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17/01/2008 | FRANCE | N°07/01287

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0268, 17 janvier 2008, 07/01287


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE

R.G : 07/01287

SA KEOLIS

C/X...

APPEL D'UNE DECISION DU :Conseil de Prud'hommes de LYONdu 15 Février 2007RG : F 05/04782

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 JANVIER 2008
APPELANTE :
SA KEOLIS9 rue Caumartin75320 PARIS CEDEX 09

représentée par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Jean-Bernard X......92190 MEUDON

représenté par Me Patrick VIDELAINE, avocat au barreau de PARIS

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Novembre 2007
>COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Louis GAYAT DE WECKER, PrésidentMonsieur Dominique DEFRASNE, Conseil...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE

R.G : 07/01287

SA KEOLIS

C/X...

APPEL D'UNE DECISION DU :Conseil de Prud'hommes de LYONdu 15 Février 2007RG : F 05/04782

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 JANVIER 2008
APPELANTE :
SA KEOLIS9 rue Caumartin75320 PARIS CEDEX 09

représentée par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Jean-Bernard X......92190 MEUDON

représenté par Me Patrick VIDELAINE, avocat au barreau de PARIS

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Novembre 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Louis GAYAT DE WECKER, PrésidentMonsieur Dominique DEFRASNE, ConseillerMme Françoise CLEMENT, Conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 Janvier 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Madame Anita RATION, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
M. X... Jean-Bernard a été embauché par la société VIA GTI devenue depuis société KEOLIS SA, filiale de la SNCF exploitant les réseaux de voyageurs (bus tramways, trains...) pour le compte d'autorités organisatrices constituées essentiellement de collectivités publiques, selon contrat à durée indéterminée du 12 avril 1999, avec effet au 1er mai suivant, en qualité de directeur détaché auprès de la filiale STNC (transports en commun nîmois), son contrat de travail comportant une clause de mobilité.
Il a été ensuite nommé à compter du 1er janvier 2002, directeur d'exploitation de la société SLTC LYON, autre filiale du groupe KEOLIS, des discussions intervenant dès la fin de l'année 2004 entre les parties quant à une nouvelle nomination de l'intéressé en tant que directeur du projet Toulouse à compter du 1er janvier 2005.
Par courrier du 29 mars 2005 confirmé selon courrier du 30 mars suivant adressé au directeur des ressources humaines de la société, M. X... a pris acte de la rupture des relations contractuelles aux torts de son employeur et il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon en novembre 2005 de diverses demandes tendant notamment à la requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 15 février 2007, le Conseil de Prud'hommes de Lyon a analysé la rupture des relations contractuelles en un licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et alloué à M. X... Jean-Bernard les sommes suivantes :
- 1.894, 75 € au titre du solde d'un 13ème mois,
- 10.843, 55 € à titre de compensation des journées de RTT non prises,
- 5.873, 10 € à titre de compensation des congés payés de la période en cours,
- 7.568, 66 € à titre de compensation des congés payés de la période à venir,
- 64.478, 41 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 46.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.000, 00 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Appelante selon déclaration du 22 février 2007, la société KEOLIS SA conclut à la confirmation de la décision des premiers juges en ce qu'elle a débouté M. X... Jean-Bernard de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et dit qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner de remboursement aux ASSEDIC ; elle demande sa réformation pour le surplus, sollicitant à titre reconventionnel le remboursement des sommes versées en application de l'exécution provisoire attachée à la décision du Conseil de Prud'hommes de Lyon, et la condamnation de M. X... Jean-Bernard à lui payer les sommes de :
- 31.907, 85 € nets au titre du préavis non effectué soit un solde de 7.997, 76 € après déduction des sommes dues au salarié,
- 30.000, 00 € à titre de dommages-intérêts pour brusque rupture,
- 2.000, 00 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société KEOLIS SA soutient que les deux motifs invoqués par M. X... Jean-Bernard dans sa lettre de rupture, non respect des engagements de la société et modification imposée à son contrat de travail, ne lui permettaient pas de prendre acte de la rupture des relations contractuelles aux torts de son employeur dans la mesure où :

