La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2008 | FRANCE | N°06/08339

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0173, 13 février 2008, 06/08339


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE
R. G : 06 / 08339
X...
C / SA T. A. I. (TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL)

APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 14 Novembre 2006 RG : F 03 / 01301

COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 FEVRIER 2008
APPELANTE :
Madame Ursula X.........

comparant en personne, assistée de Me Marie- Sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
SA T. A. I. (TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL) 34 cours Lafayette 69003 LYON

représentée par Madame Sophie L... (DRH), assistée de M

e Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Yann BOISADAM, avocat au barreau de LYON
...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE
R. G : 06 / 08339
X...
C / SA T. A. I. (TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL)

APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 14 Novembre 2006 RG : F 03 / 01301

COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 FEVRIER 2008
APPELANTE :
Madame Ursula X.........

comparant en personne, assistée de Me Marie- Sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
SA T. A. I. (TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL) 34 cours Lafayette 69003 LYON

représentée par Madame Sophie L... (DRH), assistée de Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Yann BOISADAM, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUEES LE : 04 Juillet 2007
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Janvier 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Didier JOLY, Président Madame Marie- Pierre GUIGUE, Conseiller Madame Danièle COLLIN- JELENSPERGER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Melle Laetitia GUILLAUMOT, Greffier placé.
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Février 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Mademoiselle Eléonore BRUEL, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *************
Madame Ursula X... a été engagée par la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à compter du 6 janvier 2000, en qualité d'assistante comptable.
Cette société est une filiale du groupe AXA Assistance, spécialisée dans l'assistance technique, médicale et juridique des professionnels du transport de biens et de personnes.
Après avoir convoqué madame X... à un entretien préalable à une mesure disciplinaire par un courrier en date du 13 décembre 2002, la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL lui a notifié, le 8 janvier 2003, une mise à pied de sept jours, du 27 janvier au 3 février 2003 pour les motifs suivants :
" En date du 11 décembre 2002, en effet, vous avez fait preuve d'un manque évident de correction vis- à- vis de vos collègues et de votre supérieur hiérarchique. Sans en référer à votre supérieur hiérarchique (Christian Y...) d'un problème de comportement d'une de vos collègues (Lamia Z...) que vous jugiez dérangeant, vous avez interpellé cette dernière de façon agressive devant les autres employés présents. Lorsque Monsieur Y... est intervenu, vous avez fait preuve d'insolence dans vos propos et d'insubordination en refusant d'obtempérer et avez remis en cause son autorité devant le reste de ses collaborateurs.
Cette conduite remet en cause la bonne marche du service et... ".
Par courrier en date du 20 janvier 2003, madame X... a contesté les faits et demandé l'annulation de la sanction dont elle estimait qu'elle participait des agissements répétés, vexatoires, dont elle était l'objet, dans le but de la déstabiliser et de l'inciter à démissionner.
Madame X... a saisi le Conseil de prud'hommes de LYON, le 25 mars 2003, en annulation de cette sanction et en paiement d'un rappel de salaire de juillet à décembre 2001 de 320, 14 euros, du salaire correspondant à la mise à pied de 352, 45 euros ainsi que du paiement des primes des années 2001 et 2002 pour la somme de 1 743, 37 euros.
Après avoir convoqué madame X... à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, par un courrier du 22 novembre 2004, la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs suivants :
"- Vous manifestez à l'encontre de vos collègues de travail une hostilité se matérialisant notamment par une attitude provocatrice entraînant des altercations répétées et par le fait que vous stigmatisez publiquement leurs prétendues carences professionnelles, ce qui est de nature à compromettre la bonne marche de l'entreprise. De même cette attitude délibérée d'opposition s'est également manifestée à l'encontre de votre hiérarchie et de votre Direction Générale.
- En outre, alors même que nous vous avions expressément alerté sur ce point, vous n'avez pas hésité, pendant vos heures de travail, à solliciter vos collègues en vue de nourrir un litige prud'homal que vous avez initié à l'encontre de la société TAI.
Enfin, d'une manière générale, vous avez délibérément adopté un comportement professionnel désinvolte consistant notamment :
