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13/11/2007 | FRANCE | N°06/04946

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0193, 13 novembre 2007, 06/04946


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE
R.G : 06 / 04946

X...

C / Sa POLYCLINIQUE PASTEUR

APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 28 Juin 2006 RG : 04 / 03031

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2007
APPELANT :
Monsieur Francisco X...... 69800 SAINT PRIEST

représenté par Me Alain DUFLOT, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 023665 du 01 / 03 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMEE :

SA PO

LYCLINIQUE PASTEUR 15, rue de la Cordière 69800 ST PRIEST

représentée par Me BOUSQUET, avocat au barreau de LYON
PART...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE
R.G : 06 / 04946

X...

C / Sa POLYCLINIQUE PASTEUR

APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 28 Juin 2006 RG : 04 / 03031

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2007
APPELANT :
Monsieur Francisco X...... 69800 SAINT PRIEST

représenté par Me Alain DUFLOT, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 023665 du 01 / 03 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMEE :

SA POLYCLINIQUE PASTEUR 15, rue de la Cordière 69800 ST PRIEST

représentée par Me BOUSQUET, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUEES LE : 22 Septembre 2006
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Octobre 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Didier JOLY, Président Madame Marie-Pierre GUIGUE, Conseiller Madame Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Monsieur Julien MIGNOT, Greffier.

ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Novembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Mademoiselle Eléonore BRUEL, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Monsieur Francisco X... a été engagé par la société POLYCLINIQUE PASTEUR à SAINT PRIEST, en qualité de brancardier, à compter du 4 novembre 1991.
Par un courrier du 18 décembre 2002, l'employeur a notifié au salarié un premier avertissement, fondé sur le refus de monsieur X... de répondre à la demande des infirmières d'aller chercher la commande de pharmacie nécessaire pour poursuivre le programme opératoire.
Par un courrier en date du 12 novembre 2003, la société POLYCLINIQUE PASTEUR a notifié à monsieur X... un avertissement motivé par le non respect des horaires.
Monsieur X... a été convoqué à un entretien préalable à une sanction à la suite d'une altercation survenue le 5 février 2004 au cours de laquelle il aurait insulté et menacé mademoiselle Estelle Z....L'entretien s'est tenu le 12 février 2004 et la société a pris une décision de mise à pied disciplinaire de deux jours, qui, monsieur X... n'ayant pas pris le courrier lui notifiant les dates de mise à exécution, ont été reporté aux 12 et 13 mai 2004.
Par un courrier en date du 17 mai 2004, la société POLYCLINIQUE PASTEUR a convoqué monsieur X... à un entretien préalable à une mesure de licenciement, faisant état de nouvelles altercations ; celle-ci, par un courrier en date du 10 juin 2004, a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, pour les motifs suivants :
" Vous adoptez régulièrement sur votre poste de travail une attitude agressive, voire violente, tant envers les autres membres du personnel qu'à l'égard des patients de notre établissement.
Cette situation nous a déjà conduits à vous notifier différentes sanctions dont, au dernier état une mise à pied de deux jours, suivant courrier recommandé du 30 mars 2004, en raison des injures et menaces que vous avez proférées à l'égard d'un membre de notre personnel.
En dépit de ces différentes sanctions, vous persistez dans votre comportement inadmissible.
Ainsi le 26 mai dernier vous avez violemment pris à partie le docteur Bernard A... dans l'enceinte d'un bloc opératoire de la clinique, le 22 avril vous avez porté des accusations contre votre collègue monsieur JF C... et le 4 mai vous avez traité monsieur JF C... de " sale nègre " et chaque fois en présence de témoins.
Un tel comportement qui persiste est inadmissible et de nature à compromettre définitivement la poursuite de notre collaboration. "
Monsieur X... a contesté cette mesure par un courrier du 15 juin 2004 et la société POLYCLINIQUE PASTEUR lui a confirmé que les faits invoqués étaient bien réels et d'une particulière gravité, par un courrier du 20 juillet 2004.
Monsieur X... a saisi le Conseil de prud'hommes de LYON le 26 juillet 2004, en paiement des sommes suivantes :-4 059,00 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-2 706,00 euros à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,-270,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,-18 942,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 500,00 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par un jugement de départage, en date du 28 juin 2006, rendu sur le dernier état des demandes, le Conseil de prud'hommes a débouté monsieur X... de celles-ci.
Ce jugement a été notifié à monsieur X... le 29 juin 2006. Celui-ci a déclaré faire appel le 18 juillet 2006.
Vu les conclusions de monsieur X... soutenues oralement à l'audience tendant à la réformation du jugement, au constat de l'existence à son encontre de faits de harcèlement moral, à la nullité du jugement et à sa réintégration sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
à défaut, à la condamnation de la société POLYCLINIQUE PASTEUR à lui payer la somme de 32 472 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait des agissements répétés ayant conduit à son licenciement ;
subsidiairement, au constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et à la condamnation de la société POLYCLINIQUE PASTEUR à lui payer les sommes suivantes :
-32 472,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-4 059,00 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-2 706,00 euros à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,-270,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,-1 500,00 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Il expose que depuis le changement de direction de 2001, il a connu des difficultés avec certains membres du personnel de direction ainsi qu'avec l'un de ses collègues de travail, monsieur C..., également brancardier dont il a dû subir des moqueries, des insultes homophobes dégradantes et totalement déplacées sans que la direction n'intervienne. Il précise que le 4 mai 2004, il a été agressé par monsieur C... et qu'il a été amené à traiter ce dernier de " sale nègre ". Il reproche à la direction de l'avoir licencié sans procéder à une enquête.
Vu les conclusions de la société POLYCLINIQUE PASTEUR, soutenues oralement à l'audience, tendant à la confirmation du jugement et la condamnation de monsieur X... à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir l'absence de preuve de faits de harcèlement ou de discrimination, et la réalité non contestée de l'injure à caractère raciste reprochée.