- aucun engagement de lui proposer un poste début mars suite à son refus d'accepter le poste de directeur d'une société filiale à Angers ne fut pris par la direction qui au contraire l'avait averti par lettre du 10 janvier 2005, qu'en cas de nouveau refus de sa part, elle serait alors contrainte de procéder à son licenciement,
- conformément à la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail liant les parties, la société pouvait tout à fait proposer à l'intimé une affectation à Angers qui ne constituait nullement la rétrogradation qu'il invoque dans la mesure où il s'agissait d'une structure plus importante que celle de Nîmes et où son poste ne consistait pas en un simple directeur d'exploitation comme à Lyon mais directeur de la filiale,
- c'est en réalité pour des motifs d'ordre familial et personnel liés à la situation géographique de la ville d'Angers que le salarié a refusé cette mutation, son employeur ayant d'ailleurs renoncé à ce projet dès son courrier du 10 janvier 2005, soit bien avant la prise d'acte de la rupture, le souhait de M. X... qui avait déjà à cette époque le projet d'entrer au service d'un autre employeur, étant de se faire licencier,
- M. X... Jean-Bernard n'a jamais été mis à l'écart de l'équipe de direction de la filiale lyonnaise dès le début du mois de janvier 2005 comme il le soutient, l'arrivée de son remplaçant justifiant qu'il lui cède son bureau puisqu'il était déjà alors nommé lui-même à la tête du projet toulousain, ses communications par messagerie électronique démontrant qu'il n'avait pas non plus été privé de l'utilisation de cette dernière.
La société KEOLIS SA ajoute que le préjudice allégué par le salarié n'est pas démontré au delà du minimum légal ; que son préavis dont il a refusé l'exécution ne peut lui être payé, son engagement immédiat auprès d'un nouvel employeur interdisant en tout état de cause ce paiement ; que les sommes supplémentaires qu'il réclame au titre des congés payés, jours de RTT non pris et solde de 13 ème mois ont déjà été prises en compte dans le cadre du solde de tout compte qui laisse apparaître un solde débiteur à son encontre.
S'agissant de ses demandes reconventionnelles, la société KEOLIS SA soutient que dans la mesure où M. X... Jean-Bernard a refusé d'exécuter son préavis de 3 mois, il est redevable des salaires qu'il aurait perçus pendant cette période ; qu'ayant commis un abandon de poste caractérisant un abus de rupture, annonçant injustement dès le début du mois d'avril 2005 à ses correspondants téléphoniques qu'il avait été licencié, il a nécessairement, par sa légèreté blâmable, porté atteinte à l'image et à la crédibilité de la société alors même que celle-ci se trouvait dans une phase terminale délicate d'un appel d'offres sur la ville de Toulouse.
M. X... Jean-Bernard conclut à son tour à la confirmation de la décision du Conseil de Prud'hommes en ce qu'elle a analysé la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société KEOLIS SA à lui payer une indemnité au titre de ses jours de RTT non pris, une indemnité compensatrice de congés payés sur périodes en cours et à venir et une indemnité conventionnelle de licenciement ; il sollicite la réformation du jugement pour le surplus et demande la condamnation de la société KEOLIS SA à lui payer les sommes de :
- 100.000, 00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement 55.006, 00 €,
- 32.693, 28 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents,
- 2.000, 00 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
outre des condamnations susvisées intérêts légaux à compter de la convocation de la société KEOLIS SA devant le bureau de conciliation, ou à compter du jour du jugement de première instance quant aux dommages-intérêts, intérêts dont la capitalisation sera ordonnée en application de l'article 1154 du code civil, M. X... Jean-Bernard demandant enfin la délivrance sous astreinte, d'un bulletin de paie et des documents de rupture conformes à la décision à intervenir.
La salarié soutient avoir toujours indiqué qu'il ne pouvait accepter la mission de préparation de l'appel d'offres de Toulouse que s'il avait l'assurance en cas d'échec de ce projet, de pouvoir bénéficier d'un poste dans le groupe conforme à sa qualification et à son expérience ; que son employeur ayant alors reconnu que le poste d'Angers ne remplissait pas cette condition, il s'est engagé pour obtenir sa collaboration sur le dossier de Toulouse, à lui proposer une nouvelle affectation dès le début du mois de mars 2005 ; qu'aucune proposition ne lui fut faite alors même que la direction a cru bon modifier unilatéralement son contrat de travail en lui imposant une nouvelle affectation qui constituait une rétrogradation par rapport à ses précédentes fonctions de directeur d'exploitation de Lyon et qui excédait une simple mobilité géographique.
M. X... Jean-Bernard expose à ce titre qu'aucune mobilité géographique ne pouvait lui être imposée puisque la clause de mobilité de son contrat de travail n'était pas valable dans la double mesure où d'une part elle ne prévoyait aucune limite géographique et où d'autre part, la mobilité instituée par l'accord d'entreprise intitulé "charte des cadres" de 2002 ne pouvait recevoir aucun effet, faute de toute limitation géographique et faute d'avoir été portée à sa connaissance ni lors de son embauche ni lors d'un avenant de 2002.
Il ajoute qu'en sa qualité de directeur d'exploitation au sein de la filiale lyonnaise, il avait un niveau de responsabilité élevé puisqu'il dirigeait une exploitation de 3.500 salariés et s'occupait de la gestion de 1.000 bus ainsi que de la technologie du tramway, du métro, du métro automatique et du funiculaire de la ville de Lyon ; que le réseau d'Angers ne comprenait que 500 salariés et 172 bus et ne constituait nullement l'exécution de l'engagement de la société de lui proposer un poste équivalent en cas d'échec de l'appel d'offres de Toulouse ; il affirme avoir dès le début 2005, été mis à l'écart de l'équipe de direction de Lyon (suppression de son badge, de sa subdélégation de pouvoir, de sa boîte aux lettres électronique rétablie seulement sur sa demande, de son nom sur les portes du bureau et des panneaux d'information, déménagement dans un bureau destiné aux stagiaires et modification de sa fonction sur ses bulletins de paie laissant désormais apparaître "chef de projet" puis "directeur de projet", absence de toute convocation aux réunions), les attestations qu'il produit confirmant cette situation ; que l'ensemble de ces éléments l'ont conduit à prendre l'initiative de la rupture des relations contractuelles aux torts de son employeur.