- A laisser délibérément les parapheurs concernant des chèques à signer sur une étagère sans les transmettre à signature, retardant ainsi les règlements.
- A refuser de répondre aux appels arrivant sur les postes de la comptabilité et à refuser ensuite de donner aux personnes de la gestion contraintes de prendre ces appels, les informations sur le règlement des dossiers concernés.
- A contraindre, par vos carences, le personnel de la gestion à rechercher des informations manquantes sur les dossiers que vous traitez.
- A vous livrer à des activités strictement personnelles pendant vos heures de travail.
il n'est pas inutile, enfin, de préciser, d'une part que votre comportement avait déjà justifié une sanction disciplinaire qui vous a été notifiée le 8 janvier 2003 et que vous n'avez pas hésité au cours de l'entretien préalable à nous indiquer que monsieur A... était " pervers et cynique ", que monsieur B... était " retardé et tordu. "
Madame X... a été dispensée de l'exécution de son préavis de deux mois.
Par un jugement de départage rendu le 14 novembre 2006, sur le dernier état des demandes, dont notamment la contestation du licenciement, le Conseil de prud'hommes a :
- condamné la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à payer à madame X... la somme de 373, 45 euros au titre du rappel de salaires de juillet à décembre 2001 outre 37, 34 euros au titre des congés payés afférents, au titre de la baisse non justifiée de la somme complémentaire de 500 F réduite à 150 F en l'absence d'une évaluation professionnelle nouvelle,
- dit que le licenciement est fondé mais que la mise à pied conservatoire qui l'a précédé est injustifiée en l'absence de faute grave et condamné la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à payer à madame X... la somme de 416, 16 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 41, 61 euros au titre des congés payés afférents,
- condamné la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à payer à madame X... la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.
Le jugement a été notifié à madame X... le 30 novembre 2006. Celle- ci a déclaré faire appel le 23 décembre 2006.
Vu les conclusions de madame X..., soutenues oralement à l'audience, tendant :
• à la confirmation du jugement sur le caractère discriminatoire des conditions rémunératoires,
• à l'infirmation du jugement pour le surplus et à :
- l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 8 janvier 2003,
- au constat de la nullité du licenciement, subsidiairement à l'absence de cause et sérieuse du licenciement,
et à la condamnation de la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à lui payer les sommes suivantes : * 27 500, 00 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, principalement au motif de l'imprécision de la lettre de licenciement qui évoque des faits non datés, non démontrés, ou encore prescrits, * 10 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts sur le fondement des articles 1 134 du Code civil et L 122- 49 du Code du travail, pour harcèlement moral, de la part de messieurs C... et Y..., * 373, 45 euros à titre de rappel de salaire pour la période allant de juillet 2001 à décembre 2001, * 37, 34 euros au titre des congés payés afférents, * 1 743, 34 euros au titre de rappel de salaire sur primes de résultat 2001 et 2002, * 352, 45 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, * 35, 24 euros à titre de congés payés afférents, * 416, 16 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, * 41, 61 euros au titre des congés payés afférents, * 1 500, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Madame X... soutient que les motifs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont que prétextes pour rompre le contrat de travail alors qu'elle avait saisi le Conseil de prud'hommes pour faire valoir légitimement ses droits.
Vu les conclusions de la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL, soutenues oralement à l'audience, tendant à l'infirmation du jugement sur le rappel de salaire, à la confirmation du jugement pour le surplus et à la condamnation de madame X... à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISCUSSION
SUR LE RAPPEL DE SALAIRE DE JUILLET A DECEMBRE 2001
Il résulte du compte rendu de la réunion du 24 octobre 2000 que la direction a prévu une augmentation de salaire pouvant atteindre 500 frs nets mensuels à partir d'un an d'ancienneté qui sera laissée à l'appréciation des responsables de services en fonction des capacités, des motivations, d'efficacité des collaborateurs. Il était prévu que des entretiens individuels définissent les objectifs à remplir et les critères d'appréciation de la qualité du travail de chacun.
Cette augmentation a été accordée à madame X....
Cependant, le bénéfice de celle- ci a été supprimé à compter du mois de juillet 2001, sans que la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL ne justifie d'aucun entretien individuel ni d'aucun motif pouvant légitimer cette suppression : cette augmentation lui a été restituée en 2002.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaires de 373, 45 euros outre 37, 34 euros au titre des congés payés afférents.
