R.G : 06 / 07451
décision du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE Au fond du 07 septembre 2006
RG No2004 / 478
X...-Y...
C /
S.A. JB FRANCE SA
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 06 Novembre 2007
APPELANTE :
Madame X...-Y... Gisela...... SAARBRUCKEN (ALLEMAGNE)
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA avoués à la Cour
assistée de Me DURQUET-TUREK, avocat au barreau de Forbach
INTIMÉE :
S.A. JB FRANCE SA 9, Route de St Antoine 69380 CHAZAY D'AZERGUES
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Maître SCHRIMPF, avocat au barreau de Paris
L'instruction a été clôturée le 27 Juillet 2007
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 02 Octobre 2007
L'affaire a été mise en délibéré au 06 Novembre 2007
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :
Président : Monsieur BAIZET Conseiller : Monsieur ROUX Conseiller : Madame MORIN Greffier : Madame WICKER pendant les débats uniquement
A l'audience Monsieur BAIZET a fait son rapport conformément à l'article 785 du NCPC.
ARRÊT : contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile ;
signé en l'absence du président par Monsieur ROUX, conseiller et par Madame WICKER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DE L'AFFAIRE
La société JB France a assigné Mme X...devant le Tribunal de Grande Instance de Villefranche sur Saône afin de l'entendre condamner à lui payer des commissions et des indemnités en exposant qu'elle intervenait en qualité de sous agent de Mme X..., agent commercial, pour la recherche en France d'acheteurs pour des producteurs de fromages, en particulier la société Kaseraï Bayreuth, et qu'elle a mis cette société en relations avec la société Comtoise de Spécialités Fromagères (ci-après SCSF), qu'elle était régulièrement rémunérée jusqu'au mois de février 2003, date à laquelle la société SCSF n'a plus passé de commande. Elle précisait qu'elle avait alors appris que Mme X...recueillait directement les commandes.
Mme X...a soulevé à titre principal l'exception d'incompétence territoriale au profit de la juridiction allemande, et a soutenu que les relations entre les parties se sont inscrites dans le cadre d'un contrat de courtage, soumis au droit allemand.
Par jugement du 7 septembre 2006, le tribunal a retenu l'existence d'un contrat d'agent commercial, s'est déclaré territorialement compétent, et a déclaré la loi française applicable, déclaré Mme X...entièrement responsable de la rupture des relations, condamné Mme X...à payer à la société JB France les sommes de 20. 529,54 euros au titre de rappels sur commissions, de 39. 270 euros au titre de l'indemnité de rupture, de 4. 909,11 euros au titre de l'indemnité de préavis, de 13. 088,69 euros au titre de l'indemnité fiscale, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2004, avec capitalisation de ceux-ci, ainsi que la somme de 4. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Mme X...-Y..., appelante, conclut à l'incompétence territoriale de la juridiction française et au renvoi des parties à se pourvoir devant les juridictions allemandes.
A titre subsidiaire, elle sollicite le débouté de la société JB France de ses demandes, aux motifs que le contrat est un contrat de courtage, soumis au droit allemand, et que la rupture des relations commerciales est imputable à la société JB France. Elle se prévaut également de la forclusion de la demande, conteste les calculs de la société JB France, et sollicite le rejet de la demande de préavis et de la réclamation relative à l'incidence fiscale, ainsi que la réduction des autres demandes. Elle soutient qu'elle est courtier, et que la société JB France n'a pu travailler dans leurs relations qu'en cette qualité. Elle souligne que ni cette société, ni elle-même n'a conclu les contrats au nom des sociétés Bayreuth et la Comtoise qui ont correspondu directement pour établir les conditions de leur coopération. Elle considère que la compétence rationae loci du tribunal du domicile de l'agent commercial n'est pas applicable, qu'en application de l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 22 décembre 2000, est compétent le tribunal du lieu où doit être exécutée la prestation qui sert de base à la demande, et que la société JB France lui demandant le règlement de commissions et celles-ci étant quérables, le tribunal de Sarrebruck est compétent. Elle fait valoir par ailleurs que si l'on considère que la prestation qui sert de base à la demande est l'ensemble des relations ayant existé entre elles, ces relations entre deux courtiers indépendants n'ayant pas de lieu exact d'exécution, est compétent le tribunal du lieu du défendeur en application de l'article 2 de la Convention de Bruxelles. Elle soutient qu'en application de l'article 6 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 applicable aux relations de courtiers, la loi applicable est la loi interne de l'Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel et que, dès lors qu'elle a son établissement en Allemagne, le droit allemand est applicable. Elle considère que la relation d'affaires entre les parties n'a plus été exécutée du fait de la société JB France à partir du moment où son représentant a refusé d'aller chez le fournisseur de fromages pour trouver une solution pour que le fromage corresponde aux spécificités exigées. Elle fait valoir que s'agissant d'un contrat de courtage, la société JB France n'a pas droit aux indemnités de cessation de contrat, qu'en application de la directive européenne et du droit allemand, l'indemnité due est égale au maximum à un an de commissions.