Il soutient que le fait qu'il ait retrouvé immédiatement un autre emploi ne peut le priver de l'indemnité compensatrice de préavis de trois mois qui lui était due, la demande d'indemnité formulée en la matière par la société KEOLIS SA ne pouvant qu'être rejetée alors même qu'elle avait déjà imaginé procéder à son licenciement dès le mois de janvier 2005.

MOTIFS ET DECISION

L'appel interjeté dans le délai imparti par les articles 538 du nouveau code de procédure civile et R 517-7 du code du travail doit être déclaré recevable rendant de ce fait régulier l'appel incident qui s'y est greffé.

Il ressort des explications concordantes des parties que fin 2004, le SYTRAL, syndicat regroupant les communes de l'agglomération lyonnaise décisionnaire quant au choix de l'entreprise chargée des transports publics, a annoncé qu'une des conditions de la poursuite de l'exploitation du réseau de transports en commun de la ville de LYON par la SA KEOLIS, consistait dans un changement de l'équipe de direction comportant une trentaine de salariés.

C'est ainsi que la SA KEOLIS a informé M. X... Jean-Bernard lors d'un entretien du 25 novembre 2004, confirmé par courrier du 2 décembre suivant, de son souhait de ne plus le compter parmi les collaborateurs de sa filiale lyonnaise et de le nommer Directeur du projet Toulouse, lui précisant d'ores et déjà qu'en cas de succès de la société à l'appel d'offre, il serait nommé à la direction générale de la filiale toulousaine et qu'en cas d'échec, il serait nommé à la direction du réseau d'Angers.
Par courrier du 30 décembre 2004, considérant comme nulles les chances de voir aboutir le projet KEOLIS sur Toulouse compte tenu du souhait des élus de préférer une gestion en régie, M. X... Jean-Bernard refusa toute nomination au poste de directeur de la filiale d'Angers qu'il considérait alors comme une régression dans son parcours professionnel.
Par courrier du 10 janvier 2005, M. Y..., Directeur Général France, confirma à M. X... Jean-Bernard de ce que compte tenu de sa réponse négative à la proposition d'assurer la direction du réseau d'Angers en cas d'échec à l'appel d'offre de Toulouse, il lui ferait une nouvelle proposition d'affectation début mars, lui indiquant d'ores et déjà qu'en cas de refus de cette nouvelle offre, il serait amené à procéder à son licenciement pour cause réelle et sérieuse avec effet au 31 mars 2005.
Aucune proposition ne fut pourtant faite en ce sens à M. X... Jean-Bernard malgré ses relances par mails des 3, 14 et 25 février 2005 ; par courrier du 3 mars suivant, motif pris de cette absence de proposition, il refusa son affectation au poste de directeur du projet Toulouse, considérant qu'il constituait une modification de son contrat de travail.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mars 2005, la SA KEOLIS indiqua à M. X... Jean-Bernard qu'elle attendait l'issue de l'appel à candidature lancé sur la ville de Toulouse pour lui présenter sa proposition et par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 mars suivant, M. X... Jean-Bernard a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Il sera rappelé que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission, l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat ne fixant pas les limites du litige.
L'enchaînement des courriers susvisés échangés entre les parties depuis la fin de l'année 2004, démontre sans ambiguïté que dans le cadre des négociations permettant aux membres de l'équipe de direction de la filiale lyonnaise de la SA KEOLIS de poursuivre leur collaboration dans l'entreprise au sein d'autres filiales, la SA KEOLIS, acceptant le refus émis par M. X... Jean-Bernard de diriger la filiale angevine en cas d'échec au projet toulousain, s'engagea à lui proposer une autre affectation dès le début du mois de mars 2005.