SUR LES PRIMES 2001 et 2002
Le contrat de travail ne prévoit pas de prime mais une rémunération fixe sur treize mois et une prime de vacances.
Madame X... a perçu une prime d'objectifs sur le salaire de juin 2001 de 457, 34 euros, alors que des primes lui avaient été versées en juillet 2000 et décembre 2000 d'un montant de 1 219, 60 euros.
La société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL justifie que trois contrats de travail signés au cours de l'année 2003 prévoient une rémunération variable.
Cette société ne dénie pas que certains salariés ont perçu une prime fin 2001 et en 2002, sans produire les contrats correspondants.
Il convient de constater que le versement des primes sur l'année 2000 et une partie de l'année 2001, ainsi que les versements faits à d'autres salariés en 2001 et 2002, sans que l'employeur ne justifie la différence de traitement par des éléments objectifs, suffit à établir le caractère de fixité d'une telle prime.
Le jugement sera infirmé et il sera fait droit à la demande de madame X... en paiement des sommes non contestées en leur quantum de 1 743, 37 euros.
SUR LA MISE A PIED DISCIPLINAIRE
Les faits se sont produits le 11 décembre 2002.
Madame X... a rapporté les faits dans un courrier du 16 décembre 2002 : elle explique que mademoiselle Lamia Z... a dit un mot très grossier et qu'elle est intervenue auprès de cette personne, qui l'aurait mal pris ; que monsieur Y... serait intervenu mais ne lui aurait pas permis d'expliquer les raisons de " l'altercation " et aurait également proféré des mot inadaptés la concernant. Toutefois, elle se déclarait prête à présenter ses excuses, à promettre de formuler ses propos avec plus de modération, et à être plus diplomate et pondérée, à condition toutefois que monsieur Y... soit plus courtois à son égard et que mademoiselle Lamia Z... soit plus souple.
Monsieur Y... atteste de l'incident et de ce que l'attitude de madame X... avait provoqué chez mademoiselle Lamia Z... une crise d'anxieté manifestée par des spasmes quasi- convulsifs rendant sa respiration saccadée et, qu'ayant demandé à madame X... de s'excuser auprès de sa collègue, celle- ci lui a tenu les propos suivants : " Cette situation est intervenue par votre faute, vous ne savez pas encadrer vos collaborateurs, vous ne savez que crier après moi et jouer votre petit chef de service ".
Monsieur B..., s'il déclare ne pas se souvenir de la totalité de la scène, a été frappé par le fait que madame X... avait traité monsieur Y... de " petit chef ".
Monsieur D... était présent, et confirme que lorsque monsieur Y... a voulu intervenir pour " sermonner " madame X..., celle- ci l'a appelé " vous venez faire votre petit chef " " et comme elle aime bien pousser les gens de son entourage à bout, le ton monte et elle lui répond " j'aime bien vous mettre en colère, ça met de l'animation dans le service ".
C'est à bon droit que le premier juge a qualifié le comportement de madame X... de fautif et a rejeté la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire ainsi que la demande en paiement des salaires durant l'exécution de celle- ci : le jugement sera confirmé.
SUR LE HARCELEMENT MORAL
EN DROIT
L'article L 122- 49 du Code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; l'article L 122- 52 du même code applicable en l'espèce, précise qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.
EN FAIT
Les agissements dénoncés par madame X... sont les suivants :
- la diminution de l'augmentation de salaire de 500 F pendant six mois en 2001 :
L'employeur, ainsi qu'il a été dit, n'a pas justifié des motifs justifiant cette diminution ; toutefois, le bénéfice de cette augmentation au " mérite " a été rétabli par l'employeur en 2002.
- l'absence de versement de partie de la prime sur objectifs de 2001 et la prime 2002 :
L'employeur, ainsi qu'il a été dit, n'a pas justifié du caractère exceptionnel de la prime sur objectifs ou des modalités de son attribution ; toutefois le bénéfice de la prime a été rétabli en 2003.
- l'absence de réaction de l'employeur, informé par elle de faits inadmissibles : nombreuses insultes à caractère racial proférées par le directeur monsieur C... et par monsieur Y....
Madame E..., qui a travaillé au sein de l'entreprise du 17 septembre 2001 au 10 décembre 2001, atteste de ce que monsieur C... exerçait une pression morale sur madame X... et qu'elle n'était pas la seule à en être victime : que dans le cas de madame X..., cette pression se manifestait par des insultes répétées, des agressions verbales injustifiées, sur un ton souvent dictatorial, et ne laissant aucune place à la réplique et que monsieur C..., pendant les comités de direction aurait dit à monsieur Y... " je vous préviens, vous allez me la foutre dehors ". Elle ajoute que le manque de respect que monsieur C... témoignait à ses employés, l'incita à démissionner après 3 mois d'activités.