DISCUSSION

SUR LES FAITS DU 4 MAI 2004
Un patient était en attente devant la salle No 3 qui était occupée par un patient, intubé.
Monsieur C... a remarqué que ce patient, déjà angoissé, a vu le patient intubé et a demandé à monsieur X... si c'était lui qui avait laissé ce patient devant la salle.
Monsieur X... a répondu que personne n'avait à lui faire de remontrance sur son travail.
Monsieur C... a fait remarquer que le dialogue avec lui était impossible.
Le ton est monté et monsieur X... a dit à monsieur C... " sale négro, sale noir, sale nègre ".
Monsieur Yannick D... a essayé de le raisonner.
Monsieur C... lui a demandé s'il était bien conscient de ses propos déplacés. Il a répondu par l'affirmative.
Madame P de F..., responsable du bloc a vu monsieur X... surgir dans son bureau en traitant monsieur C... de " négro, sale nègre ".
Celle-ci a convoqué les deux collègues : la confrontation a été violente et monsieur X... a maintenu ses propos racistes.
Il est établi par le témoignage de monsieur D... et de madame de F... que monsieur X... a proféré ses propos racistes, à plusieurs reprises, en public, alors que monsieur C... n'avait pas proféré d'insultes particulières.
Si monsieur D... a témoigné par ailleurs que monsieur C... aurait commencé le premier à insulter monsieur X... en lui disant d'aller se faire foutre, il ne replace pas ce terme dans le contexte de l'incident.A supposer que monsieur C... ait prononcé ses mots, qui sont d'une grande banalité, il ne sauraient en aucun cas excuser des propos racistes, réitérés.
Ces faits ne peuvent qu'être qualifiés de graves.
SUR LES FAITS DE HARCELEMENT MORAL INVOQUES PAR MONSIEUR X...
Madame G..., qui est déléguée du personnel et déléguée CHSCT, évoque la détérioriation du climat au bloc opératoire : cependant, elle ne signale aucun fait précis avant l'incident du 4 mai 2004 dont elle rapporte une version inexacte puisqu'elle rapporte les seuls propos de monsieur X... selon laquelle il aurait été insulté par des propos homophobes auxquels il aurait répondu par des propos raciaux, alors qu'il n'est absolument pas établi que ce jour là, un quelconque propos homophobe ait été proféré.
Madame H...I... n'a pas assisté à l'incident du 4 mai 2004, mais répète également la version présentée par monsieur X.... Elle rapporte le fait que des propos homophobes auraient été tenus sans en avoir été le témoin. Le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 17 juin 2004 relate que madame H...I... a dit que monsieur X... a été victime de propos homophobes, mais lors de cette réunion, personne n'a été contredit lorsqu'il a été dit par monsieur J... que pour le moment personne n'avait été témoin desdits propos. Madame H...I... n'est, de fait, ni témoin direct, ni même un témoin indirect.
Madame K... affirme que monsieur C... a insulté et provoqué monsieur X... à plusieurs reprises, sans préciser ni la date ni le contexte de faits qu'elle dénonce.
Mademoiselle L... et monsieur M... ont quitté l'établissement fin décembre 2003 et témoignent qu'ils ont entendu des propos homophobes qui sont tout à fait inacceptables, propos nécessairement antérieurs de plus de quatre mois aux faits du 4 mai 2004, dont aucun des témoins ne précise les circonstances dans lesquels ils auraient été proférés.
Par ailleurs, il est établi que monsieur X... ne s'est jamais manifesté auprès de l'employeur ou des représentants du personnel, ou même du médecin du travail, pour se plaindre de faits de harcèlement moral.
En revanche, il est démontré que monsieur X... a fait l'objet de plusieurs avertissements qu'il n'a jamais contesté.