Cet engagement de nouvelle proposition d'affectation n'était nullement conditionné à la connaissance préalable du résultat de l'appel d'offre sur la ville de Toulouse dont la chronologie du planning décrite par l'attestant Z... Jean-Michel, Directeur Général, démontre que la direction de la SA KEOLIS n'attendait pas une réponse avant la fin de l'été 2005 ; elle conditionnait toutefois l'acceptation de M. X... Jean-Bernard dans sa nouvelle fonction intermédiaire de directeur du projet toulousain, laquelle s'avérait différente des fonctions attribuées antérieurement au salarié qui avait été engagé comme directeur puis directeur d'exploitation d'une filiale et non comme directeur de projet dans le cadre d'un appel d'offre ; cette nouvelle fonction constituait donc par là-même une modification de son contrat de travail allant au delà de la simple mobilité géographique exigée de l'employeur (peu important alors la validité ou non de la clause de mobilité contractuelle ou conventionnelle) et ayant d'ailleurs normalement donné lieu en la matière, à une proposition d'avenant qui ne fut jamais régularisée par l'intéressé.
M. X... Jean-Bernard a indiqué en effet qu'il ne pouvait accepter une telle modification de son contrat de travail que sous réserve que cette modification soit accompagnée d'une proposition ferme et précise d'un poste équivalent à celui dont il disposait au sein de la filiale lyonnaise, le poste d'Angers ayant rapidement été abandonné par la SA KEOLIS.
L'engagement de principe pris par la SA KEOLIS dans son courrier du 10 janvier 2005 émanant de son directeur général n'a jamais été respecté puisqu'il n'a jamais été proposé à M. X... Jean-Bernard un quelconque poste équivalent à ses anciennes fonctions dans l'entreprise en cas d'échec de l'appel d'offres toulousain ; le contrat de travail du salarié a donc été soumis sans son consentement soumis à la condition de l'existence d'une telle proposition, alors même qu'il fut dès janvier 2005, mis à l'écart de l'équipe de direction de la filiale lyonnaise au sein de laquelle il devait néanmoins exercer ses nouvelles attributions, relégué dans un bureau réservé d'ordinaire aux stagiaires et démuni de badge d'entrée, son nom n'apparaissant plus sur aucun panneau directionnel ou d'information.
Le refus non fautif de M. X... Jean-Bernard à la modification de son contrat de travail constitue un motif grave de rupture aux torts de son employeur ; la décision du salarié de prendre acte de la rupture des relations contractuelles produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit au paiement au bénéfice du salarié des indemnités de rupture suivantes :
- indemnité conventionnelle de licenciement :
Selon l'article 16 de la charte des cadres applicable au sein de la SA KEOLIS, au delà de 5 années d'ancienneté, la société verse au salarié licencié une indemnité de licenciement d'un mois de salaire par année d'ancienneté dans l'entreprise, sans dépasser 24 mois ; l'assiette servant de base de calcul à cette indemnité est constituée par le douzième des salaires et primes d'objectifs perçues au cours des 12 derniers précédant la notification de la décision.
En l'espèce l'indemnité de licenciement revenant à M. X... Jean-Bernard s'élève donc à la somme non discutée dans son quantum, ne serait-ce d'ailleurs qu'à titre subsidiaire, de 64.478,41 €.

- indemnité compensatrice de préavis :

Selon l'article 15 de la convention collective applicable dans l'entreprise M. X... Jean-Bernard a droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de trois mois de salaire.
Le contrat de travail de M. X... Jean-Bernard ayant été rompu aux torts de l'employeur, la prise d'acte de la rupture doit produire tous les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et donc donner droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis dans la limite des droits du salarié ; le fait que ce dernier ait retrouvé un emploi dès le mois d'avril 2005 n'est pas à prendre en considération dans le principe même d'allocation de ladite indemnité.
Il convient donc de réformer le jugement de ce chef et de condamner la SA KEOLIS à payer à M. X... Jean-Bernard une indemnité compensatrice de préavis de 32.693, 28 € outre 3.269,32 € au titre des congés payés afférents, calculée sur la base d'un salaire mensuel de 10.897,76 € incluant le douzième des salaires et primes d'objectif perçus au cours des 12 derniers mois, représentant le salaire qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé.
- indemnité compensatrice de congés payés :
La SA KEOLIS a retenu à tort sur le solde de tout compte remis au salarié la somme de 13.441,76 € correspondant aux congés payés sur la période antérieure à la rupture (5.873,10 €) et aux congés payés sur la période postérieure à celle-ci (7.568,66 €).
Il convient de condamner la SA KEOLIS à payer ladite somme à M. X... Jean-Bernard.