Ce témoignage est isolé, imprécis sur les termes qui auraient été employés. A supposer que monsieur C... s'adressait aux salariés, en termes inappropriés, ce témoignage atteste que monsieur C... n'aurait pas traité madame X... différemment des autres salariés.
Madame F... atteste de ce qu'elle a assisté à plusieurs altercations entre madame X... et monsieur Y..., et a entendu des propos grossiers tel que " vous me faites chier ". Ces propos ne sont cependant ni rapportés dans leur contexte, ni circonstanciés et datés.
Madame X... s'est plainte auprès de monsieur C..., dans un courrier du 2 juin 2004, du comportement de monsieur Y... à son égard, et a précisé qu'elle adressait la copie de son courrier, aux syndicats, à l'Inspection du travail et à la médecine du travail : il n'est pas justifié que ces instances soient intervenues. Monsieur C... a contesté, points par points le courrier de madame X... dans une lettre du 7 juin 2004.
Monsieur G... rapporte qu'il aurait entendu monsieur Y... proféré une insulte, lors d'une altercation au cours de la semaine du 30 septembre 2002 au 4 octobre 2002, mais ne renseigne pas sur l'altercation elle- même.
Monsieur H... atteste de ce qu'à l'occasion du " déjeuner de communication " de l'entreprise organisé le mardi 16 novembre 2004, monsieur C... est intervenu dans la conversation dont le sujet était la réputation de froideur des lyonnais, pour apporter la contradiction : monsieur C... a fait remarquer, parlant de madame X... qu'elle n'était pas lyonnaise sur un ton à mon sens déjà rédhibitoire,... rajoutant avec dédain qu'il fallait qu'elle se taise, qu'elle était " niaise " et racontait " des conneries ".
Madame X... a adressé le 19 novembre 2004 un courriel de protestation à monsieur C... sur ces faits, avec copie à monsieur I... " chairman " et monsieur A... : monsieur C... lui a répondu qu'il avait été surpris par les propos qu'elle avait tenus qu'il qualifie d'" ineptes, agressifs et persifleurs " dans cette réunion dont l'objet était les perspectives de la société.
Par ailleurs, il est établi par les attestations de messieurs B..., monsieur D... et mademoiselle J... que madame X... n'était pas sans reproche sur la manière de traiter certains salariés, à tel point qu'ils évitaient de s'adresser à elle.
Mademoiselle J... rapporte qu'elle a toujours ressenti une très grande animosité de la part de madame X... à l'égard de monsieur Y... et évoque des provocations en tous genres vis- à- vis de monsieur Y... " en prenant soin de privilégier les moments de tensions pour les mettre en oeuvre "... " je considère son attitude vis- à- vis de monsieur Y... comme du harcèlement psychologique... ". " Elle passe son temps à se moquer de lui ouvertement... "
Monsieur D... conclut son attestation en ces termes : " Quant à URSULA, je n'ai rien à lui reprocher vis- à- vis de ma personne, si ce n'est qu'elle fait tout pour entretenir un climat malsain au sein du service facturation- gestion, par son attitude et son comportement vis- à- vis de certains collègues de travail. C'est une personne qui se sent persécutée dans son lieu de travail, qui aime bien se donner en spectacle devant les autres et qui n'a aucun respect pour sa hiérarchie. De plus, elle joue très bien avec les faiblesses des personnes qui lui sont opposées. "
Le rapport d'entretien 2004, tant du côté de la salariée, que du côté de l'employeur met en lumière les difficultés des relations de madame X... avec les autres salariés. Elle écrit : " j'ai fait beaucoup d'efforts pour faire le mieux possible mon travail- pour faire face aux échéances diverses- ça n'a pas toujours été facile vu ces retards du service gestion et le fait que j'étais pratiquement seule pour faire ce travail quotidien au rythme soutenu et effréné. Le stress s'en découlant puis la procédure en cours ont peut être affecté mes relations avec mes collègues gestionnaires. Je souhaite que maintenant... on a embauché un autre comptable et quand la procédure aura été finie, les relations redeviennent plus faciles et harmonieuses. "
Le responsable hiérarchique a noté : " Ursula doit faire les efforts nécessaires au développement de relations sereines et professionnelles avec ses collègues étant entendu que cet objectif est mutuel à l'ensemble des services comptabilité et gestion au sein de la direction financière, et à l'ensemble de la société. Ces efforts s'entendent de manière tout à fait indépendante et distincte des procédures actuellement en cours entre UW et TAI ".
Enfin, la liberté de ton du courriel adressé par madame X... à monsieur A... K... avec copie à monsieur C... et madame L... en date du 19 novembre 2004, pour dénoncer les insuffisances professionnelles et critiques personnelles concernant monsieur B..., s'il établi le climat détestable du service dans lequel travaille la salariée, ne reflète pas l'image d'une personne harcelée moralement.
Il résulte de ces éléments, que si madame X... rapporte la preuve d'écarts de langage de monsieur C... le 16 novembre 2004, elle n'établit pas que les faits dénoncés soient des agissements au sens des dispositions de l'article L 122- 49 du Code du travail, constitutifs d'un harcèlement moral.