Il avait fait l'objet le 24 février 2004 d'une mesure de mise à pied disciplinaire de deux jours pour avoir insulté mademoiselle ESTELLE Z... le 5 février 2004. Celle-ci a exposé comment sur une remarque concernant la préparation d'un dossier, monsieur X... s'est énervé contre les membres du personnel présents : " a traité Virginie de râleuse, d'hystérique et qu'elle ne servait à rien, Ensuite, il a dit à Catherine qu'elle n'était qu'une infirmière de bas étage mais qui lui il était brancardier de haut niveau. Moi, je n'étais qu'une aide soignante et que je me prenais pour ce que je n'étais pas " et plus tard " il m'a dit que j'étais une mauvaise aide soignante, il m'a insulté de salope et de pétasse et m'a menacée que cette histoire n'en resterait pas là. Je trouve inadmissible de se faire insulter au travail... le témoignage de madame O..., tronque une partie de la scène : madame Z... s'est expliquée sur les raisons pour lesquelles elle a demandé à monsieur X... de se calmer.
Il est ainsi établi que seules deux personnes ayant quitté la clinique en décembre 2003 ont entendu des propos homophobes, sans que les circonstances de fait soient connues, ce qui est insuffisant à démontrer l'existence d'agissements de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L 122-49 du Code du travail.
Monsieur X... doit en conséquence être débouté de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement moral et en nullité du licenciement. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
SUR LE LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE
EN DROIT
Il résulte des dispositions combinées des articles L 122-6, L 122-14-2 (alinéa1) et L 122-14-3 du Code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.
Les propos racistes proférés, le 4 mai 2004 constituent une faute d'une particulière gravité ; ils ont été réitérés malgré les observations qui ont été faites à monsieur X.... monsieur X... aurait pu s'en excuser très rapidement : il a persisté.
Le fait que par ailleurs, monsieur X... ait eu des qualités professionnelles reconnues, notamment par les patients, ne peut effacer le comportement inacceptable du 4 mai 2004, alors précisément que n'ayant pas retiré la lettre de notification de la mise à pied de 2 jours, la société POLYCLINIQUE PASTEUR lui avait écrit le 30 avril 2004 pour lui fixer les dates des 12 et 13 mai 2004 pour l'exécution de cette sanction disciplinaire.
La situation ainsi créée par monsieur X... justifie la décision de licenciement sans possibilité de maintien du salarié au sein de la clinique même pendant la durée du préavis.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté monsieur X... de sa demande tendant à voir dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse : le licenciement est justifié, pour faute grave.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS
Les situations respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C.
Le jugement sera confirmé sur les dépens ; les dépens d'appel seront supportés par monsieur X..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle devant la Cour d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Dit n'avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Condamne monsieur Francisco X... aux dépens avec application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0193
Numéro d'arrêt : 06/04946
Date de la décision : 13/11/2007

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Licenciement disciplinaire - Faute du salarié - Faute grave - /JDF

Selon les articles L 122-6, L 122-14-2 alinéa 1 et L 122-14-3 du Code du travail, devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre et d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis. En l'espèce, les propos racistes proférés par le salarié constituent une faute d'une particulière gravité, d'autant plus qu'il les a réitérés malgré les observations qui lui ont été faites. Le fait que le salarié ait eu des qualités professionnelles reconnues (notamment par les patients) ne peut effacer son comportement inacceptable. Ainsi, la situation créée par le salarié justifie la décision de licenciement sans possibilité de son maintien au sein de la clinique qui l'emploie, même pendant la durée du préavis.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lyon, 28 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2007-11-13;06.04946 ?
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