La société JB France, intimée, et appelante à titre incident, conclut à la confirmation du jugement sur la compétence, sur l'application de la loi française, sur le rejet des demandes de Mme X...-Y... et sur les condamnations prononcées à son encontre. Elle sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 58. 909,36 euros à titre d'indemnité de fin de contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2004, et celle de 19. 998 euros à titre d'indemnité complémentaire au titre de la fiscalité afférente à l'indemnité principale, avec intérêts au taux légal à compter de la même date. Elle demande à la Cour d'assortir le paiement des condamnations d'une astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de huit jours, d'ordonner la capitalisation des intérêts, de se réserver la liquidation de l'astreinte. Elle soutient qu'elle est intervenue en qualité de sous-agent commercial de Mme X...-Y..., qui en application de l'article 5. 1. b de la Convention de Bruxelles du 22 décembre 2000, la compétence est attribuée au lieu de la fourniture des services, c'est-à-dire au lieu où s'exécute la prestation caractéristique du contrat, et qu'en l'espèce la fourniture de services a consisté à démarcher et représenter, au nom et pour le compte des mandants de Mme X...-Y..., des acheteurs de spécialités fromagères sur le territoire français.
Elle considère qu'en application de l'article 6 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978, la loi applicable est la loi interne de l'Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire à son établissement professionnel, et qu'ayant son établissement à Dardilly en France, la loi française est applicable.
Elle fait valoir que Mme X...-Y... est responsable de la rupture du contrat d'agent commercial.
Elle réclame les commissions dues au titre des ventes réalisées par la société Kaserer Bayreuth avec la société SCSF du 1er janvier 2003 au 30 mars 2004, une indemnité de fin de contrat équivalente à 36 mois de commissions, l'indemnité de préavis de trois mois, ainsi que l'imposition dont elle sera redevable sur le versement de l'indemnité de fin de contrat
MOTIFS
Attendu qu'il résulte des articles 2 et 5 § 1 du règlement no44 / 2001 du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qu'en matière contractuelle, le demandeur peut porter son action outre devant les juridictions du lieu où demeure le défendeur, devant celles du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; que le lieu où l'obligation qui sert de base à la demande est, pour la fourniture de services, le lieu de l'Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; que quelle que soit la qualification des relations contractuelles entre les parties-contrat de courtage ou d'agence commerciale-, il s'agit bien de fourniture de services, qui ont été ou auraient été fournis par la société JB France sur le territoire français ; qu'en conséquence, la compétence de la juridiction française doit être retenue ;
Attendu que la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaire et de représentation est applicable aussi bien aux relations à caractère international se formant lorsqu'une personne, l'intermédiaire, a le pouvoir d'agir, agit ou prétend agir avec un tiers pour le compte d'une autre personne, le représenté, qu'aux relations entre un courtier et un donneur d'ordre ; que la loi applicable est la loi interne choisie par les parties et, à défaut, la loi interne de l'Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport contractuel, l'intermédiaire a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle ; que quelle que soit la nature des relations contractuelles entre les parties, la qualité d'intermédiaire est celle de la société JB France qui a son établissement professionnel en France ; qu'en conséquence, la loi française est applicable ;
Attendu qu'en application de l'article L 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; qu'il ne peut exercer sa profession que parce qu'il a reçu mandat d'agir au nom et pour le compte d'autrui, ce qui le distingue du commissionnaire ou du courtier ; que le contrat d'agent commercial, consensuel, peut ne pas faire l'objet d'un écrit ; qu'il incombe alors à celui qui se prétend agent commercial, en l'espèce la société JB France, d'en rapporter la preuve ;
Attendu qu'il résulte de la pièce no43 de l'intimée que les sociétés la Comtoise et Bayreuth ont correspondu directement pour établir les conditions de leurs relations ; que la facturation des marchandises a eu lieu directement entre elles ; que si les pièces produites par la société JB France, notamment celles numérotées 3 à 9 font apparaître que cette société préparait la planification des commandes et des livraisons qu'elle soumettait à l'accord de la société La Comtoise, il n'est pas établi qu'elle représentait de manière permanente le mandant de Mme X..., la société Bayreuth ; que rien ne permet de considérer qu'elle prenait des engagements pour le compte de Mme X...ou de la société Bayreuth, et que ces dernières se trouvent engagées par ses actes juridiques ; que si la société JB France a pu travailler, dans d'autres relations d'affaires, comme agent commercial, il n'est pas démontré sans équivoque que tel était le cas dans le courant d'affaires entre la société La Comtoise et la société La Bayreuth qui constitue le support du litige ; que les factures relatives aux commissions de la société JB France ne précisent pas à quelle titre celles-ci sont dues ; que les termes du courrier par lequel Mme X...a présenté, après la délivrance de l'assignation, une proposition transactionnelle n'emportent pas reconnaissance par elle de la qualité d'agent commercial de son adversaire ;
Attendu en conséquence que faute par elle de rapporter la preuve d'un contrat d'agent commercial, la société JB France doit être déboutée de ces demandes fondées sur la rupture de ce contrat ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Réforme le jugement entrepris,
Déboute la société JB France de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société JB France aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, autorisation de recouvrement direct par la SCP Brondel-Tudela, avoués.