Madame X... sera déboutée de sa demande à ce titre ainsi que de sa demande de nullité du licenciement.
SUR LE LICENCIEMENT
EN DROIT
La lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige et l'employeur ne peut invoquer un autre motif que celui ou ceux qui sont notifiés dans la lettre de licenciement ; les motifs doivent avoir un caractère réel et sérieux, être précis, objectifs et vérifiables. A défaut d'énonciation de motifs ou en l'absence de motifs réels et sérieux, le licenciement est considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions de l'article L 122- 14- 3 du Code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L 122- 44 pose le principe qu'aucun agissement fautif, ne peut donner lieu, à lui seul, à des poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.
En cas de mise à pied conservatoire, c'est le jour du prononcé de celle- ci qui marque l'engagement des poursuites interruptif du délai de prescription de deux mois.
L'inobservation du délai d'engagement de poursuites prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
EN FAIT
Si les motifs de la lettre de licenciement ne sont pas datés, ils sont énoncés de manière précise ; il convient de vérifier que ces faits se sont produits dans les deux mois de la date de la mise à pied conservatoire du 22 novembre 2004, soit à compter du 22 septembre 2004.
- l'hostilité et l'attitude provocatrice à l'égard des collègues de travail, entraînant des altercations répétées, la stigmatisation des prétendues carences professionnelles de ceux- ci.
- l'attitude d'opposition à la hiérarchie et à la direction générale.
- la sollicitation de collègues pendant les heures de travail en vue de nourrir le litige prud'homal en cours.
- un comportement professionnel désinvolte consistant notamment, à laisser les parapheurs contenant des chèques à signer sur une étagère sans les transmettre à la signature, à refuser de répondre aux appels arrivant sur les postes de la comptabilité et à refuser ensuite de donner aux personnes de la gestion contraintes de prendre ces appels, les informations sur le règlement des dossiers concernés, à contraindre le personnel de la gestion à rechercher des informations manquantes sur les dossiers, à se livrer à des activités strictement personnelles pendant les heures de travail.
La société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL produit un certain nombre de courriels dont l'authenticité n'est pas contestée, établis au mois d'octobre ou au mois de novembre 2004.
Il est fait état d'altercations dans lesquelles madame X... est mêlée. Le jugement a justement rappelé que les parties se rejoignent sur le caractère tendu des relations de la demanderesse et des autres salariés de son service et que le seul débat a trait à l'imputabilité de ces tensions constantes.
Madame M... se plaint d'un incident qui s'est passé le 3 novembre 2004 au cours duquel madame X... lui a fait un reproche infondé : " excédée, car ce n'est pas la première fois qu'elle tente de mettre en doute mes compétences professionnelles, je lui ai répondu qu'ayant 17 ans d'expérience en comptabilité je connaissais parfaitement le traitement de ce document et qu'en aucun cas elle n'avait à contrôler mon travail. Plus tard dans l'après- midi, alors que je pensais que l'incident était clos, Ursula est revenue à la charge : elle m'a dit que j'étais hystérique, qu'il faut craindre pour ma santé mentale parce que je m'étais énervée, qu'elle ne me parlerait plus et que je le regretterais. Je vous précise, qu'en ce qui me concerne, à aucun moment je n'ai employé de termes injurieux... "
A ce sujet, monsieur A... note qu'après vérifications, cette altercation a bien eu lieu : " Christian est par ailleurs intervenu dans un premier temps lorsque le ton est monté, ce qui explique à mon sens le retour plus discret mais non moins menaçant d'Ursula à l'encontre de Sylvie. J'ai demandé à Sylvie de ne pas relever cette altercation... "
Le 18 novembre 2004, une nouvelle altercation a eu lieu sur le plateau de gestion avec monsieur B... : monsieur A... a envoyé des courriels tant à monsieur B... invitant ce dernier à se contrôler et en cas de problème à appeler la direction, qu'à madame X... pour l'inviter également à se mieux contrôler en concluant : " je vous rappelle que lors de l'entretien annuel fixant vos objectifs pour cette année, l'un d'entre eux et non des moindres, était de participer " positivement " à la vie du service. Je constate une fois de plus que vos efforts sont instantanés et ne font pas long feu. "
Madame X... a répondu le 19 novembre 2004 sur un ton peu amène pour critiquer tant le travail que le comportement de monsieur B..., en déniant qu'il y ait eu une altercation. Elle met en cause son collègue non seulement sur le plan professionnel mais sur le plan personnel en des termes désobligeants : " Il traite le plateau comme un lieu de loisirs et tous les jours on a le droit à ses interminables monologues concernant son trajet, les films qu'il a vus, son menu et même ses problèmes de digestion... "

