la société UNITED AIRLINES INC. à la date du jugement, 3o) condamné la société UNITED AIRLINES INC. à verser à Corinne X... les sommes suivantes :- indemnité spéciale de licenciement 10 418, 64 €- indemnité forfaitaire en référence à l'indemnité de préavis11 721, 00 €- rappels de salaire sur 27 mois105 489, 00 €- congés payés afférents10 548, 90 € 4o) rappelé que ces condamnations sont exécutoires à titre provisoire selon les dispositions de l'article R 516- 37 du code du travail (dans la limite de 35 163, 00 € correspondant à neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire qui est établie à 3 907, 00 €), 5o) condamné la société UNITED AIRLINES INC. à remettre à Corinne X... une attestation ASSEDIC portant pour motif de licenciement " inaptitude ", un certificat de travail et des bulletins de salaires pour la période du 1er décembre 2004 au 28 février 2007, ce sous astreinte de 300 € par jour de retard sur une période de six mois, après un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, le Conseil de Prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte et d'en fixer une nouvelle au besoin, 6o) condamné la société UNITED AIRLINES INC. à verser à Corinne X... :- la somme de 24 000, 00 € à titre de dommages- intérêts pour la résiliation du contrat aux torts de l'employeur et pour le préjudice subi,- la somme de 500, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 7o) débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 10 décembre 2007 par la société UNITED AIRLINES INC. qui demande à la Cour de :- renvoyer Corinne X... à mieux se pourvoir devant le bureau des médiations AFA United (Board of Adjustment AFA- United) et les tribunaux compétents des Etats Unis d'Amérique et de l'Etat de l'Illinois,- dire et juger que le contrat de travail est régi par le droit américain et la convention collective AFA,- en conséquence, débouter Corinne X... de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Corinne X... qui demande à la Cour de : 1o) confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :- retenu la compétence de la juridiction française et l'application de la loi française,- condamné la société UNITED AIRLINES INC. à payer la somme de 10 418, 64 € au titre de l'indemnité de licenciement,- condamné la société UNITED AIRLINES INC. à payer la somme de 11 721 € au titre de l'indemnité forfaitaire en référence à l'indemnité compensatrice de préavis, 2o) condamner la société UNITED AIRLINES INC. à payer à Corinne X... les sommes suivantes :- rappel de salaire du 1er novembre 2004 au 14 décembre 2006109 591, 35 €- dommages- intérêts en réparation du préjudice subi70 000, 00 €- article 700 du code de procédure civile 5 000, 00 €
Sur la compétence :
Attendu d'abord que le contrat de travail conclu le 18 mai 1992 entre la société UNITED AIRLINES INC. et Corinne X... ne contient pas de clause attributive de juridiction ;
Attendu ensuite que la clause compromissoire insérée dans la convention collective visée par un contrat de travail international, pour tout litige concernant ce contrat, n'est pas opposable au salarié qui a saisi régulièrement la juridiction compétente en vertu des règles applicables, peu important la loi régissant le contrat de travail ; que le consentement allégué de Corinne X... au mode de règlement des litiges prévu par la convention collective AFA est donc sans effet ;
Attendu que selon l'article 4 du règlement C. E. no44 / 2001 du Conseil du 22 décembre 2000, si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat membre, la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat membre, sous réserve de l'application des dispositions des articles 22 et 23 ; que le privilège de juridiction de l'article 14 du code civil, qui n'est évincé par aucune convention internationale applicable, permettait donc à Corinne X... de saisir en France un conseil de prud'hommes ;
Attendu, enfin, qu'aux termes de l'article R 517- 1 (2ème alinéa) du code du travail, si le travail est, comme en l'espèce, effectué en dehors de tout établissement, la demande est portée devant le conseil de prud'hommes du domicile du salarié ; que le conseil de prud'hommes de Lyon était donc compétent territorialement pour connaître des demandes de Corinne X... ;
Sur la loi applicable :
Attendu d'abord que la société UNITED AIRLINES INC. ne s'est pas soumise volontairement à la loi française en adressant à Corinne X... le 13 novembre 2006 une lettre informant la salariée de la résiliation de son contrat de travail au 5 septembre 2006 en application de la convention collective de l'Association of Flight Attendants (" AFA "- association des personnels navigants commerciaux) ;
Attendu ensuite qu'en application de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat de travail est régi par la loi choisie par les parties ou, à défaut, par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail ou, à défaut, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui l'a embauché, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ;
Qu'en l'espèce, Corinne X... a conclu un contrat de travail en langue anglaise à Chicago avec la société UNITED AIRLINES INC. qui y a son siège ; que ce contrat renvoyait aux règles concernant la rémunération et les conditions d'emploi, définies par la convention collective de l'Association of Flight Attendants (" AFA "- association des personnels navigants commerciaux) qui fait partie intégrante du droit américain auquel les parties ont entendu soumettre le contrat de travail ; qu'elle effectuait sa prestation de travail à bord d'aéronefs immatriculés aux Etats- Unis, en dehors de tout établissement ;
Attendu, certes, que selon l'article L 342- 4 du code du travail, l'employeur est assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire français, et ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés, lorsque son activité est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue, notamment par la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire ; que le décret no2006- 1425 du 21 novembre 2006 a inséré dans le code de l'aviation civile un article R 330- 2- 1 rendant l'article L 342- 4 du code du travail applicable aux entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d'exploitation situées sur le territoire français ; que ce texte réglementaire définit la base d'exploitation comme un ensemble de locaux ou d'infrastructures à partir desquels une entreprise exerce de façon stable, habituelle et continue une activité de transport aérien avec des salariés qui y ont le centre effectif de leur activité professionnelle ; qu'au sens des dispositions qui précèdent, le centre de l'activité professionnelle d'un salarié est le lieu où, de façon habituelle, il travaille ou celui où il prend son service et retourne après l'accomplissement de sa mission ;
Que les dispositions de l'article L 342- 4 du code du travail sont cependant sans application en l'espèce ; qu'en effet, le contrat de travail de Corinne X... est resté suspendu depuis le 4 juin 2003 jusqu'au 5 septembre 2006 ; que la salariée n'a par conséquent jamais eu le centre de son activité professionnelle sur la base de Roissy- Charles de Gaulle au sens du décret no2006- 1425 du 21 novembre 2006, qui est postérieur à la rupture du contrat de travail ; que ce texte réglementaire qui, contrairement à ce que soutient l'intimée, ne se borne pas à reprendre le droit positif antérieur, ne peut donc avoir pour effet de rendre le code français du travail applicable à la solution du présent litige ;
Qu'en conséquence, Corinne X... sera déboutée de ses demandes fondées sur les articles L 122- 32- 5 et suivants du code du travail, d'ailleurs inapplicables dans tous les cas en l'absence de la visite de reprise prévue par l'article R 241- 51 du même code ;
Et attendu que l'éviction du code du travail français ne laisse subsister aucun litige susceptible d'être tranché en application de la loi étrangère, Corinne X... ne contestant pas qu'elle a été remplie des droits que lui ouvraient la loi américaine (Railroad act) et la convention collective AFA ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le Conseil de Prud'hommes de Lyon était compétent,
L'infirme en ce qu'il a fait application de la loi française au présent litige,
Statuant à nouveau :
Déboute Corinne X... de ses demandes fondées sur le code français du travail,
Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Corinne X... aux dépens de première instance et d'appel.