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. X... Jean-Bernard qui a retrouvé un emploi rémunéré à hauteur de 6.000, 00 € par mois dès le mois d'avril 2005 doit être indemnisé à hauteur de la juste somme de 65.000, 00 € en application des dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail.

- indemnité RTT :

La SA KEOLIS a retenu indûment sur le solde de tout compte de M. X... Jean-Bernard la somme de 10.843, 55 € à titre de solde d'indemnité RTT ; il convient de la condamner au paiement de ladite somme au profit de M. X... Jean-Bernard.
- sur le solde de l'indemnité de 13ème mois :
La SA KEOLIS a retenu indûment sur le solde de tout compte de M. X... Jean-Bernard la somme de 1.894, 75 € à titre de solde de prime de 13ème mois ; il convient de la condamner au paiement de ladite somme au profit de M. X... Jean-Bernard.

M. X... Jean-Bernard est bien fondé à demander que les sommes allouées par la Cour soient assorties des intérêts au taux légal, à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes pour les sommes concernant les indemnités RTT, congés payés, préavis ou indemnité conventionnelle de licenciement et à compter du jugement de première instance en ce qui concerne les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts doit être ordonnée.

Un bulletin de paie et des documents de rupture conformes devront par ailleurs être délivrés au salarié, sous astreinte de 100, 00 € par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours après la notification du présent arrêt, sans qu'aucun élément du dossier ne justifie que la Cour se réserve en l'état la liquidation de cette astreinte,
Il ne saurait y avoir brusque rupture de la part du salarié lorsque la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la demande en paiement d'une indemnité de brusque rupture par la SA KEOLIS ne peut donc qu'être rejetée comme la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de démission.

Contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, dans la mesure où la prise d'acte de la rupture par le salarié produit en l'espèce les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse donnant lieu à application des dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail compte tenu de l'ancienneté de l'intéressé, il convient de faire application des dispositions du deuxième alinéa dudit article prévoyant le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limité de 6 mois d'indemnités.
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à M. X... Jean-Bernard d'une indemnité de 2.000, 00 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée par le premier juge, la demande formulée à ce titre par la SA KEOLIS qui succombe ne pouvant qu'être rejetée.
PAR CES MOTIFS

LA COUR

- Déclare l'appel recevable,

- Confirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Lyon le 15 février 2007 en ce qu'il a dit et jugé que la prise d'acte de la rupture par M. X... Jean-Bernard produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la SA KEOLIS à payer au salarié les sommes de 1.894, 75 € à titre de solde d'indemnité de 13 ème mois, 10.843, 55 € à titre d'indemnité RTT, 13.441, 76 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 64.478, 41 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 1.000, 00 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et débouté la SA KEOLIS de ses demandes en dommages-intérêts pour brusque rupture et paiement d'une indemnité compensatrice de préavis,

- Réformant pour le surplus,
- Condamne la SA KEOLIS à payer à M. X... Jean-Bernard les sommes de :
- 32.693,28 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3.269,32 € au titre des congés payés afférents,
- 65.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Ordonne le remboursement par la SA KEOLIS aux organismes concernés, des allocations chômage versées à M. X... Jean-Bernard du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,

- Y ajoutant,

- Condamne la SA KEOLIS à payer à M. X... Jean-Bernard une indemnité de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée par les premiers juges,
- Dit que les sommes allouées à M. X... Jean-Bernard porteront intérêts au taux légal, à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes pour les sommes concernant les indemnités RTT, congés payés, préavis ou indemnité conventionnelle de licenciement et à compter du jugement de première instance en ce qui concerne les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonne en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts,
- Ordonne la délivrance par la SA KEOLIS à M. X... Jean-Bernard d'un bulletin de paie et de documents de rupture conformes, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours après la notification du présent arrêt,
- Condamne la SA KEOLIS aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0268
Numéro d'arrêt : 07/01287
Date de la décision : 17/01/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lyon, 15 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-01-17;07.01287 ?
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