Madame N... a, le 19 novembre 2004, écrit à madame L..., responsable des RH, pour l'informer de ce que madame X... a, pendant les heures de travail, demandé à plusieurs personnes des attestations ; elle ajoute : tu sais tout le travail que j'ai dû fournir pour pérenniser et stabiliser le plateau, par conséquent il est inacceptable en tant que responsable de plateau d'accepter ce genre d'attitude et de désinvolture qui peut mettre en péril l'équilibre de l'équipe et créer une situation conflictuelle ".
Un nouvel incident a éclaté le 27 novembre 2003 dont monsieur B... a fait état par un courriel, concluant : " la gestion et la comptabilité doivent travailler ensemble, il faut toujours que nous mettions de la bonne volonté et beaucoup de compréhension quand il s'agit d'aider Ursula (envoi de chèque), en contre partie chaque fois que nous lui demandons une information ça prend des proportions ridicules et tout ce qu'on lui demande elle le prend comme une atteinte à son travail ce qui n'est pas le cas.
Dans ces conditions et malgré beaucoup de concession le travail devient pesant au quotidien. "
Il résulte de la consultation de ces différents courriels que malgré l'engagement souscrit par madame X... pour que les relations avec ses collègues de la gestion soient meilleures, les incidents se sont multipliés, du fait de son comportement inadapté à la poursuite d'un travail en équipe.
Aucun élément du dossier ne permet de retenir que le véritable motif du licenciement serait le fait de la saisine initiale du conseil de prud'hommes, alors que les différents incidents qui ont émaillé les mois d'octobre et novembre 2004 ne sont pas contestés dans leur matérialité. La demande de nullité du licenciement fondée sur les dispositions de l'article L 123- 5 du Code du travail sera rejetée.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que ces faits justifient à eux seuls la rupture du contrat, l'employeur étant bien fondé à mettre un terme aux incidents multiples qui portent atteinte à la qualité du travail de chacun.
Il sera encore confirmé en ce qu'il a, débouté madame X... de sa demande de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit bien fondée la demande en paiement d'un rappel de salaire pour la durée de la mise à pied conservatoire, dès lors que l'employeur a fait le choix de prononcer un licenciement pour cause réelle et sérieuse, sans retenir la faute grave.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à payer à madame X... la somme de 750 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens d'instance.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties au titre de la procédure d'appel.
La société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- débouté madame X... de la demande d'annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied du 8 janvier 2003 et de paiement d'un rappel de salaires pour la période de mise à pied,
- déclaré le licenciement de madame X... fondé par une cause réelle et sérieuse et rejeté la demande de dommages- intérêts à ce titre,
- dit que la mise à pied conservatoire n'était pas justifiée et condamné la société TRUK ASSISTANCE INTERNATIONAL à payer de ce chef la somme de 416, 16 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 41, 61 euros au titre des congés payés afférents,
- condamné la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à payer la somme de 373, 45 euros au titre du rappel de salaires de juillet à décembre 2001 outre 37, 34 euros au titre des congés payés afférents,
- condamné la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à payer la somme de 750 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens d'instance.
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté madame Ursula X... de sa demande en paiement d'un solde de primes et condamne la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL à payer à madame Ursula X... la somme de mille sept cent quarante trois euros et trente sept centimes (1 743, 37 €) et la somme de cent soixante quatorze euros et trente quatre centimes (174, 34 €).
Y ajoutant,
Déboute madame Ursula X... de sa demande en reconnaissance de faits de harcèlement moral ainsi que de ses demandes de nullité du licenciement.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Condamne la société TRUCK ASSISTANCE INTERNATIONAL aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : 06/08339
Date de la décision : 13/02/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lyon, 14 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-02-13;06.08339 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award